ENDOCRINOLOGIE FÉLINE
Analyse d’article
Auteur(s) : Catherine Laffort
Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
33300 Bordeaux
Le syndrome de Cushing spontané (ou hypercorticisme spontané) est de description rare dans l’espèce féline puisque seuls une centaine de cas avaient été décrits depuis 1975 avant la publication de cette étude rétrospective au cours de laquelle 30 nouveaux cas ont pu être recrutés dans dix centres de référence sur une période de 21 ans.
Les données rapportées dans cette étude sont en accord avec celles des publications scientifiques anciennes et des essais plus récents.
Le syndrome de Cushing spontané félin est une affection de l’animal âgé (âge moyen au diagnostic entre 10 et 13 ans selon les études), sans prédisposition de race ou de sexe [2, 5, 7-9]. Les motifs de consultation les plus fréquents sont un diabète sucré fréquemment insulino-résistant (présent ici dans 90 % des cas et rapporté selon les études entre 50 et 80 % des cas) ainsi que le développement de signes cutanés [2, 5, 7]. Dans cet essai, ces derniers sont présents dans 100 % des cas : alopécie (60 %), atrophie cutanée souvent marquée (70 %), syndrome d’hyperfragilité cutanée (57 %), état kérato-séborrhéique (13 %). Les chiffres classiquement retrouvés sont plus proches de 50 % [5, 8].
Les signes systémiques observés regroupent la polyuropolydypsie (PUPD), la polyphagie, la distension abdominale, la fonte musculaire, l’abattement, la modification du poids. L’hypertension n’est pas aussi fréquente chez les chats que dans l’espèce canine, ce qui confirme les données d’une étude publiée en 2013 [7]. De même, l’augmentation de l’activité sérique des alanines aminotransférases (Alat) et des phosphatases alcalines (PAL), et la baisse de la concentration en hormones thyroïdiennes, notée souvent lors de syndrome de Cushing spontané canin, ne sont pas régulièrement observées chez le chat. Le chat ne sécrète pas d’isoenzymes cortico-induites des PAL.
La nécessité d’un test de freination à la dexaméthasone positif parmi les critères d’inclusion choisis rend le calcul de la sensibilité de ce test impossible dans cet essai. Il est considéré par la plupart des auteurs comme le test de référence [2, 5, 8]. Une dose (0,1 mg/kg de dexaméthasone par voie intraveineuse [IV]) supérieure à celle utilisée chez le chien (0,01 mg/kg) est généralement administrée.
En effet, 20 % des chats atteints de syndrome de Cushing spontané ne montrent pas de suppression surrénalienne si une dose de 0,01 mg/kg est injectée [6, 10]. C’est le protocole à 0,1 mg/kg qui a été utilisé dans la plupart des cas de cette étude. Cependant, pour 4 chats sur 28, les deux doses de dexaméthasone ont été utilisées successivement pour le test de suppression et l’interprétation des résultats a été similaire quelle que soit la dose utilisée.
Une suppression de la sécrétion de cortisol est recherchée à 4 et/ou à 8 heures [2, 8]. La valeur de la cortisolémie 4 heures après l’injection de la dexaméthasone par voie IV semble moins efficace chez le chat que chez le chien pour différencier l’origine hypophysaire ou surrénalienne de l’hypercorticisme [2, 8].
Concernant le test de stimulation à l’hormone adrénocorticotrophine (ACTH), les valeurs observées dans cette étude (sensibilité de 56 %) sont similaires à celles déjà rapportées (sensibilité de 50 à 60 %) [2]. Le ratio cortisol/ créatinine urinaires n’a été mesuré chez aucun des chats de l’étude.
Pour l’évaluation de l’origine hypophysaire ou surrénalienne du syndrome de Cushing, une échographie des glandes surrénales a été réalisée chez les 30 chats de l’étude, un dosage de l’ACTH endogène chez 8 chats et une imagerie par CT scan ou imagerie par résonance magnétique (IRM) chez 9 chats. Le diagnostic final s’est également appuyé sur des données histopathologiques chez 15 chats. Sur les 30 chats de l’étude, 27 présentaient un syndrome de Cushing d’origine hypophysaire (soit 90 %, ce qui est proche des 80 % classiquement rapportés chez le chat comme chez le chien [2, 5, 8]. Sur ces 27 chats, 22 présentaient une augmentation bilatérale de la taille des glandes surrénales alors que, pour 3, elles étaient de taille normale et, pour 2 d’entre eux, une adrénomégalie unilatérale était visualisée. Pour l’un de ces 2 chats, la glande surrénale controlatérale était atrophiée, ce qui aurait pu conduire au diagnostic erroné de syndrome de Cushing d’origine surrénalienne. Ces valeurs rejoignent des données récentes sur l’échographie des glandes surrénales félines [3, 4]. Les résultats de cette étude confirment également des données publiées l’année dernière concernant l’intérêt du dosage de l’ACTH endogène ou de ses précurseurs pour différencier les hypercorticismes hypophysaire et surrénalien [1].
Cependant, l’absence de validation définitive de ce test ainsi que les précautions nécessaires lors du prélèvement sanguin et de son acheminement limitent son utilisation en routine.
Dans les publications vétérinaires, le traitement médical de choix du syndrome de Cushing d’origine surrénalienne reste la surrénalectomie unilatérale [2, 5, 8]. Les 2 chats de l’étude ayant subi cette intervention ont été perdus de vue après la chirurgie.
Jusque récemment, les résultats du traitement médical de syndrome de Cushing d’origine hypophysaire étaient décevants chez le chat (Op’DDD, métyrapone, kétoconazole). Une prise en charge chirugicale (surrénalectomie bilatérale ou hypophysectomie trans-sphénoïdale) pouvait être proposée par des équipes expérimentées pour ce type d’interventions ainsi qu’en réanimation médicale.
Le traitement par radiothérapie de la tumeur hypophysaire est une autre modalité thérapeutique envisageable : 3 chats ont ainsi été traités dans l’essai sélectionné. Parmi ces 3 chats, 2 ont expérimenté une résolution complète de leur diabète sucré.
L’avènement du trilostane semble représenter une voie d’avenir pour le traitement du syndrome de Cushing d’origine hypophysaire félin. Un premier essai portant sur 5 chats avait été publié en 2004 avec des données similaires en termes d’efficacité et d’innocuité à celles observées ici, pour les 5 chats sur 9 qui ont été traités avec cette molécule (0,5 à 12 mg/kg toutes les 12 à 24 heures) et pour lesquels un suivi d’au moins 1 mois est disponible [9]. Une nouvelle série de 15 cas a été récemment publiée avec un suivi plus long puisque la moyenne de survie sous trilostane était de 617 jours. Les signes dermatologiques se sont améliorés en 2 semaines à 3 mois, l’abattement et la PUPD en 1 à 4 semaines. Une réduction de la dose d’insuline d’environ 36 % a été possible chez 67 % des cas de syndrome de Cushing hypophysaire présentant un diabète sucré. Les effets indésirables ont été une perte de poids et le développement d’infections du tractus urinaire [7].
Cet essai, malgré ses limitations (caractére rétrospectif, nombreuses interventions thérapeutiques, nombreux perdus de vue) permet d’affiner nos connaissances sur le syndrome de Cushing spontané félin.
Aucun.
OBJECTIFS
Décrire les signes cliniques et biologiques, les résultats des tests d’imagerie diagnostique et la réponse au traitement observés lors de syndrome de Cushing spontané chez le chat.
MÉTHODE
Cette étude rétrospective a concerné 30 chats atteints de syndrome de Cushing spontané (15 mâles castrés et 15 femelles stérilisées, âgés en moyenne de 13 ans). Ils ont été recrutés dans dix structures vétérinaires de référés entre 1990 et 2011. 21 chats présentant différentes maladies non surrénaliennes ont également été inclus pour le calcul de la spécificité des tests diagnostiques.
RÉSULTATS
Le principal motif de référé était un diabète insulino-résistant. Les principales anomalies notées lors de l’examen clinique étaient dermatologiques. Les résultats de test de freination faible à la dexaméthasone étaient compatibles avec un syndrome de Cushing chez 27 chats sur 28 (96 %) alors que les résultats du test de stimulation à l’hormone adrénocorticotrophine (ACTH) ne suggéraient un syndrome de Cushing que dans 56 % des cas (9 chats sur 16). L’examen échographique des glandes surrénales était compatible avec le diagnostic final de syndrome de Cushing d’origine hypophysaire ou surrénalienne chez 28 chats sur 30 (93 %). Sur les 17 chats pour lesquels un suivi a été possible pendant au moins 1 mois après le diagnostic, le trilostane était l’option thérapeutique qui a procuré le plus souvent un gain en qualité de vie chez les chats atteints d’un syndrome de Cushing d’origine hypophysaire.
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