L’hyperostose vertébrale engainante et la spondylose vertébrale : caractéristiques radiographiques et à l’IRM - Le Point Vétérinaire expert canin n° 348 du 01/09/2014
Le Point Vétérinaire expert canin n° 348 du 01/09/2014

RHUMATOLOGIE

Analyse d’article

Auteur(s) : Quentin Cabon

Fonctions : Service de chirurgie, VetAgro Sup
1, avenue Bourgelat
69260 Marcy-L’Étoile

Les “raideurs” sont un motif de consultation fréquent. À la suite d’un examen orthopédique et neurologique, la radiographie est l’examen de choix en première intention dans l’exploration de ces troubles. Des lésions radiographiques telles qu’une spondylose vertébrale (spondylosis deformans ou SD) ou une hyperostose vertébrale engainante (disseminated or diffuse idiopathic spinal hyperostosis ou Dish) peuvent être observées, et sont parfois des découvertes fortuites, dont l’importance clinique est souvent difficile à préciser. Lorsque l’animal présente une dorsalgie, une raideur lombaire ou des signes neurologiques discrets, leur implication dans la symptomatologie, partielle ou totale, est également délicate à établir.

DEUX ENTITÉS À PART ENTIÈRE

Bien qu’elles représentent toutes deux une néoformation osseuse en regard du rachis, la Dish et la SD sont deux entités distinctes [3, 10]. Elles affectent préférentiellement les animaux âgés [3]. Les deux maladies peuvent s’observer chez un même individu, et 68 % des chiens atteints de Dish présentent aussi des lésions de SD, tandis que l’inverse est vrai chez 14 % des chiens [3].

La Dish est une affection non inflammatoire diffuse qui affecte le squelette axial et appendiculaire, et qui se caractérise par une ossification des tissus mous, tels que le ligament longitudinal ventral et les zones d’insertion des tendons et des capsules articulaires [3, 4]. Cette entité pathologique a été décrite chez l’homme pour la première fois en 1950, sous le nom de maladie de Forestier [4]. Sa cause reste, à ce jour, inconnue, mais un phénomène héréditaire est suspecté, notamment chez le boxer [6]. Dans un essai mené sur 2 000 chiens, la prévalence de la Dish était de 3,8 % et s’élevait à 40,6 % chez le boxer [3]. Dans l’étude présentée ici, près de la moitié des animaux présentant une Dish sont des boxers. Cliniquement, la Dish reste le plus souvent asymptomatique. Toutefois, elle peut s’accompagner de dorsalgies, de raideurs, et de limitation de l’amplitude des mouvements rachidiens [3, 4, 8]. Dans les cas avancés, une compression médullaire est parfois observée, en association avec des signes d’atteinte médullaire marquée [3, 4]. Le diagnostic radiographique de la Dish passe par la présence d’une calcification et d’une ossification lisse et homogène à l’aspect ventro-latéral d’au moins trois ou quatre corps vertébraux, la préservation relative de la largeur des espaces intervertébraux et l’absence de signe de dégénérescence discale [2-5, 8]. Ces critères permettent, notamment, de différencier la Dish de la SD [5]. Selon l’étude présentée ici, l’IRM précise la différenciation entre les deux affections.

La SD est une affection commune, non inflammatoire, dégénérative, centrée sur l’espace intervertébral et caractérisée par une ostéophytose vertébrale [7]. Sa prévalence est de 18 %, avec, là encore, une prédisposition pour le boxer, chez qui elle est comprise entre 55,1 % et 84 % [1, 3]. Cette maladie pourrait avoir une origine héréditaire dans cette race [1, 6]. Les signes cliniques semblent plus fréquents qu’avec la Dish, et sont caractérisés par une raideur, des boiteries, des dorsalgies et des anomalies de la démarche, parfois dues à une compression des racines nerveuses au niveau du foramen intervertébral [1, 3, 7]. Le diagnostic de SD repose sur la mise en évidence d’une ostéophytose vertébrale prenant sa source à la périphérie de la plaque terminale du corps vertébral et des plaques terminales sclérotiques. La sévérité de la SD est décrite selon trois grades (présence de “becs osseux” dans la portion ventrale des corps vertébraux, ossification entre les corps vertébraux ou pontage complet de l’aspect ventral des corps vertébraux).

Dans l’étude présentée, 14 chiens ont subi une intervention chirurgicale (foraminotomie, mini-hémilaminectomie, laminectomie dorsale, corpectomie latérale), avec de bons résultats.

BIOMÉCANIQUE SPINALE EN CAS DE DISH ET DE SD

Une complication connue des fusions vertébrales est le développement de lésions des segments intervertébraux adjacents, appelé l’effet domino [9]. Une étude chez le chien a montré que la diminution de mobilité vertébrale lors de Dish ou de SD est corrélée à une dégénérescence discale des segments adjacents, tandis que le disque situé au sein de la fusion semble protégé [9]. Chez l’homme, les patients souffrant de Dish sont également à risque de fracture vertébrale secondaire à un traumatisme mineur. Chez le chien, un seul cas a été rapporté [5].

La production d’ostéophytes en cas de SD est initiée par une faiblesse de la zone d’attache de la plaque vertébrale terminale au disque, qui a pour conséquence des déchirures de l’anneau fibreux et de petites hernies ventro-latérales [7]. La spondylose vertébrale a ainsi été associée à des hernies discales protrusives, ce qui semble confirmé par l’étude présentée, où la dégénérescence discale est significativement plus marquée en cas de SD que de Dish [7].

Dernièrement, des anomalies de la colonne vertébrale dorsale ont été associées à des lésions de Dish chez 10 chiens, ayant comme répercussion une sténose marquée du canal vertébral chez 6 d’entre eux [2]. Il existe ainsi une association possible entre des lésions de Dish et une hypertrophie des structures vertébrales dorsales [2].

Conclusion

La Dish est une affection peu fréquente, souvent associée à une spondylose vertébrale. Elle a longtemps été sous-diagnostiquée et considérée comme une spondylose vertébrale sévère. En cas de signes cliniques, un examen d’imagerie tel un IRM ou un myéloscanner est requis pour effectuer un bilan précis des lésions et déterminer leur implication dans la symptomatologie.

Références

  • 1. Carnier P, Gallo L, Sturaro E et coll. Prevalence of spondylosis deformans and estimates of genetic parameters for the degree of osteophytes development in Italian boxer dogs. J. Anim. Sci. 2004;82:85-92.
  • 2. De Decker S, Volk H. Dorsal vertebral column abnormalities in dogs with disseminated idiopathic skeletal hyperostosis (DISH). Vet. Rec. 2014;174:632-637.
  • 3. Kranenburg HC, Voorhout G, Grinwis GC et coll. Diffuse idiopathic skeletal hyperostosis (DISH) and spondylosis deformans in purebred dogs: A retrospective radiographic study. Vet. J. 2011;190:84-90.
  • 4. Kranenburg HC, Westerveld LA, Verlaan JJ et coll. The dog as an animal model for DISH? Eur. Spine J. 2010;19:1325-1329.
  • 5. Kornmayer M, Burger M, Amort K et coll. Spinal fracture in a dog with diffuse idiopathic skeletal hyperostosis. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2013;26:76-81.
  • 6. Langeland M, Lingaas F. Spondylosis deformans in the Boxer: estimates of heritability. J. Small Anim. Pract. 1995;36:166-169.
  • 7. Levine GJ, Levine JM, Walker MA et coll. Evaluation of the association between spondylosis deformans and clinical signs of intervertebral disk disease in dogs: 172 cases (1999-2000). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;228:96-100.
  • 8. Morgan JP, Stavenborn M. Disseminated idiopathic skeletal hyperostosis (DISH) in a dog. Vet. Radiol. Ultrasound. 1991;32:65-70.
  • 9. Ortega M, Goncalves R, Haley A et coll. Spondylosis deformans and diffuse idiopathic skeletal hyperostosis (DISH) resulting in adjacent segment disease. Vet. Radiol. Ultrasound. 2012;53:128-134.
  • 10. Woodard JC, Poulos PW, Parker RB et coll. Canine diffuse idiopathic skeletal hyperostosis. Vet. Pathol. 1985;22:317-326.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer les signes cliniques, les lésions radiographiques et à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), et le statut dégénératif des disques intervertébraux lors d’hyperostose vertébrale engainante (disseminated or diffuse idiopathic spinal hyperostosis ou Dish) et de spondylose vertébrale (spondylosis deformans ou SD), afin de préciser ces deux entités.

MÉTHODE

Étude rétrospective menée sur 18 chiens présentés pour des signes cliniques d’atteinte médullaire, chez lesquels un diagnostic radiographique de Dish ou de SD a été réalisé. Sur les examens d’IRM, l’intensité du signal des néoformations osseuses a été mesurée sur les séquences T2 sagittales et un score de dégénérescence discale a été établi pour chaque disque.

RÉSULTATS

• 18 chiens ont été inclus dans l’étude, dont 7 boxers, pour un poids médian de 31 kg.

• Une prédisposition des femelles a été observée (17 femelles sur 18 chiens).

• 100 segments vertébraux sur 118 étudiés montrent des signes de néoformation osseuse : 48 Dish, 33 SD et 19 qui n’ont pu être classés.

• La Dish (14 chiens sur 18) affecte préférentiellement L5-L6, avec une moyenne de 3,66 corps vertébraux touchés.

• La SD (18 chiens sur 18) apparaît centrée sur l’espace intervertébral, avec une indépendance de chaque lésion entre deux espaces intervertébraux. Elle concerne préférentiellement L7-S1, suivi de L2-L3 et de L3-L4.

• À l’IRM, 11 chiens présentent une sténose foraminale unilatérale, 5, une protrusion discale en regard d’un site adjacent à une lésion de Dish.

• La dégénérescence discale est significativement inférieure sur les espaces affectés par la Dish, en comparaison de ceux qui présentent une SD.

• L’intensité du signal IRM des néoformations osseuses est significativement inférieure dans la SD, par rapport à la Dish.

• Un traitement chirurgical a été entrepris chez 14 animaux.

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