L’imépitoïne : une alternative antiépileptique plus flexible avec moins d’effets secondaires - Le Point Vétérinaire n° 337 du 01/07/2013
Le Point Vétérinaire n° 337 du 01/07/2013

ÉPILEPSIE CANINE

Thérapeutique

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : Le Fougerais
44850 Saint-Mars-du-Désert

Mieux tolérés, les comprimés Pexion® d’imépitoïne ne présentent toutefois pas une efficacité supérieure à celle du phénobarbital dans le traitement de l’épilepsie canine.

L’Agence européenne des médicaments (EMA) a approuvé à la majorité des voix, et non par consensus, un nouveau traitement contre l’épilepsie canine, les comprimés Pexion® (Boehringer Ingelheim), dosés à 100 mg et à 400 mg d’imépitoïne.

Pour la plupart des experts du comité vétérinaire de l’EMA, le rapport d’évaluation bénéfices/risques est favorable. En revanche, pour trois pays (France, Danemark et Italie), l’efficacité de cette spécialité est insuffisamment évaluée pour conclure qu’elle est similaire à celle du traitement de référence, le phénobarbital. Pourtant, l’incidence des effets indésirables (sédation, hépatotoxicité, polyuro-polydipsie, etc.) est indéniablement deux fois plus faible avec l’imépitoïne.

Une alternative aux barbituriques

Aucun traitement contre l’épilepsie canine n’a été développé depuis 100 ans. Ces comprimés d’imépitoïne constituent donc une solution alternative aux barbituriques, qu’il s’agisse du phénobarbital (Phenoleptil® ou Crisax®, avec le bromure) ou de la primidone (Mysolane®). En effet, les effets indésirables, notamment sédatifs, de ces molécules peuvent conduire à reporter la mise en place d’un traitement au long cours tant que les crises d’épilepsie peuvent être supportées par le propriétaire.

Une meilleure tolérance

→ Dans l’essai clinique européen, l’incidence des effets indésirables chez les chiens traités par l’imépitoïne (à la dose de 10 à 30 mg/kg toutes les 12 heures durant 20 semaines) est environ deux fois plus faible que pour le phénobarbital (de 2 à 6 mg/kg toutes les 12 heures) concernant la sédation et la polyuro-polydispsie (figure 1).

L’hépatotoxicité des barbituriques est connue et dose-dépendante. Dans les essais cliniques, les taux des enzymes hépatiques (alanine amino-transférase, phosphatase alcaline, aspartate aminotransférase, γ-glutamyl-transférase et glutamate-déshydrogénase) croissent avec la dose de phénobarbital utilisée. Aucune élévation de ces enzymes n’est observée avec de l’imépitoïne. Un léger accroissement des valeurs de créatinine est noté chez les chiens traités avec de l’imépitoïne, sans dépasser la limite haute de la fourchette de référence.

Un anticonvulsivant

L’imépitoïne est un anticonvulsivant agissant comme « un agoniste partiel de faible affinité du récepteur Gaba de la benzodiazépine ». Il ne s’agit toutefois pas d’une benzodiazépine ni d’une benzodiazépine-like. Son affinité sur ce récepteur est 600 fois moindre que celle du diazépam (Valium®). Il n’existe pas d’accoutumance à l’imépitoïne, ni de tolérance au traitement après 4 semaines.

Une plus grande flexibilité

→ Le profil pharmacocinétique de l’imépitoïne est marqué par une élimination rapide, avec une demi-vie de 1,5 à 2 heures. Deux prises par jour sont donc nécessaires (à 10 mg/kg par prise à la dose initiale et jusqu’à 30 mg/kg par prise à la dose maximale). La biodisponibilité par voie orale est bonne (supérieure à 92 % à jeun) et influencée par le repas.

→ Contrairement au phénobarbital, il n’est pas nécessaire d’attendre une semaine, voire davantage, pour atteindre un état d’équilibre ni a fortiori de doser sa concentration sérique pour effectuer des ajustements de dose. Dès les premières 24 à 48 heures, la dose peut être augmentée, au maximum jusqu’à 30 mg/kg par prise, si les crises d’épilepsie continuent de survenir de manière rapprochée. Cette molécule est donc d’un usage plus souple que les barbituriques.

Un essai clinique américain

→ Deux essais cliniques pour l’imépitoïne ont été conduits la comparant, l’un, aux États-Unis, à la primidone et le second, en Europe (Allemagne et France, surtout), au phénobarbital (sans bromure associé).

→ Dans l’essai nord-américain, l’imépitoïne affiche des résultats d’efficacité moindre que la primidone sur la réduction de la fréquence des crises. Environ 2 chiens sur 3 (62,4 %) traités par l’imépitoïne montrent une diminution de moitié de la fréquence des crises (versus 82,4 % pour la primidone). Cet essai confirme que l’imépitoïne est deux à trois fois mieux tolérée que la primidone en termes d’hépatotoxicité (élévation des enzymes hépatiques), d’ataxie (6 % versus 13 %), de polydipsie (3 % versus 15 %), d’hyperactivité (3 % versus 10 %), d’anxiété (3 % versus 9 %) ou de désorientation (1 % versus 5 %).

Un essai européen compliqué

→ Dans son rapport d’évaluation, l’EMA détaille les résultats de l’essai multicentrique européen. Dans les deux groupes, les traitements randomisés et à l’aveugle sont commencés à la dose minimale, puis ajustés durant une première phase de 8 semaines : 10, 20 ou 30 mg/kg d’imépitoïne toutes les 12 heures ou 2, 4 ou 6 mg/kg de phénobarbital toutes les 12 heures.

→ Si l’ajustement de la dose est possible après 24 à 48 heures en cas de manque d’efficacité avec l’imépitoïne, cela n’est pas le cas avec le phénobarbital qui nécessite une semaine de traitement pour atteindre l’état d’équilibre. Ainsi, le rythme d’ajustement des doses a été calé pour les deux groupes sur celui du phénobartital. Cela semble avoir généré de nombreux cas perdus de vue, d’écart au protocole ou de retrait de l’essai, voire d’inefficacité dans le lot imépitoïne (figure 2). À l’issue de cette première phase, les chiens sont suivis à l’aveugle pendant 3 mois (12 semaines).

Une absence d’infériorité

→ Dans la première analyse statistique de cet essai, 45 % des 116 chiens du lot imépitoïne sont exclus, soit 2,5 fois plus que dans le lot phénobarbital (20 %). Pour les 64 cas qui restent du lot imépitoïne et les 88 animaux traités par le barbiturique, le nombre de crises par mois, critère principal d’efficacité retenu, diminue de 2,3 à 2,4 crises avant traitement à 1,1 crise après traitement dans les deux lots. Cette analyse conclut que l’efficacité de l’imépitoïne n’est pas inférieure à celle du phénobarbital.

→ Sur les autres critères d’efficacité, les résultats de l’imépitoïne sont légèrement inférieurs à ceux du phénobarbital. La fréquence des crises a été diminuée de moitié pour les trois quarts des chiens du lot imépitoïne inclus pour l’analyse (48 cas sur 64) versus 83 % (73 animaux sur 88) pour le phénobarbital. De même, aucune crise généralisée n’a été observée pendant les 3 mois de suivi pour environ 1 cas sur 2 du lot imépitoïne (30 chiens sur 64) versus 58 % (51 animaux sur 88) pour le phénobarbital.

Débat sur les cas d’exclusion

→ Les nombreux chiens exclus de l’analyse sont largement discutés dans le rapport public d’évaluation de l’EMA car ils peuvent représenter des biais. L’agence a fait procéder à une seconde analyse statistique en ajoutant de nombreux cas exclus de la première analyse, soit portant au total sur 93 animaux du lot imépitoïne (80 % des cas inclus) et 102 du lot phénobarbital (93 % des chiens inclus). Les résultats de cette seconde analyse sont moins favorables à l’imépitoïne.

→ Cette analyse appuie l’avis divergent et minoritaire des trois experts français, danois et italien. Selon eux, la faible affinité de l’imépitoïne au récepteur Gaba de la benzodiazépine et son élimination rapide, qui ne permettrait pas de maintenir des concentrations efficaces entre deux prises, constituent deux hypothèses pour justifier ce manque d’efficacité. Pour le laboratoire, l’explication découle davantage du protocole et de l’organisation de cet essai comparatif, qui conduisent à sous-estimer l’efficacité réelle de l’imépitoïne en ne permettant pas un ajustement rapide des doses nécessaires.

Association possible avec le phénobarbital

→ Toutefois, l’EMA conclut à un rapport bénéfices/risques favorable de l’imépitoïne : « Une option de traitement adaptée chez certains chiens du fait de sa tolérance. » De plus, « aucune interaction délétère n’a été observée avec le phénobarbital », précise le résumé des caractéristiques du produit. Il serait donc sans doute possible, à l’avenir, d’associer les deux anti-épileptiques pour une meilleure prise en charge de l’épilepsie.

→ Les boîtes de 100 comprimés sécables d’imépitoïne (en vrac) sont référencées en centrale à environ 25 € HT pour le dosage en 100 mg et à 48 € pour celui à 400 mg.

En savoir plus

Rapport d’évaluation de l’Agence européenne des médicaments sur Pexion® disponible sur www.WK-vet.fr.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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