Brûlures extensives chez un rottweiler - Le Point Vétérinaire n° 327 du 01/07/2012
Le Point Vétérinaire n° 327 du 01/07/2012

GESTION DES BRÛLURES

Thérapeutique

Auteur(s) : Sébastien Etchepareborde

Fonctions : CHV des Cordeliers
29, Avenue du Maréchal-Joffre
77100 Meaux

Un cas de brûlure étendue chez un chien est toujours grave. Le succès thérapeutique n’est obtenu qu’avec une prise en charge et un nursing importants.

Une femelle rottweiler âgée de 3 ans et pesant 36 kg est présentée 4 jours après avoir marché sur du charbon incandescent (brûlis utilisé pour défricher un terrain en Afrique). Avant d’être rapatriée, la chienne a été traitée avec de l’eau froide, puis divers médicaments changés chaque jour à l’appréciation des différents vétérinaires (acide tolfénamique, ibuprofène, tramadol, doxycycline, marbofloxacine et acépromazine à des doses inconnues).

CAS CLINIQUE

1. Examen clinique

À son arrivée à la clinique, la chienne est tachypnéique et le temps de recoloration capillaire est de 2 secondes. Elle est apathique mais il est impossible d’approcher les zones brûlées sans déclencher des réactions agressives. Elle pèse 36 kg. La température ne peut pas être relevée en raison de la douleur. Le reste de l’examen général est normal.

Les brûlures touchent les quatre membres, l’abdomen, la queue et la région périnéale (photos 1a, 1b, 1c et 1d). La surface corporelle brûlée est d’environ 40 % d’après “la règle des 9” (encadré, tableaux 1 et 2 complémentaires sur www.WK-Vet.fr). La majeure partie des brûlures ne concerne que l’épiderme (brûlure superficielle) bien que, dans certaines zones, ce dernier et seulement une partie du derme soient brûlés (brûlure en partielle épaisseur).

2. Examens complémentaires

Une anesthésie locale est pratiquée à la hauteur de la jugulaire gauche avec 2 mg/kg de lidocaïne, afin de mettre en place une voie veineuse centrale.

Une première analyse biochimique est réalisée afin d’évaluer précisément l’hypoprotéinémie liée aux grandes brûlures et les fonctions rénale et hépatique. Elle révèle que l’urée, la créatinine, le cholestérol, les phosphatases alcalines et les alanines aminotransférases, le calcium et le phosphate sont supérieurs aux normes alors que les protéines totales et l’albumine sont diminuées (tableau 3).

Le sodium et le potassium ont été contrôlés tous les jours pendant 1 semaine, puis 1 jour sur 2 pendant encore 1 semaine, puis 1 fois par semaine dans la mesure où ces paramètres ont toujours été dans les valeurs usuelles (tableau 4).

Une numération et une formule sanguines sont réalisées. Seule une légère leucopénie (4 x 103/µl) est révélée, sans autre anomalie.

3. Premiers soins

La chienne reçoit 15 ml/kg de colloïdes (HAES 6 %) durant 3 heures et 10 ml/kg de cristalloïdes (Ringer lactate®) en association afin de la réhydrater rapidement et durablement. Après une heure de perfusion, une anesthésie générale (prémédication avec du Valium®(1), diazépam à la dose de 0,5 mg/kg, et de la morphine à la dose de 0,4 mg/kg, puis du propofol au besoin, par voie intraveineuse) est réalisée pour mieux apprécier les blessures et appliquer le premier bandage.

4. Gestion de la douleur

Après cette première intervention, une perfusion de morphine-lidocaïne-kétamine (MLK) (de sorte à obtenir respectivement 0,1, 0,1 et 0,15 mg/kg/h) est mise en place pour gérer la douleur. Celle-ci a été évaluée tout le temps par le même opérateur selon la capacité de l’animal à rester en position sternale, ainsi qu’en fonction de ses manifestations agressives lors du changement des bandages.

Au bout d’une semaine, la chienne est assez confortable pour ne recevoir que de la morphine en perfusion continue (0,4 mg/kg/h) en combinaison avec des patchs de fentanyl (100 µg). Après 5 jours, le patch de fentanyl est suffisant seul. Neuf jours plus tard, le patch est retiré, car le tramadol seul suffit au confort de l’animal (à la dose de 4 mg/kg, trois fois par jour). Il a été nécessaire pendant 3 semaines. La durée totale d’administration d’opioïdes a été de 45 jours. Aucun effet secondaire attribué aux opioïdes n’a été relevé durant cette période.

5. Hospitalisation

Les cristalloïdes (Ringer lactate® complémenté avec 20 mEq/l de potassium) sont injectés par le cathéter jugulaire pendant 1 mois, avec un rythme adapté en fonction de l’hydratation et des pressions sanguines de l’animal. Le débit de perfusion était adapté pour obtenir une diurèse de 1 à 2 ml/kg/h. De l’amoxicilline et de l’acide clavulanique (20 mg/kg) sont injectés par voie intraveineuse pendant 3 semaines avant d’être remplacés par les mêmes molécules par voie orale durant encore 3 semaines.

Pour éviter les manipulations au maximum, une sonde de température est placée en permanence dans l’anus. Un bilan biochimique est réalisé tous les jours pendant une semaine, puis 1 jour sur 2 pendant 1 semaine, puis une fois par semaine. L’énergie requise au repos (RER) a été calculée suivant la formule suivante (RER = 70 x P3/4kcal, P étant le poids réel de l’animal), puis augmentée d’un index de 1,6 compte tenu de l’extension des brûlures. L’animal nécessitait donc 897 kcal/j, soit 9 boîtes de Hill’s a/d. Durant toute l’hospitalisation, la chienne a été nourrie avec du Hill’s a/d toutes les 4 heures en se fixant comme objectif une boîte et demie par repas.

Cet objectif n’a pas toujours été atteint car la nutrition dépendait en partie du bon vouloir de l’animal. La nourriture était toujours proposée avant d’être donnée à la seringue. La transition vers une alimentation spontanée s’est donc déroulée progressivement et le gavage a cessé lorsque la chienne a mangé au minimum une boîte par repas (au bout de 5 semaines environ).

6. Traitement des plaies

Après le premier débridement, où les tissus morts très adhérents au tissu sous-cutané n’ont pas été enlevés pour éviter les saignements, une douche par semaine est donnée sous sédation (dexmédétomidine à la dose de 5 µg/kg et propofol, au besoin) avec la technique d’épluchage pour enlever les peaux mortes (photos 2a à 5d). Étant donné la superficie très importante des brûlures, ainsi que leurs répartitions (autour de l’anus, en particulier), vouloir recouvrir toutes les plaies était illusoire. Seuls les membres sont couverts de bandages : des compresses abdominales recouvertes de sulfadiazine d’argent (Flammazine®(1)) sont maintenues par une bande autoadhésive.

Le reste des brûlures est recouvert de cette crème (photo 6). Les plaies sont traitées matin et soir, la crème est flushée avec de la chlorhexidine puis appliquée de nouveau sur toute l’étendue des lésions sans qu’une sédation soit nécessaire. Durant chaque changement de bandage, deux fois par jour, la cage est désinfectée et une nouvelle couche d’alèses placée sur le matelas. Les manipulations sont effectuées avec des blouses propres et de nouveaux gants à chaque fois.

7. Cicatrisation des coussinets

Tous les coussinets étant brûlés, la chienne ne se déplace pas durant le premier mois et un cathéter urinaire est laissé en place pendant cette période. La diurèse était suivie en s’assurant de la quantité (1 à 2 ml/kg/h). Ensuite, les bandages des pattes ont été renforcés et la chienne a pu marcher avec sans trop de difficultés.

8. État corporel et suivi

En raison de la douleur que causerait une physiothérapie, aucun exercice n’est mis en place durant la convalescence. La chienne a souffert d’une sévère atrophie musculaire et a perdu 9 kg durant son hospitalisation (elle pèse 27 kg au plus bas et 29 kg à sa sortie). Cela est dû à une atrophie musculaire et à la technique d’alimentation, peut-être insuffisante.

Après sa sortie, 50 jours après sa présentation, les bandages des membres sont changés tous les 4 jours pendant encore un mois par le vétérinaire. La diminution de la fréquence des bandages s’explique par le fait que, à ce stade, seules les plaies des coussinets n’étaient pas totalement cicatrisées et nécessitaient juste une protection pour permettre à l’animal de se déplacer.

Par la suite, la chienne peut marcher confortablement sur les sols lisses, mais est encore réticente à évoluer sur des surfaces irrégulières. Durant le premier hiver, elle semble souffrir du froid dans la neige et des chaussures adaptées sont utilisées. Trois mois après sa sortie, elle peut courir et pèse 32 kg (puis 35 kg, 9 mois après sa sortie). Bien que la peau recouvrant les coussinets n’ait pas le même aspect qu’un coussinet normal, elle est kératinisée et plus résistante que de la peau normale (photos 7a, 7b, 7c et 7d). La chienne peut marcher sur des graviers sans se blesser, mais semble intuitivement éviter ce type de surface.

DISCUSSION

Il convient de réaliser que tous les postulats concernant la gestion des brûlures chez le chien ou le chat sont extrapolés d’articles parus en médecine humaine. C’est sur ces données que cette discussion repose, d’où l’utilisation du terme “patient” et non “animal”. Mis à part la description de 49 cas d’inhalation de fumée chez le chien et chez le chat, il n’existe aucune autre description de série de cas vétérinaires permettant de dégager un consensus sur la conduite idéale à tenir [7, 8]. Aucune des données appliquées directement aux animaux n’a été vérifiée. Les extrapolations à la médecine vétérinaire sont à considérer avec précaution, d’autant plus qu’il existe de nombreuses controverses (sur l’estimation de la superficie brûlée, la fluidothérapie, la nutrition, l’administration d’antibiotiques) toujours existantes en médecine humaine, et ce malgré les centaines de milliers de cas recensés chaque année [19, 28, 30].

1. Définition d’une brûlure de contact

Des brûlures similaires à celles de ce cas ont été décrites chez les enfants, lorsqu’ils tombent dans des cendres de barbecue ou de feu de camp. Elles sont regroupées dans les lésions appelées “brûlures thermiques de contact” [4]. Un morceau de charbon brûle à une température maximale de surface de 600 °C et de 800 °C à cœur. Quatre heures après l’allumage, bien que le feu soit éteint, la température moyenne de surface est de 350 °C. Douze heures plus tard, elle est toujours de 98 °C en surface et de 202 °C à cœur. Une température de contact de 70  C pendant 1 seconde peut infliger une brûlure en pleine épaisseur de la peau.

2. Points critiques après une brûlure

Les points critiques après une brûlure sont les dégâts causés par l’inhalation de fumée, les anomalies cardiaques, l’anémie, le déséquilibre ionique(hyperkaliémie et hypocalcémie à la suite d’une brûlure, puis hypernatrémie et hypokaliémie à la suite des perfusions), l’insuffisance du foie, des reins et des intestins, ainsi qu’une baisse de l’activité du système immunitaire [20].

Comme la chienne s’est brûlée ici en plein air, le risque d’inhalation est écarté. En général, cela doit être minutieusement vérifié dans la mesure où il s’agit d’une des causes principales de morbidité et de mortalité chez les patients brûlés. Il n’existe pas de moyen simple pour l’explorer. Le standard en médecine humaine est l’utilisation de la bronchoscopie, même si cette dernière ne permet pas d’estimer la mortalité. Récemment, l’analyse des gaz sanguins qui permet d’obtenir le rapport PaO2/FiO2 a été corrélée avec la survie chez l’adulte et pourrait être une piste intéressante. C’est, avec l’âge et la surface de brûlure, un des trois plus importants prédicteurs de mortalité [1, 17].

Les grands brûlés souffrent d’une malfonction de la majorité des organes (reins, foie, intestins, cœur). Cela explique pourquoi il est primordial de monitorer ces fonctions pendant la convalescence, avec notamment un suivi avec un électrocardiogramme pour le cœur et des bilans biochimiques pour le foie et les reins. Théoriquement, il serait intéressant de surveiller d’autres paramètres afin de compléter le suivi tels que l’augmentation des temps de coagulation qui est un des signes de syndrome de multidéfaillance viscérale, les gaz sanguins comme expliqués ci-dessus ou les lactates pour le suivi de la perfusion tissulaire. Cela doit être confronté à la réalité pratique et financière de notre activité qui nous oblige à cibler les examens complémentaires. Ces examens sont à adapter en fonction de leur faisabilité in situ, mais surtout de la capacité de la structure à réagir dans le cas où les paramètres seraient anormaux.

3. Hypovolémie

Un animal brûlé souffre d’hypovolémie qui peut évoluer en défaillance de ses organes puis causer sa mort. Un des premiers objectifs avec un grand brûlé est de compenser la perte de fluides proportionnellement au pourcentage de brûlures [9, 25].

Néanmoins, la meilleure manière de perfuser un grand brûlé consiste à adapter le débit en fonction des paramètres vitaux tels que la pression artérielle, la pression veineuse centrale et la diurèse. Les médicaments qui diminuent la pression sanguine (acépromazine, médétomidine) et peuvent altérer la fonction rénale (anti-inflammatoires non stéroïdiens) sont à éviter.

Dans notre cas, les deux premières étapes ont donc été de stabiliser la chienne et d’estimer l’étendue des brûlures. Comme elle a été présentée 4 jours après l’accident, les anomalies systémiques n’étaient pas aussi sévères que chez la plupart des chiens souffrant de brûlures si étendues. Malgré des années d’expérience dans la réanimation des grands brûlés, il existe toujours une controverse dans le traitement durant les 24 premières heures [13]. En médecine humaine, certaines études montrent que les patients traités avec des colloïdes nécessitent moins de fluides, présentent moins d’œdèmes et une réaction inflammatoire moins exubérante comparés aux patients recevant uniquement des cristalloïdes [29]. D’autres études continuent de montrer que les colloïdes doivent être évités durant cette période à cause de la trop grande perméabilité des vaisseaux sanguins. Comme dans notre cas, la chienne a été présentée 4 jours après la brûlure, la perméabilité vasculaire était sûrement restaurée dans la mesure où la phase hypermétabolique (ou de récupération) commence 48 heures après la brûlure [21]. Théoriquement, l’administration de colloïdes ne posait donc pas de problème.

4. Cicatrisation des brûlures

Le pourcentage de surface brûlée est à pondérer en fonction de la profondeur des brûlures. Si, chez les animaux, l’euthanasie est suggérée au-delà de 50 % de surface brûlée, c’est uniquement pour des raisons financières.

Traitement chirurgical ou non ?

Le traitement des brûlures dépend de leur profondeur. Les brûlures superficielles ou de partielle épaisseur, telles que dans notre cas, ne nécessitent pas de traitement chirurgical dans la mesure où, dans la partie du derme encore intacte, résident les follicules pileux qui sont recouverts d’épithélium. Il se développe et forme les îlots de peau rose clair visibles sur les photographies. C’est le phénomène d’épithélialisation.

En revanche, si le derme est complètement détruit, ce phénomène n’est alors plus possible. Si les plaies ne sont pas traitées chirurgicalement, elles cicatrisent par granulation, contraction puis épithélialisation par les bords de la plaie. Cela peut être long et entraîner la formation d’escarres gênant la mobilité des parties concernées. Dans ces cas, une intervention chirurgicale peut permettre d’accélérer la cicatrisation. La chirurgie à mettre en œuvre est une fermeture directe lorsque la plaie n’est pas de taille trop importante. Si elle est impossible, un lambeau cutané peut être utilisé ou même une greffe libre de peau après qu’un tissu de granulation s’est formé.

Pansements

Pour les pansements des plaies, la crème à base de sulfadiazine d’argent (Flammazine®(1)) est la crème de choix pour la gestion des brûlures, en médecine humaine comme vétérinaire. En plus de son activité bactéricide contre les Gram +, les Gram – et les Candida, elle favorise l’épithélialisation. Il est conseillé de changer les bandages deux fois par jour. En règle générale, les pansements adhérents sont obsolètes, a fortiori pour les cas de brûlures. Des bandages non adhérents sont donc réalisés avec la crème à base de sulfadiazine d’argent.

5. Risques d’infection

Chez les patients brûlés à plus de 40 %, 75 % des décès sont liés au sepsis à partir des plaies ou d’autres complications infectieuses [11]. La prévention des infections passe par un examen minutieux des plaies à chaque changement de bandage. Il convient de chercher un changement de couleur, d’odeur ou de quantité de sérosité [23]. Dans ce cas, une antibiothérapie par voie systémique peut être envisagée.

Certaines études préconisent l’utilisation de blouses et de gants pour diminuer la contamination croisée des patients. Il est aussi recommandé que toutes les surfaces soient décontaminées après un changement de bandage. L’utilisation de gants stériles et de masques est importante pour le traitement des plaies ouvertes et il est aussi conseillé de minimiser le temps d’exposition à l’air de ces dernières. Dans notre cas, nous avons utilisé des blouses propres et des gants d’examen non stériles et la cage était désinfectée deux fois par jour avec du sodium hypochloride à 12 %. Néanmoins, toutes les mesures recommandées, comme couvrir l’ensemble des lésions, n’étaient pas réalisables. Ces “écarts” par rapport à l’idéal nous ont motivés à mettre en place une antibiothérapie dès l’admission de l’animal. Il est important de noter que cela n’est pas soutenu par les articles parus sur ce sujet. L’utilisation prophylactique d’antibiotiques est indiquée uniquement dans des cas bien précis tels qu’en phases pré- et postopératoire de chirurgies d’excision des tissus morts ou d’escarres et d’autogreffes et chez les enfants dans les toutes premières étapes de la cicatrisation, avant la formation du tissu de granulation [6].

6. Gestion de la douleur

La sulfadiazine d’argent était gardée au froid et son application était bien tolérée, voire appréciée, par la chienne. La principale source de douleur était liée aux changements de bandage et surtout aux retournements de l’animal. Les mêmes phénomènes sont décrits en médecine humaine [10]. A posteriori, nous avons relié les pics de température observés aux horaires des soins. Ce phénomène a commencé lors du remplacement du MLK par la perfusion constante de morphine et les patchs de fentanyl. La gestion de la douleur peut, à ce stade, avoir donc été insuffisante et la perfusion de MLK aurait pu être administrée plus longtemps. Une grille multiparamétrique d’évaluation de la douleur aurait pu être utilisée afin d’éviter cette erreur.

7. Nutrition

En raison des limites financières en médecine vétérinaire, certains aspects de la gestion de ce cas peuvent paraître éloignés d’un idéal. Cependant, suivre ces règles à la lettre en médecine vétérinaire est impossible. Aucune nourriture parentérale n’a été mise en place car l’alimentation entérale est bénéfique le plus tôt possible et que la chienne était assez docile pour être nourrie à la seringue [5, 15].

De plus, les veines jugulaires étaient les seuls points d’accès veineux. Une des principales complications de la nutrition parentérale étant l’infection du cathéter et cet animal étant immunodéprimé (neutropénie, malnutrition, débris de peau nécrotique, anesthésies répétées), le risque de devoir le changer de place était trop grand. En effet, si aucune des deux veines jugulaires n’était accessible en raison d’une infection, nous n’aurions plus eu d’accès pour la fluidothérapie, vitale pour ce chien.

Cependant et malgré nos efforts, la chienne a perdu 9 kg durant son hospitalisation. A posteriori, il apparaît clairement que le “gavage” à la seringue n’était pas adéquat. L’utilisation d’une sonde nasogastrique, naso-sophagienne ou d’œsophagostomie, comme c’est le cas en médecine humaine, aurait facilité la nutrition en augmentant sûrement le confort de l’animal.

8. Cicatrisation des coussinets

Au-delà de la gestion des brûlures, ce cas décrit la cicatrisation en seconde intention de tous les coussinets. Ces derniers sont des structures spécialisées, importantes pour l’amortissement et la résistance à l’abrasion. La perte ou la blessure d’un coussinet peut aboutir à la perte de la fonction du membre [18]. Bien que, d’après certains articles, le chat puisse utiliser un membre dont la peau a remplacé le coussinet tant qu’il est gardé en intérieur, cela donne des résultats insatisfaisants chez le chien [22]. Dans notre cas, les techniques classiques de reconstruction (greffe de phalange, greffe de coussinet, transfert de coussinet) ne pouvaient pas être mises en place [12, 20, 27]. La seconde difficulté était l’atteinte de tous les coussinets. Pour marcher, le chien était contraint de les poser au sol et ne pouvait pas les soulager comme lorsqu’un seul membre est atteint. Malgré cela, l’issue a été favorable, bien que l’animal ait gardé une sensibilité accrue des pattes.

Conclusion

Les cas de grands brûlés en médecine vétérinaire ne sont pas très fréquents et très peu sont rapportés. Les recommandations sont toutes issues d’articles de médecine humaine ou d’expériences personnelles [14, 21]. Les brûlures peuvent se présenter sous de multiples formes de profondeur et de localisation, et il est donc peu probable qu’un seul auteur rassemble assez de cas pour en tirer des conclusions. Partager nos expériences dans un premier temps permettrait de mieux adapter le trai tement à la médecine vétérinaire.

Le coût de la gestion des grands brûlés est exorbitant. Pour ce cas spécifique, la facture s’est élevée à 4 750 €. Cependant, le temps passé par les infirmières et les vétérinaires n’était pas facturé et, si cela avait été évalué rigoureusement, un surplus de 10 000 € environ aurait dû être compté (figure).

  • (1) Médicament humain.

Références

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Points forts

→ Il n’existe aucun consensus en médecine vétérinaire sur la conduite idéale à tenir en cas de brûlure. Tout est extrapolé de la médecine humaine.

→ Les points critiques après une brûlure résident dans l’inhalation de fumées et les dégâts causés aux organes : cœur, foie, reins, intestins.

→ Un des premiers objectifs avec un grand brûlé est de compenser la perte de fluides proportionnellement au pourcentage de brûlures.

→ Il convient de gérer avec soin la forte douleur lors de brûlures extensives et le risque d’infections, pouvant provoquer la mort de l’individu brûlé.

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