L’ostéosarcome du tibia proximal : une complication à long terme de l’ostéotomie de nivellement du plateau tibial ? - Le Point Vétérinaire expert canin n° 346 du 01/06/2014
Le Point Vétérinaire expert canin n° 346 du 01/06/2014

CANCÉROLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Quentin Cabon

Fonctions : Service de chirurgie, VetAgro Sup,
campus vétérinaire de Lyon,
1 avenue Bourgelat,
69260 Marcy l’Etoile

L’ostéosarcome est un cancer qui siège dans la métaphyse osseuse, notamment sur l’humérus proximal et le radius distal.

Il représente la tumeur osseuse primaire la plus fréquente et affecte le tibia proximal dans 7 à 10 % des cas [7].

Plusieurs cas de tumeur osseuse associée à des implants orthopédiques ont été décrits, notamment lors d’ostéosynthèse ou d’ostéotomie de nivellement du plateau tibial (tibial plateau leveling osteotomy, ou TPLO) [14].

COMPLICATIONS DE LA TPLO

L’objectif de la TPLO est de modifier l’anatomie du grasset pour annuler la poussée tibiale craniale. Cette technique implique la réalisation d’une ostéotomie radiale, ainsi que la mise en place d’une plaque et de vis en acier inoxydable.

Depuis la description de cette méthode, de nombreuses publications, reprises dans un article de synthèse, ont fait état des complications potentielles qui peuvent y être liées [4]. Ces dernières sont principalement une infection, un sérome, une lésion méniscale tardive, une tendinite patellaire, une fracture de la tubérosité tibiale, de la fibula ou de la patelle, une ostéomyélite, une luxation médiale de la rotule et une fracture d’implants [4].

Le développement de sarcomes osseux (ostéosarcome ou sarcome histiocytaire) sur des tibias opérés par une TPLO a été décrit récemment dans des cas isolés (sept cas déjà décrits) et aucune série n’a été publiée avant l’article présenté ici [1, 5, 10, 15].

SARCOMES OSSEUX ASSOCIÉS À DES IMPLANTS

Plusieurs descriptions de sarcomes osseux qui se sont développés sur des sites d’ostéosynthèse sont rapportées dans les publications [14, 17]. Le fémur semble être le segment osseux le plus fréquemment affecté [14]. La diaphyse étant le site préférentiel des sarcomes osseux associés à des implants orthopédiques (à l’inverse, la métaphyse est plus fréquemment touchée en cas d’ostéosarcome spontané), un lien de causalité entre les implants orthopédiques et l’ostéosarcome a été avancé [14]. Plusieurs hypothèses sur ce phénomène ont été proposées, parmi lesquelles l’effet biologique du métal relâché par les implants, la corrosion des implants métalliques, l’inflammation ou l’infection chronique, le délai de guérison osseuse ou encore la diminution de vascularisation de l’os fracturé [14]. Le délai moyen entre l’ostéosynthèse et le diagnostic d’ostéosarcome est de 5,8 ans, ce qui se rapproche des données de l’étude de Selmic [14].

Durant de nombreuses années, la TPLO devait être réalisée avec la plaque conçue par Slocum, produite par moulage d’un acier inoxydable 316 L. Des techniques plus modernes, telles que le corroyage, permettent d’obtenir des implants en acier inoxydable 316 L plus solides et moins soumis à la corrosion. Les tissus situés au pourtour de la plaque de TPLO peuvent faire l’objet de réactions secondaires néfastes, en réponse à la corrosion de celle-ci. Ces effets pourraient ainsi provoquer le développement des sarcomes associés aux implants orthopédiques [6, 8]. Des débris, provenant de la plaque de TPLO, ont été observés en positions intracellulaire et extracellulaire chez un chien [5]. Ces réactions tissulaires semblent plus rares avec les plaques récentes, fabriquées par corroyage [1].

Dans une enquête, 23 cas de tumeur maligne osseuse ont été rapportés sur 30 636 TPLO, ce qui représente une prévalence de 0,075 % et qui correspond à une multiplication du risque de présenter un sarcome osseux par 4,4, par rapport au développement spontané de cette tumeur sur le tibia proximal [12]. La TPLO, et plus précisément l’interaction entre les implants et les tissus environnants, semble être un facteur de risque d’apparition d’un sarcome osseux [1].

PRONOSTIC ET PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

Le pronostic de survie lors d’ostéosarcome secondaire à une TPLO, traité par une amputation associée à une ou à plusieurs molécules de chimiothérapie, est de 313 jours, comparable aux données sur les ostéosarcomes appendiculaires. La médiane de survie après une amputation sans traitement complémentaire est de 19,2 semaines, soit 134 jours [13]. L’association d’un agent de chimiothérapie tel que le cisplatine à une amputation améliore significativement la médiane de survie (290 jours versus 168 jours) [16]. Il en va de même avec la doxorubicine et le carboplatin en utilisation combinée (235 jours) ou alternée (258 jours) [2, 3]. L’amputation associée à une chimiothérapie reste le traitement de choix à l’heure actuelle. Cependant, aucun protocole de chimiothérapie ne semble supérieur aux autres en matière de médiane de survie. L’emploi des bisphosphonates, tel que le pamidronate, est en cours d’investigation. Cette molécule induit une apoptose des ostéoclastes qui a pour effet de diminuer la destruction osseuse focale, phénomène connu pour être douloureux. Bien que l’action analgésique du pamidronate n’ait pu être formellement mise en évidence chez le chien, son administration en association avec le carboplatin en phase postopératoire d’une amputation est sécuritaire et augmente de façon non significative les médianes de survie (311 versus 294 jours) [9, 11].

Conclusion

L’ostéosarcome du tibia proximal est une complication à long terme potentielle de la TPLO. Bien que de nouvelles études soient nécessaires, le lien de causalité entre l’apparition d’un ostéosarcome et la présence de l’implant orthopédique est très probable. Le pronostic et les modalités thérapeutiques sont identiques à ceux des ostéosarcomes appendiculaires spontanés.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Décrire le signalement, le grade clinique, les modalités de traitement et la durée de survie de chiens qui ont développé un ostéosarcome du tibia proximal, préalablement opérés par une technique d’ostéotomie de nivellement du plateau tibial (tibial plateau leveling osteotomy, ou TPLO) pour la correction d’une rupture du ligament croisé cranial.

MÉTHODE

Étude rétrospective menée dans huit centres hospitaliers nord-américains sur une période de 15 ans. Les chiens inclus dans l’essai présentaient un ostéosarcome et ont fait l’objet d’une technique de TPLO sur le même genou, a minima un an avant la survenue de l’ostéosarcome.

RÉSULTATS

• 29 chiens ont été inclus, d’un âge moyen de 9,2 ans pour un poids médian de 45,1 kg.

• Une boiterie (28 chiens sur 29, dont 9 avec une suppression d’appui) et une tuméfaction des tissus mous en regard du tibia proximal (17/29) sont les signes cliniques les plus fréquents.

• 5 chiens ont présenté des métastases lors du bilan d’extension initial.

• La durée moyenne entre la réalisation de la TPLO et le diagnostic d’ostéosarcome est de 5,3 ans.

• 11 chiens ont reçu un traitement à visée curative : une amputation et une chimiothérapie (carboplatine +/- doxorubicine) ou une radiothérapie stéréotactique et une chimiothérapie.

• 12 chiens ont reçu un traitement à visée palliative (radiothérapie, ostéosynthèse, amputation, analgésie).

• 17 chiens sur 22 ont finalement été euthanasiés en raison d’une diminution de leur qualité de vie et 1 chien était encore vivant à 1 388 jours.

• La durée médiane de survie pour l’ensemble des chiens de l’étude est de 222 jours et atteint 313 jours en cas d’amputation associée à une ou à plusieurs molécules de chimiothérapie.

• Les chiens sans traitement ont été euthanasiés dans les 2 semaines suivant le diagnostic.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr