Pronostic après une surrénalectomie chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 337 du 01/07/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 337 du 01/07/2013

CHIRURGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : Fitzpatrick Referrals Ltd
Halfway Iane, Eashing Iane
Godalming, GU72QQ
Surrey, United Kingdom

Les tumeurs surrénaliennes primitives sont rares chez le chien. Le diagnostic peut être difficile à établir sans analyse histologique. Ainsi, dans les cas où la résection paraît possible, une intervention chirurgicale est recommandée. Cependant, une surrénalectomie est associée à un risque non négligeable de complications péri-opératoires. Il convient alors d’informer les propriétaires aussi précisément que possible.

TYPE TUMORAL

Les tumeurs surrénaliennes les plus fréquentes sont l’adénome, le carcinome, sécrétant ou non, et le phéochromocytome(1) [8]. Des métastases surrénaliennes sont également décrites.

Un taux de mortalité péri-opératoire de 20 à 25 % est rapporté dans les publications, quel que soit le type tumoral [1, 3, 7, 10]. Néanmoins, le pronostic varie selon le degré d’invasion vasculaire.

La durée de survie (à long terme) peut être liée au type tumoral, avec une durée médiane de survie plus courte parfois rapportée lors d’adénocarcinome surrénalien. Cependant-, une durée de survie de 992 jours a été décrite chez les chiens qui ont survécu à la période péri-opératoire [1, 10].

De plus, comme en médecine humaine, la taille tumorale (supérieure à 5 cm) semble associée à un pronostic plus sombre à long terme [10].

INVASION VASCULAIRE

L’invasion de la veine cave ou de la veine phrénico-abdominale est un critère important qui influe sur le taux de complications péri-opératoires. Le terme de thrombus est souvent utilisé pour désigner la masse intravasculaire formée par l’extension tumorale associée à un thrombus [7]. Une invasion vasculaire est rapportée dans 30 à 70 % des cas de phéochromocytome et dans 10 à 20 % des cas de carcinome surrénalien [2, 3, 5, 7].

L’article résumé rapporte un risque de mort plus élevé de plus de 2 fois lors d’invasion vasculaire (13 fois dans une autre étude) et de 4,5 fois lorsque le thrombus s’étend jusqu’à la portion hépatique de la veine cave caudale [2, 10]. Cependant, un essai précédent n’avait trouvé aucune différence significative [7]. Une étude prospective évaluant l’impact de l’invasion vasculaire sur le taux de survie péri-opératoire est requise afin de confirmer son impact négatif sur le pronostic à court terme.

Aucune différence significative n’a été déterminée vis-à-vis de la durée de survie à long terme entre les chiens qui ont survécu à la chirurgie et chez lesquels un thrombus était présent et ceux pour qui aucune invasion vasculaire n’avait été identifiée [2, 7, 10].

Une résection d’une large portion de la veine cave caudale lors d’invasion sévère a été décrite dans deux cas [4, 9]. Les résultats cliniques à long terme ont été bons, avec des durées de survie de 49 mois pour un cas et supérieure à 20 mois dans l’autre. Ils reposent essentiellement sur la formation d’une vascularisation collatérale fonctionnelle liée à l’obstruction vasculaire chronique préexistante. Une étude a ainsi démontré que l’occlusion progressive de la veine cave caudale entraîne uniquement une augmentation transitoire et non significative du taux de filtration glomérulaire [9].

En raison de la proximité avec la tumeur surrénalienne ou de l’invasion de la veine rénale, il est parfois nécessaire de réaliser une néphrectomie, en association avec une surrénalectomie [2, 9]. Cependant, cet acte semble associé à une plus courte durée de survie, ce qui est possiblement lié au développement plus précoce d’une insuffisance rénale chronique [2].

TRAITEMENT MÉDICAL

La phénoxybenzamine est un α-adrénergique antagoniste qui se lie irréversiblement aux récepteurs α1 et -2. Elle est administrée en médecine humaine avant une surrénalectomie lors de phéochromocytome afin de réduire les effets péri-opératoires délétères des catécholamines. Un traitement d’environ 2 semaines est recommandé avant l’intervention chirurgicale. Une diminution du taux de mortalité péri-opératoire a été démontrée en médecine vétérinaire, et est également reconnue en médecine humaine [5]. Cependant, ces données ne sont pas confirmées par l’étude résumée, dans laquelle aucune différence n’est relevée malgré un faible effectif [2].

L’influence d’un traitement préventif à l’héparine sur le développement d’une dissémination intravasculaire et les chances de survie n’est pas connue [2].

La réalisation d’une surrénalectomie bilatérale est possible. La gestion postopératoire est, en revanche, plus délicate puisqu’une supplémentation en corticostéroïdes et en minéralocorticoïdes est alors indispensable.

Conclusion

La surrénalectomie est une opération qui peut se révéler complexe. Un risque de mort non négligeable est présent. Il convient de planifier la chirurgie afin de déterminer la présence ou non, ainsi que l’extension, d’un thrombus tumoral et d’anticiper de potentielles complications cardiovasculaires au moyen d’un traitement médical préopératoire. Cela permet également de préciser le risque chirurgical et d’en informer les propriétaires, notamment vis-à-vis des invasions vasculaire et rénale, qui sont des facteurs pronostiques majeurs.

De plus, dans le cas où une tumeur surrénalienne non compliquée est diagnostiquée, une surrénalectomie peut être réalisée sous cœlioscopie. La technique a été décrite chez 7 chiens, avec des taux de survie similaires à ceux précédemment rapportés [6]. Cette méthode a également été mise en œuvre chez un chat [11].

Les chiens qui présentent un phéochromocytome ou une invasion de la veine cave caudale par celui-ci ont un risque accru de mort à court terme.

  • (1) Voir l’article “Le phéochromocytome canin” d’I. Desmas, dans ce numéro.

Références

  • 1. Anderson CR, Birchard SJ, Powers BE, Belandria GA, Kuntz CA, Withrow SJ. Surgical treatment of adrenocortical tumors: 21 cases (1990-1996). J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001;37(1):93-97.
  • 2. Barrera JS, Bernard F, Ehrhart EJ, Withrow SJ, Monnet E. Evaluation of risk factors for outcome associated with adrenal gland tumors with or without invasion of the caudal vena cava and treated via adrenalectomy in dogs: 86 cases (1993-2009). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2013;242(12):1715-1721.
  • 3. Barthez PY, Marks SL, Woo J, Feldman EC, Matteucci M. Pheochromocytoma in dogs: 61 cases (1984-1995). J. Vet. Intern. Med. 1997;11(5):272-278.
  • 4. Guillaumot PJ, Heripret D, Bouvy BM et coll. 49-month survival following caval venectomy without nephrectomy in a dog with a pheochromocytoma. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2012;48(5):352-358.
  • 5. Herrera MA, Mehl ML, Kass PH, Pascoe PJ, Feldman EC, Nelson RW. Predictive factors and the effect of phenoxybenzamine on outcome in dogs undergoing adrenalectomy for pheochromocytoma. J. Vet. Intern. Med. 2008;22(6):1333-1339.
  • 6. Jimenez Pelaez M, Bouvy BM, Dupre GP. Laparoscopic adrenalectomy for treatment of unilateral adrenocortical carcinomas: technique, complications, and results in seven dogs. Vet. Surg. 2008;37(5):444-453.
  • 7. Kyles AE, Feldman EC, De Cock HE et coll. Surgical management of adrenal gland tumors with and without associated tumor thrombi in dogs: 40 cases (1994-2001). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2003;223(5):654-662.
  • 8. Locke-Bohannon LG, Mauldin GE. Canine pheochromocytoma: Diagnosis and management. Compend. Contin. Educ. Vet. 2001;23(9):807-815.
  • 9. Louvet A, Lazard P, Denis B. Phaeochromocytoma treated by en bloc resection including the suprarenal caudal vena cava in a dog. J. Small Anim. Pract. 2005;46(12):591-596.
  • 10. Massari F, Nicoli S, Romanelli G, Buracco P, Zini E. Adrenalectomy in dogs with adrenal gland tumors: 52 cases (2002-2008). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2011;239(2):216-221.
  • 11. Smith RR, Mayhew PD, Berent AC. Laparoscopic adrenalectomy for management of a functional adrenal tumor in a cat. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2012;241(3):368-372.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer les facteurs de risque associés aux résultats à court et long termes après une surrénalectomie dans le traitement de tumeurs surrénaliennes, envahissant ou non la veine cave, chez le chien.

MÉTHODE

Étude rétrospective. Tous les chiens qui ont subi une surrénalectomie et pour lesquels une confirmation histopathologique du diagnostic a été obtenue ont été inclus.

RÉSULTATS

• 86 chiens ont été inclus, dont 14 cas d’adénome surrénalien, 45 cas de carcinome corticosurrénalien et 27 cas de phéochromocytome. Quatorze cas d’invasion de la veine cave caudale (VCC) sont recensés (un phéochromocytome est impliqué pour 13 d’entre eux).

• 71 chiens ont présenté des complications peropératoires : hypotension (n = 53), hémorragie (n = 22), arythmie (n = 14), hypertension (n = 12) et hypoxie (n = 7). Sept chiens sont morts durant l’intervention chirurgicale (6 cas de phéochromocytome). Le risque de mort est significativement plus élevé chez les animaux atteints d’une invasion de la VCC (5 chiens sur les 7 individus morts).

• 34 chiens ont développé des complications post-opératoires, incluant 15 morts. Aucun facteur de risque n’a été mis en évidence.

• Le taux de survie à 2 semaines est de 79 % pour les cas de carcinome et de 48 % lors de phéochromocytome. Les chiens sans invasion de la VCC présentent un risque de mort à court terme 2,3 fois plus faible que les autres. Les animaux dont l’invasion de la VCC est importante ont un risque de mort significativement plus élevé (100 %) que les individus dont l’invasion est locale (43 %).

• La durée médiane de survie est de 48 mois pour les chiens atteints d’un carcinome surrénalien. Le taux de survie à 3 ans est de 60 % pour les animaux avec un phéochromocytome.

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