Un cas de pyothorax unilatéral chez un chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 327 du 01/07/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 327 du 01/07/2012

IMAGERIE MÉDICALE

Cas clinique

Auteur(s) : Christian Besson*, Sylvain Manville**

Fonctions :
*Unité d’imagerie médicale
CHV Saint-Martin
275, route Impériale
74370 Saint-Martin-Bellevue
**Unité d’imagerie médicale
CHV Saint-Martin
275, route Impériale
74370 Saint-Martin-Bellevue

Lors de pyothorax chez le chat, le recours à l’examen tomodensitométrique permet une évaluation complète du thorax. Le diagnostic établi est alors précis et la prise en charge adaptée.

Un chat mau égyptien mâle castré et âgé de 6 ans est présenté en urgence pour une dyspnée importante.

CAS CLINIQUE

1. Commémoratifs et anamnèse

Le chat est correctement vacciné et vermifugé. Il consomme des aliments industriels (croquettes et boîtes de grande surface) et une alimentation ménagère (boîtes de thon et pâté). Il a accès libre à l’extérieur grâce à une chatière.

Un an auparavant, il a été traité pour des plaies thoraciques de petites tailles. Depuis, il présente des quintes de toux assez légères, 1 à 3 fois par jour. Depuis 15 jours, celles-ci ont évolué en quintes de toux rauques et grasses associées à un abattement léger, une dysorexie et une hyperthermie (40 °C). À la suite d’une consultation chez un confrère, le chat a été mis sous antibiotique (amoxicilline longue action), cortisone et diurétique. La semaine qui a suivi, son état s’est amélioré.

Dès la fin du traitement (7 jours avant la consultation d’urgence), les quintes de toux sont réapparues. Elles se sont aggravées progressivement jusqu’à motiver une consultation en urgence.

2. Examen clinique

À l’admission, le chat est en orthopnée et en tachypnée (environ 60 mouvements par minute) avec une respiration costale forcée et une participation abdominale augmentée à l’expiration (dyspnée restrictive). Il est très abattu. Les propriétaires rapportent une anorexie totale depuis 24 heures et une adipsie. Sa note d’état corporel est estimée à 2,5/5 et il pèse 3,5 kg. Ses muqueuses sont rosées et le temps de recoloration capillaire inférieur à 2 secondes. La température rectale s’élève à 39 °C.

L’auscultation cardiaque est normale. L’auscultation pulmonaire révèle des bruits inspiratoires et expiratoires augmentés (sifflements prononcés, notamment en phase inspiratoire) qui sont associés à des crépitements.

3. Hypothèses diagnostiques

La dyspnée restrictive oriente vers une atteinte de l’appareil respiratoire profond. Les hypothèses principales sont une pneumonie, une bronchopneumonie ou un épanchement pleural.

4. Prise en charge initiale et examens complémentaires

En première intention, la dyspnée est traitée par une oxygénothérapie en urgence (chat mis en couveuse branchée à une Oxybox®). L’état général du chat s’améliore rapidement, les bruits respiratoires sont toujours présents mais la respiration est moins forcée et la gueule est fermée. Des examens complémentaires sont alors effectués sous tranquillisation (midazolam, Midazolam Mylan®(1), 0,2 mg/kg par voie intramusculaire) pour limiter le stress.

Examen radiographique

Des clichés radiographiques du thorax (profil et face) mettent en évidence une opacification liquidienne de la moitié gauche du thorax associée à un déplacement des structures médiastinales vers la droite (photos 1a et 1b). Du côté droit, le champ pulmonaire ne présente pas d’anomalie.

Cette opacification est compatible avec un épanchement pleural unilatéral ou une masse thoracique volumineuse (pleurale ou pulmonaire).

Examen échographique

L’examen échographique thoracique montre une structure hypo- à anéchogène formée de multiples éléments cavitaires coalescents (“alvéoles”) avec, au centre, des flammèches en suspension (photo 2). Une ponction échoguidée révèle un liquide d’aspect purulent. L’analyse cytologique montre qu’il s’agit de pus (présence de nombreux neutrophiles polynucléaires dégénérés).

Ces examens sont en faveur d’un pyothorax ou d’une masse thoracique associée à une surinfection.

Examen tomodensitométrique

Afin d’évaluer au mieux les lésions thoraciques, un examen tomodensitométrique (scanner) est réalisé sous anesthésie générale gazeuse.

Sur les images initiales, il apparaît une opacification importante de tout l’hémithorax gauche par du matériel de densité liquidienne élevée (40 à 60 HU), associée à un déplacement important du médiastin vers la droite, avec le cœur entrant en contact avec la paroi costale droite. Les lobes pulmonaires gauches sont mal visualisés et les lobes pulmonaires droits sont discrètement atélectasiés.

Après injection de produit de contraste (iohexol, Omnipaque® à la dose de 300 mg/ml, 600 mg/kg) par voie intraveineuse, les lobes pulmonaires gauches deviennent visibles, apparaissant sévèrement atélectasiés (photos 3a, 3b et 4). L’injection n’est pas associée à un rehaussement de l’opacification de l’hémithorax. Aucune masse thoracique n’est observée.

Les images obtenues sont diagnostiques d’un épanchement pleural unilatéral gauche sévère compatible avec un pyothorax, sans abcès ni masse thoracique visible.

5. Traitement et évolution

Aux différents examens d’imagerie, aucune lésion nécessitant une prise en charge chirurgicale n’a été constatée. Une gestion médicale est choisie avec pose de drain thoracique en silicone à gauche sous anesthésie (isoflurane par induction au masque, analgésie avec de la buprénorphine, Vétergésic®, à la dose de 0,02 mg/kg par voie intraveineuse) puis contrôle radiographique. Ainsi, 200 ml de pus sont retirés et le chat retrouve une respiration normale à son réveil (photos 5a et 5b).

Un traitement antibiotique est mis en place (amoxicilline/acide clavulanique, Clavaseptin®, à la dose de 12,5 mg/kg, deux fois par jour par voie orale) associé à un anti-inflammatoire (méloxicam, Loxicom®, à la dose de 0,05 mg/kg/j par voie orale). Le drainage est permis par un système de seringues et de robinet trois voies. Le vide y est recréé quatre fois par jour (photo 6).

Lors des 2 premiers jours, un rinçage de l’espace pleural est pratiqué avec du chlorure de sodium (NaCl) 0,9 %, 20 ml à chaque fois.

Après une première amélioration, l’état général du chat s’est dégradé de nouveau, ce qui a motivé un changement arbitraire d’antibiothérapie (ajout d’enrofloxacine, Baytril®, 5 mg/kg, une fois par jour par voie intraveineuse) (tableau). Un échantillon du pus ponctionné lors de l’examen échographique a été analysé mais aucun germe n’a été isolé.

Une semaine après son admission, plus aucun liquide n’est récupéré par le drain et l’examen clinique ne révèle plus d’anomalie. Le drain thoracique est alors retiré et le chat rendu à sa propriétaire après 24 heures d’observation sans incident. Le traitement antibiotique est poursuivi 28 jours supplémentaires et les anti-inflammatoires sont maintenus durant 7 jours.

Vingt-cinq jours après l’admission, lors d’une visite de contrôle, le chat est totalement guéri et ne présente aucune anomalie à l’examen clinique. Des clichés radiographiques de contrôle montrent l’absence d’épanchement.

DISCUSSION

1. Place des examens d’imagerie lors de pyothorax chez le chat

Les examens d’imagerie tiennent une place importante dans le diagnostic et l’évaluation des pyothorax.

Examen radiographique

Les clichés radiographiques du thorax sont un des premiers examens complémentaires à réaliser lors de pyothorax. Ils nécessitent peu de contention et permettent de diagnostiquer un épanchement pleural (encadré). Parfois, ils mettent aussi en évidence une masse, un corps étranger ou un abcès. Cependant, cet examen ne permet pas de déterminer la nature de l’épanchement [4]. Ainsi, bien que l’unilatéralité d’un épanchement puisse être en faveur d’un pyothorax (épanchement dense ne passant pas dans le deuxième espace pleural) chez le chien, ces affections sont plus souvent bilatérales chez le chat. Aussi, dans une étude sur 80 cas de pyothorax chez le chat, 88,9 % des animaux présentaient un pyothorax bilatéral [6]. Seule une analyse cytologique autorise à déterminer la nature de l’épanchement.

Dans ce cas, les clichés radiographiques sont compatibles avec un épanchement unilatéral ou une masse. Cela a justifié la réalisation d’autres examens car ces deux hypothèses impliquent des prises en charge différentes.

L’examen radiographique autorise aussi à vérifier la bonne position du drain thoracique et de s’assurer de son efficacité.

Examen échographique

L’examen échographique permet, en général, de distinguer les épanchements libres des épanchements encapsulés. Ces derniers sont en faveur d’un pyothorax car ils mettent en évidence des phénomènes d’adhésion (épanchement chronique). Chez ce chat, les images correspondent à un épanchement encapsulé, les structures apparaissant alors comme des “alvéoles”.

Cependant, déterminer s’il existe ou non une continuité des structures avec un tissu sain demeure compliqué. Lors d’épanchement encapsulé, cet examen n’écarte pas toujours l’hypothèse d’un phénomène néoplasique associé à une surinfection ni la présence d’abcès, réclamant alors un parage chirurgical.

Examens tomodensitométrique et d’imagerie par résonance magnétique

Le scanner et l’examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont les seuls examens qui permettent de conclure à un pyothorax en excluant un phénomène néoplasique. Ils détectent aussi les éventuels abcès qui impliquent une prise en charge chirurgicale. Ces examens engendrent des images sans superposition. Déterminer la présence ou non de continuité avec les structures encapsulant l’épanchement observé et différencier une masse tumorale, associée à une surinfection, d’un pyothorax chronique devient alors plus facile [2].

Le scanner présente l’avantage de fournir plus rapidement des images de la totalité du thorax, ce qui limite le temps d’anesthésie (non négligeable chez les animaux en insuffisance respiratoire). En outre, l’opérateur peut, par ce biais, effectuer un contrôle sous anesthésie après le premier drainage. De plus, pour les appareils IRM à bas champ (majoritaires en médecine vétérinaire, contrairement à la médecine humaine où les appareils à haut champ sont prépondérants), l’examen du thorax n’est pas d’aussi bonne qualité. Il convient de bloquer pendant plusieurs minutes la respiration de l’animal pour l’acquisition des images car cette dernière est plus longue (démarche peu conseillée lors d’insuffisance respiratoire).

L’évaluation complète est très utile car le pronostic vital de l’animal n’est pas le même pour un pyothorax (réservé lors de traitement : 66,1 % de survie sur une étude menée sur 80 cas) que pour un phénomène néoplasique (pronostic très sombre, avec ou sans traitement) [5]. Le scanner offre ainsi de choisir la meilleure prise en charge par la détection d’éventuels abcès justifiant un traitement chirurgical (et non plus uniquement médical) [2].

Dans ce cas, il a permis de statuer sur la nature du phénomène. L’hypothèse tumorale a été exclue et la présence d’un pyothorax a été confirmée. En l’absence d’abcès, la prise en charge s’est orientée vers un traitement médical associé à un drain thoracique.

Examens d’imagerie et anesthésie lors de pyothorax

Lorsqu’un animal présente un pyothorax, le motif de consultation est souvent l’insuffisance respiratoire. La prise en charge de cette insuffisance respiratoire par une oxygénothérapie en première intention est alors urgente.

Bien que les examens d’imagerie soient nécessaires, il convient d’éviter de provoquer une détresse respiratoire fatale en manipulant l’animal (amplification du stress et des difficultés respiratoires).

Pour la réalisation des examens radiographique et échographique, il est recommandé d’associer l’oxygénothérapie à une tranquillisation légère. Le vétérinaire peut recourir à du midazolam (à la dose de 0,05 mg/kg à 0,5 mg/kg, injection à effet, par voie intramusculaire ou intraveineuse) qui a une action rapide et est relativement sûr, ou à du diazépam (Valium®(2), 0,1 à 0,2 mg/kg, par voie intraveineuse) [5].

Pour la réalisation du scanner ou de l’IRM, l’anesthésie générale est incontournable. Une anesthésie volatile est à préférer car elle permet d’oxygéner l’animal et d’obtenir une anesthésie de courte durée, sous contrôle, avec des produits peu dépresseurs. L’induction est réalisée au masque à l’isoflurane après la tranquillisation de l’animal avec du midazolam ou du diazépam.

2. Origines du pyothorax chez le chat

Le pyothorax est souvent décrit comme secondaire à une morsure ou à une griffure car des études récentes montrent que les bactéries incriminées appartiennent à l’oropharynx. La cause la plus fréquente d’un pyothorax chez le chat serait alors l’extension d’une maladie respiratoire sous-jacente (67 % des cas) [1, 6]. Dans une étude de 2002 effectuée sur 80 cas, seuls 14,5 % d’entre eux montrent des blessures externes [6]. Ainsi, les pyothorax chez le chat sont plus souvent bilatéraux. La plèvre est contaminée via les voies pulmonaires symétriques et non pas lors d’un traumatisme localisé et latéralisé.

Aussi, plusieurs causes sont possibles et beaucoup résultent de l’atteinte de structures intrathoraciques adjacentes à l’espace pleural : bronchopneumonie (virale ou bactérienne), fausse déglutition, migration larvaire (Toxocara cati, Aelurostrongylus abstrusus), etc. [1].

Les affections respiratoires hautes d’origine virale sont aussi des sources de contamination possibles. En altérant l’appareil mucociliaire, elles favorisent le passage de la flore de l’oropharynx dans les poumons et prédisposent à la pleuropneumonie [1].

Dans de rares cas (animaux immunodéficients, comme les jeunes chats porteurs du virus de l’immunodéficience féline), des infections à mycoplasmes ou à cryptocoques ont été rapportées [1]. La contamination de la plèvre se déroule alors par voie hématogène.

Certaines études concluent que la cause principale du pyothorax est bien la morsure ou la griffure [1]. Les cas de pyothorax sont plus fréquents chez les chats vivant à plusieurs (un chat provenant d’un foyer avec d’autres congénères présente 3,8 fois plus de risque de développer un pyothorax) [6]. Cela est expliqué par une plus forte probabilité de morsures et griffures. Toutefois, les études comportementales contredisent cette notion de plus forte probabilité de morsure/griffure chez les chats appartenant à un groupe stable dans un même environnement. En outre, un regroupement d’animaux favorise l’apparition de maladies respiratoires [1].

Dans le cas présenté, l’origine ne peut être clairement définie. Des troubles respiratoires chroniques comme des plaies thoraciques sont rapportés.

Conclusion

Le diagnostic et le choix thérapeutique du pyothorax chez le chat reposent essentiellement sur les examens d’imagerie. S’ils sont disponibles, il convient de proposer un examen tomodensitométrique. Cet outil apporte un vrai avantage en réalisant une évaluation complète du thorax, permettant d’établir un pronostic précis et une gestion adaptée pour l’animal.

  • (1) Médicament humain.

  • (2) Médicament humain.

Références

  • 1. Barr VR, Allan GS, Beatty JA et coll. Feline pyothorax: a restrospective study of 27 cases in Australia. J. Feline Med. Surg. 2005;7(4):211-222.
  • 2. Johnson EG, Wisner ER. Advances in respiratory Imaging 2007. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2007;37(5):879-900.
  • 3. King RR, Pressel MA. Pleural space diseases. In: Rubin SI, Carr AP. Questions and answers reveal the secrets of canine internal medicine. Mosby Elsevier, St Louis. 2007:211-212.
  • 4. Morgan JP, Wolvekamp P. Radiology of thoracic trauma. In: Morgan JP, Wolvekamp P. An altas of radiology of the traumatized dog and cat. 2d ed. Schlütersche, Hanovre. 2004:14.
  • 5. Sawyer DC. The preanesthetic period, tranquilizers. In: Sawyer DC. The practice of veterinary anesthesia: small animals, birds, fish and reptiles. Jackson Teton NewMedia. 2007:26-27.
  • 6. Waddell LS, Brady CA, Drobatz KJ. Risk factors, prognostic indicators, and outcome of pyothorax in cats: 80 cases (1986-1999). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002;221(6):819-824.

ENCADRÉ
Signes radiographiques d’un épanchement pleural

→ Effacement de la silhouette cardiaque.

→ Apparition des contours des lobes pulmonaires.

→ Décollement des poumons de la paroi thoracique.

→ Présence de scissures interlobaires.

→ Disparition de la silhouette diaphragmatique.

D’après [3, 4]

Points forts

→ Les examens d’imagerie ne doivent être réalisés qu’une fois l’insuffisance respiratoire prise en charge et l’état de l’animal stabilisé.

→ Une tranquillisation afin de limiter le stress et l’aggravation de l’insuffisance respiratoire est conseillée lors des manipulations de l’animal.

→ Les examens radiographique et échographique laissent suspecter la présence d’un pyothorax, mais seule la ponction est diagnostique.

→ Les techniques d’imagerie par désuperposition permettent une exploration complète des lésions liées au pyothorax, orientant le choix thérapeutique.

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