Hépatite par surcharge en cuivre chez le labrador : vers une origine alimentaire ? - Le Point Vétérinaire expert canin n° 333 du 01/03/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 333 du 01/03/2013

HÉPATOLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Mathieu Faucher

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

L’hépatite liée à une surcharge en cuivre est décrite chez le labrador depuis plusieurs années. L’étiologie de cette affection n’est pas connue avec précision. Des arguments en faveur d’une origine génétique ont été proposés. Cette étude s’intéresse au lien possible entre cette affection et la teneur en cuivre des aliments industriels.

LIEN ENTRE CUIVRE ET HÉPATITE

Le cuivre est un oligo-élément servant de cofacteur à de nombreuses réactions enzymatiques. Il peut alterner entre une forme oxydée (ou cuprique) et une forme réduite. La forme oxydée est capable de réagir avec l’oxygène pour donner des radicaux libres [3]. Le stress oxydatif ainsi engendré peut résulter en une inflammation, une dérégulation de l’expression génique, une activation de la production de cytokines [3]. Les radicaux libres peuvent directement endommager les lipides, les protéines et les acides nucléiques [3].

L’accumulation de cuivre dans le foie peut être primitive ou secondaire. Lors d’accumulation primitive, le cuivre se localise préférentiellement en zone centrolobulaire et peut précéder l’apparition de l’inflammation [4, 7]. Cela a été documenté dans plusieurs races, dont notamment le bedlington terrier chez qui le défaut génétique a été identifié, le doberman pinscher, le dalmatien, le west highland white terrier et le labrador [3,4]. Lors d’accumulation secondaire de cuivre, elle intervient préférentiellement en zone périportale et est de moindre intensité [7].

Chez le labrador, les deux cas de figure peuvent être rencontrés.

ÉVALUATION DE LA TENEUR EN CUIVRE

L’évaluation semi-quantitative de la teneur en cuivre du foie a lieu lors de l’examen de coupes histologiques après coloration à la rhodanine ou à l’acide rubéanique. Un scoring a été établi pour le bedlington terrier et est depuis repris pour les autres races [6]. Un score allant de 0 à 5 est attribué et un score supérieur à 2 est considéré comme anormal [3]. Dans cette étude, deux opérateurs ont examiné les coupes histologiques et attribué un score de manière indépendante. Une bonne corrélation entre les scores des deux opérateurs a été observée. Lorsque l’accumulation de cuivre est secondaire à la cholestase, elle est préférentiellement observée en zone périportale alors que lors d’hépatite cuprique, elle est observée majoritairement en région centrolobulaire [3].

La mesure de la concentration hépatique en cuivre (hCu) peut être conduite sur tissu frais ou déparaffiné [5]. Cette mesure peut être réalisée par des méthodes d’absorption atomique ou par spectrophotométrie [3, 5]. Lorsque la hCu est effectuée, la taille du prélèvement requise dépend de la méthode employée. Dans une étude utilisant la spectrométrie d’absorption atomique et comparant les valeurs obtenues à partir de différentes biopsies qui proviennent d’un foie à surcharge en cuivre, la hCu obtenue à partir de biopsies échoguidées est de 81 et 42 % de la valeur observée à partir de prélèvements chirurgicaux frais congelés et déparaffinés, respectivement [5]. Dans cette même étude, la hCu était également significativement différente entre l’analyse effectuée sur prélèvement frais congelé et celle réalisée sur prélèvement déparaffiné, mais n’affectait pas, selon les auteurs, l’interprétation qui pouvait en découler [5]. Cela constitue une limite de la présente étude pour laquelle des prélèvements frais congelés et déparaffinés ont été utilisés.

Une bonne corrélation entre l’évaluation semi-quantitative et la mesure de la hCu est rapportée dans plusieurs études [4, 6]. Dans l’étude de Johnston et coll., une corrélation positive est également décrite mais chez 33 % des animaux le score histologique prédit mal la hCu. Les auteurs concluent que la hCu et le score histologique doivent être interprétés de concert et que le score histologique ne constitue peut-être pas un bon substitut de la hCu.

ARGUMENTS POUR UNE ORIGINE ALIMENTAIRE

La biodisponibilité du cuivre dépend de la forme sous laquelle il est présent dans l’aliment. L’oxyde de cuivre est moins biodisponible que le carbonate, l’acétate ou le sulfate de cuivre [1]. L’Association of American Feed Control Officials (AAFCO) est une association établissant des standards de qualité et de sécurité pour les aliments destinés aux animaux domestiques. Elle établit notamment des recommandations pour la formulation des aliments. En 1996, elle a conseillé de ne plus utiliser d’oxyde de cuivre, mais des formes plus biodisponibles. Cette étude démontre qu’une augmentation de la teneur hépatique en cuivre est survenue lors des deux dernières décennies. Elle ne prouve cependant pas qu’il existe un lien direct avec les recommandations de l’AAFCO.

Une étude récente portant sur les labradors consommant le même régime alimentaire depuis au minimum un an a montré que la hCu (déterminée à partir de biopsies échoguidées) est corrélée à la teneur en cuivre de l’aliment [2].

Une origine génétique à l’hépatite associée à la surcharge en cuivre chez le labrador a été évoquée [4]. Selon les auteurs, ce chien pourrait présenter une sensibilité particulière à l’exposition au cuivre d’origine alimentaire, jouant ainsi un rôle de sentinelle dans la population canine.

Enfin, la hCu n’est pas associée à l’âge, ce qui n’est pas en faveur d’une accumulation de cuivre tout au long de la vie de l’animal. Cela pourrait être expliqué par un effet de plateau ou par une hCu strictement dépendante de l’apport alimentaire.

Conclusion

Une augmentation de la teneur hépatique en cuivre est survenue au cours de ces deux dernières décennies chez les labradors américains sains et atteints d’hépatite chronique. Cette augmentation est à mettre en parallèle avec l’entrée de formes plus biodisponibles de cuivre dans la composition des aliments. L’héritabilité de l’hépatite cuprique chez le labrador pourrait être expliquée par une plus grande susceptibilité au cuivre d’origine alimentaire dans cette race.

Références

  • 1. Ammerman CB, Miller SM. Biological availability of minor mineral ions: a review. J. Anim. Sci. 1972;35:681-694.
  • 2. Fieten H, Hooijer-Nouwens BD, Biourge VC et coll. Association of dietary copper and zinc levels with hepatic copper and zinc concentration in labrador retrievers. J. Vet. Intern. Med. 2012;26:1274-1280.
  • 3. Hoffmann G. Copper-associated liver diseases. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2009;39:489-511.
  • 4. Hoffmann G, van den Ingh TS, Bode P et coll. Copper-associated chronic hepatitis in Labrador Retrievers. J. Vet. Intern. Med. 2006;20:856-861.
  • 5. Johnston AN, Center SA, McDonough SP et coll. Influence of biopsy specimen size, tissue fixation, and assay variation on copper, iron, and zinc concentrations in canine livers. Am. J. Vet. Res. 2009;70:1502-1511.
  • 6. Johnston GF, Gilbertson SR, Goldfischer S et coll. Cytochemical detection of inherited copper toxicosis of Bedlington terriers. Vet. Pathol. 1984;21:57-60.
  • 7. Spee B, Arends B, van den Ingh TS et coll. Copper metabolism and oxidative stress in chronic inflammatory and cholestatic liver diseases in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2006;20:1085-1092.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer l’évolution dans le temps de la teneur hépatique en cuivre chez des labradors sains et atteints d’hépatite chronique.

MÉTHODE

• Les dossiers médicaux de deux périodes sont revus : 1980-1997 (période 1) et 1998-2010 (période 2). Pour chaque période, 18 chiens atteints d’hépatite chronique (HC) et 18 chiens sains (S) sont sélectionnés : le nombre d’individus inclus a été calculé pour pouvoir détecter des variations de concentration hépatique en cuivre (hCu) significatives cliniquement (300 à 500 µg/g).

• L’analyse histologique permet d’attribuer un score d’activité hépatique (SAH) à chaque animal de manière standardisée. La quantification de l’accumulation de cuivre est réalisée de manière qualitative lors de la lecture histologique (score d’accumulation de cuivre, SACu) et de manière quantitative par spectrométrie d’absorption atomique sur prélèvement frais ou déparaffiné.

RÉSULTATS

• La hCu moyenne chez les chiens HC est significativement plus élevée que chez les chiens S. Lorsque tous les chiens sont analysés ensemble, la hCu augmente avec le temps.

• Une accumulation de cuivre est constatée à l’analyse histologique chez 63 % des chiens. Lors d’accumulation modérée à sévère, la distribution des grains de cuivre est généralement centrolobulaire. La hCu est significativement associée au SACu mais le coefficient de corrélation n’est que de 0,66 : pour 33 % des chiens, le SACu ne prédit pas précisément la hCu.

• Le SACu est significativement plus élevé chez les chiens HC par rapport aux chiens S, pour chaque période de l’étude. Le SACu est significativement plus élevé en période 2 qu’en période 1, pour les chiens HC et pour les chiens S.

• La hCu n’est pas associée à l’âge, au score de fibrose ou d’inflammation portale mais est associée au score d’hépatite d’interface et au SAH.

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