CANCÉROLOGIE FÉLINE
Analyse d’article
Auteur(s) : Catherine Laffort
Fonctions : Clinique vétérinaire
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux
Les papillomavirus (PV) constituent, depuis 2004, une famille à part entière [1]. Ce sont de petits virus à ADN qui infectent en général les épithéliums pluristratifiés muqueux et cutanés.
Plus de 189 génotypes ont été identifiés dont une centaine ont été complètement séquencés. Ils sont classés en 29 genres. La plupart des PV présentent une forte spécificité d’hôte et de sites. La majorité des PV humains (HPV) appartiennent aux genres α et β [1]. Chez les animaux, les δ-PV sont importants car ils induisent des fibropapillomes bénins chez les ongulés. Ils ont la particularité de pouvoir infecter plusieurs espèces et sont responsables des sarcoïdes équins [6]. De plus, l’ADN d’un nouveau δ-PV (FeSarPV) a été identifié au sein de sarcoïdes félins [5]. Felis domesticus PV 1 (FdPV1) et le PV oral canin appartiennent aux λ-PV. FdPV2 et les autres PV canins (CfPV 2, 3 et 4) sont des dyotheta-PV [1].
Chez l’homme, certains α-PV sont des virus à haut risque oncogène pour les muqueuses (carcinome épidermoïde du col de l’utérus et HPV 16, HPV 18, par exemple) alors que d’autres provoquent des lésions cutanées ou muqueuses bénignes. Le pouvoir de transformation néoplasique des HPV à haut risque oncogène est lié à leur capacité à interférer avec la multiplication et la différenciation de leurs cellules cibles, les kératinocytes. Ainsi, ils inactivent et dégradent deux protéines “suppresseur de tumeur” : p53 et pRb (protéine du rétinoblastome). p16 régule également la division cellulaire par un mécanisme dépendant de pRb (pRb bloque la transcription du gène de la protéine p16), et la dégradation de pRb augmente donc la quantité de p16 dans la cellule. Ces variations d’expression de protéines régulatrices de la prolifération cellulaire induites par les HPV sont détectables par immunohistochimie et utilisées pour distinguer une infection asymptomatique d’une véritable implication causale des PV. Les mécanismes d’action des protéines virales restent cependant mal déterminés et diffèrent d’un type viral à un autre.
Parmi les β-PV se trouvent des PV cutanés qui provoquent rarement des lésions en dehors d’un contexte d’immunosuppression (greffe, épidermodysplasie verruciforme). Chez des individus immunocompétents, l’implication de β-PV dans le développement des carcinomes épidermoïdes cutanés est plus controversée. Ils pourraient jouer un rôle de cofacteurs, avec les ultraviolets.
La participation des papillomavirus dans le développement des papillomes viraux multiples, carcinomes in situ bowenoïdes et carcinomes épidermoïdes donne lieu à des nombreuses publications actuellement, notamment grâce à l’équipe de Munday. L’interprétation des différents résultats se heurte à deux difficultés principales. D’une part, comme chez l’homme, l’ADN de PV est fréquemment détectable sur la peau de chats sains, ce qui pose la question du véritable rôle joué par les PV lorsqu’ils sont retrouvés dans une zone lésionnelle [7]. S’agit-il de simples “spectateurs” ou ont-ils une fonction effective dans le développement de ces lésions ? Comme en médecine humaine, l’immunohistochimie pourrait être utilisée pour distinguer une infection asymptomatique et une implication causale. À ce titre, l’étude choisie et une autre de la même équipe en cours de publication précisent le pouvoir de transformation des PV félins, en particulier celui de FdPV2 : ils augmentent p16 en dégradant pRb, comme les HPV à haut risque oncogène. En revanche, ils ne semblent pas dégrader p53 [9].
D’autre part, la fréquence de détection des PV varie selon les essais. Plusieurs facteurs peuvent affecter ce dépistage. Si la PCR (polymerase chain reaction) est mise en œuvre pour détecter l’ADN viral, la fixation des prélèvements est susceptible d’altérer l’ADN viral et de compromettre son amplification. Or les études publiées sur ce sujet sont des travaux rétrospectifs dans lesquels les échantillons ont d’abord été fixés et préparés pour histologie conventionnelle. Le choix des amorces de réplication est également essentiel : pour que l’ADN viral soit amplifié, il convient que l’amorce choisie s’hybride à l’ADN matriciel. Selon les essais, les amorces employées ne sont pas les mêmes et différents PV ont été détectés avec des pourcentages variables. Dans quelques études, des β-PV humains ont été isolés à partir de lésions félines [10]. FdPV2 est le plus souvent incriminé, mais d’autres PV félins sont également observés [3, 6-10].
Les éléments en faveur de la participation des PV dans le développement des papillomes viraux multiples (FdPV2 et autres PV félins) et des carcinomes in situ bowenoïdes (FdPV2) sont de plus en plus nombreux. Les carcinomes in situ bowenoïdes pourraient résulter de la transformation maligne de papillomes viraux multiples [2, 11]. Certains carcinomes in situ bowenoïdes évoluent en carcinomes épidermoïdes. Cependant, la plupart des carcinomes épidermoïdes se développent au sein de lésions de kératose actinique [3]. L’étude choisie apporte des arguments en faveur de l’implication de PV dans le développement de carcinomes épidermoïdes, notamment en zones non photo-exposées. A contrario, un autre essai, publié également en 2011, n’a pas montré de différence dans les pourcentages d’amplification de l’ADN papillomaviral entre les carcinomes épidermoïdes selon qu’ils sont issus ou non de zones photo-exposées [10]. Cependant, FdPV2 a été identifié dans les trois carcinomes épidermoïdes non photo-exposés de l’étude, alors que des β-HPV ont été détectés dans quatre des six carcinomes épidermoïdes photo-exposés [10]. La conduite d’études prospectives permettraient d’avoir accès à des informations plus précises concernant la localisation des lésions et leur exposition solaire. Le recours à des amorces spécifiques lors de la PCR serait également d’un grand bénéfice pour la sensibilité et l’interprétation des résultats.
OBJECTIF
Déterminer si les carcinomes épidermoïdes de sites cutanés non photo-exposés pourraient correspondre à la transformation néoplasique de lésions induites par des papillomavirus.
MÉTHODE
Au cours de cette étude rétrospective, la présence d’ADN papillomaviral a été recherchée par PCR au sein de vingt-cinq biopsies cutanées issues de carcinomes épidermoïdes développés dans des zones protégées des ultraviolets et de 45 biopsies cutanées en provenance de carcinomes épidermoïdes en sites photo-exposés. Quatre sets d’amorce ont été utilisés, certains spécifiques (par exemple de Felis domesticus PV-2), d’autres amplifiant l’ADN de plusieurs papillomavirus. L’immunohistochimie a été mise en œuvre pour détecter la présence de p16, qui est impliquée dans la carcinogenèse due aux papillomavirus chez l’homme.
RÉSULTATS
• L’ADN papillomaviral a été amplifié à partir de 76 % des carcinomes épidermoïdes issus de sites non exposés aux ultraviolets et de 40 % des carcinomes épidermoïdes développés sur une peau photo-exposée. FdPV2 a été le papillomavirus le plus fréquemment détecté dans cette étude (47 %), en particulier au sein des carcinomes épidermoïdes situés dans des zones non photo-exposées.
• L’expression de p16 est augmentée pour 84 % des carcinomes épidermoïdes développés en zones non photo-exposées et 40 % de ceux issus d’une peau photo-exposée.
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