Conduite thérapeutique lors de dépérissement du chiot nouveau-né - Le Point Vétérinaire n° 344 du 01/04/2014
Le Point Vétérinaire n° 344 du 01/04/2014

NÉONATALOGIE

Dossier

Auteur(s) : Françoise Lemoine*, Vincent Charvet**

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire Atlantia
22, rue René-Viviani
44200 Nantes
**Centre hospitalier vétérinaire Atlantia
22, rue René-Viviani
44200 Nantes

Face au dépérissement du nouveau-né, il convient d’agir vite. La thérapeutique s’intéresse avant tout à la gestion des “3 H” ou “triade” du fadding puppy syndrome : hypothermie, hypoglycémie, déshydratation.

Le traitement du syndrome de dépérissement du nouveau-né prend en compte les particularités anatomiques et biochimiques du chiot grâce à des techniques adaptées. Les premiers gestes sont consacrés à lutter contre l’hypothermie, l’hypoglycémie et la déshydratation.

1 Hypothermie

La lutte contre le froid est primordiale. Lorsque la température du nouveau-né est inférieure ou égale à 35 °C, il est en hypothermie. Le réchauffement doit être progressif. Il s’effectue aussi bien avec une bouillotte enveloppée de serviettes, une couverture électrique, une lampe chauffante ou encore une couveuse [8]. La couveuse présente l’avantage de maintenir une hygrométrie d’environ 60 %. En effet, en raison du défaut de kératinisation de la peau, le chiot se déshydrate vite.

Le nouveau-né doit être maintenu au chaud avec une température du nid de 32 °C la première semaine de vie [3]. Les températures optimales de la maternité sont à adapter en fonction de l’âge (tableau 1).

Pour prévenir au mieux l’hypothermie, il convient que les contrôles de température des chiots et du nid soient quotidiens.

L’hygrométrie de la pièce doit être maintenue entre 55 et 60 % [7].

2 Déshydratation

Un chiot doit boire 20 ml pour 100 g de poids corporel par jour [8]. Différentes méthodes de réhydratation peuvent être utilisées dans le cas où le nouveau-né ne tète pas suffisamment : le biberon, la seringue, le sondage, voire la perfusion.

Le biberonnage ou le nourrissage à la seringue présentent des risques de fausse déglutition et de mauvaise couverture des besoins (difficultés d’évaluer la prise réelle, de donner la quantité adaptée, etc.). Si le choix du biberon est retenu, le chiot est positionné la tête légèrement surélevée, les membres antérieurs pouvant appuyer sur une surface imitant la mamelle (photo 1).

Sondage orogastrique

TECHNIQUE DE SONDAGE

Le sondage orogastrique est réalisé à l’aide d’une sonde nasogastrique de 5 Fr pour les chiots de moins de 300 g et de 8 à 10 Fr pour ceux dont le poids est supérieur à 300 g. Une sonde urinaire de chat peut également être utilisée.

La distance entre le bout du nez et la dernière côte est mesurée (photo 2a). Après déduction de 10 à 20 % de la longueur mesurée, la partie de la sonde à enfoncer est obtenue (photo 2b).

Les solutés sont injectés ensuite doucement à la quantité voulue et à un rythme adapté (photo 2c).

Cette méthode présente des risques de régurgitation et, par conséquent, de fausses déglutitions.

SOLUTÉS

Les solutés utilisés sont aussi bien de l’eau que du lait maternisé. Du sucre peut être ajouté à l’eau lorsque la déshydratation est associée à une hypoglycémie. Cependant, il convient de ne surtout pas donner de lait en cas d’hypothermie (risque d’iléus, de fermentation, etc.). De manière générale, la réalimentation ne doit pas être commencée tant que la température du chiot n’est pas remontée.

La température du soluté doit être comprise entre 35 et 38 °C.

DOSES ET RYTHMES D’ADMINISTRATION

Le volume de l’estomac d’un nouveau-né est d’environ 40 ml par kg de poids corporel [5]. Ce volume ne doit pas être dépassé et la distension abdominale permet d’évaluer la dose suffisante. La réhydratation est renouvelée toutes les 3 à 4 heures en diminuant la fréquence à l’approche de la normohydratation.

La dose est à adapter selon le gain quotidien de poids et la reprise d’une tétée spontanée.

Réhydratation par perfusion

La perfusion peut être intra-osseuse, intraveineuse voire intrapéritonéale. La perfusion intraveineuse n’est pas toujours aisée à réaliser chez les nouveau-nés (veine de faible diamètre, difficultés de contention, etc.). La technique de perfusion intra-osseuse est celle qui est employée en première intention en pédiatrie canine (encadré 1) [4, 6]. Les solutés de glucose 5 % et de Ringer lactate sont utilisés. Les lactates sont à préférer lors d’hypoglycémie.

TECHNIQUE DE PERFUSION INTRA-OSSEUSE

Le fémur ou l’humérus proximal sont les sites choisis pour la cathétérisation (photo 3). La zone d’insertion doit être préparée de façon aseptique. De la lidocaïne est injectée comme anesthésique local et le membre est immobilisé par un aide.

Avant l’insertion du cathéter, la peau peut être incisée à l’aide d’un scalpel en regard afin d’augmenter la durée de vie du cathéter.

L’os est ensuite cathétérisé à l’aide de l’aiguille (type Butterfly® ou aiguille spinale de 22 à 25 G). Une perte de résistance est notée au passage de la corticale. Une seringue de 10 ml est montée sur l’aiguille afin de contrôler la bonne position du cathéter par aspiration de moelle osseuse. Un cliché radiographique face/profil du membre cathétérisé peut aussi être effectué.

Après vérification du bon positionnement du cathéter, l’aiguille est rincée avec une solution héparinée. Des papillons sont positionnés à l’extrémité de l’aiguille afin de la fixer avec du matériel de suture à la peau. Un bandage est ensuite réalisé pour que le montage reste propre (compresses avec une pommade antiseptique, voire antibiotique) et en place. La gestion d’un cathéter intra-osseux nécessite de travailler dans des conditions de propreté maximale. Les risques de complications et tout particulièrement d’ostéomyélite sont importants.

Une fois le cathéter osseux mis en place, la volémie peut être restaurée et la mise en place d’un cathéter veineux est facilitée (photo 4). Par voie intraveineuse, un débit de 4 à 10 ml/kg/h est recommandé [8].

Le positionnement d’un cathéter intra-osseux ou intraveineux chez un chiot demande un apprentissage et de l’expérience, même si ces actes ressemblent à des gestes quotidiens. Les injections sous-cutanées sont à proscrire.

SOLUTÉS

Un soluté de Ringer lactate est utilisé en commençant par 3 ml pour 100 g toutes les 5 à 10 minutes (encadré 2). Par la suite, une perfusion de 15 à 20 ml pour 100 g par jour est suffisante. En raison de la petite taille des nouveau-nés, le risque d’hyperhydratation est important.

3 Hypoglycémie

En cas d’hypoglycémie, de l’eau sucrée est injectée lors du sondage. Via la perfusion intra-osseuse, un bolus de 1 ml/kg de glucose à 30 % est réalisé. Un soluté isotonique à 2,5 ou 5 % de glucose est ensuite perfusé [2]. Par voie intraveineuse, du glucose à 5 % est injecté en bolus à raison de 0,75 à 2 ml pour 100 g [3].

4 Thérapeutique anti-infectieuse

Comme pour toute antibiothérapie, le choix de l’antibiotique doit être adapté et raisonné. Dans un premier temps, il se porte sur une molécule à large spectre et à toxicité minimale dans l’attente de l’antibiogramme des prélèvements réalisés (sang, urine, fèces, autopsie) (tableau 2).

Les céphalosporines remplissent ces critères avec la céphalexine à la dose de 10 à 30 mg/kg par voie souscutanée ou intraveineuse deux ou trois fois par jour [1, 8].

Conclusion

Il n’existe pas une thérapeutique mais des traitements à associer et à adapter à chaque nouveau cas de dépérissement du chiot nouveau-né. La gestion des 3 H est primordiale, combinée à un traitement anti-infectieux raisonné si nécessaire.

Références

  • 1. Delannoy M. La gestion de la prématurité chez le chiot : étude bibliographique et comparée. Thèse de doctorat vétérinaire, ENV d’Alfort. N°178. 2002:63-79.
  • 2. Hoskins JD. Veterinary pediatrics dogs and cats from birth to six months second. Saunders. Philadelphia 1995:605.
  • 3. Johnston SD, Root Kustritz M, Nolson P. Canine and feline theriogenology. Saunders. Philadelphia 2001:51
  • 4. McMichael M, Dhupa N. Pediatric critical care medicine: physiologic considerations. Compend. Contin. Educ. Pract. Vet. 2000;22:206-214.
  • 5. Monson WJ. Orphan rearing of puppies and kittens. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1987;17(3):567-576.
  • 6. Otto CM, McCall G, Crowe DT. Intraosseous infusion of fluids and therapeutics. Compend. Contin. Educ. Pract. Vet. 1989;11:421-430.
  • 7. Peterson M, Kutzler MA. Small animal pediatrics – The first 12 months. Elsevier Saunders, St Louis. 2011:526
  • 8. Richard V. Small animal pediatrics – The first 12 months. Elsevier Saunders. 2011;1:p18.
  • 9. Root Kustritz MV. Common disorders of the small animal neonate. Lecture Notes ; University of Minnesota, College of Veterinary Medicine, av. St. Paul, MN 55108

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Matériel nécessaire pour la pose d’un cathéter intra-osseux

→ Un antiseptique local.

→ De la lidocaïne 1 %.

→ Une lame de scapel n° 10 ou n° 11 pour l’incision cutanée.

→ Une aiguille à injection de 18 à 25 G, une aiguille à ponction de liquide céphalo-rachidien taille G 22 à 40 ou un cathéter intraosseux de Cooke®.

→ Une seringue de 10 ml pour l’aspiration de la moelle osseuse.

→ De l’héparine.

→ Du soluté physiologique.

→ Du matériel de suture.

→ Un bandage pour assurer le maintien du cathéter (bandes, compresses, pommade antiseptique, voire antibiotique).

D’après [1].

ENCADRÉ 2
Réhydratation et lutte contre l’hypoglycémie

→ Besoin journalier en fluides : 13 à 22 ml/100 g/j.

En cas de déshydratation sévère : possibilité d’un bolus de 30 à 40 ml/kg.

Débit de perfusion en entretien : 3 à 6 ml/kg/h.

→ Lutte contre l’hypoglycémie :

glucose 5 % en bolus de 0,75 à 2 ml pour 100 g.

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