Utilisation des stents urétéraux dans la gestion des obstructions urétérales bénignes - Le Point Vétérinaire expert canin n° 345 du 01/05/2014
Le Point Vétérinaire expert canin n° 345 du 01/05/2014

NÉPHROLOGIE FÉLINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Quentin Cabon

Fonctions : VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon
1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy-l’Étoile

Les obstructions urétérales ont pour conséquences des dommages rénaux, qui dépendent de la durée et de la sévérité de la maladie. Une obstruction de plus de 24 heures diminue l’apport sanguin rénal de 60 % [10]. Une prise en charge rapide est donc indispensable chez ces animaux, d’autant plus que de nombreux chats présentent une maladie rénale chronique concomitante [2, 7].

Les causes d’une obstruction urétérale féline sont, par ordre de fréquence décroissante, une urétérolithiase, une sténose (acquise ou congénitale), un conglomérat purulent et une accumulation de débris sanguin [5, 6, 9, 11]. Les lithiases urétérales, le plus souvent des oxalates de calcium (plus de 98 % des cas), doivent être évacuées car leur dissolution n’est pas envisageable [5].

TRAITEMENT MÉDICAL D’UNE OBSTRUCTION URÉTÉRALE

Le traitement médical doit être un préambule à toute intervention chirurgicale lors d’obstruction urétérale bénigne, notamment pour les calculs de 2 à 3 mm et ceux qui sont situés dans l’uretère distal, malgré une probabilité de succès inférieure à 10 % [2]. Selon les auteurs, 1 à 4 jours de traitement sont recommandés [2]. Une fluidothérapie adaptée doit être mise en oeuvre pour corriger la déshydratation et les déséquilibres hydro-électrolytiques, et augmenter la diurèse. Des spasmolytiques (prazozyn, tamsulosine, amitriptyline) peuvent également faciliter la migration des calculs urétéraux, tout comme les diurétiques (mannitol ou furosémide) [5]. Un suivi rapproché en matière d’imagerie (radiographie ou échographie) permet d’apprécier la progression des calculs et ainsi de juger de l’efficacité du traitement médical. Dans une étude menée sur 153 chats, 52 ont reçu un traitement médical, avec une amélioration des valeurs de créatinine pour seulement 7 d’entre eux et une stabilisation pour 16 animaux.

Dans un second essai, un déplacement des calculs, partiel ou complet, n’a été observé que chez 17 % des chats [6]. Dans l’étude présentée ici, tous les individus ont été placés sous traitement médical durant 24 heures, sans succès.

PLACE DE L’INTERVENTION CHIRURGICALE

En cas d’échec du traitement médical, une urétérotomie (calcul dans l’uretère proximal) ou une urétérectomie associée à un réabouchement urétéral (sténose ou calcul dans l’uretère distal) peuvent être réalisées. Ces interventions chirurgicales résultent en un taux de complications postopératoires de 31 % et une mortalité de 18 à 21 %, les complications les plus fréquemment rapportées étant une fuite urétérale et une récurrence de l’obstruction, secondaire à une sténose urétérale au site opératoire [6, 7]. Des néphrolithes étant retrouvés chez 62 à 85 % des animaux, une récurrence d’obstruction urétérale est hautement probable, notamment si une sténose s’installe [5]. L’urétéronéphrectomie a également été avancée. Toutefois, une maladie rénale chronique étant fréquemment présente chez ces chats, cette technique chirurgicale ne peut être recommandée [6].

MÉTHODES DITES “INTERVENTIONNELLES”

Pour pallier le fort taux de complications associé aux procédures chirurgicales conventionnelles, des techniques moins invasives et s’accompagnant d’une morbidité plus faible ont été développées. Le premier stent urétéral a été décrit en 2007 chez les carnivores domestiques, soit 40 années après la médecine humaine. Il a pour avantages de lever immédiatement l’obstruction, d’éliminer les néphrolithes sans récidive de celle-ci, et de prévenir les risques de sténose ou de fuite urinaire associés au geste chirurgical standard. Les stents urétéraux disponibles actuellement sont dits en “double tire-bouchon” et sont fabriqués à destination de l’espèce féline. Les stents urétéraux peuvent être placés sous contrôle vidéoendoscopique et fluoroscopique chez la chatte, de façon rétrograde depuis la jonction urétéro-vésicale. Ils sont toutefois le plus communément placés par laparotomie, à la suite d’une pyélocentèse (voie normograde), une cathétérisation de la jonction urétéro-vésicale par cystotomie (voie rétrograde) ou par urétérotomie [3]. Seule l’équipe de Berent et coll., dotée d’une très grande pratique en matière de radiologie interventionnelle, a publié pour l’heure sur l’application des stents urétéraux. Les résultats obtenus doivent donc être interprétés en considérant cette expérience [1-3].

Une seconde technique de diversion urétérale consiste en un système incluant un cathéter dans le bassinet rénal, connecté à un port sous-cutané, lui-même relié à un cathéter vésical. Dans une étude menée sur 19 chats, la pose de ce matériel a permis de diminuer les valeurs de la créatinine et la taille du bassinet rénal chez tous les animaux. Le système est resté en place pendant 237 jours, en moyenne, sans obstruction à 1 an. Les complications majeures, peu fréquentes, consistent en une fuite du cathéter pyélique ou à la connexion avec le port [3]. Ce système reste une procédure de dernier recours, lorsque le placement d’un stent est impossible ou a échoué [3, 4]. Une malformation congénitale rare, l’uretère circumcaval, qui résulte en un déplacement ventral de la veine cave caudale et en un croisement avec l’uretère, peut favoriser les obstructions par un calcul ou une sténose [8]. La mise en place d’un port sous-cutané pourrait être une meilleure indication que le stent dans cette configuration [8].

Conclusion

Les stents urétéraux ont été développés pour pallier les traitements médical et chirurgical peu satisfaisants. La levée de l’obstruction urétérale est obtenue dans la plupart des cas. Toutefois, malgré la grande expérience des auteurs dans ce domaine, des complications à long terme surviennent dans 30 % des cas.

Références

  • 1. Berent AC, Weisse CW, Todd KL et coll. Use of locking-loop pigtail nephrostomy catheters in dogs and cats: 20 cases (2004-2009). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2012;241:348-357.
  • 2. Berent AC. Ureteral obstructions in dogs and cats: a review of traditional and new interventional diagnostic and therapeutic options. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2011;21:86-103.
  • 3. Berent AC, Weisse CW, Bagley DM et coll. Use of a subcutaneous ureteral bypass for the treatment of ureteral obstructions in dogs and cats (abstr). J. Vet. Intern. Med. 2011;25:1470-1509.
  • 4. Horowitz C, Berent AC, Weisse CW et coll. Predictor of outcome for ureteral obstructions after interventional management using ureteral stents or a subcutaneous ureteral bypass device. J. Feline Med. Surg. 2013;15:1052-1062.
  • 5. Kyles AE, Hardie EM, Wooden BG et coll. Clinical, clinicopathologic, radiographic, and ultrasonographic abnormalities in cats with ureteral calculi: 163 cases (1984-2002). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;226:932-936.
  • 6. Kyles AE, Hardie EM, Wooden BG et coll. Management and outcome of cats with ureteral calculi: 153 cases (1984-2002). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;226:937-944.
  • 7. Roberts SF, Aronson LR, Brown DC. Postoperative mortality in cats after ureterolithotomy. Vet. Surg. 2011;40:438-443.
  • 8. Steinhaus J, Berent A, Weisse C et coll. Circumcaval ureters in cats with and without ureteral obstructions. A comparative study (abstr). J. Vet. Intern. Med. 2013;27:604-756.
  • 9. Westropp JL, Ruby AL, Bailiff NL et coll. Dried solidified blood calculi in the urinary tract of cats. J. Vet. Intern. Med. 2006;20:828-834.
  • 10. Wilson DR. Renal function during and following obstruction. Annu. Rev. Med. 1977;28:329-339.
  • 11. Zaid MS, Berent AC, Weisse CW et coll. Feline ureteral strictures: 10 cases (2007-2009). J. Vet. Intern. Med. 2011;25:222-229.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Décrire la technique de mise en place d’un stent urétéral, ainsi que les résultats à court et à long terme dans le traitement des obstructions urétérales bénignes chez le chat.

MÉTHODE

Étude rétrospective menée sur des chats présentant une obstruction urétérale bénigne unilatérale ou bilatérale, diagnostiquée par radiographie, échographie ou urétéropyélographie (normograde ou rétrograde) réalisée dans la phase peropératoire. Les stents ont été placés par laparotomie (normograde par pyélocentèse, rétrograde par la jonction urétéro-vésicale, par urétérotomie) ou par guidage endoscopique strict (uniquement chez la femelle), avec assistance de la fluoroscopie. Une gestion médicale (fluidothérapie, spasmolytiques, diurétiques) a été tentée chez tous les animaux en phase préopératoire.

RÉSULTATS

• Soixante-neuf chats (79 uretères) ont été inclus pour les raisons suivantes : 71 % d’urétérolithiases, 13 % de sténoses urétérales, 15 % de sténoses urétérales associées à une urétérolithiase et 1 % de concrétions purulentes.

• La mise en place du stent a été un succès dans 95 % des cas (75/79).

• L’azotémie présente en phase préopératoire (95 % des chats) a persisté dans 71 % des cas malgré le succès de l’intervention.

• Les complications postopératoires (moins de 7 jours), à court terme (moins de 1 mois) et à long terme (plus de 1 mois) représentent respectivement 9,1 %, 9,8 % et 33 % des cas. 8,7 % des procédures chirurgicales ont connu une complication.

• Un changement de stent a dû être réalisé chez 19 chats (27 %), en raison d’une obstruction du stent (10 cas), d’une migration de celui-ci (4 cas), d’une urétérite (2 cas), d’une dysurie (2 cas), d’une pyélonéphrite (1 cas) ou encore d’un reflux urétéro-pyélique (1 cas).

• Aucune mort n’est en lien avec la procédure de mise en place du stent.

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