OPHTALMOLOGIE CHEZ LE LAPIN
Article de synthèse
Auteur(s) : Juliet Bazior-Langhan
Fonctions : Vétérinaire itinérante
en ophtalmologie
3, allée Gabrielle-Dorziat
64200 Biarritz
Connaître ce qui caractérise chaque affection des annexes oculaires est indispensable pour établir un pronostic et, si possible, proposer un traitement.
Les affections des annexes oculaires sont fréquentes chez le lapin. Cet article présente celles qui concernent l’orbite, les paupières et la troisième paupière dans cette espèce. Une méthode de diagnostic et un traitement sont proposés pour chaque maladie.
Les abcès rétrobulbaires sont de causes diverses, comme une affection dentaire (le plus souvent), une pasteurellose ou un corps étranger (photos 1 et 2) [9]. Les signes cliniques observés sont généralement une exophtalmie unilatérale avec un écoulement oculaire purulent [8, 10]. L’abcès peut s’accompagner de signes d’une maladie dentaire associée. Dans de tels cas, une diminution de la prise d’aliment et une hypersalivation sont constatées.
Le diagnostic différentiel inclut une exophtalmie (toujours bilatérale) due à un syndrome de la veine cave craniale, une tumeur rétrobulbaire, un kyste parasitaire (Taenia serialis)et une mucocèle zygomatique [5, 8].
Le diagnostic peut être confirmé à l’aide d’une ponction par voie transconjonctivale. Il est alors indispensable d’utiliser une aiguille de diamètre assez large, pour permettre le passage du pus, très épais chez le lapin [1].
L’examen de la cavité buccale permet d’apprécier l’état de la dentition et de suspecter une atteinte des racines dentaires. Des radiographies, ainsi qu’une tomodensitographie apportent ensuite confirmation et localisent l’affection dentaire afin de la traiter au mieux.
Un traitement chirurgical de l’abcès avec conservation de l’œil est possible s’il est diagnostiqué et traité précocement. Il convient alors que les lésions oculaires ne soient pas trop étendues et que l’infection soit latéralisée par rapport à l’œil, ce qui rend l’abord chirurgical plus facile [8]. L’exentération du contenu de l’orbite est parfois le seul traitement possible (encadré) [4, 10].
Chez le lapin, une ostéomyélite accompagne souvent les abcès et il est alors nécessaire de cureter l’os [1]. Une antibiothérapie longue par voie générale est requise, ainsi que le traitement de la maladie dentaire associée et l’extraction des dents dont les racines sont impliquées [8]. La bactériologie permet de mieux cibler l’antibiothérapie. Le pus étant souvent stérile, il est préférable de mettre en culture une partie de la capsule de l’abcès (plus riche en bactéries).
Le pronostic est réservé car le traitement de ces abcès est souvent difficile. Les récidives sont fréquentes [10].
La présence d’une masse intrathoracique (souvent un thymome, plus rarement un lymphome) comprime le retour veineux des veines caves craniales, ce qui entraîne une vasodilatation des sinus veineux rétrobulbaires et une exophtalmie bilatérale (photo 3) [7, 8]. Cette dernière est intermittente et positionnelle.
En début d’évolution, l’exophtalmie augmente lors de stress, puis elle devient permanente, sans infection ou maladie oculaire associée [7, 8].
L’origine de cette exophtalmie doit être différenciée d’un processus physiologique dû à un stress et d’une hypertrophie des glandes de Harder chez le mâle en période de reproduction [4]. Les abcès et les tumeurs rétrobulbaires sont des affections unilatérales, donc faciles à distinguer du syndrome de la veine cave craniale.
Le diagnostic est confirmé par la radiographie du thorax, l’échocardiographie, la cytoponction échoguidée de la masse et la tomodensitométrie [8].
Le traitement est chirurgical et difficile en raison de la localisation de la tumeur. La radiothérapie avec un relais de chimiothérapie à 50 jours a déjà été tentée, et les résultats semblent intéressants.
Le pronostic est réservé à long terme et bon avec un traitement palliatif à court terme (survie de 24 mois) [7].
Les tumeurs orbitaires sont souvent des lymphomes. Ces affections sont unilatérales, et se diagnostiquent par échographie, tomodensitographie, cytoponction ou biopsie. Leur pronostic est mauvais [8].
Les causes de blépharite sont multiples : parasitaires (dermatophyties, gales, trombiculose, piqûres d’insectes), virales (myxomatose) ou bactériennes (staphylocoques, Treponema cuniculi ou autres).
L’infection par les dermatophytes se caractérise par une alopécie et/ou la présence de squames. Les gales et la trombiculose produisent des croûtes, un prurit et un gonflement des paupières. La myxomatose se manifeste par une blépharoconjonctivite congestive et œdémateuse, des lésions nodulaires sur le nez, les paupières et la zone anogénitale [8]. L’infection à staphylocoques entraîne un prurit avec des lésions abcédatives et croûteuses [9]. L’atteinte à Treponema cuniculi se caractérise par des lésions génitales associées à une blépharoconjonctivite [8].
Un diagnostic différentiel doit être fait avec un carcinome épidermoïde (très rare) [9].
Des examens complémentaires tels que les grattages cutanés, la cytologie, la bactériologie et la culture fongique permettent de confirmer le diagnostic.
Le traitement vise à éradiquer la cause et à appliquer des mesures préventives (vaccins contre la myxomatose) (tableau).
Le pronostic est bon pour les infections bactériennes et parasitaires, mauvais pour la myxomatose.
Les tumeurs des paupières sont rares (photo 4). Cependant, des adénomes des glandes tarsales se rencontrent parfois. Dans ce cas, un nodule cutané souvent dépilé et proche du bord palpébral libre est visible [8]. Les carcinomes épidermoïdes peuvent être confondus avec une blépharoconjonctivite à Treponema cuniculi [10].
Le diagnostic différentiel est à faire entre la myxomatose et un chalazion.
Une biopsie et/ou une cytoponction sont réalisables, mais de peu d’intérêt en pratique.
L’exérèse de la tumeur est curative et le pronostic est bon pour les adénomes.
L’entropion est observé dans des races qui présentent une conformation qui les prédispose (par exemple un excès de peau sur la tête chez le bélier français) et, pour les autres races, il est consécutif à une affection palpébrale infectieuse (photo 5) [4, 8]. Il peut également être d’origine traumatique lorsqu’il fait suite à des morsures par des congénères ou d’autres animaux. Il s’agit d’un cas rare [8].
Un épiphora, une conjonctivite et, parfois, une atteinte cornéenne (érosions, ulcères, kératite) sont observés.
Le diagnostic différentiel inclut une dacryocystite, un ulcère et une kératite dus à d’autres causes.
Le traitement chirurgical par la technique de Hotz-Celsus (exérèse d’un croissant de peau parallèle au bord libre de la paupière) ou encore la marginoplastie sont très efficaces. Une antibiothérapie topique doit être mise en place si la cornée est ulcérée.
Le pronostic est bon avec une correction chirurgicale.
L’étiologie de la protrusion de la glande de Harder n’est pas bien documentée chez le lapin. Il est probable que l’hypertrophie de cette glande lors de la période de reproduction chez le mâle contribue à ce phénomène. La protrusion est néanmoins aussi observée chez les femelles. C’est en général la partie ventrale de la glande qui fait saillie (photos 6a et 6b) [10].
À l’examen clinique, une masse rosée dépassant de la face bulbaire de la troisième paupière est notée.
Le diagnostic différentiel est réalisé entre une protrusion de la glande nictitante (également possible) et une tumeur (carcinome épidermoïde, adénocarcinome sébacé, adénocarcinome des paupières, nevus, lipome, papillome, fibrome, fibrosarcome, mélanome).
Une cytoponction ou une biopsie peuvent être pratiquées si un doute subsiste sur la nature de la masse.
L’enfouissement de la glande de Harder par la technique de la poche est possible également chez le lapin, mais celle-ci est plus délicate à mettre en œuvre que chez les carnivores.
L’excision de la glande peut être pratiquée en cas de récidive après la chirurgie d’enfouissement. Cependant, il existe un risque d’hémorragie non négligeable [8].
La castration des mâles permettrait de prévenir les récidives.
Le pronostic est bon. Cependant, les rechutes à la suite de l’enfouissement sont fréquentes.
Une bonne connaissance de l’anatomie de l’orbite, du crâne et des annexes oculaires est essentielle afin de comprendre les affections qui touchent ces parties du corps chez les lagomorphes. La proximité des racines des dents jugales avec l’orbite prédispose le lapin atteint d’une maladie dentaire aux abcès rétrobulbaires. Ils sont difficiles à traiter et mettent l’œil en danger s’ils ne sont pas pris en charge rapidement. La présence d’une glande de Harder qui s’hypertrophie chez le mâle lors de la saison de reproduction entraîne un risque plus élevé de protrusion de la glande chez ces individus. Les affections des paupières sont plus classiques et présentent de nombreuses similitudes avec celles qui touchent les paupières des carnivores.
Certains auteurs préconisent l’emploi d’une pâte à base d’hydroxyapatite de calcium qui possède des propriétés bactéricides grâce à son pH élevé. Une fois l’orbite vidé de son contenu, il est rempli de pâte, laissée en place pendant 1 semaine, puis retirée chirurgicalement. Cette méthode présente l’inconvénient de devoir être répétée plusieurs fois. La pâte peut aussi être responsable de nécroses tissulaires [10].
Un autre procédé consiste à placer dans l’orbite des billes de polyméthyl-métacrylate imprégnées d’antibiotiques [1]. Elles sont implantées pendant 2 mois, durant lesquels elles libèrent l’antibiotique. Elles peuvent ensuite être retirées ou laissées in situ si elles sont bien tolérées. Les résultats sont très prometteurs [1].
→ L’abcès rétrobulbaire, qui entraîne une exophtalmie unilatérale, atteint généralement les individus présentant une maladie dentaire.
→ Le traitement de l’abcès rétrobulbaire passe par l’extraction des dents dont les racines sont incriminées et l’exentération du contenu de l’orbite en cas d’intervention tardive.
→ Le syndrome de la veine cave craniale provoque une exophtalmie bilatérale qui fait suite à la compression des veines caves craniales par une masse intrathoracique.
→ Chez les lagomorphes, les blépharites sont parasitaires, virales ou bactériennes.
→ La glande de Harder est la glande annexe qui fait le plus souvent saillie chez le lapin. La technique d’enfouissement peut être tentée, mais les récidives sont fréquentes.
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