Évolution des analyses biologiques depuis 40 ans - Le Point Vétérinaire expert canin n° 340 du 01/11/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 340 du 01/11/2013

ANALYSES BIOLOGIQUES

Article de synthèse

Auteur(s) : Brigitte Siliart*, Daphné Rochel**, Laetitia Jaillardon***

Fonctions :
*Oniris-LDHVet, Unité nutrition-endocrinologie,
École nationale vétérinaire agroalimentaire et de
l’alimentation Nantes Atlantique,
La Chantrerie, CS 50707, 44307 Nantes Cedex 03
**Oniris-LDHVet, Unité nutrition-endocrinologie,
École nationale vétérinaire agroalimentaire et de
l’alimentation Nantes Atlantique,
La Chantrerie, CS 50707, 44307 Nantes Cedex 03
***Oniris-LDHVet, Unité nutrition-endocrinologie,
École nationale vétérinaire agroalimentaire et de
l’alimentation Nantes Atlantique,
La Chantrerie, CS 50707, 44307 Nantes Cedex 03

Absent il y a 40 ans, le secteur “analyses” est maintenant présent dans la plupart des cliniques vétérinaires. La biologie vétérinaire est aujourd’hui l’une des spécialités européennes reconnues en France : la pathologie clinique.

La place de la biologie, autrefois limitée à quelques dosages dits “examens complémentaires” et externalisée dans les laboratoires d’analyses humaines, est de plus en plus importante dans le rai sonnement clinique, au point de devenir une spécialité reconnue : la pathologie clinique.

INTÉGRATION DE L’ANALYSE BIOLOGIQUE DANS LES CLINIQUES VÉTÉRINAIRES

1. Bouleversement technique

Façon de procéder il y a 40 ans

Il y a 40 ans, il était très difficile pour un vétérinaire de réaliser lui-même les analyses biologiques les plus courantes, à moins d’en avoir tout particulièrement le goût ou d’avoir suivi une formation spécifique, par exemple à la suite d’une thèse. Le laboratoire d’analyses humaines local était le partenaire privilégié du praticien. En effet, pour la biochimie, il était nécessaire d’acquérir des spectrophotomètres généralistes, qui requéraient des étapes de pipetage avec des poires en caoutchouc, des réglages de longueurs d’onde à chaque dosage, voire un petit calcul à la fin de l’examen (avec une calculette tout de même !).

Ce qui a progressé

C’est l’électronique, puis l’informatique et même la mécanique (tuyauteries et valves) qui ont perfectionné l’équipement. En effet, pour les paramètres classiques, les techniques biochimiques sont restées quasi identiques. Les progrès ont surtout été réalisés dans la programmation et l’automatisation des étapes d’analyses. Celles-ci sont contrôlées aujourd’hui par des codes-barres. La conservation des données et les processus d’impression ont aussi progressé. Le rôle du vétérinaire est aujourd’hui limité. Il effectue un dépôt et programme le choix des paramètres, de plus en plus simplement. Les analyses sont réalisées par les automates et mises à disposition sous une forme à la fois imprimée, présentable au client, et mémorisée dans le fichier client (photos 1 et 2).

Analyses unitaires

L’intégration de la chimie sèche et la fixation des anticorps en milieu solide ont permis aussi de faciliter les analyses unitaires, y compris en microbiologie et en endocrinologie (par exemple, tests rapides des virus de l’immunodéficience féline [FIV] et de la leucose féline [FeLV], dosage cortisol) (photo 3). Ces techniques permettent au vétérinaire de réaliser lui-même des analyses spécialisées en quelques minutes. Auparavant, plusieurs jours étaient nécéssaires pour obtenir les résultats.

2. Hématologie

En hématologie, la progression a été beaucoup plus lente. Les petits automates capables de compter les hématies et les leucocytes et de réaliser grossièrement la formule leucocytaire sont apparus assez rapidement. Ils permettaient surtout de savoir si les numération et formule sanguines étaient normales ou non. L’examen du frottis sanguin restait une étape indispensable, possiblement difficile pour un vétérinaire non entraîné à cet exercice. Les examens microscopiques ont été facilités par l’apparition de kits de coloration rapide vétérinaires. Ces derniers ont remplacé les séquences fastidieuses de coloration classique, bien que ces épreuves rapides permettent une observation moins fine du frottis sanguin. Depuis une décennie sont apparus des automates vétérinaires à détections volumétrique et optique sophistiquées (photo 4). Ils assurent aujourd’hui un résultat précis des numération et formule sanguines dans les principales espèces animales traitées.

3. Inconvénients de l’évolution

Les facilités au quotidien ont deux principaux inconvénients : la moindre qualité des analyses et leur coût. En effet, cette aisance de manipulation implique des systèmes intégrés qui condamnent le vétérinaire, une fois l’automate acheté, à n’utiliser que les produits du fabricant. Ce monopole autorise ce dernier à pratiquer des prix élevés sur les réactifs et à imposer sa gamme d’analyses, voire des bilans. La qualité des analyseurs et des analyses n’est soumise à aucune législation, ni à aucun règlement. Or des résultats erronés peuvent impacter considérablement la prise en charge des animaux. À l’inverse de ce qui se passe avec les médicaments, le contrôle de la qualité des analyses (en particulier spécialisées) ne dépend que du bon vouloir du fabricant. Le vétérinaire ne dispose d’aucun moyen simple de vérifier leur fiabilité.

4. Basculement commercial

Rentabilité des analyses

ll y a 40 ans, probablement en raison des difficultés techniques, la place des analyses était limitée à quelques paramètres très classiques. Ces derniers étaient choisis avec précision par le vétérinaire pour confirmer ou infirmer les hypothèses cliniques, sans conséquence sur le chiffre d’affaires. Les fabricants d’automates et de réactifs ont transmis leur conception de la rentabilité des analyses, en tant que poste d’activité de la clinique, bien que cela soit difficile en raison des prix de revient élevés de celles-ci. Cela a conduit insidieusement à multiplier les demandes d’analyses, ce qui est souvent légitime (bilan préopératoire ou gériatrique), mais peut aussi engendrer une augmentation importante du coût global de la consultation. Cette dépense n’est pas toujours utile pour le client, puisque le vétérinaire n’en tire pas partie pour une amélioration diagnostique, pronostique ou thérapeutique.

Contraintes des valeurs de référence

Un autre inconvénient majeur des automates est la programmation systématique de valeurs de référence sous la forme de graphiques ou d’alertes rouges, peu contrôlables par le vétérinaire. Ces valeurs reposent sur des données scientifiques assez anciennes (fin du xxe siècle). Elles tiennent peu compte des particularités d’espèce ou d’âge. Les domaines de référence sont très larges, souvent compris entre la valeur la plus faible et la valeur la plus forte retrouvées dans les publications, sans sélection qualitative. De plus, la plupart des paramètres ne devraient pas s’interpréter isolément, mais en fonction des autres données. Par exemple, une valeur “normale” de calcium est faible si une hyperprotéinémie est présente, ou encore une valeur “normale” de protéines signale une hyperglobulinémie si le taux de l’albumine est bas. Bien que le vétérinaire connaisse ce défaut et cherche à interpréter les valeurs selon ses propres critères, il peut se trouver en porte-à-faux par rapport à son client. Ce dernier a spontanément tendance à croire les résultats imprimés par le robot scientifique.

DÉVELOPPEMENT DE L’ENDOCRINOLOGIE

1. Découverte de maladies

Il y a 40 ans, l’endocrinologie vétérinaire était restreinte aux diabètes sucré et insipide des carnivores. Ces affections étaient les seules endocrinopathies faciles à diagnostiquer sans que des dosages hormonaux soient disponibles. La science médicale considérait encore que les glandes endocrines sécrétaient, plus ou moins indépendamment, des hormones qui agissaient sur les tissus.

Syndrome de Cushing

Il y a un peu moins de 40 ans, une maladie alopéciante due à une hypersécrétion de cortisol a été découverte chez le caniche : le syndrome de Cushing. Le traitement en était particulièrement dangereux : un déchet de la production d’insecticide, l’o,p’DDD, provoquait une nécrose pas toujours partielle des glandes surrénales. Les scientifiques ont alors cherché à objectiver la production de cortisol chez le chien, ce qui a été facile en adaptant à l’animal le dosage déjà réalisé chez l’homme.

Hypothyroïdie

Puis, en raison du développement parallèle de la dermatologie, une autre affection alopéciante d’origine hormonale a commencé à être dépistée chez le chien : l’hypothyroïdie. Cette découverte a aussi été favorisée par la communauté de dosage de la thyroxine entre l’homme et les animaux.

2. Augmentation du choix des dosages

Les suivis de reproduction chez les chiennes ont nécessité le dosage de la progestérone et ont vu le développement des tests unitaires pour les vétérinaires. De nombreux dosages hormonaux spécifiques ont été mis au point chez le chien, le chat et même chez le furet (estradiol, prolactine, testostérone, insuline, Insulin-like Growth Factor 1, leptine).

3. Applications pratiques

La gériatrie s’est considérablement développée durant les deux dernières décennies. Le vieillissement étant caractérisé par des perturbations hormonales, les dosages des hormones sont devenus des examens de routine chez les animaux âgés. L’endocrinologie a aussi permis de mieux comprendre les maladies de la croissance, de la reproduction, et les troubles engendrés par la castration. Enfin, l’obésité est aussi une maladie dont l’incidence, quasi nulle il y a 40 ans, est passée à plus de 35 % aujourd’hui. Or c’est aussi la cause ou la conséquence d’anomalies endocriniennes graves et fréquentes.

DÉVELOPPEMENT DE LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE : GÉNÉTIQUE ET MICROBIOLOGIE

1. Connaissance des génomes

Il y a 40 ans, cela ne faisait que 10 ans que la double hélice était connue. Les mécanismes généraux de la transcription et de la réplication venaient d’être découverts. La majorité de la recherche a alors été orientée vers la biologie moléculaire pour rapidement entrer dans la connaissance intime des gènes et de leurs propriétés. Le génome humain a été décodé en 2003, celui du chien en 2005 et celui du cheval en 2009. En deux décennies, la génétique phénotypique et artisanale a fait place à la détection précise de chaque allèle. Le chien est un sujet de choix pour les tests de tares génétiques, en raison de la pression de sélection et de pratiques anciennes de consanguinité. Plus d’une centaine de tests sont commercialisés à l’heure actuelle pour les espèces canine et féline. Les vétérinaires doivent donc se tenir régulièrement informés des dépistages spécifiques de chaque race.

2. Tares génétiques

Avec les avancées des connaissances génétiques, l’espoir d’éliminer les tares par la sélection diminue. En effet, les scientifiques s’aperçoivent progressivement que l’apparition phénotypique d’une tare a souvent une cause polygénique. L’hypothèse simple d’un allèle présentou absent n’est pas la plus fréquemment avérée. Ce sont plutôt des expressions d’une même anomalie qui sont observées. Elles varient en intensité, soit par l’intermédiaire de plusieurs allèles, soit par des variations post-transcriptionnelles.

3. Technique PCR

La technique dite de PCR (polymerase chain reaction) permet d’amplifier très rapidement une matrice double brin d’ADN, donc de dépister une trace d’élément infectieux. Elle a été à l’origine d’un essor considérable du diagnostic en virologie, en bactériologie et même en parasitologie vétérinaires. Comme toujours, cette facilité technique concourt à rendre plus difficile l’interprétation des résultats. Il convient de s’interroger sur le lien entre la présence d’un élément d’ADN et une maladie.

PATHOLOGIE CLINIQUE

1. Reconnaissance de la pathologie clinique

Il y a 40 ans, les différents secteurs de l’analyse biologique étaient très liés aux disciplines de biochimie, d’hématologie, de microbiologie et de parasitologie. Cependant, il convient de regrouper des compétences, surtout pour les analyses spécialisées. Cela a pour objectif d’assurer aux vétérinaires et à leurs clients un large panel d’analyses pour un même animal. Suivant le mouvement de formation de spécialistes au niveau de l’Europe, le Collège européen de pathologie clinique vétérinaire (ECVCP) a été créé en 2002 et reconnu officiellement par le Bureau européen de la spécialisation vétérinaire (EBVS) en 2009. Il a essentiellement été fondé pour réunir l’hématologie, la cytologie et la biochimie, dont la biologie moléculaire, et a pour vocation de s’étendre peu à peu aux autres disciplines de l’analyse vétérinaire. Les spécialistes de cette structure sont reconnus en France depuis 2012.

2. Rôles de la pathologie clinique

La pathologie clinique est insérée dans la démarche du même nom. Il ne s’agit plus de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse du clinicien, mais d’entretenir un dialogue autour de l’animal, afin d’établir au mieux le diagnostic et le pronostic. Ainsi, un laboratoire de pathologie clinique se doit aujourd’hui de proposer un service d’accompagnement téléphonique des praticiens (photo 5). En effet, il y a 40 ans, il s’agissait le plus souvent de révéler des lésions sévères de maladies graves par l’analyse. À l’heure actuelle, les connaissances médicales croissent de façon exponentielle chez les animaux de compagnie. Les maladies de production sont très présentes dans le secteur de l’élevage et le maintien de la forme est indispensable aux animaux de sport. La pathologie clinique ne se limite donc plus à une confirmation de lésion, mais doit évaluer les capacités de l’animal à assurer ses fonctions vitales (équilibres hydrominéral et énergétique, fonctions hépatiques et rénales, régulations endocrines). Cela permet de prescrire au plus juste les traitements les plus appropriés. En effet, grâce à la pathologie clinique, une meilleure compréhension des processus physiologiques et pathologiques est possible, ainsi qu’un suivi de l’efficacité thérapeutique. À titre prophylactique (bilan gériatrique), cette spécialité permet de signaler très précocement au clinicien un éventuel risque.

Conclusion

En 40 ans, la biologie vétérinaire a bénéficié de la remarquable progression des connaissances médicales, en particulier sur les mécanismes physiopathologiques des maladies, et a connu une révolution technologique. Ces progrès considérables ont modifié sa place sur le plan aussi bien quantitatif que qualitatif. Pour les paramètres classiques, elle a été complètement intégrée à l’exercice vétérinaire au quotidien. En parallèle, de grands laboratoires spécialisés se sont développés. Ils offrent aujourd’hui aux praticiens l’appui de leurs spécialistes en pathologie clinique pour optimiser le choix des analyses et l’interprétation des résultats.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Les automates d’analyses biologiques vétérinaires sont devenus maniables et performants.

→ La rentabilité des automates est assez faible dans la mesure où il s’agit de systèmes verrouillés.

→ Il n’existe pas de réglementation permettant de garantir la qualité des automates, des réactifs ou des tests unitaires vétérinaires.

→ Certains secteurs d’analyses spécialisées ont été créés en 40 ans : endocrinologie, génétique, et une technique, la PCR (polymerase chain reaction), a métamorphosé le diagnostic en microbiologie

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