Les lithiases du haut appareil urinaire chez le chat : traitement chirurgical - Le Point Vétérinaire expert rural n° 333 du 01/03/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 333 du 01/03/2013

UROLOGIE FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Thibaut Cachon

Fonctions : Service de chirurgie VetAgro Sup
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile

Chez le chat, la forte proportion de calculs d’oxalate de calcium rend le traitement médical difficile et parfois inefficace. Le traitement chirurgical reste souvent la seule option face à ces types de calculs.

Les calculs des voies urinaires hautes regroupent les lithiases rénales et urétérales. Si ces types de calculs restent relativement rares chez le chien, comparés aux lithiases vésicales, leur incidence est en constante augmentation chez le chat.

De nombreuses options chirurgicales sont envisageables selon la localisation du ou des calculs. Cependant, la chirurgie du haut appareil urinaire chez le chat requiert une technicité et un matériel spécifiques : système de grossissement (microscope opératoire, loupe binoculaire) instruments de microchirurgie, sondes de petit diamètre, fils monofilaments montés sur aiguilles rondes (5.0 à 7.0). De plus, l’anesthésie des animaux à la fonction rénale altérée est délicate et les soins postopératoires sont lourds. La prise en charge chirurgicale de ces affections nécessite donc une équipe entraînée et pluridisciplinaire.

1 Stabiliser l’animal en phase préopératoire

Avant l’intervention, il convient de stabiliser au mieux l’animal afin de limiter le risque anesthésique, mais cela n’est pas toujours possible. Ainsi chez les animaux où une intervention longue, nécessaire au retrait des calculs, ne peut être envisagée, deux options sont possibles : la mise en place d’une sonde de néphrostomie ou l’hémodialyse (photo 1). Cette dernière permet de lutter efficacement contre le syndrome urémique mais ne lève pas l’obstruction ni la pression rénale. Il convient donc, dans la mesure du possible, de privilégier une sonde de néphrostomie afin de relancer la diurèse et de lever l’obstruction. Cela permet d’améliorer les paramètres biochimiques (urée et équilibre acido-basique), de limiter l’aggravation des lésions rénales et de diminuer les douleurs liées à l’obstruction urétérale. Un taux de complications important (fuites, délogement de la sonde, drainage insuffisant, etc.), 46 % selon une étude récente, est associé à la mise en place des sondes de néphrostomie. Celles-ci ne peuvent donc être envisagées que sur une courte période [7]. Cependant, l’utilisation de sondes spécifiques (sonde à queue-de-cochon) peut permettre de limiter les risques de migration de la sonde du bassinet rénal et de fuite [2].

2 Options chirurgicales conventionnelles

La chirurgie du haut de l’appareil urinaire requiert un niveau technique important. De plus, les complications sont nombreuses et le taux de mortalité est élevé. Une étude rétrospective portant sur près de 153 chats, montre que la chirurgie des lithiases urinaires hautes est associée à un nombre important de complications (31 %) et que la mortalité péri-opératoire est également importante (18 %) [1]. Une fois cette période critique passée, le pronostic à moyen terme est bon avec un taux de survie à 12 mois de 91 % [7].

Il convient d’adapter le type d’intervention à la localisation et au nombre de calculs. Si l’urétéronéphrectomie est la technique la plus simple et la plus fiable par rapport aux autres options chirurgicales, elle n’est indiquée que dans un nombre restreint de cas. Ainsi, seuls les animaux non azotémiques et pour lesquels la fonction rénale controlatérale est préservée peuvent être candidats à une néphrectomie de première intention. En sachant également que près de 30 % des chats âgés développent une insuffisance rénale et qu’il existe un risque important de calculs sur le rein controlatéral, l’exérèse d’un rein, au lieu de traiter la cause de l’obstruction, ne peut être recommandée [3, 6, 9]. La préservation de la fonction rénale résiduelle doit être de mise.

L’exérèse du calcul est réalisée soit par urétérotomie, soit par réimplantation urétérale, selon sa localisation le long de l’uretère (photo 2).

L’urétérotomie consiste en l’ouverture de l’uretère proximal pour en extraire l’urolithe. Elle est difficile à réaliser chez le chat, étant donné le faible diamètre urétral chez cette espèce. Les complications de cette technique sont nombreuses : fuites urinaires (6 à 16 %) et sténose cicatricielle [7, 8, 11].

La néo-urétérocystostomie consiste en un réabouchement vésico-urétéral. Cette technique délicate permet de retirer les calculs de la portion distale de l’uretère. Elle semble, pour certains chirurgiens, plus simple, plus rapide et présentant moins de complications qu’une urétérotomie [2]. Néanmoins, dans l’étude de Kyles, les complications postopératoires de ces deux techniques sont identiques [7]. Quelle que soit la technique chirurgicale choisie, l’identification de la nature des calculs et la recherche de causes prédisposantes sont de mise afin de mettre en place un traitement préventif adapté.

En présence de plusieurs calculs urétraux, il est difficile de réaliser un seul site d’urétérotomie. De plus, des calculs pyéliques peuvent aussi coexister et nécessiter ainsi une éventuelle pyélotomie. Dans l’étude de Kyles, près de 40 % des chats ont récidivé. Parmi eux, 85 % présentaient des lithiases pyéliques au moment de l’intervention chirurgicale urétérale [7]. Ainsi, le développement de méthodes moins invasives, comportant moins de complications, a trouvé sa place dans le traitement global des calculs urétéraux.

3 Alternatives chirurgicales

Afin de pallier les limites des chirurgies conventionnelles, deux techniques sont actuellement à l’étude.

Retrait des calculs sous contrôle néphroscopique

Le retrait des calculs sous contrôle néphroscopique permet le retrait des calculs urétéraux et rénaux dans un même temps (photo 3). Pour cela, une optique de faible diamètre est introduite dans la cavité pyélique par une mininéphrotomie sagittale. Les calculs urétéraux sont alors repoussés dans le bassinet par hydopulsion rétrograde. Ces derniers sont alors extraits sous contrôle endoscopique.

Cette technique permet de s’affranchir la plupart du temps d’une urétérotomie et de ses potentielles complications. Elle peut être réalisée de façon bilatérale. Néanmoins, les lésions rénales iatrogènes sont encore à évaluer. De plus, elle peut être insuffisante si les calculs sont très enchâssés dans la paroi urétérale [4].

Stent urétral

La mise en place de stents urétéraux est une solution alternative intéressante aux chirurgies conventionnelles [1, 3]. Le stent permet de drainer l’urine depuis le rein jusqu’à la vessie, de diminuer les risques de sténose ou de fuite après une éventuelle urétérotomie, de favoriser la dilatation de l’uretère en phase postopératoire, de limiter les risques de récidives et d’empêcher la migration ultérieure de calculs pyéliques. Des sondes spécifiques à double queue-de-cochon sont utilisées [2]. Chez le chat, des sondes de 2,5 Fr sont disponibles (photos 4 et 5). Les résultats préliminaires disponibles sont encourageants. Le stent a pu être mis place chez près de 90 % des animaux. Une nette amélioration clinique a été observée en phase postopératoire immédiate. Peu de complications péri-opératoires sont rapportées. Les stents seraient bien tolérés au long terme (plusieurs années) [1]. L’encrustation (encroûtement, obstruction minérale) du stent rapportée chez l’homme comme une complication grave et fréquente n’a pas été décrite chez le chat ou le chien [1, 5].

La pose d’un stent urétéral semble donc une solution alternative intéressante au traitement chirurgical mais cette technique nécessite cependant des études sur un long terme. Cette technique est proposée désormais par de plus en plus de structures vétérinaires en France.

4 Gestion en phase postopératoire

La phase postopératoire des animaux traités pour des lithiases urinaires hautes est souvent critique. Un suivi rapproché de ces derniers est donc indispensable. En plus d’une évaluation clinique et de la diurèse, des dosages de l’urémie, de la créatinémie, des gaz du sang, de l’hématocrite et des protéines totales sont nécessaires. Une analgésie est nécessaire ainsi qu’une fluidothérapie et une antibiothérapie. L’uroculture réalisée à partir des prélèvements peropératoires permet d’adapter l’antibiothérapie. La fluidothérapie doit être dictée au cas par cas et réévaluée régulièrement. Il est nécessaire de pallier les pertes hydriques et de lutter contre les troubles électrolytiques et acido-basiques. Cependant, après la levée de l’obstruction, une diurèse massive peut être observée et un risque d’hyperhydratation est rapporté [2, 6-8].

Les éventuelles complications doivent être détectées le plus tôt possible. Une palpation abdominale régulière, par le même observateur si possible, ainsi que le contrôle échographique assurent la détection d’un éventuel uropéritoine.

Sur le long terme, la prévention des récidives doit être assurée. Une alimentation humide et limitant la saturation des urines en calcium est indiquée.

5 Pronostic

Lors du traitement chirurgical des lithiases urinaires hautes chez le chat, le pronostic vital de l’animal est engagé. En effet, la morbidité et la mortalité de ce type d’intervention sont importantes. Ainsi, près de 36 % de taux de complications et 18 % de taux de mortalité sont rapportés lors d’urétérotomie [7, 8]. Le développement de techniques moins invasives et mieux adaptées (stents urétéraux, notamment) améliorerait ces chiffres tout en diminuant les risques de récidives. Le pronostic est meilleur après un traitement chirurgical que lors de traitement médical (plus de 30 % des chats meurent dans le mois suivant l’initiation du traitement) [7].

Le potentiel de récupération de la fonction rénale est fonction de la chronicité de l’obstruction. Des études chez le chien sain ont montré que le taux de filtration glomérulaire est diminué de 35 % lorsque l’obstruction dure depuis 7 jours et de 54 % si la lésion date de 14 jours [2]. Après 40 jours d’obstruction, la récupération rénale semble illusoire. Lors d’obstruction partielle, cas le plus fréquent, une récupération totale de la filtration glomérulaire peut être espérée même après 4 semaines [2, 10]. Ainsi, une nette amélioration de la fonction rénale est observée après la levée de l’obstruction. L’amélioration est ensuite progressive et s’observe sur le long terme (plusieurs mois). Une récupération souvent satisfaisante est ainsi possible et ce malgré des paramètres rénaux très élevés en phase préopératoire [2].

Conclusion

Le traitement chirurgical des lithiases urinaires hautes est difficile et en constante évolution. Le développement de techniques moins invasives et mieux adaptées devrait permettre d’améliorer la prise en charge de ces animaux et ainsi de proposer, avec plus de confiance et plus précocement, un traitement chirurgical.

Références

  • 1. Berent AC. Ureteral stenting in cats: a minimally invasive alternative. In: Annual meeting of the American College of Veterinary Surgery. San Diego, États-Unis. 2008.
  • 2. Berent AC. Ureteral obstructions in dogs and cats: a review of traditional and new interventional diagnostic and therapeutic options. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2011;21(2):86-103.
  • 3. Berent AC, Weisse C, Beal MW et coll. Use of indwelling, double-pigtail stents for treatment of malignant ureteral obstruction in dogs: 12 cases (2006-2009). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2011;238(8):1017-1025.
  • 4. Buttin P, Cachon T, Carozzo C et coll. Nephroliths removal by video-assisted nephrotomy in 8 cases in Annual scientific meeting of the ECVS. Ghent, Belgique. 2011.
  • 5. Haleblian G, Kijvikai K, de la Rosette J et coll. Ureteral stenting and urinary stone management: a systematic review. J. Urol. 2008;179(2):424-430.
  • 6. Kyles AE, Hardie EM, Wooden BG et coll. Clinical, clinicopathologic, radiographic, and ultrasonographic abnormalities in cats with ureteral calculi: 163 cases (1984-2002). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;226(6):932-936.
  • 7. Kyles AE, Hardie EM, Wooden BG et coll. Management and outcome of cats with ureteral calculi: 153 cases (1984-2002). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;226(6):937-944.
  • 8. Roberts SF, Aronson LR, Brown DC. Postoperative mortality in cats after ureterolithotomy. Vet. Surg. 2011;40(4):438-443.
  • 9. Ross SJ, Osborne CA, Kirk CA et coll. Clinical evaluation of dietary modification for treatment of spontaneous chronic kidney disease in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;229(6):949-957.
  • 10. Wen JG, Frokiaer J, Jorgensen TM et coll. Obstructive nephropathy: an update of the experimental research. Urol. Res. 1999;27(1):29-39.
  • 11. Zaid MS, Berent AC, Weisse C et coll. Feline ureteral strictures: 10 cases (2007-2009). J. Vet. Intern. Med. 2011;25(2):222-229.

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