Hernie périnéale bilatérale avec rétroflexion vésicale chez un bichon - Le Point Vétérinaire expert canin n° 341 du 01/12/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 341 du 01/12/2013

CHIRURGIE ABDOMINALE ET PÉRINÉALE

Cas clinique

Auteur(s) : Claire Deroy*, François-Xavier Ferrand**, Didier Fau***

Fonctions :
*École nationale vétérinaire de Lyon, VetAgro Sup
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile
**École nationale vétérinaire de Lyon, VetAgro Sup
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile
***École nationale vétérinaire de Lyon, VetAgro Sup
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile

La correction d’une hernie périnéale est chirurgicale et se fait en deux temps : abdominal puis périnéal. Ce traitement désormais classique guérit.

Les hernies périnéales, même chroniques, sont des affections dont les conséquences ne doivent jamais être sous-estimées. La plus grave d’entre elles est l’incarcération d’un organe abdominal, qui devient une urgence chirurgicale lorsqu’il s’agit de la vessie ou des intestins. Le protocole opératoire est désormais bien établi et est généralement de bon pronostic. L’exemple de ce bichon permet de rappeler les différentes étapes de la technique classique.

CAS CLINIQUE

Un chien bichon mâle entier âgé de 10 ans est référé au service d’urgence pour une anurie, un ténesme et une déformation de la région périnéale (photo 1).

1. Anamnèse

Six mois auparavant, ce chien a été présenté chez le vétérinaire traitant pour un ténesme. Au toucher rectal, le praticien avait noté une déviation de l’anus.

Les propriétaires de l’animal ont remarqué, 2 semaines avant son entrée au service d’urgences, une déformation de la région périnéale.

Un abattement soudain, une anurie et une brusque augmentation de la déformation de la région périnéale sont de nouveaux symptômes qui motivent les propriétaires, le jour même de leur apparition, à présenter leur chien dans notre service d’urgence.

2. Examen clinique

Le chien est en assez bon état général malgré une température rectale avoisinant les 35 °C (paramètre anormal, sans doute lié à l’accumulation de selles). Sa note d’état corporel est évaluée à 3/5.

Une importante déformation bilatérale de la région périnéale est constatée, associée à une inflammation de l’anus. La palpation du gonflement périnéal révèle une masse dure et peu fluctuante ne pouvant être réduite en appliquant une pression craniale. En région périnéale gauche, une plaie d’abrasion suintante de 4 cm de diamètre est visible (photo 2). Au toucher rectal, le rectum est fortement dévié (palpation de “culs-de-sac” intrarectaux) et une masse peu volumineuse légèrement dépressible est mise en évidence. Sur l’échelle de Brissot de graduation des altérations rectales, ce chien est évalué à 2 (déviation avec dilatation) [3]. La vessie n’est pas palpable dans l’abdomen.

Le reste de l’examen clinique ne présente pas d’anomalie.

3. Hypothèses diagnostiques

L’hypothèse diagnostique envisagée prioritairement est une hernie périnéale bilatérale avec incarcération d’organes, dont un engagement (ou une rétroflexion) de la vessie. La présentation clinique initiale, la déformation du rectum et la soudaineté de l’anurie concomitante au gonflement périnéal sont quasi pathognomoniques.

4. Examens complémentaires

Plusieurs analyses sanguines (biochimie, numération et formule sanguines, gaz sanguins, ionogramme), ainsi qu’un examen urinaire sont réalisés. Aucune anomalie n’est détectée.

L’échographie abdominale montre un épanchement anéchogène en quantité modérée, ainsi qu’une dilatation aérique ou liquidienne des anses jéjunales. La vessie est non visualisée. Les images échographiques de la zone périnéale révèlent la présence d’anses jéjunales, du mésentère, de la prostate (légèrement hypertrophiée), et d’une partie de la vessie (photos 3, 4 et 5). Une dilatation aérique ou liquidienne des anses jéjunales, ainsi qu’un épanchement abdominal anéchogène sont notés.

5. Traitement

Le traitement est chirurgical. La confirmation de l’engagement de la vessie et d’anses jéjunales en fait une urgence. L’intervention chirurgicale se déroule en deux étapes séparées de 96 heures : le temps abdominal avec la castration et le temps périnéal. Une sonde urinaire est posée avant le début de l’opération. Même si le temps périnéal peut être effectué immédiatement après le temps abdominal, nous avons choisi d’espacer les deux phases pour réduire l’inflammation, améliorer la visualisation de la zone opératoire du temps périnéal et procéder à une anesthésie de plus courte durée.

6. Phase préopératoire

Les résultats des analyses sanguines et l’examen clinique étant dans les normes, le protocole anesthésique est le suivant : de la méthadone à la dose de 0,2 mg/kg par voie intraveineuse, du midazolam à 0,2 mg/kg par voie intraveineuse et de l’alfaxalone (Alfaxan®) à 2 mg/kg. De l’isoflurane est ensuite utilisé pour la phase de maintenance.

7. Phase chirurgicale : castration et temps abdominal

Le temps abdominal est précédé d’une castration. Puis une laparotomie ventrale caudale de l’ombilic au pubis est réalisée afin d’explorer la cavité abdominale. Les organes herniés sont réduits manuellement par traction du bloc prostate-vessie en tirant sur les canaux déférents (la vessie étant préalablement vidée grâce à la sonde urinaire). Le contrôle de la prostate révèle une légère hyperplasie (photo 6).

Enfin, pour prévenir toute récidive, une colopexie et une déférentopexie sont réalisées. La colopexie s’effectue à gauche, en ramenant le côlon cranialement afin de réduire la dilatation et la déviation rectale. La pexie est pratiquée à environ 1 à 2 cm distalement à l’ombilic et à mi-hauteur de l’abdomen. Ensuite, une incision de 3 à 5 cm est réalisée sur le bord antimésentérique du côlon distal, à travers la couche musculeuse et la séreuse. Une incision similaire dans la paroi abdominale gauche est réalisée à travers le péritoine et la première couche musculaire. Les deux incisions sont apposées et suturées avec deux surjets simples à l’aide d’un fil résorbable PDS décimale 2 (choisi pour sa résorption lente d’environ 2 mois) (photos 7a et 7b).

La déférentopexie, qui a pour rôle de maintenir la prostate et la vessie au sein de la cavité abdominale, s’effectue en faisant passer le canal déférent droit au travers d’une incision préalablement réalisée dans le fascia de la paroi abdominale latérale en regard de l’apex de la vessie vide. En utilisant une pince mosquito incurvée, le conduit déférent est poussé à travers le “tunnel” en direction craniale. Le conduit déférent est ensuite recourbé caudalement pour être suturé à lui-même par deux points en x à l’aide d’un fil résorbable PDS décimale 2. L’excédent du conduit déférent est incisé. La même opération est réalisée du côté gauche (photos 8a et 8b).

Le lavage de la cavité abdominale, puis l’omentalisation du site de colopexie sont mis en œuvre.

8. Soins postopératoires

Ce chien, qui se trouve sous fluidothérapie de Ringer lactate à 2 ml/kg/h, reçoit de la méthadone en perfusion continue à la dose de 0,1 mg/kg/h durant les 6 premières heures, puis en bolus en fonction de son score de douleur, soit deux injections de méthadone (0,2 mg/kg) à 4 heures d’intervalle et deux autres de buprénorphine à 8 heures d’intervalle (20 g/kg). La prise en charge de la douleur est assurée par des anti-inflammatoires non stéroïdiens (méloxicam à 0,05 mg/kg une fois par jour). L’animal reçoit aussi des antibiotiques pour prévenir toute infection secondaire (amoxicilline-acide clavulanique à 20 mg/kg deux fois par jour). Une injection sous-cutanée d’héparine à bas poids moléculaire (Lovenox® à 80 UI/kg) est réalisée pour prévenir toute formation de thrombus. Enfin, le bichon est placé sous laxatif (Laxatone®, trois fois par jour).

9. Phase chirurgicale : temps périnéal

Quatre jours après la première intervention, le chien peut être à nouveau opéré. Cela nous semble le délai idéal entre les deux procédures [3, 6]. Le temps anesthésique en est diminué et la visualisation est meilleure lors du second temps. L’inflammation est réduite et l’espace périnéal presque vide, ce qui réduit le temps chirurgical et le risque d’infection. La récupération vésicale avec une miction correcte, ainsi que l’évolution de l’œdème sont satisfaisantes.

La technique utilisée pour ce cas est celle de la transposition du muscle obturateur interne. Le protocole est décrit pour le côté gauche, mais, la hernie étant bilatérale, le côté droit a également été opéré.

La peau est incisée de manière curviligne sur 4 cm latéralement à gauche de l’anus. Le tissu sous-cutané est disséqué pour exposer le sac herniaire, qui est ouvert lui aussi, en suivant la même ligne que celle de l’incision cutanée. À l’ouverture, du liquide séreux est libéré en quantité importante. La présence de graisse est également notée. Le jéjunum, la prostate et la vessie, visualisés lors de l’échographie abdominale, ne sont pas observés dans la hernie. Une pression est réalisée pour replacer la graisse dans le bassin à travers la brèche musculaire. Lorsque la pression est relâchée, le mésentère repasse dans la hernie. Une pince d’Allis avec une compresse imbibée de liquide stérile est alors utilisée pour refouler la graisse herniée et mettre en évidence les structures périnéales. La graisse intra-abdominale peut passer par la brèche du diaphragme pelvien, même après réalisation des pexies.

La hernie est bordée latéralement par le muscle coccygien, l’élévateur de l’anus et par le ligament sacro-tubéral, médialement par le rectum et le muscle sphincter externe de l’anus, et, ventralement, par le muscle obturateur interne. Celui-ci est incisé le long de son bord caudal pour initier le décollement de l’ischium, puis remonté latéralement vers son tendon. Un élévateur du périoste est utilisé pour le décoller de l’ischium, et il est alors basculé cranialement. (photo 9).

Des points simples sont ensuite posés à l’aide d’un fil résorbable décimale 3, dorsalement, entre le muscle coccygien, l’élévateur de l’anus et le sphincter externe de l’anus. Le bord caudo-latéral du muscle obturateur interne est suturé à la partie médiale de l’élévateur de l’anus et le muscle coccygien (le ligament sacro-tubéreux, plus solide, peut être intégré dans la suture latérale), et le bord caudo-médial est suturé au sphincter externe de l’anus. Une fois tous les fils mis en place, ils sont serrés. Il s’agit de plusieurs sutures en bourse entre l’obturateur interne, le sphincter externe de l’anus, le muscle coccygien et l’élévateur de l’anus.

Enfin, le tissu sous-cutané et la peau sont suturés de manière conventionnelle.

10. Soins postopératoires

Les traitements qui suivent la première intervention chirurgicale sont prolongés. Les antibiotiques et les anti-inflammatoires sont poursuivis pendant 1 semaine, et le laxatif pendant 1 mois. Un régime hyperdigestible humide riche en fibres est conseillé pour diminuer le volume des selles (hyperdigestible) et leur consistance (riche en fibres). Il convient que les selles soient molles pendant un certain temps afin d’éviter toute tension excessive sur le diaphragme pelvien reconstruit.

Le chien est rendu à ses propriétaires 48 heures après la seconde opération. Le pronostic est bon.

DISCUSSION

1. Étiopathogénie

La hernie périnéale est commune dans l’espèce canine. Elle apparaît presque exclusivement chez les chiens entiers, comme dans ce cas clinique (93 %) [16]. Rare chez la chienne, elle peut apparaître secondairement à un traumatisme ou à une gestation [15]. Cette affection est rarissime chez le chat, où elle a été rapportée comme une complication de l’uréthrostomie [11]. L’âge médian des chiens qui présentent une hernie périnéale est de 10 ans, avec un intervalle de 3 à 16 ans [8]. Une étude a décrit pour la première fois une hernie chez un chiot âgé de 4 mois [17].

La hernie périnéale est secondaire à une faiblesse et à une séparation des éléments du diaphragme pelvien. Une diminution de ce support entraîne une dilatation et une déviation du rectum, ainsi qu’une protrusion caudale de graisses pelviennes ou rétropéritonéales et de différents organes, comme la prostate, la vessie ou encore les intestins [8]. L’atrophie ou l’absence du muscle élévateur de l’anus en est souvent à l’origine.

Les causes sont mal connues et incertaines. Il existe de nombreux facteurs prédisposants (encadré).

2. Signes cliniques

Les signes cliniques résultent d’une accumulation de matières fécales dans le rectum et sont principalement des troubles de l’exonération fécale (tableau 1).

La hernie périnéale peut être unilatérale ou bilatérale, le côté droit étant le plus fréquemment touché (figure 1). La déformation périnéale est visible dans les stades avancés.

Même si l’inspection visuelle objective une hernie unilatérale, la palpation rectale du côté opposé doit être systématique car elle peut révéler une faiblesse musculaire évoluant parfois en hernie. Sur une étude de 65 cas, 6 chiens opérés d’un côté ont présenté une rechute sur l’autre côté dans les 6 mois à 3 ans après l’intervention chirurgicale [2]. La palpation du gonflement peut révéler une masse molle et fluctuante possiblement réduite par une pression en direction craniale. Occasionnellement, un gonflement ferme et douloureux est identifié, suggérant que le tissu hernié est incarcéré.

Le ténesme est le signe clinique le plus fréquemment rencontré. Les efforts expulsifs provoquent souvent des déformations rectales (figure 2). Brissot et coll. ont établi une échelle pour grader ces lésions rectales (tableau 2) [5].

Les signes urinaires comme ceux décrits chez ce bichon sont présents lors de souffrance des organes concernés (prostate, vessie) ou dans le cas d’un passage de ces organes dans la hernie. L’atteinte prostatique est très fréquente chez les chiens présentés pour une hernie périnéale. Ainsi, dans l’étude de Brissot et coll., 56 % des animaux ont développé une maladie prostatique concomitante (clinique ou diagnostiquée à l’échographie abdominale) [5]. Il est donc recommandé de toujours explorer la prostate des chiens qui présentent une hernie périnéale. Les atteintes de cet organe comprennent l’hyperplasie bénigne, les kystes prostatiques et paraprostatiques, ainsi que les abcès. Dans notre cas, aucune atteinte de la prostate n’est notée.

La strangurie peut également être consécutive à l’engagement de la vessie dans la hernie périnéale (29 % des cas d’après [5]). En plus des signes de dysurie lors de rétroflexion vésicale, les animaux présentent parfois des symptômes secondaires à l’azotémie et aux troubles métaboliques (hyperkaliémie). Une hernie périnéale avec une rétroflexion vésicale a un plus haut taux de mortalité (30 % d’après [8]) et un plus mauvais pronostic, comparativement à l’absence de rétroflexion vésicale. Une thérapie immédiate doit être initiée chez ces individus. Il s’agit d’une urgence chirurgicale. Dans l’attente, le sondage urinaire est impératif.

3. Diagnostic

Le diagnostic de hernie périnéale est souvent assez rapidement établi. Cependant, il est important de connaître le contenu de la hernie, et plus particulièrement de vérifier la présence ou l’absence de rétroflexion vésicale. L’examen complémentaire recommandé est l’échographie car elle apporte des réponses tant sur les différents organes herniés que sur les lésions associées. Une cystographie de contraste permet d’évaluer l’intégrité du tractus urinaire et de déterminer la position de la vessie (ce qui est impossible lors de rétroflexion vésicale). Pour l’appréciation des anomalies rectales, un contraste baryté peut être provoqué.

4. Traitement

Le traitement de choix de la hernie périnéale est la chirurgie. Comme pour ce cas clinique, il convient de procéder par étapes et en deux temps : un temps dit abdominal (colopexie, déférentopexie et cystopexie) avec castration, afin de prévenir toute récidive, et un temps périnéal (réduction de la hernie), séparés généralement de 2 à 7 jours pour permettre à l’animal de se stabiliser [5]. Les deux temps peuvent être réalisés durant la même intervention chirurgicale, surtout s’il s’agit d’une hernie simple (unilatérale et sans engagement d’organes). Le risque de ne pas traiter en une seule étape est que le chien continue à présenter du ténesme et que les pexies se distendent. Néanmoins, les animaux présentés pour une hernie périnéale sont souvent de petits chiens âgés, possiblement atteints d’une autre affection sous-jacente. Certains praticiens préfèrent donc réaliser deux courtes anesthésies plutôt qu’une seule de longue durée. Le temps abdominal permet de stabiliser l’animal pour effectuer un temps périnéal (non urgent) dans de meilleures conditions.

Dans les rares cas où l’opération doit être différée (en raison de l’état du chien, par exemple) ou lorsque le sondage est impossible (secondairement à la rétroflexion vésicale), il convient d’installer une sonde de cystostomie de type Easycyst Rush® par paracentèse périnéale [4]. Dans le cas décrit, la vessie est partiellement engagée avec une obstruction incomplète, ce qui rend le sondage classique possible. Il convient de décomprimer la vessie pour que les paramètres rénaux (urée et créatinine) et le potassium n’augmentent pas afin que l’état de l’animal ne se dégrade pas.

La laparotomie permet de remettre en place les organes herniés, de prévenir la récidive et d’évaluer les lésions associées.

L’objectif de la colopexie est de limiter la flaccidité du côlon descendant et du rectum. Cette pexie va donc réduire l’accumulation de matières fécales et diminuer la pression sur le diaphragme pelvien [7, 8]. La colopexie permet une adhésion entre la séreuse du côlon et la paroi abdominale, et prévient un mouvement caudal du côlon et du rectum. Il est important de ne pas pénétrer la lumière du côlon lors de la pexie car cela peut engendrer une contamination de la cavité abdominale et induire par la suite une péritonite.

La déférentopexie stabilise le col vésical et la prostate, et, par la même occasion, améliore la fixation du côlon par le fascia colo-prostatique [3]. Cependant, elle ne prévient pas la rétroflexion de la vessie [5]. Dans une étude sur 90 chiens, la déférentopexie a été utilisée en association avec une herniorraphie. Les chiens ne récidivent pas après 14 mois [3].

La cystopexie (non réalisée dans ce cas clinique car il s’agissait d’un engagement partiel de la vessie) permet le maintien de la vessie à sa place normale et prévient la rétroflexion vésicale. La récidive de cette dernière est rapportée en l’absence de cystopexie [5, 8]. Cependant, celle-ci reste controversée [13]. L’atonie vésicale se développe après une rétroflexion vésicale dans 18 à 29 % des cas [8, 10]. Elle peut également être secondaire à la cystopexie. En effet, l’atonie vésicale résulte d’un étirement de la musculature de la vessie et d’une lésion de son innervation et de sa vascularisation. Comme l’objectif de la cystopexie n’est pas de tirer le col vésical cranialement (rôle de la déférentopexie), mais seulement de maintenir la vessie en place, la musculature de cette dernière n’est pas étirée. Il n’est pas encore déterminé si le repositionnement de la vessie et la cystopexie sont capables de prévenir une dysurie future avec une origine neurologique.

Les troubles additionnels du rectum (inflexion, diverticule, saccule, déviation) et de la prostate peuvent être résolus par une seule et même intervention chirurgicale [5]. La vessie et la prostate sont visualisables et évaluables macroscopiquement. Une opération immédiate peut être pratiquée telles une omentalisation de la prostate, des biopsies prostatiques, etc. (photos 10 et 11). Une plicature rectale ou une résection latérale du rectum sont réalisables.

Les différentes pexies permettent également une meilleure visualisation des structures anatomiques (muscles du diaphragme pelvien, nerf sciatique, nerf et artère pudendaux et rectaux caudaux) lors du second temps chirurgical [6]. Ce dernier en est réduit et le risque d’infection, diminué. Les infections de la hernie sont les complications postchirurgicales les plus courantes, survenant dans 5 à 45 % des cas. L’état de santé de l’animal est rétabli après le premier temps et l’absence d’organes herniés est assurée lors du second. La herniorraphie est alors plus facile et plus rapide, avec un moindre risque de contaminations peropératoires. De plus, une meilleure visualisation du champ chirurgical permet de diminuer le risque de traumatismes iatrogènes, notamment sur le sphincter externe de l’anus ou les structures innervant le rectum, avec un moindre danger d’incontinence fécale.

Le délai idéal entre les deux procédures est de 2 à 4 jours, ce qui permet à l’inflammation de diminuer [6]. Les trois étapes peuvent également être réalisées en une seule fois selon un ordre précis : la castration, le temps abdominal et, enfin, le temps périnéal [2]. Quelques publications récentes semblent privilégier une unique intervention chirurgicale, mais les habitudes du praticien avec la cascade de réflexes associés (gain de temps et sécurité) comptent beaucoup dans le choix de la technique.

Dans l’étude de Brissot et coll., les 41 chiens avec une hernie compliquée ont été traités par un protocole chirurgical en deux temps comme décrit ici : 90 % d’entre eux ont bénéficié d’une résolution de leurs signes cliniques [5].

Les hernies périnéales sont qualifiées de “compliquées” dans les cas suivants : hernie périnéale unilatérale avec une lésion rectale de grade 2 ou 3, hernie périnéale unilatérale avec rétroflexion vésicale, maladie prostatique ou récidive. Les hernies périnéales compliquées ou bilatérales sont traitées avec succès par une laparotomie suivie d’une herniorraphie. Le temps abdominal réduit considérablement le risque de récidive en diminuant la pression sur le diaphragme pelvien, qui pourrait provoquer la rupture de la herniorraphie [5, 7, 9]. Même si la hernie n’est pas compliquée, il est vivement conseillé de pratiquer le temps abdominal pour éviter le passage d’organes abdominaux et/ou pelviens lors de récidive.

Conclusion

Lors de hernie périnéale, des signes cliniques urinaires associés sont fortement évocateurs d’une rétroflexion vésicale. Un traitement urgent est alors requis. L’imagerie médicale est primordiale pour évaluer les lésions liées à la hernie. Lors de hernies périnéales avec des complications rectales et/ou génito-urinaires, la chirurgie en deux temps (associés ou différés) est indiquée. Le bénéfice du temps abdominal est essentiel car il est en même temps diagnostique et thérapeutique. Il diminue le risque de complications postopératoires fréquemment rencontrées lors de chirurgie périnéale. De nombreuses méthodes peuvent être utilisées pour le temps périnéal avec, pour chacune, des avantages et des inconvénients. La procédure idéale associe une réalisation simple, une résistance suffisante pour prévenir les récidives et un minimum de complications.

Références

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  • 3. Bilbrey SA, Smeak DD, DeHoff W. Fixation of the deferent ducts for retrodisplacement of the urinary bladder and prostate in canine perineal hernia. Vet. Surg. 1990;19(1):24-27.
  • 4. Bernardé A. Cours de chirurgie urinaire. Veterinarius. 2013.
  • 5. Brissot HN, Dupre GP, Bouvy BM. Use of laparotomy in a staged approach for resolution of bilateral or complicated perineal hernia in 41 dogs. Vet. Surg. 2004;33(4):412-421.
  • 6. Dörner J, Dupré G. Two-step protocol for surgical treatment of complicated or bilateral perineal hernia in dogs: Laparotomy followed by herniorrhaphy. Eur. J. Comp. Anim. Pract. 2010;20(2):186-192.
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  • 9. Huber DJ, Seim HB, Goring RL. Cystopexy and colopexy for the management of large or recurrent perineal hernias in the dog: nine cases (1994-1996). Vet. Surg. 1997;26:253-254.
  • 10. Hunt GB. Practical solutions to perineal problems: perineal hernia, Proceedings of the 32nd Annual WSAVA Congress, Sydney, Australia. 2007.
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  • 12. Krahwinkel DJ. Rectal diseases and their role in perineal hernia. Vet. Surg. 1983;12(3):160-165.
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  • 15. Sontas BH, Apaydin SO, Toydemir TSF, Kasikci G. Perineal hernia because of retroflexion of the urinary bladder in a rottweiler bitch during pregnancy. J. Small Anim. Pract. 2008;49:421-425.
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  • 17. Vyacheslav H, Ranen E. Perineal hernia with retroflexion of the urinary bladder in a 4 month old puppy. J. Small Anim. Pract. 2009;50:625.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ
Facteurs prédisposants de la hernie périnéale

→ Facteurs hormonaux

– Testostérone : permet le maintien du volume musculaire. Une diminution des récepteurs à la testostérone peut entraîner une atrophie musculaire [1].

– Relaxine : sécrétée par la prostate, elle permet le relâchement des muscles. Une augmentation des récepteurs à la relaxine dans les muscles du diaphragme pelvien est observée chez les animaux qui présentent une hernie périnéale [14].

→ Constipation chronique : les efforts répétés et prolongés provoquent une distension de la paroi musculaire du diaphragme pelvien.

→ Prostatomégalie (56 à 80 %) : la masse prostatique déclenche mécaniquement le réflexe d’expulsion (ténesme) et augmente la constipation en raison de la gêne mécanique dans la filière pelvienne, entraînant le recul des organes pelviens [5, 8].

→ Facteurs anatomiques :dans l’espèce canine, le diaphragme pelvien est relativement moins développé chez le mâle et est considéré comme moins solide que chez la femelle.

→ Facteurs neuromusculaires :dénervation (une mauvaise innervation induit une atrophie des muscles).

→ Myopathie

Points forts

→ La hernie périnéale est typique du vieux chien mâle entier.

→ La correction des hernies périnéales se fait en deux temps : abdominal puis périnéal.

→ Le temps abdominal consiste en différentes pexies d’organes susceptibles de favoriser la récidive de la hernie (ou déjà herniés).

→ Le temps périnéal consiste en la reconstruction du diaphragme par la transposition bilatérale du muscle obturateur interne.

→ Les deux temps peuvent être réalisés simultanément ou avec un intervalle de 2 à 4 jours afin de réduire, entre autres, les durées individuelles d’anesthésie.

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