Surveillance de la gestation : les moyens mis en œuvre en médecines humaine et vétérinaire - Le Point Vétérinaire n° 318 du 01/09/2011
Le Point Vétérinaire n° 318 du 01/09/2011

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Auteur(s) : Anne Gogny

Fonctions : Service hospitalier
de reproduction
des animaux
de compagnie, Centre
hospitalier universitaire
vétérinaire,
École nationale vétérinaire,
agroalimentaire et de
l’alimentation Nantes
Atlantique-Oniris, BP
40706, 44307 Nantes
Cedex 3
anne.gogny@oniris-nantes.fr

Les moyens pour suivre le déroulement de la gestation chez les carnivores sont très peu développés par rapport à la médecine humaine. Cependant, des techniques émergentes pourraient être utilisées.

France, la grossesse est soumise à déclaration et sa surveillance est réglementée(1). La surveillance de la grossesse est effectuée au moyen d’examens prénataux obligatoires, réalisés à des périodes définies, auxquels s’en ajoutent éventuellement d’autres, selon les facteurs de risque identifiés chez la mère et dans son environnement. La conduite à tenir, les examens à mettre en œuvre et les personnes à engager autour de la surveillance d’une grossesse font l’objet de recommandations établies par la Haute Autorité de santé (encadré complémentaire sur www.WK-Vet.fr)(2).

Chez la chienne et la chatte, le suivi de la gestation repose exclusivement sur l’échographie et la radiographie. En effet, aucun test sanguin mettant en jeu des marqueurs sériques (comme pour la trisomie 21 chez l’homme) n’est envisageable tant qu’aucune protéine fœtale n’a été identifiée. L’échographie et la radiographie permettent d’identifier les événements clés de la gestation, les accidents de son déroulement, notamment les avortements et les morts fœtales, les anomalies extrêmes de conformation des fœtus, et de dépister certains facteurs de dystocie tels que les disproportions fœto-maternelles.

De nouvelles approches permettent d’envisager une utilisation plus pointue de ces outils, à travers le Doppler et l’échographie 3D ou 4D, qui pourraient conduire à un meilleur dépistage de certaines anomalies du développement des fœtus ou du déroulement de la gestation.

Cet article fait le point sur les moyens qui se développent pour surveiller la gestation dans les espèces canine et féline.

Évaluation de la vitalité fœtale

Moyens classiques

L’activité cardiaque des fœtus est visible par échographie vers le 22e jour après le pic de l’hormone lutéinisante (LH) chez la chienne, et entre J18 et J25 après la saillie chez la chatte. La fréquence cardiaque normale est supérieure à 200 battements par minute (bpm) dans les deux espèces [6]. Une fréquence cardiaque inférieure à 180 bpm ou en deçà signe une souffrance fœtale, d’autant plus grave que la fréquence est basse [2, 7].

De même, l’observation d’un péristaltisme intestinal chez le fœtus indique une hypoxie. Il aboutit à l’expulsion anténatale du méconium, visible à l’échographie sous forme de débris échogènes en suspension dans le liquide amniotique [7].

L’absence de mouvements fœtaux à l’examen échographique, associée à une diminution du volume fœtal, à une augmentation de l’échogénicité des liquides fœtaux ou à l’accumulation de gaz dans l’estomac permet de conclure à une mort fœtale [2]. Celle-ci se traduit, à la radiographie, par une position anormale du squelette du fœtus (opisthotonos par exemple), une désorganisation du squelette, un chevauchement des os du crâne ou la présence d’air dans l’utérus [3].

Les résorptions fœtales et les avortements peuvent aussi être identifiés. Ils se traduisent par une mort fœtale associée à un épaississement local hypoéchogène de la paroi utérine en regard des sites d’implantation. Si la mort fœtale survient après 35 jours de gestation, des signes cliniques caractéristiques (expulsion du fœtus et des membranes fœtales, pertes vulvaires muco-hémorragiques) peuvent s’ajouter.

Nouveaux outils

La mesure de l’index de résistivité et de pulsatilité des artères ombilicales fœtales et utérines maternelles, par Doppler, fournit des indications sur la quantité, mais aussi sur le trajet du flux sanguin qui alimente les fœtus [1, 5]. Techniquement, les outils utilisables pour la mesure de ces index sont le Doppler et l’échographie. Le Doppler triplex qui combine l’échographie mode B, le Doppler pulsé ou continu, et le Doppler couleur en mode vitesse ou en mode puissance permet d’obtenir une image de la vitesse du sang, à un endroit précis de l’artère, associée à des images en couleur du trajet du sang dans le vaisseau [5].

Ces index évoluent au cours de la gestation et augmentent en cas d’avortement [1, 5]. Leur surveillance pourrait être mise à profit pour identifier des troubles de la distribution sanguine susceptibles de retentir sur le développement ou la survie des fœtus, voire pour dépister des avortements imminents [1, 5].

Identification des anomalies des fœtus

Moyens classiques

Certaines anomalies extrêmes (agénésies des membres, microcéphalie, etc.) sont visibles par radiographie ou par échographie, et ce plus facilement au cours du dernier tiers de la gestation (photo 1). De même, les œdèmes généralisés des anasarques peuvent être identifiés à l’échographie (photos 2 et 3).

Nouveaux outils

Les échographies en 3D et en 4D permettent une nouvelle approche dans l’observation des fœtus. La première technique en 3D repose sur la reconstruction en volume des fœtus, à partir de l’acquisition échographique de plusieurs plans de coupe par balayage de trois plans perpendiculaires. La technique d’échographie 4D enregistre les images de façon cadencée, ce qui ajoute une dimension temporelle à la reconstruction spatiale en trois dimensions. Le volume acquis peut être exploité de plusieurs façons :

– la reconstruction des surfaces permet de visualiser les fœtus comme avec une caméra endoscopique ;

– le mode “rayon-X” permet de voir l’intérieur du fœtus en transparence ;

– la reconstruction des structures osseuses donne une vue d’ensemble du squelette ;

– celle du réseau vasculaire donne une vue d’ensemble des ramifications vasculaires, etc.

Ces techniques ont l’avantage de fournir des indications inaccessibles par les autres moyens, sans être invasives. En revanche, l’enregistrement des images nécessite une immobilité continue de plusieurs secondes, difficile à obtenir chez un animal non sédaté.

Chez le chien et le chat, une étude a démontré l’utilité de l’échographie en 4D pour visualiser les mouvements et l’activité des fœtus, et dépister les résorptions embryonnaires. De plus, l’échographie en 3D permet d’inspecter les placentas ou les fœtus dans leur ensemble, de contrôler le niveau de minéralisation osseuse, de calculer les volumes de la tête ou du cerveau, etc., ce qui offre un large panel de nouvelles possibilités pour dépister les anomalies du déroulement de la gestation chez les carnivores [4]. Pour dénombrer les fœtus, l’intérêt de l’échographie en 3D et en 4D sur la radiographie n’est pas démontré. Cependant, le dénombrement des fœtus et la mise en évidence des résorptions embryonnaires semblent possibles avec une bonne exactitude (100 % dans une étude portant sur 8 chiennes et 2 chattes), à partir de respectivement 26 et 38 jours de gestation chez le chien et le chat, dates du premier examen échographique dans cette étude. Il se pourrait donc que les informations fournies par l’échographie en 3D et en 4D soient obtenues plus précocement, mais cela reste à démontrer dans des essais menés à plus large échelle.

Conclusion

Les moyens mis à la disposition des médecins sont de plus en plus élaborés et l’éventail des maladies dépistées est de plus en plus étendu. Les futurs parents, qui se prêtent à de nombreux examens, ont en contrepartie un degré d’exigence accru. La naissance d’un enfant malade ou atteint d’une anomalie de développement est mal acceptée. Elle peut même être perçue comme une erreur médicale. En France, cela se traduit par une augmentation des demandes d’amniocentèse prénatale, qui ont été multipliées par 20 en 20 ans et concernaient 11 % des femmes enceintes en 2007. Cela est déploré par la communauté médicale et les autorités de santé, et des mesures ont été prises pour réduire le nombre d’examens.

Chez les animaux de compagnie, les examens prénataux font appel surtout à l’échographie, mais, faute d’informations à large échelle, seuls certains pans peuvent être explorés. Cependant, lors de gestation canine ou féline, les particuliers comme les éleveurs sont de plus en plus demandeurs d’informations sur le développement des fœtus, le déroulement de la gestation et les conséquences pour la mère. Il semble donc judicieux de la part du praticien de se préparer à développer cette branche de la médecine préventive.

(1) (article L. 154 du Code de la santé publique, décret n° 92-143 du 14 février 1992 relatif aux examens obligatoires prénuptial, pré- et postnatal, paru au Journal officiel du 16 février 1992)

(2) (http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/suivi_des_femmes_enceintes_-_recommandations_23-04-2008.pdf)

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