IMAGERIE SPÉCIALISÉE
Article de synthèse
Auteur(s) : Renaud Jossier
Fonctions : VetRef, Clinique de référés
7, rue James-Watt49070 Angers-Beaucouzé
Lors de shunt porto-systémique, les examens d’imagerie visent à confirmer l’anomalie et à définir l’anatomie du vaisseau anormal. L’angioscanner est l’examen le plus complet à l’heure actuelle.
Les shunts porto-systémiques correspondent à une communication vasculaire anormale entre la veine porte ou l’un de ses affluents et la circulation veineuse systémique. Il s’agit d’une affection bien décrite, qui peut être congénitale ou acquise. Les moyens d’imagerie permettant d’établir un diagnostic sont nombreux. Ils ne présentent pas tous les mêmes avantages ni les mêmes inconvénients. Le scanner abdominal avec portographie est une technique récemment développée en médecine vétérinaire (photo 1).
Les animaux présentent généralement des symptômes avant l’âge de 6 mois, mais de nombreux cas sont décrits chez l’adulte (dans une étude portant sur 64 cas, 36 % des animaux sont âgés de 1 à 7 ans) [9, 16].
Les symptômes associés aux shunts porto-systémiques sont variables, et concernent le système nerveux central et les appareils digestif et urinaire (tableau 1). Ils résultent de défaillances de la fonction hépatique. Les signes d’encéphalose hépatique dominent le plus souvent le tableau clinique. En effet, le foie de ces animaux est généralement atrophié en raison de la diminution de facteurs trophiques apportés normalement à l’organe par la veine porte.
Les analyses de laboratoire mettent fréquemment en évidence une hyperammoniémie, une augmentation des acides biliaires en périodes pré– et postprandiales, ainsi qu’une diminution de la densité urinaire.
Des signes d’insuffisance hépatocellulaire peuvent être présents dans les cas les plus graves (hypoprotéinémie, hypoalbuminémie, hypoglycémie, hypocholestérolémie, diminution de l’urémie).
La veine porte principale draine les veines splénique, gastroduodénale, gastriques gauche et droite, ainsi que les veines mésentériques craniale et caudale (figure 1). Elle se ramifie dans le foie en deux veines principales, gauche et droite [5].
Les shunts porto-systémiques sont de deux types : congénitaux et acquis. Les shunts congénitaux se subdivisent en shunts intra-hépatiques et extra-hépatiques. Les shunts acquis sont tous extra-hépatiques.
Les shunts intra-hépatiques sont définis selon leur localisation : shunt intra-hépatique à division droite, centrale ou gauche (ou patent ductus venosus) (figures 2, 3 et 4).
Les chiens de race de grande taille sont plus fréquemment atteints par ce type de shunts, et notamment le bobtail, le labrador et le golden retriever [2, 4, 10]. L’irish wolfhound est prédisposé au shunt intra-hépatique à division gauche [2, 4, 10].
Les shunts extra-hépatiques sont également de plusieurs types (figures 5 et 6). Le vaisseau anormal prend le plus souvent naissance en regard de la veine splénique ou de la veine gastrique, et se jette dans la veine cave caudale ou, moins fréquemment, dans la veine azygos. (Celle-ci chemine ventralement aux vertèbres thoraciques et aux premières vertèbres lombaires, et se jette dans l’atrium droit. Elle est plus dorsale que la veine cave caudale et l’aorte). Les chiens de petite taille sont prédisposés à ce type de shunts (shih tzu, lhassa apso, yorkshire, caniche ou schnauzer miniature) [2, 4]. De multiples cas de shunts intra– et extra-hépatiques sont rapportés chez le chat [2, 4].
Les shunts acquis se développent secondairement à une hypertension portale chronique (figure 7). Ils sont caractérisés par la présence de multiples vaisseaux extra-hépatiques, tortueux, de petite taille, qui connectent le système porte et les veines systémiques en de nombreuses localisations, généralement en région périrénale. Chez les animaux âgés, l’hypertension portale est généralement due à une cirrhose ou à une fibrose hépatique. L’affection peut être rencontrée chez les individus jeunes lors d’atrésie de la veine porte ou de fistules hépatiques artério-veineuses [2, 4].
De manière anecdotique, des shunts plus complexes ou la présence de plusieurs malformations sont parfois rencontrés [3]. Un même animal peut présenter à la fois un shunt congénital et un shunt acquis [6].
Chez un animal suspect, l’imagerie médicale doit permettre de confirmer la présence du shunt porto-systémique, et de déterminer son caractère acquis ou congénital. L’examen vise à préciser la localisation du shunt, son parcours, ses rapports avec les organes adjacents et ses extrémités. Cette étape descriptive de l’anatomie du vaisseau anormal est indispensable pour planifier et réduire le temps opératoire.
Les examens d’imagerie recherchent également la présence d’autres anomalies (encadré 1).
L’imagerie médicale est aussi utile pour le suivi postopératoire afin de s’assurer de la dissection du bon vaisseau, de son occlusion progressive ou, encore, de l’absence de développement de signes d’hypertension portale (congestion en regard du réseau porte, ascite principalement).
Différentes techniques d’imagerie médicale se sont développées pour le diagnostic des shunts porto-systémiques. Leur sensibilité et les renseignements apportés sont variables (tableau 2).
La radiographie sans préparation est peu informative. Elle permet néanmoins de mettre en évidence certaines anomalies (encadré 2).
La portographie mésentérique a longtemps été considérée comme la méthode de choix pour le diagnostic des shunts porto-systémiques [9, 10, 11, 15]. Elle consiste à disséquer chirurgicalement une veine jéjunale, à y poser un cathéter et à y injecter un produit de contraste iodé (par exemple, Iopamiron®). Des clichés radiographiques ou une radioscopie sont alors réalisés en même temps que l’injection, permettant d’étudier avec beaucoup de précision le système porte et ses éventuelles anomalies. Cette procédure possède une excellente sensibilité pour le diagnostic de tous les types de shunts et présente l’avantage de pouvoir être réitérée pour s’assurer de la dissection du bon vaisseau. En revanche, elle est très invasive et allonge considérablement le temps opératoire.
Des méthodes alternatives moins invasives mais également moins informatives sont décrites. C’est notamment le cas de la portographie par injection échoguidée de produit de contraste au sein du parenchyme splénique.
L’échographie est largement utilisée pour rechercher les shunts porto-systémiques [2, 4, 10, 16]. Les modes bidimensionnel et doppler permettent au manipulateur de suivre l’ensemble du réseau porte et ses ramifications, et de détecter toute anomalie.
Les conséquences (microhépatie, présence de calculs urinaires, néphromégalie) peuvent être évaluées au cours du même examen, réalisé dans la majorité des cas sur animal vigile.
La sensibilité de l’échographie est très bonne dans l’exploration des shunts (92 %) et encore meilleure dans la recherche des shunts intra-hépatiques (100 %). Sa spécificité est excellente (98 %) [2, 8]. Elle nécessite néanmoins un échographiste expérimenté et du matériel de qualité. L’examen peut se révéler non concluant ou incomplet si le contenu digestif crée trop d’artefacts, si le chien est d’une conformation à thorax profond ou si le shunt est complexe. Il présente aussi l’inconvénient de ne pas offrir d’images consultables a posteriori et qui soient représentatives de l’ensemble de la vascularisation porte. Le chirurgien doit alors se représenter mentalement le trajet du vaisseau anormal selon les conclusions de l’échographiste, ce qui est une source d’erreur. Ce désavantage est particulièrement gênant lors de shunt intra-hépatique à division droite pour lequel la visualisation de l’ensemble du trajet du vaisseau anormal est impossible au cours de l’intervention chirurgicale. Le diagnostic peut également être incomplet lors d’anomalies multiples.
La plupart des appareils d’échographie permettent d’enregistrer des clips, de manière à garder une trace visuelle de l’examen. Cependant, leur consultation requiert de connaître les images échographiques normales de la vascularisation abdominale.
La scintigraphie portale transrectale consiste à injecter directement dans le rectum un radio-isotope (en général du pertechnétate de technétium) et à suivre l’activité radioactive du produit de manière dynamique à l’aide d’une gamma-caméra. En l’absence d’un shunt porto-systémique, le foie apparaît “marqué” avant le cœur. En présence d’un shunt, l’activité est visible directement dans le thorax, puis dans le foie. Une injection échoguidée transplénique de produit radioactif permettrait de différencier certains types de shunts (distinction possible entre des shunts porto-cave et porto-azygos) [13].
Dans les cas ambigus, cette technique permet de conclure définitivement si un shunt porto-systémique est présent ou non (sa sensibilité est de 100 %). Cependant, elle n’offre qu’une très faible résolution spatiale et ne localise pas le vaisseau anormal pour la chirurgie. Elle présente également l’inconvénient d’utiliser des sources radioactives non scellées, qui nécessitent des mesures lourdes de radioprotection (dosimétrie opérationnelle, locaux avec laboratoire spécifique de préparation des produits radioactifs).
Le suivi du principe As Low As Reasonably Achievable de radioprotection déconseille la mise en œuvre de cet examen en première intention. Il est donc à envisager quand les autres moyens d’imagerie n’ont pas permis de conclure ou s’ils ne sont pas disponibles.
Le scanner est un examen de plus en plus disponible en médecine vétérinaire. Son principe est proche de celui de la radiographie. À l’aide d’un faisceau de rayons X mobile autour de l’animal, des images en coupes transversales fines du corps sont obtenues. Le développement du scanner hélicoïdal et multidétecteur a réduit considérablement le temps d’acquisition des clichés (inférieur à 1 minute pour l’abdomen d’un grand chien).
Après acquisition, des images “natives” en coupes transversales sont obtenues. Grâce à différents logiciels, d’autres reconstructions peuvent être réalisées rapidement. C’est le cas des reconstructions en deux dimensions multiplanaires (2D MPR) qui procurent des coupes sagittales, frontales et obliques à partir des images transversales. Le mode MIP (projection du pixel d’intensité maximale) projette sur un plan le pixel de densité la plus élevée de différents plans parallèles adjacents. Ce mode est particulièrement intéressant pour l’étude des structures vasculaires avec utilisation de produit de contraste car il permet de suivre sur un même plan des ramifications en trois dimensions. Enfin, des reconstructions en trois dimensions avec rendu de volume (3D VR) sont possibles. Elles offrent une représentation spatiale des structures étudiées [1].
L’utilisation conjointe de produit de contraste permet de marquer les structures vasculaires, dont le réseau porte hépatique, et d’en faire une étude anatomique précise. La principale difficulté technique est de réaliser la séquence d’images au moment où le marquage des structures étudiées est le plus intense. Pour obtenir un tel marquage, plusieurs méthodes sont possibles : effectuer une première injection test en suivant de manière dynamique le marquage du vaisseau considéré et réitérer l’examen en tenant compte du pic maximal de réhaussement, ou bien utiliser un logiciel qui déclenche automatiquement la séquence lorsque la densité est suffisante au sein du vaisseau choisi [1, 7, 14, 17, 18].
Le marquage maximal du système porte est obtenu très rapidement après le début de l’injection du produit de contraste [1, 7, 17]. Ce temps est d’environ 2 s/kg chez un animal sain et de 3,4 s/kg chez un chien qui présente un shunt, en utilisant une dose d’iode de 400 mg/ml de produit de contraste, administrée à 5 ml/s par voie intraveineuse [7]. L’emploi d’un injecteur facilite la procédure.
La réalisation conjointe de telles séquences et de différentes reconstructions permet d’étudier de manière quasi anatomique la vascularisation abdominale.
La portographie assistée par tomodensitométrie abdominale visualise les différents affluents de la veine porte (veines splénique, gastrique, mésentériques craniale et caudale) et ses ramifications intra-hépatiques [18].
Les coupes transversales permettent de suivre les différents vaisseaux (photo 2). Le trajet et la forme des vaisseaux, ainsi que leurs rapports avec les organes adjacents sont appréhendés grâce aux reconstructions en modes MIP et 3D (photos 3 et 4).
Les anomalies visualisées sont variables selon le type de shunt.
L’examen permet de suivre le départ du vaisseau anormal, son trajet, ses rapports avec les organes adjacents et son abouchement (veines cave caudale, azygos et phrénique, notamment) [14].
Lors de shunt extra-hépatique, un vaisseau tortueux de grande taille est généralement mis en évidence. Selon le type de shunt, le trajet du vaisseau anormal peut être relativement court et direct, comme c’est le cas pour les shunts porto-caves avec abouchement à la veine cave caudale, caudalement au hile hépatique (photo 5). Ce trajet est parfois beaucoup plus long et sinueux en cas d’abouchement aux veines phréniques ou dans la veine cave caudale, cranialement au hile hépatique (photos 6 et 7).
Le trajet de la veine porte normale est le plus souvent visualisé, excepté lors d’atrésie ou d’hypoplasie marquée.
Lors de shunt avec abouchement à la veine azygos, le vaisseau anormal chemine dorsalement jusqu’à l’aorte, la contourne et se jette dans la veine azygos (photo 8).
La délimitation des shunts intra-hépatiques est également très bonne.
Lors de shunts multiples acquis, de nombreux vaisseaux de petite taille et tortueux partent des veines mésentériques, spléniques et porte, et s’abouchent dans les veines rénales et la veine cave caudale [18].
Le scanner permet également de juger des autres anomalies associées (microhépatie, rénomégalie, calculs urinaires) avec beaucoup de précision.
Le scanner est un examen non invasif de l’abdomen. Il utilise des rayons X, mais le personnel soignant n’est pas exposé (non présent dans l’enceinte de l’appareil pendant les phases d’acquisition). Les seuls risques inhérents à l’examen sont l’anesthésie et l’injection de produit de contraste (de très rares complications sont rapportées chez le chien).
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’étude ayant établi la sensibilité et la spécificité de cet examen. Ces dernières sont très probablement proches de 100 % car aucun cas non concluant ou ayant abouti à un diagnostic par excès ou par défaut n’a été publié.
Dans une étude menée sur 16 chiens suspects de shunt, 13 ont subi une échographie abdominale et, pour 6 d’entre eux, aucun vaisseau anormal n’a été mis en évidence. Sur ces 6 cas, seul 1 chien était effectivement sain et le scanner a alors permis d’exclure définitivement l’anomalie. Les scanners des 5 autres ont montré 3 shunts multiples acquis et 2 shunts intra-hépatiques [18].
Des essais de grande ampleur comparant les deux examens sont nécessaires. Cependant, la sensibilité et la spécificité du scanner semblent supérieures à celles de l’échographie.
Cet examen est également indiqué lors de shunts complexes ou inhabituels pour lesquels les reconstructions sont particulièrement intéressantes (photo 9) [3, 6].
Le diagnostic de shunt porto-systémique peut être établi systématiquement sur les coupes transversales. Les autres coupes et reconstructions offrent néanmoins une représentation quasi anatomique des anomalies et permettent une bien meilleure préparation de l’intervention chirurgicale.
L’angiographie portale assistée par imagerie par résonance magnétique (ARM) est également une technique se développant en médecine vétérinaire. L’examen permet de réaliser des reconstructions semblables à celles du scanner [12]. Son intérêt est donc comparable. Cependant, il est plus onéreux et beaucoup moins disponible à l’heure actuelle que le scanner, et la durée d’examen est généralement supérieure. En revanche, les rayonnements ionisants sont évités.
Le scanner est un examen d’imagerie médicale en plein essor. Ses indications sont multiples. Dans le diagnostic des shunts porto-systémiques, il présente d’excellentes sensibilité et spécificité. Il permet également de réaliser des reconstructions utiles pour préparer l’intervention chirurgicale.
→ Les symptômes associés à la présence d’un shunt porto-systémique sont variables, et concernent principalement le système nerveux central et les appareils urinaire et digestif.
→ L’examen échographique possède une très bonne sensibilité dans le diagnostic des shunts porto-systémiques, mais la fiabilité des résultats dépend du manipulateur.
→ Le scanner offre une excellente sensibilité dans l’exploration des shunts.
→ Le scanner permet de réaliser des reconstructions anatomiques de l’anomalie vasculaire, ce qui optimise la préparation et l’abord chirurgical, donc le temps opératoire.
→ Microhépatie.
→ Rénomégalie.
→ Splénomégalie.
→ Calculs vésicaux (urate d’ammonium).
→ Atrésie de la veine porte principale.
→ Autres malformations associées (testicule ectopique notamment).
→ MICROHÉPATIE. Sur une vue de profil de l’abdomen, la silhouette hépatique, entre le diaphragme et l’estomac, est de faible épaisseur. L’estomac est alors déplacé cranialement. Son axe devient perpendiculaire au rachis alors qu’il est habituellement parallèle à l’axe de la dixième côte.
→ RÉNOMÉGALIE BILATÉRALE. Physiologiquement, la longueur des reins ne dépasse pas 2,5 à 3,5 fois celle du corps vertébral de la deuxième vertèbre lombaire chez le chien (2,5 à 3 fois chez le chat).
→ CALCULS D’URATE D’AMMONIUM. Ils ne sont pas visibles à la radiographie, excepté lorsqu’ils sont volumineux, car ils sont souvent de composition mixte.
→ DILATATION DE LA VEINE CAVE CAUDALE. La veine cave caudale est visible sur sa portion thoracique (son diamètre ne doit pas excéder 1,5 fois celui de l’aorte).
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