Exploration de l’hémostase chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire n° 348 du 01/09/2014
Le Point Vétérinaire n° 348 du 01/09/2014

MÉDECINE INTERNE

Dossier

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Fonctions : 262, rue Persigny
42640 Saint-Germain-Lespinasse

La connaissance et la maîtrise des conditions de prélèvement et des tests de laboratoire sont requises à de bonnes utilisation et interprétation des outils diagnostiques de l’hémostase.

Les troubles de l’hémostase sont fréquemment rencontrés en urgence. Leur diagnostic étiologique doit être rapide afin de mettre en place un traitement efficace. Les commémoratifs et l’anamnèse sont très importants à connaître, notamment d’éventuels troubles de l’hémostase lors d’interventions chirurgicales antérieures et les vaccinations en cours.

1 Signes cliniques d’un désordre hémostatique

L’examen clinique met en évidence des hémorragies focales ou multifocales, aiguës ou chroniques, telles que des ecchymoses, des pétéchies, des hématomes, des hémorragies cavitaires et des saignements externes. L’augmentation du temps de saignement après une ponction veineuse signe une coagulopathie sévère [1].

2 Analyses et conditions du prélèvement sanguin

Pour obtenir une numération et une formule sanguines et un comptage plaquettaire corrects, le prélèvement doit être effectué sur une veine de gros calibre avec une aiguille d’un diamètre important (à adapter selon la taille de l’animal), en évitant les dépressions, et sur anticoagulant (EDTA ou citrate). Chez le chat, les amas plaquettaires et les macroplaquettes se rencontrent fréquemment : les tubes CTAD (solution de citrate de sodium tamponnée, théophylline, adénosine, dipyridamole) sont donc particulièrement indiqués [2]. Le prélèvement doit être analysé dans les 5 heures lors de conservation à 20 °C ou dans les 24 heures à 4 °C [3].

Le comptage plaquettaire ne doit pas relever uniquement des résultats d’un automate. Celui-ci ne comptabilise ni les agrégats plaquettaires ni les macroplaquettes, et ne détecte pas toujours leur présence. Il sous-estime alors la numération. Seul un examen du frottis sanguin, en l’absence d’agrégats plaquettaires et en corrélation avec la numération plaquettaire automatique, confirme ou infirme une thrombopénie (un thrombocyte pour vingt hématies) (photo 1). L’examen se pratique au grossissement × 1 000, avec de l’huile à immersion, en réalisant un comptage moyen sur dix champs choisis dans la zone de monocouche du frottis. Le nombre moyen par champ obtenu est multiplié par 15 pour établir une estimation du comptage plaquettaire sous la forme N plaquettes × 109/l, comme l’automate. Un chien ou un chat possède généralement huit à dix plaquettes par champ au grossissement × 1 000. Chez le chat, l’étude de Norman a révélé 3,1 % de vraies thrombopénies sur 71 % de comptages en deçà des normes [4].

3 Tests diagnostiques

La coagulation plasmatique est analysée dans un premier temps par des tests globaux.

Temps de saignement

Le temps de saignement consiste à réaliser une incision à l’oreille et à mesurer le temps nécessaire à l’arrêt du saignement. Il doit être de 2 à 4 minutes.

Temps de coagulation

Le temps de coagulation se mesure après une ponction sanguine sur un tube sec qui est retourné régulièrement à 38 °C. La norme se situe entre 10 et 12 minutes.

Test globaux

Les autres tests globaux (temps de céphaline activée, temps de Quick et temps de thrombine) apprécient le temps nécessaire à l’obtention d’un caillot après la mise en contact des réactifs.

Les produits de dégradation de la fibrine (PDF : fragments de fibrinogène et de fibrine soluble) sont issus de l’activation de la plasmine et leur présence indique une fibrinolyse accrue. Les D-dimères sont les produits de dégradation de la fibrine insoluble. Leur dosage est plus spécifique pour la fibrinolyse. Chez le chien, une concentration de D-dimères inférieure à 1 000 ng/ml exclut le plus souvent une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) [5]. Cependant, la confirmation d’une CIVD requiert de réaliser conjointement a minima les mesures des PDF et des D-dimères.

Le fibrinogène est un facteur de la coagulation synthétisé par le foie qui forme le caillot après transformation de la fibrine. Il est effondré lors de CIVD (seule indication de ce test en pratique). Des conditions de prélèvement précises doivent être respectées : ponction veineuse franche, pas d’hémolyse, sur tube au citrate de sodium à 3,2 %.

Tests analytiques

Les tests analytiques permettent d’identifier l’activité des facteurs impliqués dans la coagulation sanguine. Le principe est de rechercher le temps de coagulation d’un plasma chimère. Ce dernier est un mélange du plasma du malade avec un plasma “du commerce” dépourvu du facteur à rechercher. L’activité de tous les facteurs peut ainsi être dosée séparément. Le choix du facteur à mesurer dépend de l’orientation donnée par les résultats des tests globaux. Selon la maladie sous-jacente, des animaux peuvent présenter une thrombopénie ou une thrombopathie sans anomalie significative des tests de coagulation. À l’inverse, certains présentent parfois des anomalies des tests de la coagulation en l’absence de thrombopénie [3, 5].

4 Myélogramme

Le myélogramme évalue la population des mégacaryocytes quant à leur nombre, leur morphologie et leur stade de maturation (mégacaryopoïèse). Cela permet de rechercher un éventuel défaut de production centrale des thrombocytes, une augmentation de leur consommation ou leur destruction périphérique. La réalisation de biopsies médullaires au trocart permet une appréciation plus précise que le myélogramme du nombre de mégacaryocytes, de la myélofibrose ou de la nécrose (photo 2) [5].

5 Autres tests

D’autres tests de dépistage d’anomalies de la coagulation, en particulier dans la confirmation d’une coagulation intravasculaire disséminée, incluent le dosage de l’antithrombine, le temps d’activation de la prothrombine ou le temps d’activation de la thromboplastine (tableau) [5]. La thrombo-élastographie, étude in vitro de la cinétique de formation d’un caillot sur sang total, est une évaluation globale intéressante de l’hémostase. La thrombo-élastométrie représente une amélioration de la thrombo-élastographie traditionnelle, et mesure les interactions entre les facteurs de la coagulation, les inhibiteurs et les composants cellulaires pendant les phases de la coagulation et de la lyse ultérieure au cours du temps. Ces techniques ne sont pas encore disponibles en routine pour les vétérinaires [6].

Conclusion

La recherche d’un trouble de l’hémostase est motivée par des signes cliniques, un saignement accru pendant et/ou après une intervention chirurgicale et l’existence d’affections favorisantes. Il convient de réaliser a minima un test de saignement, un temps de coagulation et une numération plaquettaire, qui peuvent identifier grossièrement un statut normocoagulable. Lors de signes cliniques évocateurs, la démarche diagnostique s’appuie en priorité sur l’anamnèse et la clinique qui permettent d’orienter les tests diagnostiques au fur et à mesure, afin de déterminer l’origine de la coagulopathie.

Références

  • 1. Brooks MB, De Laforcade A. Acquired coagulopathies. In: Weiss DJ, Wardrops KJ, eds. Schalm’s veterinary hematology. 6th ed. 2010:654-660.
  • 2. Granat F, Geffré A, Braun JP et coll. Comparison of platelet clumping and complete blood count results with Sysmex XT-2000iV in feline blood sampled on EDTA or EDTA plus CTAD (citrate, theophylline, adenosine and dipyridamole). J. Feline Med. Surg. 2011;13(12):953-958.
  • 3. Herring J, McMichael M. Diagnostic approach to small animal bleeding disorders. Top. Compan. Anim. Med. 2012;27(2):73-80.
  • 4. Norman EJ, Barron RC, Nash AS et coll. Prevalence of low automated platelet counts in cats: comparison with prevalence of thrombocytopenia based on blood smear estimation. Vet. Clin. Pathol. 2001;30(3):137-140.
  • 5. Russell KE. Platelet kinetics and laboratory evaluation of thrombocytopenia. In: Weiss DJ, Wardrops KJ, eds. Schalm’s veterinary hematology. 6th ed. 2010:576-585.
  • 6. Vilar-Saavedra P, Hosoya K. Thromboelastographic profile for a dog with hypocoagulable and hyperfibrinolytic phase of disseminated intravascular coagulopathy. J. Small Anim. Pract. 2011;52(12):656-659.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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