Un cas d’épisclérite nodulaire granulomateuse associée à une cécité unilatérale - Le Point Vétérinaire expert canin n° 348 du 01/09/2014
Le Point Vétérinaire expert canin n° 348 du 01/09/2014

OPHTALMOLOGIE CANINE

Cas clinique

Auteur(s) : Bertrand Michaud

Fonctions : Clinique vétérinaire Le Colomby
25, chemin des places
01170 Cessy
www.vetophtalmo.fr
michaudveto@vetophtalmo.fr

La gestion médicale des déformations de la surface oculaire peut être complexe. Des traitements chirurgicaux sont parfois nécessaires, y compris pour obtenir un diagnostic.

Les lésions prolifératives de la surface de l’œil ont des causes diverses. Leur identification doit être rapide si elles ne régressent pas avec des traitements classiques. Des lésions internes peuvent être associées ou concomitantes aux atteintes superficielles et influer sur le choix thérapeutique. Une exploration la plus complète possible de tous les segments doit être entreprise. C’est la clé du diagnostic et la voie du traitement. Les lésions les plus importantes nécessitent souvent un traitement chirurgical avec ou sans greffe. Ces protocoles sont devenus classiques et donnent d’excellents résultats.

CAS CLINIQUE

1. Introduction

Une chienne golden retriever stérilisée de 5 ans est présentée à la consultation pour une baisse de l’acuité visuelle à droite (l’animal se cogne sur des obstacles connus, toujours sur son côté droit) et une déformation de l’œil droit (photo 1).

2. Anamnèse

Le propriétaire a constaté une déformation scléro-cornéenne temporale de l’œil droit progressant depuis plusieurs semaines. Aucun traitement n’est actuellement dispensé.

3. Examen clinique

La chienne est présentée en bon état général. L’examen clinique général ne révèle aucune anomalie.

4. Examen ophtalmologique

Examen à distance

L’examen à distance ne révèle aucun blépharospasme. Un épiphora séreux modéré est présent uniquement à droite. Une déformation scléro-cornéenne accompagnée d’une légère exophtalmie est notée à droite. L’œil gauche est normal. L’évaluation de la fonction visuelle par l’intermédiaire de la réponse au clignement à la menace et du test à la boule de papier permet d’identifier une cécité de l’œil droit et une vision normale à gauche.

Les réflexes photomoteurs directs et consensuels sont absents à droite, conservés pour l’œil gauche. La pupille de l’œil droit est en mydriase aréflexique.

Examen rapproché

L’examen de l’œil droit révèle la présence d’un épiphora séreux, d’une hyperhémie conjonctivale localisée de 8 à 14 heures. Deux nodules jaunâtres sont observés sous la conjonctive sclérale à 12 heures (photo 2a). Une lésion en relief est notée en regard de la sclère, à 9 heures, et semble s’étendre sur la cornée sous la forme d’un infiltrat cellulaire associé à des néo-vaisseaux de gros calibres, dans le stroma cornéen, semblant longer le limbe scléro-cornéen. Un œdème cornéen périlimbique est également observé en regard de la zone de chémosis. L’examen de l’œil gauche effectué à la lampe à fente est normal (photo 2b).

L’examen de la face interne de la troisième paupière après anesthésie topique (oxybuprocaïne, Cébésine®) est normale pour chaque œil.

L’examen du segment antérieur est normal.

5. Examens spécifiques

Une légère hypotension de l’œil droit est notée (la pression intraoculaire de l’œil droit mesurée à l’aide d’un TonoVet® est de 11 mmHg et de 16 mmHg pour l’œil controlatéral).

Une échographie oculaire (échographe Kontron Imagic®, sonde convexe 12,5 MHz) est alors réalisée après anesthésie topique de chaque œil, afin d’explorer l’infiltration tissulaire de cette lésion. L’examen de l’œil droit montre une lésion qui s’étend jusqu’à la face antérieure de l’iris à la limite des corps ciliaires (photos 3 et 4). L’examen de l’œil gauche est normal (photo 5).

Un examen ophtalmoscopique indirect après dilatation pupillaire complète (tropicamide, Mydriaticum®, 1 goutte toutes les 5 minutes, trois fois) est réalisé pour explorer la cécité droite. L’examen révèle des lésions multiples circulaires et pigmentées dans la zone du tapis à droite, ainsi qu’un aspect trouble et hypertrophié de la papille du nerf optique (œdème de la papille) (photo 6a). Aucune lésion macroscopique n’est observée pour l’œil gauche (photo 6b). Ces lésions témoignent de la présence d’une choriorétinite de l’œil droit associée à une névrite optique. Cette dernière explique la cécité constatée, mais aucun lien avec les lésions initialement explorées ne peut être fait à ce stade. Aucun examen permettant de caractériser le caractère évolutif de la lésion n’a été réalisé. Il aurait été possible de pratiquer une angiographie voire un examen OCT (tomographie en cohérence optique). Un éléctrorétinogramme aurait aussi pu être réalisé afin d’évaluer la fonction rétinienne. Cela n’a pas été souhaité par les propriétaires.

6. Hypothèses diagnostiques des lésions de l’œil droit

À ce stade de l’examen et en l’absence d’examens anatomo-fonctionnels rétiniens qui auraient été souhaitables, plusieurs hypothèses se dégagent.

→ Hypothèses concernant la déformation cornéenne :

– une épisclérite nodulaire granulomateuse ;

– une tumeur de la sclère ;

– une tumeur uvéale.

→ Hypothèses concernant la cécité :

– une névrite optique ;

– une choriorétinite unilatérale.

A priori, aucun lien ne peut être établi entre les lésions du segment antérieur et les lésions du segment postérieur.

Une biopsie cornéo-conjonctivale de la lésion en relief à 9 heures est alors proposée aux propriétaires afin d’affiner le diagnostic et de préciser le pronostic pour l’animal. Un traitement de l’inflammation est préféré.

6. Exploration de la cécité

Hypothèse d’une choriorétinite

Les choriorétinites chez le chien peuvent être d’origines infectieuse, néoplasique, traumatique ou liées à la présence d’un corps étranger [7, 15]. Une recherche sérologique concernant l’ehrlichiose, la toxoplasmose et la néosporose se sont toutes révélées négatives. L’implication d’agents responsables de mycoses comme l’aspergillose, la blastomycose et la cryptococcose n’a pas été explorée compte tenu du risque lié aux techniques de prélèvement pour identification. En ce qui concerne la paracentèse vitréenne associée à une culture fongique, le propriétaire s’y est opposé. De plus, aucun symptôme général ne permettait de suspecter une origine fongique et les formes localisées à une seule rétine sont rares.

La choriorétinite peut être écartée pour expliquer la cécité unilatérale compte tenu du faible nombre et de la petite taille des lésions qui ne semblent pas être localisées en regard de l’area centralis.

Hypothèse d’une névrite optique

Les formes primaires de névrite optique sont très rares [5]. Les causes de névrite optique secondaire sont une néoplasie, une infection virale (comme le virus de la maladie de Carré), des mycoses systémiques, la toxoplasmose ou une intoxication au plomb [1, 17, 14, 19]. La plupart du temps son origine est idiopathique [14].

Le diagnostic repose sur une analyse du liquide céphalo­rachidien pour rechercher des agents pathogènes ou déceler une méningite. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou la tomodensitométrie (CT) sont des aides précieuses pour étayer le diagnostic, localiser et mesurer l’atteinte [17].

L’examen CT et IRM ayant été refusés par le propriétaire, il n’a donc pas été possible de préciser l’étiologie de la névrite optique

Selon l’aspect clinique évoqué (importance de l’inflammation de la papille par rapport à celle des lésions de choriorétinite) et le niveau normal des réponses électrophysiologiques de la rétine droite, l’hypothèse de névrite optique paraît la plus vraisemblable pour expliquer la cécité unilatérale.

En raison de l’âge de l’animal et du caractère inflammatoire des lésions, le diagnostic privilégié est celui d’une épisclérite associée à une névrite optique.

7. Traitement initial

Un traitement de l’épisclérite et de la névrite optique est mis en place, il associe :

→ par voie générale : une corticothérapie systémique à jours alternés (prednisolone, Dermipred 20®) à 1 mg/kg/j, en deux prises pendant 10 jours, puis 0,5 mg/kg/j, en deux prises pendant 15 jours puis 0,5 mg/kg tous les 2 jours pendant 3 semaines. Ce traitement général a pour objectif de traiter la névrite optique puisque les topiques stéroïdiens ont une diffusion rétinienne très limitée.

→ par voie topique :

– une corticothérapie topique à base de dexaméthasone (Maxidex® quatre à six fois par jour pendant 15 jours) ;

– une antibiothérapie topique à l’aide de ciprofloxacine (Ciloxan® quatre à six fois par jour pendant 15 jours), en vue d’une intervention chirurgicale ou pour prévenir des complications bactériennes de conjonctivites ;

– injection sous conjonctivale de 0,2 ml de triamcinolone (Canitédarol®).

8. Suivi de l’œil droit

La chienne est revue 4 jours après la consultation initiale, une diminution de la taille des nodules est constatée ainsi que de l’hyperhémie conjonctivale et une augmentation de la pression intraoculaire (15 mmHg) de l’œil droit (photo 7). Les zones de choriorétinite semblent moins denses cependant l’aspect de la papille reste hypertrophié (photo 8). Le traitement est alors poursuivi.

Trois semaines après le début du traitement, la chienne est contrôlée (photo 9). À ce stade, seul le traitement corticoïde est poursuivi par voie générale. Des épisodes de vomissements répétés accompagnés de diarrhée ont été rapportés par le propriétaire. La pression intraoculaire est diminuée (12 mmHg) et la lésion temporale est toujours en relief. L’infiltration cornéenne est moins marquée, les néo-vaisseaux sont moins denses dans le stroma cornéen droit. La taille des lésions rétiniennes reste stationnaire.

En raison de l’intolérance à la corticothérapie systémique (polyuropolydypsie disproportionnée associée à une diarrhée), un traitement à base d’azathioprine à la dose de 2 mg/kg trois fois par jour pendant 10 jours est mis en place, cette dose sera réduite à 1 mg/kg trois fois par jour par la suite pour une durée de 15 jours [9]. Un traitement topique associant dexaméthasone, néomycine et polymyxine B (Maxidrol pommade®) est mis en place avec trois applications quotidiennes.

9. Évolution

La chienne est revue une semaine après la modulation du traitement pour un épisode de fatigue et de vomissements incoercibles. Les analyses biochimiques ont révélé une insuffisance hépatique (alanine aminotransférase [Alat] = 1 431 U/l, valeurs usuelles = 10 à 118 U/l) expliquée par les effets secondaires de la corticothérapie générale. Le traitement corticoïde par voie orale est alors interrompu. Seul est maintenu le Maxidrol pommade® auquel est ajouté de la ciclosporine A (Optimmune®) appliquée deux fois par jour pour ses effets immunomodulateurs (bien que moins puissante que les stéroïdes, la ciclosporine A présente une meilleure tolérance).

Lors du contrôle 6 semaines après le début du traitement, une disparition complète des deux lésions sclérales à 12 heures est notée, mais une proéminence très marquée de la masse à 9 heures est apparue malgré le traitement topique (photo 10a et 10b). La pression oculaire est basse (8 mmHg). Les néo-vaisseaux sont à nouveau développés dans le stroma cornéen. L’infiltration cellulaire cornéenne est à nouveau très marquée. L’examen ophtalmoscopique indirect montre des signes de régression des zones de choriorétinite (diminution de la taille et de la densité des tâches dans la zone du tapis) ainsi qu’un retour à la normale de l’aspect de la papille (photo 11). Cependant l’animal n’a pas recouvré la vue.

En raison des intolérances médicamenteuses et de l’insuffisance du traitement topique seul, une cure chirurgicale est proposée au propriétaire. La technique doit permettre d’individualiser et d’exciser la néoformation afin d’en faire l’étude histologique.

10. Traitement chirurgical

Après l’injection intraveineuse d’une association de médétomidine (Dormilan® Axience, France, à la dose de 20 µg/kg) et de kétamine (Kétamine Virbac® Virbac, France, à la dose de 5 mg/kg) un relais avec une anesthésie gazeuse (isoflurane, Vetflurane®) est instauré. Le site est préparé : désinfection de la zone périorbitaire à l’aide de Vétédine savon® puis de Vétédine solution®, lavage à l’eau stérile, désinfection de l’œil à l’aide de Vétédine solution® diluée à 1/50e).

Après avoir pratiqué une canthotomie latérale, une kératectomie lamellaire est réalisée associée à une sclérotomie à l’aide d’un couteau à cornée de Crescent, Angled Bevel Up, en suivant les marges de la lésion (photo 12). Puis le plan profond est disséqué (photo 13). Les deux tiers de l’épaisseur du stroma cornéen sont excisés (photo 14). Le prélèvement est alors envoyé pour un examen histologique. Une greffe conjonctivale pédiculée est alors mise en place et suturée à l’aide d’un monofilament 9/0 par des points simples (photo 15). La greffe conjonctivale a été préférée pour ses propriétés de drainage. L’impact visuel de la cicatrice est absent compte tenu de la cécité de l’œil concerné. La canthotomie latérale est suturée à l’aide d’un monofilament 5/0 (Prolène 5/0®) à l’aide de la technique du “lacet de bottine”.

Une injection sous-conjonctivale de triamcinolone est réalisée en fin d’intervention. Le traitement Maxidrol pommade® est reconduit pour 10 jours.

11. Analyse histologique et diagnostic définitif

L’analyse histologique de la pièce d’exérèse prélevée sur la conjonctive bulbaire de l’œil droit après coloration à l’hémalun-érythrosine-safran, de Wade-Fite, de Fontana-Masson, de Perls et au May-Grünwald-Giemsa révèle une lésion proliférative nodulaire, non encapsulée et bien délimitée, qui se développe dans le chorion conjonctival. Elle est constituée de plusieurs populations cellulaires distinctes : des cellules fusiformes, de 20 à 30 µm, dont les contours cytoplasmiques sont peu visibles, avec un noyau à chromatine décondensée, discrètement nucléolé, des cellules lymphoïdes (lymphocytes et plasmocytes), sans atypie, des neutrophiles viables et des cellules histiocytaires. Ces dernières, polygonales, de 20 à 25 µm, possèdent un abondant cytoplasme faiblement coloré, renfermant parfois de la mélanine et un noyau réniforme à chromatine fine, excentré. Il existe moins d’une mitose pour 10 champs au grossissement 400. Aucun agent pathogène n’est présent dans le prélèvement (colorations spéciales) (photo 16a, 16b et 16c).

Le diagnostic d’épisclérite granulomateuse nodulaire est confirmé. La névrite optique semble être à l’origine de la cécité droite.

12. Évolution postopératoire

La chienne est revue 3 jours, 10 jours puis 3 semaines après l’intervention (photos 17, 18, 19). Le lambeau se vascularise bien jusqu’à J10, le traitement topique est alors interrompu. Lors du contrôle à J20, le lambeau est bien intégré dans le stroma cornéen, l’hyperhémie du lambeau est alors moins prononcée. Les néo-vaisseaux et l’œdème cornéen sont complètement résorbés.

Une échographie de contrôle est réalisée 3 semaines après l’intervention, elle met en évidence la disparition complète de l’inflammation en regard de l’iris droit.

DISCUSSION

1. Épisclérite nodulaire granulomateuse

Étiologie

De nombreux troubles du limbe cornéo-scléral sont rapportés dans les publications vétérinaires, ils ressemblent à l’histiocytome fibreux cornéo-scléral chez l’homme. Différentes dénominations ont été associées à ces troubles : fascïte nodulaire, histiocytome fibreux, kérato-conjonctivite proliférative, granulome limbique, pseudo-tumeur et granulome du Colley [2, 3]. Lors de la synthèse des articles portant sur le sujet, il apparaît que la plupart des affections se manifestent par un processus inflammatoire initial similaire et la dénomination d’épisclérite nodulaire granulomateuse (ENG) fondée sur des critères morphologiques permet de les rassembler sous une même appellation [6, 15].

Épidémiologie et diagnostic

Les masses peuvent être décrites lors de l’examen ophtalmologique comme uniques (comme dans le cas présenté) ou multiples, en relief et charnues. Elles apparaissent au limbe cornéo-scléral et infiltrent le stroma cornéen adjacent. La membrane nictitante peut être impliquée. Une prédisposition raciale est notée chez le colley, le cocker spaniel et le berger des shetlands. Les lésions ont tendance à être bilatérales chez le colley et rechutent fréquemment malgré le traitement mis en place [3].

L’histologie permet d’observer des lésions d’inflammation granulomateuse chronique. Les populations cellulaires observées dans le cas décrit sont des histiocytes, des lymphocytes et des plasmocytes comme ce qui est relaté dans les publications scientifiques [4]. Il peut arriver de déceler une accumulation de cellules épithéliales et fibroblastiques, de fibrine et de néo-vascularisation avec infiltration de polynucléaires neutrophiles. L’épisclérite nodulaire ressemble à la sclérite non nécrosante, mais ces deux entités sont différentes de l’ENG et de la fascïte oculaire [2, 6, 9].

Une seule étude a révélé la présence d’histiocytes métaboliquement actifs dans un cas d’ENG. Un examen au microscope électronique à balayage a mis en évidence la proéminence des nucléoles et le grand nombre de lysosomes [18]. Dans ce cas, les lymphocytes isolés étaient supposés être des lymphocytes T en raison de la présence de polyribosomes dispersés et du manque de réticulum endoplasmique rugueux. La production de lymphokines par les lymphocytes T et le chimiotactisme généré par les histiocytes sont une façon d’expliquer la pathogénie des ENG [7]. Étant donné que l’azathioprine et la cyclosporine sont des inhibiteurs des cellules T, il paraît logique qu’ils puissent être utiles dans le traitement des ENG [15].

Traitement

En général, les ENG sont bénignes et ont une bonne réponse à un traitement associant l’azathioprine per os et un corticostéroïde par voie topique [8]. Une kératectomie lamellaire adjointe d’une injection in situ de corticostéroïdes et d’une irradiation (7 500 rads par site chirurgical) est décrite [7].

Une biochimie ainsi qu’une numération et une formule sanguines doivent être réalisées avant la mise en place de l’azathioprine dont les effets toxiques possibles sont d’origines gastro-intestinale (vomissements, hémochésie, diarrhée) et hépatique. Des risques d’aplasie médullaire sont rapportés ce qui peut limiter les options thérapeutiques comme cela a pu être constaté chez le chien traité.

L’azathioprine est habituellement utilisée par voie orale dans le cadre des ENG à une dose de 1,5 à 2 mg/kg une fois par jour pendant 3 à 10 jours, puis à 0,75 à 1 mg/kg une fois par jour pendant 10 à 15 jours [11]. La plupart des chiens peuvent être ensuite maintenus en rémission à l’aide de doses de cyclosporine A de 1 à 2 mg/kg tous les 3 à 7 jours pendant 1 à 8 mois puis le traitement est interrompu [7, 8]. La cyclosporine A peut être conjointement utilisée par voie topique avec un corticostéroïde associé, néanmoins un de ces deux traitements topiques devra être poursuivi lorsque la masse aura disparu afin de prévenir toute récidive [7, 15]. La cyclosporine peut être utilisée par voie générale en cas d’échec ou d’intolérance aux autres traitements (bien que les insuffisances rénale ou hépatique soient des conditions préexistantes proscrivant l’utilisation de la cyclosporine A) [7, 15]. La dose initiale est de 5 mg/kg/j pendant 1 mois puis est réduite de moitié (2,5 mg/kg/j) pendant 3 mois. Il est nécessaire de réaliser des contrôles biochimiques et hématologiques après 2 semaines de traitement avec de la cyclosporine puis toutes les 4 semaines jusqu’à 10 semaines de traitement.

D’autres thérapeutiques fondées sur l’injection sous-conjonctivale ou intralésionnelle de corticostéroïdes ainsi que la cryothérapie ont été proposées [20]. Un protocole récent pour les chiens de plus de 10 kg propose l’association de 500 mg de niacinamide (vitamine hydrosoluble faisant partie du groupe des vitamines B) et de 500 mg de tétracyclines, trois fois par jour [10]. Lorsqu’une amélioration est constatée, l’administration est poursuivie une à deux fois par jour. L’efficacité de ces traitements n’a pas été cliniquement prouvée, cependant, il semble plus logique de se référer aux traitements traditionnels [7].

Pronostic

Le pronostic lésionnel des ENG est bon si les démarches diagnostique et thérapeutique sont bien conduites [7]. Les échecs thérapeutiques sont rares si les médications per os sont bien tolérées et si le traitement topique permet de contrôler les rechutes [15].

2. Névrite optique

La névrite optique est une forme de méningo-encéphalite granulomateuse (MEG) à manifestation optique [5, 12]. Elle se caractérise par une soudaine perte de la vision de façon uni- ou bilatérale. Les pupilles sont en mydriase aréactive [5].

Une dégénérescence rétinienne aiguë, une encéphalite (postinfectieuse ou non) et un processus néoplasique primaire ou métastatique entraînant un engagement cérébral font partie du diagnostic différentiel d’une cécité aiguë [5]. Dès les premiers signes de cécité, les nerfs optiques apparaissent hyperhémiés et œdémateux à l’examen du fond d’œil [5, 14]. Avec un traitement glucocorticoïde, l’inflammation se réduit et la vue peut revenir [5]. De multiples épisodes de ce genre peuvent se suivre, répondant généralement de moins en moins bien à la corticothérapie.

Anciennement appelée réticulose primaire, chez l’homme comme chez le chien, la névrite optique correspond à une prolifération de cellules réticulo-endothéliales. Elle se caractérise par une infiltration histiocytaire et lymphoplasmocytaire diffuse des segments oculaires profonds, des nerfs optiques, du chiasma, voire des tractus optiques [5, 12]. Des lésions disséminées dans le système nerveux central peuvent accompagner cette atteinte des voies optiques. Les caractéristiques du phénomène prolifératif et la distribution des lésions classent cette affection parmi les processus inflammatoire ou néoplasique (lymphome) [5]. L’origine des MEG reste inconnue. Certaines publications avancent l’hypothèse d’une réponse immunitaire à un agent viral [14].

3. Relation entre les deux affections

Aucune étude n’évoque la synchronicité de ces deux atteintes chez le chien. Cependant le caractère inflammatoire granulomateux est commun entre ces deux entités. Sans pouvoir le prouver, il est probable qu’un phénomène inflammatoire ait pu atteindre le nerf optique et la sclère d’un même œil, comme dans le cas présenté. Une telle association n’a pas été trouvé dans les données scientifiques.

Conclusion

Ce cas clinique illustre les difficultés cliniques de mise en place et de tolérance des médications à dose immunosuppressive à l’égard de maladies oculaires comme l’épisclérite granulomateuse nodulaire. Même si la névrite optique (responsable de la cécité) et l’ENG semblent d’étiologie différente dans ce cas, le synchronisme d’apparition des deux affections sur un seul œil et l’absence d’identification d’une étiologie commune laisse entrevoir la possibilité d’un phénomène inflammatoire important ayant pu générer les lésions constatées.

Références

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Conflit d’intérêts

Aucun.

POINTS FORTS

→ Une déformation de la surface de l’œil persistante et rebelle aux traitements doit être explorée.

→ Une échographie oculaire est le premier examen spécifique à utiliser.

→ Le contrôle doit comprendre tous les segments de l’œil, avec ou sans cécité.

→ La kératectomie et la sclérectomie lamellaire ont été le traitement curatif d’une épisclérite nodulaire granulomateuse.

→ Lorsqu’une cécité est concomitante à une atteinte superficielle de l’œil, sa cause doit être recherchée et, le cas échéant, un traitement spécifique instauré.

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