Le lien entre l’usage d’antibiotiques et l’antibiorésistance est-il établi ? - Le Point Vétérinaire n° 331 du 01/12/2012
Le Point Vétérinaire n° 331 du 01/12/2012

ANTIBIORÉSISTANCE

Thérapeutique

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : Le Fougerais
44850 Saint-Mars-du-Désert

La corrélation est maintenant assez bien établie entre l’antibiothérapie et l’antibiorésistance.

Les antibiotiques ne créent pas les résistances. Ils les sélectionnent. Ce ne sont donc pas les antibiotiques ou leurs utilisateurs qui sont à l’origine de la mutation improbable (avec une probabilité de 10-9 à 10-12) d’une entérobactérie vers la résistance à une fluoroquinolone ou de la présence naturelle d’un gène de résistance sur un plasmide. Ce sont bien les usages antibiotiques, bons ou mauvais, qui sont les (seuls) responsables de la sélection de la souche qui mute vers la résistance qui a acquis un plasmide de résistance.

Sans les antibiotiques, ces gènes de résistance ne confèrent aux bactéries “résistantes” aucun avantage compétitif dans l’écosystème microbien. Alors que, en présence d’un antibiotique, celles-ci sont favorisées. Comme les microbes ne sont pas “égoïstes”, c’est aussi sous la pression de sélection des antibiotiques que les gènes de résistance vont diffuser plus facilement à d’autres espèces microbiennes.

Les antibiotiques les plus utilisés sont les plus résistants

En général, les antibiotiques le plus souvent administrés présentent les taux de résistance les plus élevés (figures 1, 2, 3 et 4 complémentaire sur www.WK-Vet.fr). À l’inverse, l’arrêt de l’usage d’un antibiotique entraîne, après quelques mois ou quelques années, une diminution des résistances, sauf si d’autres antibiotiques sélectionnent toujours les mêmes résistances en raison des résistances croisées ou de la cosélection de souches multirésistantes.

Les résistances précèdent les antibiotiques

Le développement des résistances s’effectue en quatre phases distinctes : l’événement génétique (le gène de résistance), la sélection de la résistance, sa transmission à d’autres individus et son amplification.

→ L’événement génétique est totalement indépendant des antibiotiques. Souvent, les résistances précèdent les antibiotiques. De plus, les micro-organismes qui sécrètent ces substances naturelles anti-infectieuses y résistent déjà. Ou, pour les fluoroquinolones, ce sont des mutations improbables (de 10-9 à 10-12) qui deviennent très probables dès lors que la population microbienne dépasse les 109 bactéries.

Bon ou mauvais, un antibiotique sélectionne des résistances

→ La sélection des résistances est directement associée à l’emploi des antibiotiques. Ces derniers représentent même le seul facteur qui sélectionne les résistances. Tous les usages d’antibiotiques, qu’ils soient « bons et justifiés » ou « mauvais et inutiles », sélectionnent peu ou prou des résistances. Le slogan « le bon usage, c’est le moins d’usage », résumé par « mieux et moins » dans le plan EcoAntibio2017, est ainsi mieux approprié que celui qui circule actuellement dans les médias pour la médecine humaine, selon lequel « si on les utilise à tort, ils deviendront moins forts ». Un emploi non justifié sélectionne, certes, inutilement des résistances. C’est un gaspillage qui handicape l’avenir, souligne les médecins. L’antibiothérapie parfaitement justifiée, celle qui « sauve des vies », sélectionne aussi des résistances dans la flore commensale non-cible. Mais le bénéfice est ici immense, alors qu’il aurait été nul si l’antibiotique avait été utilisé à tort.

Ère pré- ou postantibiotique ?

Des infectiologues (de médecine humaine) n’hésitent déjà plus à évoquer avec crainte le retour à « une ère préantibiotique », voire le passage à une « ère postantibiotique ». Pourtant, les taux de résistances n’apparaissent pas si élevés dans les antibiogrammes. Les taux de sensibilité des agents pathogènes restent forts pour la grande majorité des infections, selon le réseau Resapath qui collecte les résultats de 26 000 antibiogrammes vétérinaires en provenance d’une centaine de laboratoires d’analyses.

Les commensaux, le réservoir de résistances pour les agents pathogènes

Mais ce réseau ne s’intéresse qu’aux agents pathogènes. Si cet aspect est essentiel dans la conduite thérapeutique, ce n’est pas le plus important pour la santé publique (sauf dans le cas des infections zoonotiques). En effet, ce sont les bactéries commensales non pathogènes, présentes surtout dans la flore digestive, qui constituent la partie immergée de l’iceberg. Les résistances des bactéries commensales ne sont pas ou peu recherchées car elles sont sans intérêt médical immédiat. Mais ce sont ces bactéries qui alimentent peu à peu un immense réservoir de gènes de résistance disponibles, le cas échéant, pour des agents pathogènes ou opportunistes.

Vite, fort, court

→ S’il est impossible de ne pas sélectionner de résistances en utilisant même à bon escient un antibiotique, il est néanmoins possible d’en sélectionner moins. Une fois le diagnostic établi, les recommandations habituelles pour le choix de l’antibiotique sont, en théorie, les suivantes.

→ Les anti-infectieux à spectre étroit, idéalement ceux qui n’agissent que sur l’agent pathogène et non sur les commensaux, sont à préférer. Cependant, cela suppose de connaître le diagnostic étiologique pour ne pas recourir à un antibiotique à large spectre. De plus, à quelques exceptions près (la colistine, etc.), les antibiotiques à spectre étroit ne sont pas nombreux en médecine vétérinaire.

→ « Taper vite, fort et court. » Taper vite pour que l’inoculum d’agents pathogènes soit le plus faible possible, donc plus facile à éradiquer avec le moins d’antibiotiques possible. Cela suppose un diagnostic précoce de l’infection. Taper fort, notamment pour les antibiotiques dose-dépendants comme les fluoroquinolones, ce qui permet éventuellement d’éliminer les premiers niveaux de résistance. Et, enfin, taper court pour que la pression de sélection soit la plus réduite possible. Néanmoins, ce dernier critère, pour important qu’il soit dans la sélection de résistance, ne devrait pas conduire à arrêter prématurément une antibiothérapie justifiée, au risque d’une rechute. Sinon, l’antibiothérapie aura été inutile.

→ Une élimination rapide, rénale ou sous une forme inactive (par exemple liée à la cellulose), permet aussi de limiter l’impact sur la flore commensale digestive, voire dans l’environnement.

Limiter la transmission par l’hygiène et l’isolement

→ La transmission et l’amplification des antibiorésistances dépendent principalement de la bactérie, de son pouvoir d’infection, de la quantité présente dans l’écosystème microbien, de l’hygiène (le lavage des mains à l’hôpital, la biosécurité dans les élevages), des mouvements de ces agents pathogènes à travers les voyages internationaux des individus, du nombre de récepteurs présents capables de les multiplier (les hôpitaux, les crèches, les élevages), etc. Les antibiotiques peuvent également faciliter cette amplification et la transmission plus rapide des bactéries résistantes à une collectivité.

En savoir plus

– Anses-ANMV. Agence nationale du médicament vétérinaire. Suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France pour les années 2009, 2010 et 2011. Suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France.

– Anses-Resapath. Rapport annuel 2009, 2010 et 2011.

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