ONCOLOGIE COMPARÉE
Fiche
Auteur(s) : François Serres
Fonctions : Oncovet
Clinique vétérinaire des Référés
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq
Face à l’aggressivité des carcinomes inflammatoires, leur étude chez la chienne est très intéressante pour développer de nouveaux traitements.
Les tumeurs mammaires sont les affections les plus fréquentes chez la femme et la chienne. Dans les deux espèces, la classification initialement utilisée reposant sur la description histologique a montré des limites pour le pronostic et le choix des traitements. Cette classification a été progressivement complétée par d’autres reposant sur des critères cliniques (aspect du tissu mammaire, stade clinique, etc.), d’expression de récepteurs membranaires (récepteurs œstrogène, progestagène, HER-2/neu), voire de profil d’expression génomique. Cette évolution correspond à la difficulté de prise en charge de certaines formes agressives, particulièrement les carcinomes inflammatoires. Ces derniers se caractérisent par une extension du processus tumoral au tissu cutané et sous-cutané entourant le tissu mammaire, la lésion mammaire “initiale” n’étant pas histologiquement distincte d’autres cancers mammaires agressifs (photo 1).
Les tumeurs mammaires sont les affections néoplasiques souvent rencontrées chez la chienne (avec une incidence de plus de 200 cas/100 000 individus chaque année) [2]. Les carcinomes inflammatoires représentent moins de 20 % des cancers mammaires de haut grade. Ce type tumoral apparaît encore plus rare chez la chatte et seul un petit nombre de cas ont été rapportés [5].
Si ce cancer du sein est également plus fréquent chez la femme, l’incidence est moitié moindre que chez la chienne, avec 89 cas pour 100 000 (ce qui représente près de 50 000 nouveaux cas par an en France). Les carcinomes inflammatoires représentent entre 3 et 5 % des cancers mammaires de la femme.
Dans les deux espèces, une distinction est effectuée entre les carcinomes inflammatoires “primitifs” et “secondaires”, qui se développent “à partir” d’un cancer mammaire non inflammatoire ou en récidive d’une lésion déjà opérée.
Chez l’homme, comme dans les autres espèces, le diagnostic de certitude repose sur l’association de critères cliniques et de l’examen histologique d’une biopsie mammaire. Cette dernière est le plus souvent effectuée à la suite d’une mammographie ou d’une échographie du tissu mammaire [1, 6, 7]. Chez le chien, la réalisation d’une cytoponction est recommandée en première intention. La mise en évidence de cellules épithéliales présentant des critères nets de malignité, associées à une population de neutrophiles et de macrophages au sein du tissu cutané et sous-cutané est très fortement suggestive de l’évolution d’un carcinome inflammatoire (photo 2).
La difficulté du diagnostic repose sur la présentation “atypique” de cette tumeur, qui peut évoquer une lésion infectieuse (mammite, pyodermite profonde), cet aspect étant souvent à l’origine d’un retard au diagnostic. L’examen histologique montre un envahissement majeur des voies veineuses et lymphatiques par les cellules tumorales. L’examen en immunohistochimie montre souvent une surexpression du vascular endothelial growth factor (VEGF) [1, 4, 6, 7]. Une surexpression de la cyclo-oxygénase 2 est également observée dans les deux espèces [8]. Ces tumeurs expriment peu ou pas de récepteurs à l’œstrogène et aux progestagènes.
Le bilan d’extension fait appel à un examen par imagerie en résonance magnétique et à un examen tomodensitométrique (couplé avec un examen d’émission de type PET-scan). Chez le chien, le bilan d’extension repose, dans l’idéal, sur un examen tomodensitométrique du thorax et de l’abdomen (photo 3). Un traçage ganglionnaire par scintigraphie peut être proposé afin d’identifier les sites de dissémination “prioritaire” (photos 4a et 4b). Seule une minorité d’animaux (moins de 15 %) ne présentent aucune lésion métastatique lors du diagnostic [3]. La recherche de complications hémostatiques est essentielle, plus d’un cinquième des individus étant atteints d’un trouble hémostatique qui assombrit le pronostic [3].
Le pronostic dépend de nombreux paramètres, mais reste globalement défavorable, quelle que soit l’espèce. L’influence de plusieurs facteurs pronostiques est discutée. Chez l’homme, le jeune âge, l’origine ethnique (sensibilité des populations afro-américaines), le caractère hormono-indépendant, la surexpression du récepteur Her-2 et l’absence de réduction microscopique de la maladie par la chimiothérapie néoadjuvante sont des critères pronostiques majeurs. Chez le chien, les éléments pronostiques identifiés sont la présence d’une coagulopathie et la réalisation d’un traitement médical (néoadjuvant à la chirurgie ou isolé) [3].
Dans les deux espèces, la mise en place d’une chimiothérapie néoadjuvante est recommandée avant toute tentative d’exérèse, la monothérapie chirurgicale étant déconseillée. Chez le chien, l’emploi des divers traitements chimiothérapiques (adriblastine, dérivés platinés), s’il améliore significativement le pronostic, reste associé à des médianes de survie brèves (inférieures à 3 mois) [3]. L’intérêt d’associer ces traitements à des inhibiteurs de la cyclo-oxygénase a été récemment mis en évidence [8]. Chez l’homme, les protocoles recommandés associent une chimiothérapie néoadjuvante (par anthroacycline et/ou taxanes) et une chirurgie, éventuellement suivie d’une irradiation [1, 6, 7]. Ce traitement est de plus en plus souvent complété par une thérapie ciblant Her-2 (trastuzumab, Herceptin®). Le taux de survie à 10 ans oscille entre 20 et 40 %.
Chaque cas de cancer inflammatoire du tissu mammaire doit faire l’objet d’un traitement multimodal, et la prise en charge optimale repose sur la collaboration de diverses spécialités (médecine, imagerie, oncologie, chirurgie et radiothérapie). Le développement de traitements antiangiogéniques est particulièrement prometteur, la dissémination métastatique large et précoce étant probablement liée à la surexpression quasi systématique de récepteur de type VEGF. L’intérêt du modèle canin apparaît ici évident.
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