Ostéosarcome appendiculaire chez un chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 325 du 01/05/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 325 du 01/05/2012

ONCOLOGIE FÉLINE

Cas clinique

Auteur(s) : Olivier Hartnagel

Fonctions : Cabinet vétérinaire de Pont-d’Ain
20 B, rue Saint-Exupéry
01160 Pont-d’Ain

Les ostéosarcomes appendiculaires félins sont peu courants et bien moins documentés que ceux de l’espèce canine.

Les ostéosarcomes (OS) sont des affections rares chez le chat. Il convient pourtant de les suspecter le plus précocement possible, afin de mettre en place rapidement le traitement. Les thérapies adjuvantes à la chirurgie sont beaucoup moins étudiées que chez le chien. La prise en charge de la douleur est primordiale.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse

Un chat européen mâle âgé de 7 ans et castré à l’âge de 6 mois présente une boiterie du membre antérieur gauche depuis 1 mois. Il a déjà été traité à deux reprises à l’aide d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (acide tolfénamique, pendant 3 jours), avec pour résultat une légère régression clinique temporaire.

2. Examen clinique

L’examen clinique est normal. L’examen orthopédique met en évidence une boiterie avec conservation de l’appui. Seule la manipulation en hyperextension et en hyperflexion du coude est sensible, sans pourtant être douloureuse. Une déformation est palpée en région distale latéro-ventrale de l’humérus. La pression de cette zone se révèle anormalement sensible.

3. Examens complémentaires

Un examen radiographique confirme une déformation latéro-ventrale de la région métaphysaire distale de l’humérus (photo 1).

Sur cette zone, la corticale est épaissie et le cliché de face met une réaction périostée (ostéoprolifération d’aspect lisse) en évidence.

La médullaire apparaît, en revanche, beaucoup moins dense (aspect mité). Aucune modification des tissus mous, témoignant d’une éventuelle inflammation, n’est visible en regard de cette zone. D’autres examens sont entrepris, dans le cadre du diagnostic différentiel d’une déformation osseuse. La radiographie thoracique ne montre pas d’anomalie. Les numération et formule sanguines sont normales, ainsi que les dosages biochimiques classiques, dont les phosphatases alcalines (PAL) (tableau 1).

Un OS est suspecté. Un test FIV-FeLV (virus de l’immunodéficience féline-virus de la leucose féline) est effectué afin d’orienter le choix du traitement et le pronostic. Il est négatif.

4. Diagnostic

Face à une lésion du tissu osseux qui associe une ostéolyse et une réaction périostée, entraînant une boiterie importante, les hypothèses diagnostiques sont celles de tumeur osseuse et d’ostéomyélite (dans ce cas, absence d’hyperthermie). Le bilan d’extension ne révèle pas d’anomalie. Cependant, la ponction du nœud lymphatique régional n’a pas été effectuée (absence d’hypertrophie).

L’absence d’anomalie des numération et formule sanguines et du bilan biochimique, ainsi que l’aspect radiographique de la déformation osseuse humérale orientent plutôt vers une tumeur osseuse. Le bilan d’extension aurait également pu comprendre une échographie abdominale, afin d’exclure une éventuelle tumeur primaire, qui aurait généré une tumeur osseuse secondaire (métastase). Elle n’a pas été réalisée pour des raisons financières.

5. Traitement

L’animal reçoit un traitement à visée antalgique et anti-inflammatoire (Métacam(r), méloxicam, à la dose de 0,05 mg/kg PER OS, 1 fois par jour pendant 1 mois). Une amputation haute est proposée au propriétaire qui demande quelques jours de réflexion.

6. Suivi

Après une nette amélioration pendant 8 jours, l’animal est présenté de nouveau à la consultation 15 jours plus tard avec une suppression d’appui complète, sans autre signe clinique. Une radiographie montre l’aggravation des lésions : la zone d’ostéolyse remonte jusqu’au tiers distal de l’humérus, avec une perte de densité des corticales et une réaction périostée irrégulière.

Une décision d’amputation est prise, par désarticulation scapulo-humérale (photos 2 et 3).

La récupération est très bonne, l’animal ayant reçu un traitement antalgique et anti-inflammatoire au carprofène (4 mg/kg par voie sous-cutanée, une demi-heure avant l’intervention chirurgicale, puis 1 fois par jour pendant 5 jours).

Un prélèvement osseux (de la zone macroscopiquement remaniée en région distale humérale) est envoyé pour un examen histologique. Il décrit un OS ostéoblastique non productif associé à une ostéolyse marquée, à une intense réaction périostée et sans embole vasculaire, avec un index de sept mitoses pour dix champs, le grade se situant entre 2 et 3 (la nécrose tissulaire sur les prélèvements effectués ne permettant pas d’être plus précis) (encadré 1). Ces éléments nous orientent vers un mauvais pronostic.

Trois mois plus tard, l’état de l’animal se dégrade brutalement, avec une apathie marquée, un amaigrissement et une dyspnée inspiratoire. Un cliché radiographique thoracique latéral montre de nombreux nodules pulmonaires, supposés métastatiques et justifiant l’euthanasie du chat (photo 7).

DISCUSSION

Ce cas est l’occasion de faire le point sur les différents critères épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques des OS chez le chat.

Un OS se définit par une tumeur composée de cellules malignes fusiformes, mésenchymateuses, qui produisent une matrice extracellulaire osseuse et parfois cartilagineuse [5, 6].

1. Épidémiologie des ostéosarcomes

Les critères épidémiologiques sont importants à considérer pour établir des diagnostics précoces, indispensables à une prise en charge efficace. Quelques différences significatives sont relevées chez le chien (encadré 2 complémentaire sur www.WK-Vet.fr).

Répartition

Les OS représentent 5 à 7 % des cancers du chat, l’incidence étant de 3,1 à 4,9 pour 100 000 [3, 10].

Ils représentent 70 à 80 % des tumeurs primitives osseuses [5, 10, 20]. Leur origine est le plus souvent médullaire et moins fréquemment para-osseuse, avec un envahissement secondaire de l’os. Ils peuvent également être extrasquelettiques et atteignent les tissus mous (rate, mamelle, foie, etc.) [9, 10].

Âge d’apparition, sexe

L’âge moyen d’apparition est de 10 ans, avec cependant des cas rapportés chez le chaton (de 3 à 4 mois) [5, 8, 12, 14, 20]. Le chat étudié est donc plus jeune que cette moyenne.

Le sexe n’est pas un facteur prédisposant [5, 10, 12, 20]. Cependant, selon une étude réalisée sur seulement 22 animaux, les mâles castrés seraient surreprésentés, tandis que l’incidence serait plus élevée chez les femelles âgées [3, 15].

Prédisposition raciale, hérédité

La race n’est pas un facteur prédisposant [5, 10, 12]. Aucune étude concernant l’hérédité n’a été réalisée.

Localisation

Environ 60 % des OS touchent le squelette, l’appendiculaire semblant être plus concerné [5, 8, 10, 12, 20]. Contrairement à ce qui se passe dans l’espèce canine, chez le chat, les membres postérieurs sont le plus souvent atteints (deux fois et demie plus, principalement le fémur distal, le tibia proximal), puis l’humérus comme dans ce cas et les doigts [9, 12]. Concernant les doigts, les OS représentent 7,9 % des lésions cancéreuses digitales [26].

Les OS apparaissent parfois après une ostéosynthèse [8, 10, 12]. Les os plats atteints sont surtout ceux du bassin.

Pour les OS extrasquelettiques, une atteinte préférentielle en région sous-cutanée (site de vaccination surtout) est constatée [5, 10].

Évolution biologique

Le taux de métastases pulmonaires est de 5 à 10 % selon les études. 44 % des OS félins récidivent localement, sous l’influence de l’infiltration cancéreuse ou non des marges lors du traitement chirurgical [3, 5, 9, 11, 20].

Dans ce cas, l’apparition de métastases pulmonaires a été précoce et la durée de survie après amputation assez courte par rapport à ce que rapporte la littérature.

2. Diagnostic des ostéosarcomes

Le diagnostic de néoplasie osseuse est établi à partir de l’anamnèse, des données cliniques et grâce à des techniques d’imagerie, notamment la radiographie. Si les informations obtenues permettent d’établir un premier diagnostic de tumeur osseuse, elles ne peuvent confirmer ni préciser la forme néoplasique, ni définir une thérapie ciblée préopératoire. À ce stade, le pronostic n’est pas fiable. Recourir à des techniques de type histopathologique est donc nécessaire.

Même si l’OS est le premier diagnostic différentiel pour une lésion osseuse agressive, un diagnostic histologique précis s’impose pour minimiser les risques de sous-traitement ou de surtraitement (par exemple, un kyste osseux peut être cureté ou greffé, ou une ostéomyélite traitée par des antibiotiques) [27].

Diagnostic clinique

La douleur est le principal symptôme d’un OS chez le chien comme chez le chat [27]. S’il s’agit d’un OS appendiculaire, la boiterie est souvent chronique, d’évolution lente. Dans le cas de ce chat, l’évolution est rapide (1,5 mois entre le début des symptômes et la perte totale d’appui), mais aucun signe de douleur aiguë affectant l’état général de l’animal n’est noté.

Le degré de boiterie est très variable selon le site, la taille, la rapidité d’évolution des lésions, le degré de destruction osseuse et la quantité d’os infiltré [20]. Des symptômes locaux (tuméfaction, chaleur, sensibilité à la pression) peuvent être mis en évidence. Chez le chat étudié, seule une sensibilité à la pression était présente.

Examens complémentaires

L’examen hématologique n’apporte pas d’informations diagnostiques spécifiques. Les taux de monocytes et de lymphocytes sont des facteurs pronostiques pour l’OS canin. S’ils sont élevés, les durées de rémission et de survie sont courtes [22].

L’examen radiographique a une valeur prédictive positive de 90 % en prenant en compte le signalement de l’animal, le site anatomique, le poids (chez le chien), l’historique et la qualité des clichés [27].

Une atteinte primaire de la médullaire osseuse est constatée dans 50 à 80 % des cas chez le chien ou le chat [11]. 80 % des lésions primitives sont lytiques (aspect mité) [3].

L’agressivité locale est importante, avec une destruction fréquente de la corticale osseuse et une extension aux tissus mous périphériques.

Chez le chat, les OS périostés sont plus rares, comparativement à l’espèce canine (présence très fréquente d’os périostal nouveau), et des lésions de densification du périoste et une prolifération homogène d’os sur la face externe de la corticale sont alors remarquées [3, 9, 11]. Dans ce cas, l’évolution est plutôt atypique, avec une réaction périostée importante dès le départ.

Diagnostic échographique pour des cytoponctions

Pratiquer des biopsies ou des cytoponctions échoguidées est possible. Grâce à cette technique peu invasive, le prélèvement est réalisé sur des zones significatives (réduction ou disparition de l’interface périoste-os cortical), sans requérir une anesthésie de l’animal. Cependant, lors de cortex osseux intègre, la ponction est impossible.

La sensibilité d’un examen cytologique dans le diagnostic des OS canins est d’environ 65 %.

Dans dix cas sur onze présentés dans l’étude de Valentini et coll., un diagnostic d’OS a pu être établi à la suite d’une ponction échoguidée [26].

Diagnostic histologique

Le prélèvement histologique (par biopsie au trocart ou sur prélèvement postchirurgical) permet de mettre en évidence des cellules sarcomateuses néoplasiques qui produisent une substance ostéoïde, avec la présence fréquente de cellules géantes multinucléées [10]. La sensibilité du diagnostic histologique est de 85 %.

Aucune différence significative des critères histologiques entre le chien et le chat n’est notée [5]. L’index mitotique est, en moyenne, plus bas chez le chat et l’invasion des vaisseaux sanguins par la tumeur n’a pas d’influence sur le pronostic [5]. Des micrométastases par voie hématogène (emboles vasculaires) sont notées dans 82 % des cas [5].

Le grade histologique est un indicateur significatif du pronostic pour le temps de survie et l’intervalle de récurrence après le traitement chirurgical [4]. Le grade et l’index mitotique sont associés à une durée de vie plus courte lorsqu’ils sont élevés [5].

Différents types de tumeurs osseuses sont retrouvés après examen histologique (encadré 3). L’index mitotique de notre cas était élevé, ainsi que le grading, ce qui peut expliquer l’évolution métastatique très rapide, à l’inverse de ce qui est classiquement rencontré chez le chat atteint d’OS (le grading tumoral et l’estimation de l’index mitotique sont donc primordiaux pour poser le pronostic le plus précis possible).

Évaluation de l’extension

Une fois le diagnostic histologique établi, il convient d’évaluer l’extension locale et systémique du cancer. Pour connaître l’extension locale, les radiographies sont souvent insuffisantes. Le scanner ou l’imagerie par résonance magnétique sont indiqués, surtout pour les lésions axiales. L’angiographie n’est pas utilisée en médecine vétérinaire, mais serait utile pour tenter de déterminer la proximité de la tumeur avec un faisceau neurovasculaire important. Peu de métastases ganglionnaires sont généralement constatées, mais des ponctions-aspirations des ganglions périphériques doivent être effectuées, même si le nœud lymphatique est de taille normale.

Cela aurait dû être fait pour ce chat, car l’invasion du ganglion régional par des cellules tumorales est un facteur pronostique négatif, comme chez le chien.

Concernant l’extension systémique, les sarcomes osseux métastasent typiquement par voie hématogène, d’où la nécessité de radiographies thoraciques (détection de métastases pulmonaires chez plus de 10 % des chats) et de clichés des autres membres (détection de métastases dans 5 à 10 % des cas). Pour des raisons financières, nous n’avons réalisé que deux radiographies thoraciques, à l’exclusion de celles des membres.

3. Traitement des ostéosarcomes et pronostic

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical fait l’unanimité. Pour les OS appendiculaires, il consiste en une amputation haute, voire une résection partielle de l’os concerné (moins recommandée). Cet acte chirurgical est essentiel dans le traitement de la douleur et doit précéder tout traitement adjuvant. Après amputation, la médiane de survie varie de 16,7 mois à 49,2 mois selon les études, avec une bonne qualité de vie [3, 10].

Pour les OS non appendiculaires, l’exérèse chirurgicale n’est pas toujours possible, ce qui assombrit le pronostic. La chimiothérapie palliative ou la radiothérapie sont à envisager. Tous traitements confondus, la médiane de survie est alors de 5,5 mois (avec une qualité de vie médiocre durant le traitement).

Traitement adjuvant par chimiothérapie

De nombreux protocoles existent, ce qui rend leur -comparaison difficile. Le fait d’associer plusieurs molécules permet d’en diminuer les doses et donc les effets toxiques, ainsi que d’associer des mécanismes d’action différents.

Préalablement à une chimiothérapie, il convient de doser les phosphatases alcalines qui sont un facteur pronostique chez le chien. Si les valeurs sont normales, une survie moyenne de 12,5 mois est possible. Si elles sont anormalement élevées, la moyenne de survie n’est que de 5,5 mois. Les PAL sont normalement présentes dans le tissu osseux et leur taux augmente en cas d’ostéoprolifération.

L’évaluation des fonctions rénale (urée, créatinine) et hépatique (alanine aminotransférase, aspartate aminotransférase) est aussi nécessaire avant toute chimiothérapie en raison de l’élimination des médicaments par ces organes et de la néphrotoxicité de certains d’entre eux, comme la doxorubicine et le carboplatine. De même, une numération et une formule sanguines sont nécessaires avant chaque administration de produits qui présentent une toxicité hématologique.

D. Lanore et C. Delprat ont proposé une synthèse des traitements possibles chez le chien (tableau 2) [13]. Des extrapolations peuvent être faites chez le chat (utilisation notamment sur d’autres types de tumeurs), sauf pour le cisplatine qui n’est pas indiqué chez le chat en raison de la survenue systématique d’œdèmes pulmonaires [2].

Seulement deux essais assez anciens composent la bibliographie des cas d’OS appendiculaire. L’évolution et la meilleure connaissance des molécules qu’ils mentionnent ont permis de diminuer les posologies pour limiter les effets secondaires.

Un essai a été effectué en 1987 sur des chats atteints d’un OS axial, avec l’association médicamenteuse suivante : cyclophosphamide (50 mg/m2), vincristine (0,5 mg/m2) et méthotrexate (2,5 mg/m2), à raison de deux fois par mois pendant 4 mois [3]. Une régression des tumeurs de 80 % en moyenne a été observée, avec cependant une récidive systématique. Un effet anorexigène important est constaté chez le chat (altération du goût par toxicité sur la muqueuse buccale). Ce protocole n’est donc plus employé.

Un autre travail a été réalisé en 1978 sur 3 chats atteints d’un OS appendiculaire, avec la doxorubicine (Adriamycine(r)(1), 30 mg/m2, traitement commencé à 3 semaines postopératoires, par voie intraveineuse, toutes les 3 semaines, sur 24 heures) [17]. Les résultats ne sont pas encourageants, les risques d’effets secondaires (entérocolite, alopécie, mélanose, hyperesthésie, dépression, état de choc) étant disproportionnés par rapport à la durée de survie gagnée (possiblement liés à la dose, car, actuellement, celle qui est préconisée est de 1 mg/kg [au maximum 25 mg/m2]).

Deux études plus récentes font état de l’utilisation du carboplatine pour des OS axiaux ou extra-osseux [4, 24]. Il s’agit dans la première, d’un traitement pré-opératoire à 170 mg/m2 une fois par semaine pendant 3 semaines, suivi d’un traitement postopératoire à la même dose pendant 2 semaines. L’autre étude a consisté à utiliser une dose de 180 mg/m2 toutes les 3 semaines en phase post-opératoire [4, 24]. Aucun effet secondaire n’a été détecté et les traitements (chirurgie et chimiothérapie) ont permis de prolonger la vie des animaux sans récidive. Nous recommandons donc cette molécule dans le traitement de tous les types d’OS du chat.

Les doses actuellement conseillées pour le carboplatine sont de 200 mg/m2 toutes les 4 semaines, en perfusions courtes, après dilution dans du sérum glucosé à 5 % [23]. Des toxicités hématologique, rénale et gastro-intestinale (anorexie, surtout) sont notées.

De plus, la chimiothérapie adjuvante n’est pas toujours recommandée car les métastases sont rares. Seul un grading élevé associé à un fort index mitotique en est l’indication [23].

Un tel traitement aurait pu être mis en place chez le chat étudié, mais les propriétaires n’étaient pas partisans d’une chimiothérapie après le traitement chirurgical.

Radiothérapie

La radiothérapie est assez peu documentée [16, 27]. Cette technique provoque une nécrose cellulaire avec remplacement par du tissu fibreux, puis une calcification et la formation d’os lamellaire. Elle entraîne une douleur immédiate due au relargage de médiateurs chimiques (comme des PGE2), et une douleur secondaire liée à la recalcification et à la réparation des lésions ostéolytiques [16]. Au terme du traitement radiothérapeutique (protocole palliatif), une atténuation temporaire de la douleur a été notée chez le chien.

Gestion de la douleur cancéreuse

Gérer la douleur lors d’OS est très important. Cela permet de maintenir un confort de vie acceptable [7, 18].

À la différence de la douleur chirurgicale (aiguë), la souffrance oncologique présente une forte mémoire douloureuse, à laquelle peuvent s’associer des douleurs aiguës paroxystiques. La douleur est toujours présente en regard de la lésion primaire. Elle est concomitante de l’ostéoclasie (acidification de l’interface ostéoclastique, le pH pouvant descendre à 4 localement).

Les cyclo-oxygénases (COX)2 contribuent à l’angiogenèse, à la carcinogenèse et à l’apparition de métastases.

Une approche multimodale de gestion de la douleur permet de diminuer les effets secondaires et d’augmenter les effets antitumoraux [7]. Différentes molécules sont utilisables pour prévenir et gérer la douleur cancéreuse (encadré 4).

Le firocoxib a prouvé son innocuité à la dose de 4 à 5 mg/kg/j par voie orale.

Un traitement préventif de la douleur est plus efficace, par rapport à une prise en charge lorsqu’elle est déjà installée.

L’utilisation de l’acide zolédronique reste à tester chez le chat. Un essai récent est très concluant chez le chien [25].

Chez le chat ici étudié, la douleur a été gérée par un AINS COX-2-sélectif (méloxicam). L’état général de l’animal n’étant pas altéré, le recours à d’autres classes d’antalgiques n’a pas été nécessaire.

Conclusion

Ce cas d’OS chez un chat est l’occasion d’établir des comparaisons avec l’espèce canine et de faire le point sur les différentes approches thérapeutiques.

La prise en charge de la douleur et le maintien d’une bonne qualité de vie sont primordiaux. La chimiothérapie adjuvante n’a pas été largement étudiée, à la différence du chien.

Même si le pronostic général des OS chez le chat semble meilleur, l’évolution peut être très rapide malgré un traitement chirurgical agressif, comme ici. Des essais méritent d’être réalisés chez le chien et le chat pour tester de nouvelles molécules dotées d’un potentiel intéressant.

REMERCIEMENTS

au docteur Anne Girad-Luc, du laboratoire Orbio à Jonage (Rhône), pour son examen histologique et ses photos légendées.

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ENCADRÉ 1
Interprétation de l’examen histopathologique

Cet examen a nécessité une technique de décalcification du prélèvement par immersion dans une solution d’acide nitrique diluée à 6,5 % pendant 48 heures.

→ Au sein de la cavité médullaire, une prolifération cellulaire tumorale est observée (photo 4). Elle est nécrotique sur plus de 50 % de sa surface, non encapsulée, et provoque l’effacement de la moelle osseuse et la résorption des lamelles osseuses médullaires.

→ Concernant la corticale, la prolifération tumorale infiltre l’os cortical et atteint le périoste, d’où une réaction périostée sévère, chronique, avec la formation d’os primaire, orienté perpendiculairement à l’axe de l’humérus (photo 5).

→ Les cellules tumorales non cohésives sont agencées en nappes ou en faisceaux très lâches, qui s’entrecroisent au hasard (photo 6). Elles reposent sur un stroma richement vascularisé et aucune production de matrice extracellulaire n’est observée (ces cellules sont de type ostéoïde, car un peu de collagène est visible entre elles, sous forme de fibres orangées). Cet ostéosarcome est donc dit non prolifératif.

Ces cellules sont fusiformes à polygonales, de 20 à 60 µm. Les noyaux, de 10 à 40 µm, sont ronds à ovales, à chromatine mottée, avec 1 à 3 nucléoles acidophiles. L’anisocytose et l’anisocaryose sont marquées.

D’après le laboratoire Orbio, à Jonage (Rhône).

Points forts

→ Les ostéosarcomes (OS) du chat sont plus rares que ceux du chien.

→ Le pronostic des OS est en général plus favorable chez le chat que chez le chien.

→ Très peu de données existent sur la chimiothérapie adjuvante en cas d’OS.

ENCADRÉ 3
Les différentes tumeurs osseuses du chat

→ Tumeurs osseuses primitives : ostéosarcome, ostéosarcome juxtacortical, chondrosarcome, fibrosarcome.

→ Lésions “tumor-like” évoquant une tumeur primitive : kyste osseux (aneurysmal bone cyst) (lésion vasculaire kystique où les kystes sont remplis de sang et séparés par des septums fibreux ou osseux), dysplasie fibreuse (développement anormal de l’os caractérisé par la présence de trabécules osseux immatures dans une matrice fibreuse).

→ Tumeur des tissus mous impliquant l’os : fibrosarcome (envahissement et lyse osseuse), carcinome à cellules squameuses (prédiction pour l’os maxillaire et la mandibule chez le chat), lymphosarcome, rhabdomyosarcome, mélanome malin, hémangiosarcome, sarcome des cellules du réticulum, méningiome, myosite ossifiante (pas d’atteinte osseuse directe, mais forte réaction périostée) [15, 20].

ENCADRÉ 4
Différentes molécules utilisables pour prévenir et gérer la douleur cancéreuse

→ Les anti-inflammatoires non stéroïdiens possèdent une action locale et générale. Une action antinéoplasique a pu être constatée par inhibition des prostaglandines tumorales (COX-2) dans divers néoplasmes (mais pas encore pour les ostéosarcomes).

→ Les morphiniques sont indiqués : le tramadol (Contramal(r)(1), à la posologie de 1 à 2 mg/kg toutes les 12 heures) et le fentanyl (patchs transcutanés, Durogésic(r)(1), à la dose de 25 µg/h pour un chat de plus de 4 kg et d’un demi-patch si l’animal pèse moins de 4 kg). Cet effet dure 5 jours.

→ Les antagonistes des récepteurs N-méthyl-D-aspartate :

– la kétamine per os ou par voie intraveineuse (mais avec beaucoup d’effets secondaires) ;

– l’amantadine (3 mg/kg/j chez le chien, avec de possibles effets hallucinatoires).

→ Les antidépresseurs tricycliques : leur activité antalgique intervient à des doses plus faibles que l’activité antidépressive (par exemple, la clomipramine ou l’amitriptyline, Laroxyl(r)(1), à la dose de 0,5 à 5 mg/kg/j chez le chien).

→ Les biphosphonates inhibent l’action des ostéoclastes et la résorption osseuse lors de tumeur ostéolytique (utilisés en traitement de l’ostéoporose chez l’homme). Chez le chien, des effets analgésiques marqués sont constatés sur la tumeur (par exemple, Fosamax(r), alendronate à la dose de 0,2 mg/kg/j per os).

Aucune étude n’est publiée, mais ces données semblent extrapolables au chat.

(1) Médicament humain. D’après [17].

(1) Médicament humain.

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