GÉNÉTIQUE CANINE
Analyse d’article
Auteur(s) : Catherine Laffort
Fonctions : Clinique vétérinaire
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux
Depuis les années 1970, les éleveurs occidentaux de shar-pei ont délaissé le phénotype ancestral chinois caractérisé par un museau en tuile de toit (“bone-mouth”) pour un phénotype présentant une accentuation des plis cutanés et un museau en bouche de crapaud (“meat-mouth”).
L’aspect ridé de la peau du shar-pei est lié à la présence de mucine en quantité excessive dans le derme. L’acide hyaluronique (ou hyaluronanne) en est le constituant principal [5]. Les formes les plus sévères sont caractérisées par des vésicules ou des bulles dermiques. L’expression de mucinose cutanée héréditaire du shar-pei a longtemps été utilisée [4, 6, 7]. Au fur et à mesure que les mécanismes cellulaires, moléculaires et génétiques sont identifiés, elle tend à être remplacée par celle de hyaluronose cutanée héréditaire [4].
Les études présentées ces dernières années par différentes équipes, dont celle qui est proposée ici, s’accordent pour lier le phénotype particulier du shar-pei à un dépôt dermique d’acide hyaluronique. Celui-ci est produit en quantité excessive par l’acide hyaluronique synthétase 2 [6, 7]. Les autres enzymes impliquées dans le métabolisme de l’acide hyaluronique ne semblent pas intervenir dans la pathogénie de la hyaluronose cutanée héréditaire du shar-pei [4]. Dans les autres essais publiés, cette augmentation de synthèse se traduit également par une élévation de la concentration sérique en acide hyaluronique [4, 6, 7].
En 2010, une équipe a également localisé la mutation génétique à l’origine du phénotype particulier du shar-pei sur le chromosome 13, a proximité du gène HAS2. L’attention de ces chercheurs a porté sur les parties variables de ce gène et ils n’ont pas pu mettre en évidence des variations spécifiques de la race [1]. Les auteurs de l’étude choisie se sont concentrés sur les parties de l’ADN présentant pour une population donnée un faible degré d’hétérozygotie afin de repérer celles qui ont le plus fort degré d’homozygotie chez le shar-pei, par rapport aux autres races testées. Ils ont ainsi pu montrer la présence de deux anomalies chez les shar-pei. La première concerne ceux qui possèdent le phénotype ancestral : il s’agit de la duplication d’un gène qui assure probablement une fonction de régulation, en amont de HAS2. Selon ces auteurs, elle serait apparue de novo et serait liée à un phénotype modéré. Cet événement aurait rendu la région instable et permis l’apparition de la seconde duplication, responsable du phénotype occidental. Les éleveurs ont ensuite sélectionné les animaux présentant le plus grand nombre de copies de cette duplication, car ce nombre est lié à l’accentuation du phénotype désiré. Comme l’a démontré cette étude, un grand nombre de copies de cette duplication est également significativement associé à la fièvre familiale du shar-pei.
La FSF est caractérisée par des épisodes de fièvre intermittents associés à un gonflement des deux jarrets. Parfois, d’autres articulations sont touchées. C’est une maladie auto-inflammatoire qui survient chez de jeunes adultes. Parallèlement se produit un dépôt de substance amyloïde dans certains organes comme le foie et le rein. L’amyloïdose rénale demeure asymptomatique jusqu’à la phase terminale de l’insuffisance rénale. Les interleukines 6 et 8 pourraient jouer un rôle dans le déclenchement des épisodes fébriles qui disparaissent spontanément en 24 à 48 heures [2]. L’implication de concentrations sériques élevées en acide hyaluronique dans la pathogénie de la fièvre familiale et l’amyloïdose rénale du shar-pei n’a été que récemment envisagée. L’étude d’Olsson et coll. permet de confirmer ce lien au niveau génétique. La FSF pourrait constituer un modèle animal de la fièvre méditerranéenne familiale, qui est elle aussi caractérisée par des épisodes fébriles associés à des arthralgies et dont l’évolution progressive aboutit à une amyloïdose rénale. Chez l’homme, plusieurs syndromes de fièvre périodique héréditaire sont décrits, et, pour certains, la pathogénie reste inconnue. L’implication de l’acide hyaluronique n’avait encore jamais été envisagée dans ces syndromes et les résultats de cette étude ouvriront peut-être de nouvelles pistes pour élucider leurs mécanismes.
L’acide hyaluronique est un élément important de la matrice extracellulaire, en particulier de la substance fondamentale des tissus conjonctifs. Il est loin d’être une substance inerte, et est impliqué dans un grand nombre d’activités biologiques, comme l’inflammation, les réactions immunitaires, la cicatrisation, l’angiogenèse et la migration des cellules tumorales. Ces fonctions s’exercent soit par interactions avec des récepteurs membranaires, dont le plus important est CD44, soit par le biais de fragments d’acide hyaluronique, issus de sa dégradation par des hyaluronidases et dont le rôle varie en fonction de la taille [3]. Ce sont ces fragments qui pourraient être impliqués dans le déclenchement des poussées fébriles chez le shar-pei.
OBJECTIFS
• Trouver un gène candidat pour le phénotype spécifique de la race shar-pei, identifier la mutation.
• Identifier le gène de susceptibilité à la fièvre familiale du shar-pei (FSF).
MÉTHODE
Les génomes de 50 shar-pei américains, de 37 shar-pei espagnols et de 230 chiens appartenant à 24 autres races ont été comparés à l’aide de marqueurs génétiques de mutation afin d’identifier des zones de réduction d’hétérozygotie spécifiques à la race shar-pei. En parallèle, une étude d’association pangénomique (GWAS) a confronté le génome de shar-pei sains et celui de shar-pei malades pour localiser le gène de susceptibilité à la FSF.
RÉSULTATS
Le plus fort signal d’homozygotie spécifique de la race shar-pei a été localisé sur le chromosome 13, à proximité du gène codant pour l’acide hyaluronique synthétase 2 (HAS2). Cette région a également été identifiée comme associée à la FSF avec le plus fort signal lors de l’étude d’association pangénomique. Le reséquençage de cette zone a révélé l’existence de deux duplications spécifiques du shar-pei, se chevauchant partiellement et situées en amont du gène HAS2. L’examen des duplications en Southern blot a montré que la duplication de taille 14,3 kb est présente chez les shar-pei traditionnels alors que celle de taille 16,1 kb est présente chez les shar-pei de type occidental. Un nombre de copies élevé de la duplication de 16,1 kb est associé à une surexpression de HAS2 par les fibroblastes dermiques et à la FSF (p < 0,0001). En revanche, aucune corrélation significative n’existe entre le nombre de copies et la concentration sérique en acide hyaluronique.
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