Une nouvelle piste pour gérer l’obésité féline : l’importance de l’eau alimentaire - Le Point Vétérinaire expert canin n° 320 du 01/11/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 320 du 01/11/2011

NUTRITION FÉLINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Christophe Blanckaert

Fonctions : Clinique vétérinaire Les Margats
14, av. Charles-de-Gaulle
62200 Boulogne-sur-Mer

L’obésité est le trouble nutritionnel le plus courant chez le chat. Malgré les efforts pour comprendre les causes du surpoids et élaborer des stratégies de contrôle, 27 à 39 % des animaux sont en surpoids ou obèses [2, 3]. Des facteurs de risque liés à l’espèce sont identifiés, en particulier la sédentarité et la stérilisation. Des facteurs de risque alimentaires sont également connus : libre accès à la nourriture, régimes “haut de gamme” ou thérapeutiques secs, distribution de friandises [4].

Les tentatives de contrôle du poids corporel portent essentiellement sur la limitation de l’apport calorique, en effectuant une restriction alimentaire et en abaissant la densité énergétique de la ration. Classiquement, les régimes de contrôle du poids sont formulés en réduisant la teneur en matières grasses et en intégrant plus de fibres alimentaires.

Une approche alternative de dilution calorique, développée au Waltham Centre for Pet Nutrition, a étudié l’impact de l’humidité sur la prise alimentaire. Les travaux ont montré que les chats qui reçoivent des aliments différents par leur teneur en humidité ont tous tendance à manger la même quantité de nourriture mesurée en g/kg de poids corporel [8].

RELATIONS ENTRE LA DENSITÉ ÉNERGÉTIQUE DE L’ALIMENT ET LE GAIN DE POIDS CORPOREL

Lorsque la densité énergétique d’une alimentation à base de viande est abaissée par adjonction d’eau, les chats consomment moins de calories (figure 1 complémentaire sur www.WK-Vet.fr).

Les effets sont durables (plus de 10 semaines). Cela indique que les animaux n’augmentent pas automatiquement la quantité d’aliment ingérée pour compenser la plus faible densité énergétique.

COMMENT LES ALIMENTS HUMIDES PEUVENT-ILS LIMITER LE GAIN DE POIDS ?

Les mécanismes de ralentissement de la prise de poids par la dilution énergétique intéressent probablement la satiété et la vitesse d’ingestion. Chez l’homme, des preuves existent d’une relation similaire entre la densité énergétique des aliments, l’ingéré calorique et le gain de poids [6]. Cela proviendrait du rôle de la vidange gastrique sur l’apparition de la satiété [9]. D’autres mécanismes pourraient être en jeu. Par exemple, comme l’analyse des périodes de reprise pondérale l’a montré, les chats ont pris plus de poids par calorie consommée avec la nourriture sèche qu’avec la nourriture hydratée (125 g de différence de poids entre les deux groupes) (figures 2, 3 et 4 complémentaires sur www.WK-Vet.fr). Dans une seconde partie de l’étude, les raisons possibles de la modulation du gain de poids ont été étudiées. En plus de la surveillance de la composition et du poids corporels, les niveaux d’activité physique, la durée du transit intestinal et l’efficacité de la digestion ont été mesurés.

L’augmentation de l’humidité ne semble pas entraîner de modification de la digestibilité, de l’absorption de l’énergie des régimes contenant 0 %, 20 % ou 40 % d’eau ou du temps de transit intestinal (figure 5 complémentaire sur www.WK-Vet.fr). L’activité physique, mesurée par des moniteurs d’activité et des séquences vidéo, est significativement plus élevée durant la période de restriction calorique que dans la phase de reprise de poids. Cela a déjà été observé chez les rongeurs et reflète le comportement de recherche de nourriture, même si la dépense énergétique consacrée à la quête alimentaire amplifie potentiellement le déficit calorique [5, 7].

Cela serait la première fois qu’une augmentation des niveaux d’activité physique ait été associée à la consommation d’aliments humides. Les mécanismes sous-jacents ne sont pas élucidés. Il est possible que les chats en déficit énergétique poursuivent leur recherche active d’aliments, y consacrant de l’énergie, sans qu’intervienne à ce stade la satiété volumétrique [10].

QUELLES CONSÉQUENCES PRATIQUES ?

Si l’augmentation de l’humidité peut s’effectuer en ajoutant de l’eau à un régime sec pour assurer la dilution calorique, d’autres points comme le rôle des protéines sur l’énergie alimentaire, la perte de graisse corporelle, les changements dans la sensibilité à l’insuline et les métabolismes apparentés sont à considérer [11].

En pratique, les aliments pour chats, en boîte et en sachets fraîcheur, avec une teneur en eau d’environ 80 % et un taux élevé en protéines, sont utilisables pour augmenter le niveau d’humidité. Une étude chez les chats obèses a comparé un régime commercial à haute teneur en fibres avec des portions prédéfinies d’aliments secs et humides [1]. Tandis que les deux régimes sont aussi efficaces l’un que l’autre pour la perte de poids, les chats nourris avec le mélange d’aliments secs et humides apparaissent moins affamés selon leurs propriétaires qui estiment que le volume des repas est plus conséquent qu’avec le régime riche en fibres.

Sur cette base, la réduction de la prévalence de l’obésité féline peut passer par le remplacement d’une partie des calories issues de la nourriture sèche par l’équivalent en nourriture humide. Pour atteindre une humidité globale de 50 %, semblable à celle des études Waltham, un chat de 5 kg nécessitant environ 225 kcal/j pourrait être nourri avec 40 g de nourriture sèche plus 100 g d’alimentation humide. Pour augmenter encore le niveau d’humidité, pour chaque apport de 50 g de nourriture humide, la nourriture sèche pourrait être réduite d’environ 10 g (tableau complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Cette approche peut rendre les propriétaires plus respectueux de la prescription nutritionnelle, en contrôlant l’allocation calorique quotidienne et en les déculpabilisant lorsqu’ils nourrissent leur chat avec un seul type d’aliment en quantité très limitée. Cette stratégie alimentaire peut se révéler plus efficace dans la gestion de l’obésité féline, en comparaison avec d’autres méthodes.

Références

  • 1. Bissot T, Servet E, Deboise M et coll. Novel dietary strategies can improve the outcome of weight loss programmes in obese client-owned cats. J. Feline Med. Surg. 2010;12:104-112.
  • 2. Colliard L, Paragon B-M, Lemuet B, Bénet J-J, Blanchard G. Prevalence and risk factors of obesity in an urban population of healthy cats. J. Feline Med. Surg. 2009;11:135-140.
  • 3. Courcier EA, O’Higgins R, Mellor DJ, Yam PS. Prevalence and risk factors for feline obesity in a first opinion practice in Glasgow, Scotland. J. Feline Med. Surg. 2010;12:746-753.
  • 4. Diez M, Nguyen P. The epidemiology of canine and feline obesity. Waltham Focus. 2006;16:2-8.
  • 5. Dixon DP, Ackert AM, Eckel LA. Development of, and recovery from, activity-based anorexia in female rats. Physiol. Behav. 2003;80:273-279.
  • 6. Drewnowski A, Almiron-Roig E, Marmonier C, Lluch A. Dietary energy density and body weight: is there a relationship? Nutr. Rev. 2004;62:403-413.
  • 7. Hambly C, Speakman JR. Contribution of different mechanisms to compensation for energy restriction in the mouse. Obes. Res. 2005;13:1548-1557.
  • 8. Morris PJ, Calvert EL, Holmes KL, Hackett RM, Rawlings JM. Energy intake in cats as affected by alterations in diet energy density. J. Nutr. 2006;136:2072S-2074S.
  • 9. Park MI, Camilleri M. Gastric motor and sensory functions in obesity. Obes. Res. 2005;13:491-500.
  • 10. Vasconcellos RS, Borges NC, Gonçalves KNV et coll. Protein intake during weight loss influences the energy required for weight loss and maintenance in cats. J. Nutr. 2009;139:855-860.
  • 11. Villaverde C, Ramsey JJ, Green AS, Asami DK, Yoo S, Fascetti AJ. Energy restriction results in mass-adjusted decrease in energy expenditure in cats that is maintained after weight regain. J. Nutr. 2008;138:856-860.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

• Étudier l’impact de l’humidité sur la prise alimentaire chez les chats.

• Démontrer que nourrir les animaux avec des aliments riches en eau peut aider à contrôler la prise de poids.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Vingt-sept chats européens à poil court adultes et stérilisés (16 mâles et 11 femelles) sont nourris avec un aliment complet sec commercial pendant 8 semaines afin de déterminer la quantité de nourriture nécessaire au maintien du poids corporel. Ils reçoivent ensuite les mêmes aliments, auxquels sont ajoutés 20 % d’eau et leur allocation énergétique est ajustée à 80 % de leur apport calorique quotidien précédent. Cette période de restriction calorique dure 6 semaines. Les chats sont ensuite répartis, au hasard, en deux groupes distincts et ont le libre accès, pendant deux périodes de 45 minutes chaque jour, soit à la nourriture sèche, soit au même régime mais hydraté avec 40 % d’eau (ce qui correspond à une humidité totale de 52 %). Cette phase de “reprise de poids” dure 3 semaines. Enfin, les animaux subissent une seconde période de restriction calorique avant de changer à nouveau de régime alimentaire pour une seconde phase de reprise de poids.

RÉSULTATS

En moyenne, les chats perdent 3,5 % de leur poids corporel pendant chacune des périodes de restriction calorique (0,6 % par semaine). La mesure DEXA (absorption biphotonique à rayons X) montre que 75 % de la perte pondérale est constituée de graisse. Au cours des phases de reprise du poids, quand les chats sont nourris avec le régime hydraté avec 40 % d’eau, ils regagnent moins de poids que lorsqu’ils consomment la ration sèche. Cela est lié à une plus faible augmentation de la masse graisseuse, malgré un ingéré alimentaire brut plus élevé et une consommation de calories légèrement supérieure avec le régime hydraté.

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