Les leucémies myéloïdes : comparaison chez l’homme et le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 322 du 01/01/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 322 du 01/01/2012

ONCOLOGIE COMPARÉE

Fiche

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : Oncovet
Clinique vétérinaire des référés
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

Les très grandes similarités cliniques, épidémiologiques et génétiques retrouvées entre le chien et l’homme ouvrent la voie à des traitements prometteurs pour des affections au pronostic réservé.

La classification des proliférations tumorales myéloïdes a fait l’objet de multiples bouleversements, avec l’essor des outils immunologiques et génétiques. Ces progrès ont mis à jour de grandes similarités des formes les plus fréquentes de leucémies myéloïdes canines et humaines. Dans les formes aiguës, l’implication pronostique des anomalies du caryotype a été retrouvée dans les deux espèces, et des anomalies similaires sont de plus en plus souvent observées. Dans les formes chroniques, plus rares, l’emploi de thérapies ciblées analogues peut être proposé.

Épidémiologie et présentation clinique

→ Les affections myéloprolifératives sont séparées en trois catégories : les leucémies aiguës myéloïdes, les autres maladies myéloprolifératives tumorales (ou leucémie myéloïde chronique) et les affections myéloprolifératives non tumorales (ou myélodysplasie) [3].

→ Les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) constituent le cancer hématopoïétique non lymphoïde le plus fréquent chez le chien et représentent près d’un quart des hémopathies malignes [6]. L’origine des LAM canines reste le plus souvent indéterminée. Chez le chat, elles sont associées au FeLV dans des formes myélodysplasiques. Elles sont caractérisées par l’apparition brutale de signes généraux marqués (baisse d’appétit, abattement), associés à des symptômes liés à une pancytopénie plus ou moins importante. De 90 à 100 % des LAM sont associées à une anémie et/ou à une thrombopénie (photo 1). Elles touchent en général des animaux relativement jeunes (d’un âge moyen de 5 ans), avec une prédisposition chez les bergers allemands [6]. Les leucémies myéloïdes chroniques (LMC) sont beaucoup plus rarement décrites, et sont le plus souvent initialement caractérisées par une leucocytose neutrophilique majeure et inexpliquée, souvent asymptomatique (photo 2). Elles évoluent le plus souvent secondairement vers une “crise blastique” cliniquement proche d’une LAM [2].

→ Chez l’homme, une récente classification des LAM a distingué celles liées à une anomalie cytogénétique (avec de nombreuses anomalies du caryotype identifiées), celles associées à des dysplasies des autres lignées sanguines, celles dues à un traitement de chimiothérapie et enfin les LAM “idiopathiques” [3, 4]. Les LMC sont presque toutes associées à la présence d’une anomalie cytogénétique, la fusion des chromosomes 9 et 22, qui aboutit à la “juxtaposition” au sein du chromosome formé (appelé “chromosome de Philadelphie”) du segment promoteur du gène breakpoint cluster region (gène BCR) avec le gène Abelson (gène ABL), qui contrôle, via un récepteur à activité tyrosine kinase, la prolifération des populations myéloïdes [1].

Diagnostic

→ Chez l’homme comme chez le chien, le diagnostic de certitude repose sur l’examen de ponctions ou de biopsies médullaires (photo 3). L’observation de cellules blastiques circulantes, si elle est très évocatrice, n’est pas suffisante (photo 4).

L’examen morphologique est complété chez l’homme par la recherche d’une anomalie cytogénétique associée. Lors de LMC, l’analyse de caryotype met le plus souvent (dans plus de 95 % des cas) en évidence la présence d’un chromosome de Philadelphie.

→ Chez le chien, le comptage cellulaire et l’examen « direct » restent les méthodes les plus souvent employées. Le diagnostic des formes aiguës de leucémie myéloïde repose (comme chez l’homme) sur la mise en évidence d’une population importante (> 20 %) de cellules blastiques [6]. L’équivalent du chromosome de Philadelphie a été observé dans des cas de LMC canines [2, 5].

Évolution

→ Le pronostic lors de LAM chez l’homme dépend en grande partie de l’origine de l’affection et du type d’anomalie cytogénétique associée. Le taux de survie à 4 ans varie ainsi de 20 à plus de 70 % selon les résultats de l’examen du caryotype. Jusqu’à la découverte des thérapies ciblées, le pronostic lors de LMC était souvent défavorable à moyen terme.

→ Chez le chien, le pronostic lors de LAM est le plus souvent sombre, et les survies au-delà de 4 mois sont exceptionnelles [3].

Traitements de référence et d’avenir

→ Dans les deux espèces, la chimiothérapie constitue la pierre angulaire du traitement, les molécules de référence étant la cytarabine et les anthracyclines pour les LAM, le chlorambucile pour les LMC. Si le traitement des LMC donne souvent des résultats satisfaisants (au moins en début d’évolution), le traitement des LAM s’accompagne fréquemment d’une aplasie médullaire majeure et prolongée (nécessitant souvent des soins complexes). Ils sont dans tous les cas le plus souvent inefficaces à long terme, sauf lorsqu’ils sont associés à la réalisation d’une allogreffe médullaire. Ces traitements lourds sont rarement mis en œuvre chez le chien.

→ Le traitement des LMC humaines par un inhibiteur des tyrosines kinases “ciblant” le gène BCR-ABL a constitué une des premières “preuves de concept” de l’intérêt des thérapies ciblées du cancer. L’emploi de l’imatinib (Gleevec ou Glivec®(1)) a profondément bouleversé le pronostic des LMC, avec un allongement considérable de la durée de vie et une amélioration substantielle de la qualité de vie. Les thérapies ciblées représentent une voie très prometteuse pour l’avenir, à la fois pour les formes de LMC “résistantes” à l’imatinib et pour les LAM.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1. Breen M et coll. Evolutionarily conserved cytogenetic changes in hematological malignancies of dogs and human, man and his best friend share more than companionship. Chromosome research 2008;16:145-154.
  • 2. Cruz-Cardona JA et coll. BCR-ABL translocation in a dog with chronic monocytic leukemia. Vet. Clin. Pathol. 2011;40:40-47.
  • 3. Juopperi TA et coll. Pronostic markers for myeloid neoplasms: a comparative review of the literature and goals for future investigation. Vet. Pathol. 2011;48:182-197.
  • 4. Mc Mannus P et coll. Classification of myeloid neoplasm: a comparative review. Vet. Clin. Pathol. 2005;34:189-212
  • 5. Modiano JF et coll. Shared pathogenesis of human and canine tumors, an inectricable link between cancer and évolution. Cancer Therapy. 2008;6:239-246.
  • 6. Tasca S et coll. Hematologic abnormalities ans flow cytometric immunophenotyping results in dogs with hematopoietic neoplasia: 210 cases (2002-2006). Vet. Clin. Pathol. 2009;38:2-12.
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