BACTÉRIOLOGIE
Analyse d’article
Auteur(s) : Catherine Laffort
Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux
Le terme de biofilm a été proposé dans les années 1970 par le microbiologiste John William Costerton au cours de ses travaux sur les infections persistantes à Pseudomonas aeruginosa qui apparaissent lors de mucoviscidose [4]. Il désigne les communautés microbiennes qui se développent sur les surfaces. Il s’agit d’un mode de comportement des organismes unicellulaires, en particulier bactériens. Il s’oppose au mode vie de flottaison libre dit “planctonique” rencontré en milieu liquide. Dans la majorité des écosystèmes, le mode de vie en biofilm est le mode de vie naturel de la plupart des micro-organismes [5]. Un biofilm est une communauté de bactéries complexe et sessile enrobée dans une matrice de carbohydrates, protéines et ADN qu’elle a, elle-même, produite (matrice exopolymérique). Il constitue un mode de vie avantageux pour les bactéries. En effet, la matrice extracellulaire les protège des conditions environnementales (ultraviolets, déshydratation, pH, tolérance aux antibiotiques, etc.) et permet leur persistance. La vie multi-cellulaire autorise une coopération métabolique, une communication intercellulaire grâce à la détection du quorum (ou quorum sensing), qui permet aux bactéries de modifier l’expression de leur programme génétique, et favorise les transferts génétiques horizontaux. Le système immunitaire peut ainsi être mis en échec [2].
La plupart des infections (approximativement 80 %) sont dues à des biofilms : la plaque dentaire et les caries, les infections nosocomiales liées à l’implantation d’un corps étranger, les endocardites infectieuses, les infections persistantes lors de mucoviscidose, etc. [11]. En dermatologie médicale, les biofilms sont impliqués, par exemple, dans la cicatrisation des plaies, la dermatite atopique, l’acné, la candidose, les réactions indésirables aux injections de produits de comblement des rides [11]. Les bactéries commensales opportunistes sont le plus souvent incriminées, comme certains staphylocoques, Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa, certains streptocoques ou pasteurelles [2]. La capacité à former des biofilms est un facteur de virulence identifié de plusieurs Staphylococcus spp., en particulier Staphylococcus epidermidis qui est un agent fréquent d’infections nosocomiales [9].
Le rôle des biofilms en pathologie canine n’est pas, à ce jour, bien établi. Les études qui s’intéressent à ce sujet sont encore rares, mais le rythme des publications s’accélère depuis ces derniers mois. Les premiers rapports concernent la capacité de staphylocoques canins à produire des biofilms in vitro [8, 10]. Récemment, cette propriété a été mise en évidence pour d’autres agents pathogènes canins comme Pseudomonas aeruginosa isolés à partir de prélèvements auriculaires ou Malassezia pachydermatis [7, 14].
La capacité à produire des biofilms a été proposée comme facteur de virulence pouvant procurer un avantage à certains clones de staphylocoques et expliquer l’expansion clonale de certains isolats de souches méticilline-résistantes (MRSP) [12]. En effet, alors que les souches de Staphylococcus pseudintermedius (SP) isolées sur la peau de chiens sains ou à partir de chiens présentant une infection à souches méticilline-sensibles (MSSP) sont d’une grande diversité génétique, les isolats de chiens présentant une infection à MRSP appartiennent le plus souvent à deux clones majeurs et indépendants, ST68 en Amérique du Nord, ST71 en Europe et au Japon [1, 13]. Bien que le nombre d’isolats de MSSP (19) soit faible dans l’étude choisie, les résultats semblent montrer qu’il n’en est rien puisqu’il n’a pas été mis en évidence de différence dans la capacité à former un biofilm entre les souches MRSP et MSSP. Cela est à mettre en parallèle avec les résultats de deux études qui montrent une virulence similaire en situation clinique [3, 17].
L’émergence d’infections à MRSP dont la majorité sont capables de produire des biofilms in vitro, ainsi que le montrent différentes études, conduit à rechercher des méthodes pour dégrader et/ou inhiber la formation de ces derniers [6, 8, 12]. L’huile essentielle de manuka et la DispersinB(r) (enzyme d’Aggregatibacter actinomycetemcomitans) semblent avoir un intérêt in vitro alors que la clarithromycine à des doses thérapeutiques n’élimine pas les biofilms de SP [6, 15, 16]. Une meilleure connaissance des mécanismes de formation des biofilms de SP permettra de mieux sélectionner les cibles potentielles.
Aucun.
OBJECTIFS
Évaluer, à l’aide de techniques phénotypiques et génotypiques, la capacité d’isolats cliniques canins de Staphylococcus pseudintermedius (SP) à produire des biofilms.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Cent vingt et un (121) isolats de SPméticilline-résistants et 19 isolats de SPI méticilline-sensibles ont été obtenus à partir de chiens colonisés ou présentant une infection active. La formation d’un biofilm a été évaluée par mesures spectrophotométriques quantitatives en plaque de microtitration. Les isolats ont été classés comme producteurs forts, modérés, faibles ou non-producteurs de biofilms selon la valeur de la densité optique de l’échantillon. Pour chaque isolat, l’ADN a été extrait afin de détecter les gènes icaA et icaD qui codent pour la formation de la matrice extracellulaire polymérique des biofilms de staphylocoques. La structure du biofilm produit par un isolat fortement producteur a été observée en microscopie électronique.
RÉSULTATS
Quatre-vingt-seize pour cent des isolats cliniques canins de Staphylococcus pseudintermedius évalués dans cette étude ont été classés comme producteurs modérés à forts de biofilms. Il n’existe pas de différence dans la capacité à former des biofilms entre les souches méticilline-résistantes (MRSP) et méticilline-sensibles (MSSP), ni entre les isolats obtenus à partir de chiens simplement colonisés ou bien ayant développé une infection clinique. Les gènes icaA et icaD ont été détectés respectivement chez 77,9 et 75,7 % des isolats, mais aucune association n’a été mise en évidence avec la capacité à produire un biofilm ou la résistance à la méticilline. L’observation en microscopie électronique de biofilms de SP montre l’agrégation de cocci au sein d’une matrice extracellulaire polymérique produite irrégulièrement.
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