Un test ADN pour l’ostéogenèse imparfaite chez le teckel - Le Point Vétérinaire n° 328 du 01/09/2012
Le Point Vétérinaire n° 328 du 01/09/2012

GÉNÉTIQUE CANINE

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Auteur(s) : Marie Abitbol

Fonctions : École nationale
vétérinaire d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex
m.abitbol@vet-alfort.fr

La commercialisation en France d’un test ADN pour l’ostéogenèse imparfaite chez le teckel permet désormais de confirmer un diagnostic et de conseiller les éleveurs.

Le terme d’ostéogenèse imparfaite (OI) regroupe un ensemble de maladies héréditaires qui se caractérisent par une fragilité osseuse. Chez l’homme, une large majorité des cas d’OI se transmet sur le mode autosomique dominant et est due à un défaut dans les gènes COL1A1 et COL1A2 qui codent les deux sous-unités du collagène de type I. Pour de rares cas d’OI autosomiques récessifs, des mutations dans des gènes codant des protéines impliquées dans la maturation et l’assemblage des fibres de collagène ont été décrites [1].

Des OI ont été rapportées dans plusieurs espèces animales, dont le chat et le chien. Chez le chien, la maladie a été décrite chez le golden retriever, le colley, le caniche, le beagle, le bedlington terrier, le norwegian elkhound (chien d’élan norvégien gris) et le teckel à poil dur [2]. Chez un chiot golden retriever et un chiot beagle atteints d’OI, deux mutations dominantes ont été découvertes, respectivement dans les gènes COL1A1 et COL1A2 [3, 4].

Chez le teckel à poil dur, plusieurs cas ont été rapportés en 2003 chez des chiots apparentés [2]. L’origine moléculaire de la maladie, dans cette race, a été identifiée en 2009 et un test ADN fondé sur la mutation causale a été développé [5].

Signes cliniques et histologiques

Les chiots teckel atteints d’OI présentent les premiers symptômes de la maladie durant les 3 premiers mois de leur vie et généralement dès 3 à 4 semaines d’âge : anomalies de la démarche, activité réduite, boiteries, douleurs lors de la manipulation, même légère, et à la palpation. L’examen clinique de plusieurs jeunes animaux atteints n’a révélé ni déformations ni nanisme, mais une hyperlaxité ligamentaire et des dents translucides, de couleur rose, parfois brisées. Chez tous les chiots examinés, il n’a été mis en évidence aucune anomalie de la numération et de la formule sanguines, et les analyses biochimiques de routine étaient normales. Les clichés radiographiques réalisés ont montré une diminution globale de l’opacité osseuse, un amincissement de la corticale des os longs et de multiples fractures des côtes (photos 1a, 1b, 1c et 1d) [2].

L’autopsie de chiens atteints âgés de 13 et 14 semaines a permis de mettre en évidence une ostéopénie généralisée. L’analyse histologique de coupes de fémurs, de tibias et de mandibules de chiots atteints et de chiots contrôles a révélé un arrêt de développement de la spongieuse secondaire (zone de remodelage qui permet la croissance en longueur des os longs) et un défaut de l’ossification membraneuse (impliquée dans l’ossification des os plats, la croissance des os courts et l’épaississement des os longs) chez les animaux atteints. Les dents examinées étaient de taille normale, mais la couche de dentine était réduite de 75 % en épaisseur, comparée à celle d’un chien contrôle [2].

La maladie étant très invalidante, les chiots atteints sont généralement euthanasiés après la confirmation du diagnostic d’OI, obtenue à l’aide des examens clinique et radiographique, et du test ADN.

Mode de transmission et mutation causale

L’OI, chez le teckel, se transmet sur le mode autosomique récessif [2, 5]. Dans ce mode de transmission, mâles et femelles sont atteints dans les mêmes proportions et le gène en cause est porté par un autosome (chromosome autre que les chromosomes sexuels). Un chiot atteint possède deux copies (allèles) mutées du gène en cause (il est dit homozygote muté ou homozygote malade). Un allèle est transmis par le père, l’autre par la mère. Les deux parents (qui sont indemnes d’OI) sont alors dits porteurs sains ou hétérozygotes. L’accouplement de deux hétérozygotes produit en moyenne 25 % de descendants malades (homozygotes mutés), 50 % de descendants porteurs sains (hétérozygotes) et 25 % de descendants indemnes de la maladie et ne la transmettant pas (ils sont dits homozygotes sains ou homozygotes sauvages).

Il existe donc des porteurs sains d’OI chez le teckel. Ces chiens sont impossibles à identifier sans le recours à un test de dépistage génétique, sauf s’ils ont déjà engendré un chiot atteint. Un test de dépistage génétique, ou test ADN, ne peut voir le jour que lorsque le gène et la mutation responsables de la maladie ont été identifiés.

En 2009, l’équipe du Dr. Drögemüller, en Suisse, a identifié le gène et la mutation en cause dans l’OI du teckel. Les généticiens ont utilisé six familles de chiens teckel à poil dur où se transmettait la maladie. À l’aide de seulement 5 chiots atteints et leurs apparentés sains, ils ont cartographié le locus responsable sur le chromosome 21 canin [5]. L’analyse des homologies existant entre le génome canin et le génome humain leur a permis de mettre en évidence une mutation ponctuelle (qui provoque le changement d’un acide aminé dans la protéine) dans le gène SERPINH1 (serpin H1) qui code une protéine chaperonne impliquée dans la formation des triples hélices de collagène. Les chiots atteints d’OI étaient homozygotes pour cette mutation, alors que les parents porteurs sains obligatoires étaient hétérozygotes. Les résultats ont été confirmés à l’aide de 79 chiens issus de 75 races différentes chez qui la mutation n’a jamais été retrouvée. Des mutations dans le gène SERPINH1 n’avaient jamais été mises en évidence dans l’OI de l’homme jusque-là. Cependant, en 2010, un groupe américain a publié l’existence d’une mutation dans ce même gène chez un patient humain atteint d’OI sévère non liée aux gènes de collagène, confirmant ainsi l’implication de SERPINH1 dans l’OI [6].

La découverte de la mutation du teckel a permis le développement et la commercialisation d’un test ADN pour cette race, désormais disponible en France.

Utilisation du test ADN

Le test génétique est fiable, facile à réaliser (à partir d’un simple frottis buccal), réalisable dès que l’animal est identifié (puce ou tatouage) et est valable à vie. Il permet :

– de confirmer ou d’infirmer un diagnostic d’OI héréditaire due à la mutation du gène SERPINH1, chez un chiot teckel présentant les signes évocateurs de la maladie ;

– de dépister les chiens porteurs sains, de sélectionner les reproducteurs en conséquence et d’adapter les croisements.

Ce travail de prévention est indispensable pour contenir la propagation de l’allèle muté responsable de la maladie dans la race, pour éviter de faire naître des chiots atteints d’OI et pour pouvoir éliminer progressivement cette maladie héréditaire. En effet, lors de la phase de validation du test génétique, la proportion de chiens teckel à poil dur français porteurs sains de la mutation responsable d’OI était de 12,5 % (données du laboratoire Antagene).

D’autre part, la mutation causale a été identifiée chez le teckel standard à poil dur. Or le teckel existe sous trois variétés de poil (dur, long, ras) et en trois tailles (standard, nain et kaninchen) en France. Dans notre pays, les chiens de variété -teckel standard doivent être mariés entre eux, mais le nain et le kaninchen peuvent être mariés ensemble. De plus, les mariages de deux variétés de poil sont interdits (www.chien.com/clubdesamateursdeteckels). Le test ADN est particulièrement indiqué chez les chiens de variété standard à poil dur. Cependant, toutes les variétés descendant d’ancêtres communs et certains mariages ayant pu exister entre les trois variétés de poil et de taille dans le passé, le test ADN pour l’OI peut être utilisé pour toutes les variétés de teckel. Le test est disponible en France auprès du laboratoire Antagene(1).

REMERCIEMENTS

À Anne Thomas du laboratoire Antagene (www.antagene.com), pour avoir fourni les données statistiques de développement du test.

RÉFÉRENCES

  • 1. Forlino A, Cabral WA, Barnes AM, Marini JC. New perspectives on osteogenesis imperfecta. Nat. Rev. Endocrinol. 2011 Jun 14;7(9):540-557.
  • 2. Seeliger F, Leeb T, Peters M, Brugmann M, Fehr M, Hewicker-Trautwein M. Osteogenesis imperfecta in two litters of dachshunds. Vet. Pathol. 2003 Sep;40(5):530-539.
  • 3. Campbell BG, Wootton JA, MacLeod JN, Minor RR. Sequence of normal canine COL1A1 cDNA and identification of a heterozygous alpha1(I) collagen Gly208Ala mutation in a severe case of canine osteogenesis imperfecta. Arch. Biochem. Biophys. 2000 Dec 1;384(1):37-46.
  • 4. Campbell BG, Wootton JA, Macleod JN, Minor RR. Canine COL1A2 mutation resulting in C-terminal truncation of pro-alpha2(I) and severe osteogenesis imperfecta. J. Bone Miner Res. 2001 Jun;16(6):1147-1153.
  • 5. Drögemüller C, Becker D, Brunner A, Haase B, Kircher P, Seeliger F, Fehr M, Baumann U, Lindblad-Toh K, Leeb T. A missense mutation in the SERPINH1 gene in Dachshunds with osteogenesis imperfecta. PLoS Genet. 2009 Jul;5(7):e1000579.
  • 6. Christiansen HE, Schwarze U, Pyott SM, AlSwaid A, Al Balwi M, Alrasheed S, Pepin MG, Weis MA, Eyre DR, Byers PH. Homozygosity for a missense mutation in SERPINH1, which encodes the collagen chaperone protein HSP47, results in severe recessive osteogenesis imperfecta. Am. J. Hum. Genet. 2010 Mar 12;86(3):389-398.
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