Utilisation de la progestérone et de ses analogues dans le contrôle de la reproduction - Le Point Vétérinaire expert canin n° 330 du 01/11/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 330 du 01/11/2012

REPRODUCTION

Article de synthèse

Auteur(s) : Anne Gogny

Fonctions : Service de reproduction
des animaux de compagnie
Centre hospitalier universitaire
vétérinaire, Oniris Nantes-Atlantique,
BP 40706, 44307 Nantes Cedex 3

Malgré les effets indésirables des progestatifs chez les carnivores femelles, certains propriétaires en sont très demandeurs. Connaître le profil des animaux chez qui leur utilisation est la moins défavorable permet de limiter les risques.

Les progestatifs ont longtemps été la solution médicale unique pour contrôler la reproduction des animaux de compagnie. Un certain nombre de propriétaires restent très demandeurs de cette solution, par analogie avec la “pilule” utilisée chez la femme, et pour son faible coût par rapport à une intervention chirurgicale. Ces personnes sont d’autant plus difficiles à convaincre du degré de nocivité des progestatifs qu’elles reçoivent parfois un discours beaucoup plus modéré que celui du vétérinaire de la part des autres vendeurs de médicaments.

Par ailleurs, l’expérience acquise en plusieurs décennies a étendu la connaissance des risques et des bénéfices liés à l’administration des progestatifs, ce qui permet de mieux cibler la prescription selon l’effet souhaité et le profil de l’animal à traiter.

Cet article fait le point sur les avantages et les limites de l’administration de la progestérone et de ses analogues chez la femelle. Son objectif est de limiter leur utilisation aux animaux chez qui le risque est moins élevé et d’expliquer pourquoi ils ne doivent être prescrits qu’au titre d’une solution transitoire.

INDICATIONS

1. Prévention et interruption de l’œstrus

Les progestatifs sont principalement utilisés dans le contrôle du cycle œstral de la chienne, de la chatte et de la furette pour prévenir ou pour interrompre les chaleurs [23]. Dans cette indication, leur administration a pour objectif de produire une phase lutéale artificielle et prolongée grâce au rétrocontrôle négatif exercé par les progestatifs sur la fréquence de libération pulsatile du GnRH (gonadotropin releasing hormone ou gonadolibérine) hypothalamique, donc sur la sécrétion des gonadotrophines hypophysaires qui stimulent la folliculogenèse et l’ovulation [24]. Cela provoque une interruption du cycle œstral et prévient l’expression des chaleurs (photo 1).

2. Traitement de l’insuffisance lutéale

Chez la chienne, une concentration plasmatique en progestérone inférieure à 2 à 3 ng/ml pendant plus de 48 heures engendre un avortement [6, 36]. Les valeurs de progestéronémie en deçà desquelles la gestation n’est plus maintenue ne sont pas clairement définies, mais il semble que la limite se situe vers 2 ng/ml [35]. Dans la mesure où les corps jaunes représentent la principale source de progestérone durant la gestation, toute diminution de l’activité fonctionnelle du corps jaune, quelle qu’en soit la cause, peut induire une insuffisance lutéale et conduire à des avortements spontanés. Cette affection, qui ne peut être diagnostiquée que par exclusion des autres causes, est rare chez la chienne et chez la chatte [27]. Elle pourrait avoir un support génétique [15].

Après exclusion des autres causes d’avortement, une insuffisance lutéale doit être suspectée dès que l’une des conditions suivantes est remplie au cours des 50 premiers jours de gestation :

– la progestérone plasmatique est inférieure à 10 ng/ml ;

– la progestéronémie chute de plus de 20 à 30 % entre deux dosages réalisés à 3 jours d’intervalle [9].

Compte tenu de la difficulté à établir un diagnostic de certitude chez la chienne, les données cliniques sont réduites et ces critères sont donc peu fiables. Ainsi, il est avéré que, pendant le diœstrus, une phase proche de la gestation sur le plan hormonal, la progestéronémie varie d’une chienne à une autre [20].

L’objectif du traitement est de réaliser une complémentation en progestérone, pour obtenir une concentration plasmatique qui soit, au minimum, supérieure à 10 ng/ml, de façon à permettre le maintien de la gestation jusqu’à son terme [11, 18].

3. Traitement de la dermatite miliaire du chat

Parmi les indications possibles, certaines autorisations de mise sur le marché (AMM), telles que celle de l’acétate de mégestrol, prévoient le traitement de la dermatite miliaire du chat (Feliderm®, Mégécat®). Cette affection est due à de nombreuses causes, parmi lesquelles l’origine hormonale n’est pas la plus fréquente. Il est donc préférable d’établir un diagnostic étiologique avant de prescrire un traitement non adapté, d’autant que la durée d’imprégnation est importante.

EFFETS INDÉSIRABLES

1. Nature des effets

Les effets indésirables associés aux traitements par les progestatifs sont identiques dans toutes les espèces. Ils découlent directement du mode d’action des molécules (encadré 1). L’incidence des troubles varie selon l’espèce et les modalités d’administration du traitement (durée, forme galénique, période de la vie de l’animal où il est prescrit, période du cycle œstral). Par conséquent, certains effets ne s’expriment que dans des situations précises (gestation en cours), ou sont aggravés chez les animaux qui possèdent un profil particulier (troubles du métabolisme glucidique, affections utérines subcliniques ou prédisposition individuelle) (encadré 2).

Les chiffres concernant ces affections sont mal connus. Cependant, chez la chatte, les effets indésirables associés à l’administration d’acétate de mégestrol et signalés auprès des centres de pharmacovigilance français sont, pour 20 %, des affections mammaires non cancéreuses, pour 54 % des maladies de l’appareil génital, et notamment des affections de l’utérus, et pour 24 % des signes nerveux et comportementaux [5]. Chez la chienne, les données chiffrées sont encore plus ténues (n = 26 cas officiellement recensés) et ne concernent que l’acétate de mégestrol. Parmi eux, 30 % des incidents rapportés décrivent une atteinte de l’appareil génital, 35 % des modifications du comportement et 4 % une hyperplasie mammaire [5].

Certains troubles, rapportés dans l’espèce canine, n’ont pas été décrits chez le chat. Ainsi, les chiennes peuvent développer un hypersomatotropisme, par sécrétion accrue de growth hormone et d’insulin-like growth factor 1 par la mamelle [7]. De plus, chez la chienne en gestation, une masculinisation des fœtus femelles est possible si les progestatifs sont administrés pendant la période de différenciation sexuelle des embryons, c’est-à-dire vers le 18e jour de gestation [8, 31]. De même, une galactorrhée liée à la diminution de la concentration en progestatifs à l’arrêt du traitement, qui mime la chute de progestérone à la fin de la gestation, est décrite chez la chienne [12].

Inversement, la fibro-adénomatose mammaire et la mastose (lésions kystiques à consistance liquidienne d’une ou de plusieurs mamelles), susceptibles d’affecter la chatte, sont peu décrites chez la chienne (photo 2) [17]. De plus, les effets sur l’inhibition du cycle œstral ne sont pas systématiques dans l’espèce féline, et des ovulations spontanées restent possibles, ce qui explique pourquoi certaines chattes mènent une gestation malgré la prise régulière de progestatifs [3].

Chez la furette, les effets indésirables rapportés sont une alopécie réversible des flancs, une perte de poids associée à une baisse d’état général, des avortements et une alopécie au site d’injection (photo 3) [22, 23]. Une augmentation de l’agressivité, liée à l’imprégnation progestéronique, est également décrite [30]. La fertilité n’est pas modifiée après le traitement [22].

2. Majoration des risques

Les risques sont significativement plus élevés chez les femelles qui sont déjà atteintes d’affections sous dépendance de la progestérone (diabète, pyomètre) ou de maladies susceptibles d’interférer ou d’aggraver les effets indésirables des progestatifs, telles que des kystes ovariens sécrétant des œstrogènes, puisque ces molécules potentialisent l’action de la progestérone (photo 4).

L’administration de progestatifs à une femelle impubère n’est pas non plus recommandée dans la mesure où les risques de complication semblent alors plus élevés [3]. En effet, chez la chatte, elle peut donner lieu à une hyperplasie mammaire de type fibro-adénomatose et, chez la chienne, à la fermeture prématurée des plaques de croissance [25].

La période du cycle œstral au cours de laquelle les progestatifs sont administrés influence également l’expression des effets indésirables [24]. Pendant le pro-œstrus, les effets indésirables sont majorés par la présence des œstrogènes qui potentialisent l’action de la progestérone et augmentent son activité. Lors du diœstrus, les apports exogènes de progestérone ou de ses analogues peuvent aggraver une hyperplasie glandulokystique ou un pyomètre débutant. Lors de la gestation, leur administration peut inhiber le déclenchement de la parturition et conduire à la mort et à la macération fœtale(1), qui engendrent à leur tour une infection locale, voire un sepsis chez la mère.

La durée du traitement intervient également dans l’aggravation potentielle du risque en tant que tel, mais aussi parce qu’un traitement à long terme finit par se superposer à la période où l’animal commence à vieillir et devient spontanément plus sensible aux affections [24]. C’est le cas chez la chienne, par exemple, chez qui les effets de la progestérone endogène se cumulent au fil des cycles, ce qui peut favoriser le déclenchement d’un pyomètre.

MODALITÉS D’UTILISATION DES PROGESTATIFS

1. Prévention et interruption de l’œstrus

Chez les animaux qui ne sont pas destinés à la reproduction, l’ovariectomie reste le traitement de référence. Cependant, malgré de nombreux effets indésirables, dont certains ont des conséquences néfastes sur le potentiel reproducteur, voire sur la vie de l’animal, les progestatifs peuvent être utilisés dans certaines situations bien identifiées (encadrés 3 et 4). Le respect des précautions ci-dessous permet de limiter le risque de développement des troubles.

Durée du traitement

Bien qu’aucune étude validée n’en atteste, et que certaines femelles développent un pyomètre ou une fibro-adénomatose dès la première administration, il semble possible de limiter fortement les risques à condition d’utiliser les progestatifs pendant une période courte, de 1 à 2 ans au maximum [3, 24].

Dans le cas des animaux reproducteurs, ces molécules ne sont pas recommandées. Si le propriétaire est très fortement demandeur ou que la situation semble l’imposer (gestations à répétition suivies d’avortements provoqués chez des chattes d’élevage qui sortent ou présence d’un mâle dont la reproduction n’est pas souhaitée), ces durées sont à réduire : un ou deux cycles chez la chienne, 5 à 10 mois chez la chatte [3, 24]. Il est aussi recommandé d’interrompre le traitement pendant plusieurs semaines, au bout de 6 mois chez la chatte et au bout d’un an chez la chienne [3]. Dans tous les cas, si la reproduction est prévue, il convient de l’envisager dès l’arrêt du traitement. Il reste toutefois préférable de s’orienter vers d’autres solutions, telles que les agonistes de la GnRH, par exemple, dont les résultats sont plus aléatoires en début d’utilisation mais qui semblent présenter des effets indésirables moins nombreux et moins fréquents. Il convient de noter que ces dernières molécules ne disposent pas d’AMM chez la femelle. De plus, des chaleurs exubérantes sont possibles juste après la pose de l’implant. Cela rend cette solution plus difficile à justifier auprès d’un propriétaire qui souhaite, au contraire, prévenir les chaleurs et attend le plus souvent un résultat immédiat.

Doses

Si le traitement peut être commencé pendant l’inter- œstrus de la chienne ou l’anœstrus saisonnier de la chatte, il convient de s’en tenir aux doses recommandées dans les résumés des caractéristiques des produits (dose de 0,5 à 1 mg/kg per os pour l’acétate de mégestrol) (tableau).

Lorsque l’AMM ne définit pas de dose par unité de poids mais une dose par fourchette de poids, il convient de prescrire la dose la plus basse (1 mg/kg per os ou 2 mg/kg par voie sous-cutanée pour l’acétate de médroxyprogestérone, 2,5 mg/kg par voie sous-cutanée pour la delmadinone et 10 mg/kg par voie sous-cutanée pour la proligestone).

Situations à risque

Si un traitement par des progestatifs ne peut être évité chez une femelle impubère ou une femelle reproductrice, il est préférable de prescrire une forme orale, dont la demi-vie est de l’ordre de 8 heures. Ses effets durent moins longtemps qu’avec une forme injectable (demi-vie étendue de 3 à 4 semaines) en raison de sa présentation dite “retard”, qui allonge la durée de résorption du produit.

De nombreux propriétaires de chats se laissent surprendre par l’arrivée des chaleurs. Leur souhait est alors de débuter un traitement le plus rapidement possible. Or, c’est lorsque les animaux sont traités juste après l’œstrus que le risque de développer une affection utérine ou une fibro-adénomatose est maximal. Selon certains auteurs, il est possible de s’affranchir des risques en provoquant une ovulation préalable avec de la gonadotrophine chorionique humaine (hCG, Chorulon®, à la dose de 75 à 100 UI par voie intramusculaire et par animal) et de commencer le traitement par les progestatifs 30 jours plus tard, à la fin de la phase lutéale induite, après avoir vérifié qu’un nouvel œstrus n’a pas débuté [24]. Cependant, l’ovulation induite par des gonadotrophines peut engendrer des kystes ovariens, ce qui favorise l’apparition d’un pyomètre. Cette solution présente donc un risque élevé pour l’animal et elle n’est pas recommandée.

Résultats

Dans la prévention de l’œstrus, les résultats obtenus sont satisfaisants aussi bien chez la chienne que chez la chatte. De plus, l’anœstrus engendré par le traitement est réversible dans la plupart des cas et un retour à la fertilité est possible.

En revanche, lorsque les chaleurs ont déjà débuté au moment où le traitement est entrepris, les résultats sont plus aléatoires et une ovulation reste possible [24]. En outre, les effets indésirables des progestatifs sont majorés en période d’œstrus, en raison de la potentialisation des effets de la progestérone par les œstrogènes. Il convient donc d’informer le propriétaire du risque d’échec du traitement et de l’apparition ultérieure éventuelle d’une maladie, notamment d’une affection utérine. L’obtention de son consentement éclairé est donc fondamentale dans ce contexte.

Chez la furette, des injections par voie sous-cutanée de 15 mg de médroxyprogestérone (Supprestral®) ou de 40 mg de proligestone (Delvosteron®) par furette provoquent un arrêt de l’activité ovarienne pendant environ 3 mois [23]. Si cette injection est réalisée fin mars, elle suffit, en principe, à inhiber l’expression du cycle œstral pendant toute la saison sexuelle, qui s’étend de mars à septembre [22]. Malgré ce traitement, une furette qui évolue dans un environnement éclairé à raison de plus 12 heures par jour est susceptible d’entrer en œstrus hors saison. De plus, de multiples injections sont parfois nécessaires pour obtenir une prévention de l’œstrus [30, 22]. Il est à noter que, bien que moins documentés chez la furette, les effets indésirables des progestatifs sont identiques à ceux recensés chez la chienne et chez la chatte.

2. Insuffisance lutéale

Le traitement de l’insuffisance lutéale repose sur une complémentation en progestérone, qui se heurte cependant à des difficultés d’ordre pharmacologique. En effet, la progestérone naturelle ne peut être administrée par voie orale car elle subit un effet de premier passage hépatique qui l’inactive. C’est pourquoi l’admi-nistration per os de la progestérone nécessite une présentation sous forme micronisée (Utrogestan®(2)). Chez les chiennes identifiées comme prédisposées ou suspectes, le traitement consiste en trois administrations quotidiennes à 8 heures d’intervalle. Les doses sont évaluées grossièrement en fonction du poids de la chienne (1 ou 2 capsules d’Utrogestan®(2)100 ou 200 selon la taille de l’animal) et ajustées selon les résultats obtenus à un dosage bihebdomadaire de la progestéronémie. Le traitement est considéré comme suffisant si la progestéronémie atteint et reste supérieure à 10 ng/ml [3, 11]. Il convient de l’interrompre quelques jours avant la date présumée de la mise bas, soit le 58e jour qui suit la première saillie, afin de ne pas risquer de prolonger indûment la gestation et d’induire une mortalité fœtale [11].

L’utilisation des progestatifs est également possible pour traiter l’insuffisance lutéale, mais ils présentent trois inconvénients :

– les tests qui permettent de doser la progestérone sanguine ne détectent pas ses analogues, de sorte qu’il n’est pas possible de quantifier l’impact du traitement. Les traitements qui ont été testés sont l’acétate de médroxyprogestérone (à la dose de 0,1 mg/kg/j per os) et l’altrénogest (0,088 mg/kg/j per os) [10, 18]. Comme pour la progestérone micronisée, il convient de cesser l’administration au moment du terme ;

– chez la femme, l’administration de ces progestatifs peut provoquer des anomalies congénitales chez les fœtus (anomalies cardiaques, du squelette, hypospadias chez les garçons, masculinisation des filles) [19]. Chez l’animal, des déformations de la face ont été décrites [18] ;

– s’ils sont administrés sous forme injectable, obligatoirement retard, il n’est pas possible de maîtriser la durée du traitement, ce qui expose la chienne à une dystocie par rétention fœtale si la durée d’action du médicament excède le terme de la gestation.

3. Molécules disponibles en France

Présentations pharmacologiques

En France, les spécialités qui disposent d’une autorisation de mise sur le marché dans cette indication sont très nombreuses. Elles concernent le mégestrol (Megecat®, Felipil®, Megepil® par voie orale, par exemple), la médroxyprogestérone, seule molécule à exister sous formes injectable et orale (Supprestral® injectable ou Supprestral® comprimés, Perlutex® par voie orale), la proligestone (Delvosteron® par voie injectable) et la delmadinone (Tardak® par voie injectable).

Ces molécules sont des agonistes compétitifs de la progestérone. Il n’existe pas de données comparatives sur l’affinité pour les récepteurs, l’efficacité des différents progestagènes et leur probabilité d’engendrer des effets indésirables dans les espèces d’intérêt. Chez le lapin et le rat, la médroxyprogestérone et le mégestrol ont, par exemple, une affinité respectivement 2,3 et 1,3 supérieure à celle de la progestérone pour le récepteur [29]. De plus, de nombreuses études sur des cellules humaines ou de rate montrent que certains progestagènes, comme la médroxyprogestérone, amplifient fortement l’action proliférative des œstrogènes, tandis que d’autres la limitent [28, 32]. Des données de même nature dans les espèces canine et féline seraient donc très utiles.

Durée d’action

La durée d’action des formes orales est de l’ordre de 36 à 48 heures, contrairement à celle des formes parentérales, qui excède souvent 3 semaines. Administrer les progestatifs per os permet donc de mieux maîtriser les inconvénients éventuels liés aux effets indésirables des médicaments : une fois les formes parentérales injectées, il n’est plus possible de revenir en arrière et la molécule est distribuée dans l’organisme quoi qu’il arrive, ce qui contribue éventuellement à alimenter une affection (fibro-adénomatose, pyomètre) (photo 5).

En revanche, sous forme orale, l’observance du traitement n’est pas garantie, surtout chez les chats.

Conclusion

Les nombreux effets indésirables des progestatifs justifient de les éliminer de la pharmacie du vétérinaire. Cependant, l’utilisation des molécules de remplacement telles que les agonistes de la GnRH n’est pas encore suffisamment bien maîtrisée chez la femelle pour envisager dans l’immédiat de s’affranchir complètement des progestatifs. Cela est le cas notamment chez les chattes qui sortent et qui sont fortement exposées à un risque de gestations non désirées à répétition. Dans ces conditions, bien connaître leurs effets potentiels et leurs limites permet d’informer clairement les propriétaires, et d’envisager avec eux des solutions plus définitives telles que l’ovariectomie ou de les administrer dans les conditions les moins défavorables à l’animal. Les agonistes de la GnRH, dont les résultats sont plus aléatoires, mais qui sont moins risqués, sont également envisageables.

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  • (1) Voir l’article “Macération fœtale chez une chatte” du même auteur, dans ce numéro.

  • (2) Médicament humain.

  • (1) Par ordre de gravité décroissant.

  • (2) Voir l’article “Macération fœtale chez une chatte” du même auteur, dans ce numéro.

ENCADRÉ 1
Mécanisme d’action des progestatifs

Les progestagènes, comme toutes les hormones stéroïdes, exercent leurs effets en modifiant l’expression de nombreux gènes dans les cellules cibles. Très liposolubles, ils diffusent à travers la membrane et se fixent sur la forme cytoplasmique du récepteur (RP-B), provoquant sa dissociation et sa translocation dans le noyau. Après dimérisation, le complexe ainsi formé, associé à des facteurs de transcription, se fixe en région promotrice de différents gènes sur une zone appelée hormone responsive element, et en stimule ou, au contraire, en réprime l’expression selon les cellules (figure). La synthèse protéique cellulaire est modifiée, notamment celle de nombreuses enzymes ou des récepteurs d’autres hormones, ce qui induit les effets biologiques des progestagènes. Le lien entre ce mécanisme cellulaire et l’effet biologique est bien compris pour ce qui concerne les effets métaboliques ou les modifications de l’appareil génital. En revanche, l’inhibition de la fréquence pulsatile de libération de la GnRH hypothalamique n’est pas encore clairement expliquée.

Lorsque la concentration locale de progestagènes est élevée, ils se fixent aussi dans le noyau sur l’isoforme RP-A, inactive et dont la dimérisation avec RP-B ne permet aucun effet. Il s’agit ainsi d’une sorte de rétrocontrôle négatif.

D’autres cibles sont connues, dont un récepteur membranaire et une protéine appelée progesterone membrane receptor component 1. Le rôle exact de ces récepteurs, et surtout leur affinité pour les différents progestagènes, est encore à élucider.

Enfin, une partie des effets indésirables de la progestérone et des progestagènes de synthèse proviennent de leur fixation croisée sur d’autres récepteurs, notamment celui de la testostérone et du cortisol.

D’après [14].

ENCADRÉ 2
Effets secondaires rencontrés lors d’utilisation de progestérone chez la chienne et la chatte(1)

→ Affections utérines (pyomètre, hyperplasie glandulokystique)

→ Tumeurs mammaires (adénomes, mais aussi carcinomes et adénocarcinomes), liées à la fois à une action directe et à une forte stimulation par la progestérone de la synthèse de somatotropine (growth hormone) dans la mamelle [2, 7, 17, 28, 33]

→ Chez la femelle en gestation, un retard ou une inhibition du déclenchement de la mise bas(2)

→ Diabète sucré, qui semble découler davantage des effets insuline-like de l’insulin-like growth factor 1 que de l’effet hyperglycémiant associé aux interférences des progestatifs avec le métabolisme du cortisol [24]

→ Modifications du comportement alimentaire (polyphagie) se traduisant par une augmentation du poids [16]

→ Modifications du métabolisme de l’eau (rétention hydrosodée) à l’origine d’une polydipsie [16]

→ Inhibition de la sécrétion de cortisol endogène, qui a été mise sur le compte du rétrocontrôle exercé par les progestatifs sur la sécrétion d’adrénocorticotropine. À noter que les modifications rapportées ne sont que subcliniques [4, 21, 34]

→ Altérations cutanées (discoloration, alopécie, calcinose, etc.) du site d’injection, avec les formes parentérales

→ Altérations du comportement telles qu’une dépression modérée [24]

ENCADRÉ 3
Animaux chez lesquels les progestatifs ne sont pas recommandés

→ Femelles non reproductrices chez qui la stérilisation chirurgicale est possible

→ Femelles reproductrices de haute valeur

→ Femelles impubères

→ Chattes et les chiennes âgées de plus de 5 à 7 ans

→ Femelles en pro-œstrus, en œstrus ou en diœstrus

→ Femelles gravides (sauf cas particulier des femelles prédisposées ou suspectes d’insuffisance lutéale)

→ Femelles avec des antécédents de maladies susceptibles d’être aggravées par les progestatifs (affections utérines, diabète, gestation, pseudogestation, kystes folliculaires, tumeurs de la granulosa, acromégalie, obésité)

ENCADRÉ 4
Animaux chez lesquels les progestatifs sont éventuellement utilisables

Le traitement doit toujours être débuté en anœstrus.

→ Femelles pubères

→ Femelles destinées à la reproduction à court terme, à condition d’obtenir le consentement éclairé du propriétaire sur le risque d’infertilité ultérieure

→ Femelle chez qui une stérilisation chirurgicale n’est pas possible : refus du propriétaire pour des raisons éthiques ou financières, animal reproducteur, animal atteint d’une anomalie congénitale grave (cardiaque ou hépatique, par exemple) qui raccourcit considérablement son espérance de vie et représente un risque péri-anesthésique très élevé, animal exposé à un risque de saillie et chez qui une gestation est fortement contre-indiquée

→ Femelles chez lesquelles la prévention de l’œstrus est indispensable (présence de mâles dans la maison, interférences importantes des chaleurs avec la vie familiale)

→ Traitement débuté en anœstrus

Points forts

→ Pour la stérilisation chimique des femelles, les agonistes de la GnRH apparaissent comme une solution plus aléatoire, mais moins risquée pour prévenir l’œstrus.

→ Dans l’espèce féline, des ovulations spontanées restent possibles si le traitement est commencé chez une femelle en pro-œstrus ou en œstrus.

→ Chez la furette, des injections sous-cutanées de 15 mg de médroxyprogestérone ou de 40 mg de proligestone provoquent un arrêt de l’activité ovarienne pendant environ 3 mois.

→ Pendant le pro-œstrus, le diœstrus et la gestation, les effets indésirables des progestatifs sont majorés et peuvent aboutir à des situations graves.

→ Les progestatifs ne devraient être utilisés que comme une solution transitoire et de courte durée.

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