Étape 9 : La radiographie du tube digestif sans préparation - Le Point Vétérinaire n° 317 du 01/07/2011
Le Point Vétérinaire n° 317 du 01/07/2011

En 10 Étapes

Auteur(s) : Aurélie Laborde*, Marion Fusellier**

Fonctions :
*Service d’imagerie médicale
CHUV Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706, 44307 Nantes
**Service d’imagerie médicale
CHUV Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706, 44307 Nantes

L’interprétation de radiographies du tube digestif demande une bonne compréhension de sa radio-anatomie, tant les anomalies à détecter sont variées

Lors de l’évaluation du tube digestif, la radiographie est un examen indispensable pour certaines portions telles que l’œsophage. Malgré l’essor de l’échographie, elle demeure déterminante dans l’exploration des régions abdominales du tube digestif, en particulier dans certains cas d’urgence comme le syndrome dilatation-torsion.

TECHNIQUE ET MÉTHODE D’ÉVALUATION RADIOGRAPHIQUE

L’œsophage ne nécessite pas de préparation particulière. Les radiographies thoraciques sont réalisées en fin d’inspiration. Pour l’estomac et l’intestin, une diète de 6 à 12 heures est préférable, sauf en cas d’abdomen aigu. Des clichés de face et de profil sans préparation sont effectués en première intention, et, si nécessaire, des produits de contraste sont utilisés dans un second temps. Comme pour tout organe, chaque portion du tube digestif est évaluée selon sa taille, sa forme, sa position et son opacité [2, 4, 5].

RADIO-ANATOMIE

Afin d’interpréter une radiographie de l’abdomen, il est nécessaire de connaître l’emplacement des organes les uns par rapport aux autres (photos 1 et 2).

1. Œsophage

L’œsophage, dans sa partie thoracique, court dorsalement à la trachée, puis ventralement à l’aorte. Lorsqu’il est vide et normal, il est rarement visible sur des clichés sans préparation. Une faible quantité d’air y est parfois observée cranio-dorsalement au cœur, en particulier chez un animal dyspnéique (photo 3). Sous anesthésie, l’œsophage apparaît dilaté et souvent rempli d’air. Il est aussi repérable en cas de pneumomédiastin.

2. Estomac

L’estomac est facile à repérer en raison de sa position (dans l’abdomen cranial, caudalement au foie), de sa forme et de son contenu. Cependant, il n’est pas visible lorsqu’il est vide, chez un animal cachectique ou très jeune et en cas d’épanchement abdominal. Son aspect varie selon plusieurs paramètres :

– l’espèce et le type racial. Sur une vue de profil, l’axe de l’estomac est perpendiculaire au rachis et effilé chez les chiens longilignes. Il est parallèle à la 10e côte et moins effilé chez les chiens médiolignes et les chats. Il est globuleux et parallèle à la 10e côte pour les chiens brévilignes. Sur la vue de face, le grand axe de l’estomac est perpendiculaire au rachis chez le chien alors qu’il lui est parallèle chez le chat ;

– le degré de distension et la nature du contenu (gaz, ingesta), l’administration éventuelle de modificateurs du transit ;

– l’incidence utilisée (tableau 1 et figure).

Au niveau du fundus, le diamètre de l’estomac ne doit pas excéder la largeur de trois espaces intercostaux et celui des portions pyloriques est égal à environ la moitié du diamètre du corps.

3. Intestin grêle

L’intestin grêle comporte deux parties : le duodénum (lui-même divisé en trois : le descendant est très superficiel, le long de la paroi abdominale droite, le transverse est très court et l’ascendant est plus médian) et le jéjuno-iléon, qui occupe tout l’espace disponible dans l’abdomen, non occupé par les autres organes et la graisse mésentérique. Il est donc situé entre l’estomac et la vessie, médialement et légèrement à droite. Seul le duodénum descendant est repérable sans préparation, en raison de sa position moins variable et de son diamètre légèrement plus important que celui des autres anses. Chez le chien, le diamètre des anses intestinales n’excède pas 1,6 fois la hauteur du corps d’une vertèbre lombaire ou le double de la largeur d’une côte. Chez le chat, il est inférieur à 12 mm ou à la hauteur du corps de L4.

L’aspect radiographique et la position de l’intestin grêle varient selon le contenu alimentaire, le péristaltisme, l’état d’embonpoint (il est plus visible chez un animal gras) et la taille des autres organes (photos 4a et 4b).

4. Gros intestin

Le gros intestin est composé du cæcum, du côlon, du rectum et du canal anal. Chez le chien, le cæcum forme une virgule radiotransparente, à droite, en regard de L2-L3, et, chez le chat, il n’est en général pas visible. Le côlon a l’aspect d’un point d’interrogation, et est composé du côlon ascendant (à droite), du côlon transverse et du côlon descendant (à gauche, assez mobile). Sa taille est inférieure à 1,5 fois la longueur de L7. Son aspect varie en fonction de son contenu (air, selles), du péristaltisme et de la taille des organes adjacents [2, 4, 5].

SÉMIOLOGIE

1. Anomalies de taille et de forme

Œsophage

En cas de méga-œsophage ou de jabot, l’œsophage apparaît dilaté et rempli d’air, de liquide ou d’ingesta (photo 5). Une légère dilatation est aussi possible en cas d’aérophagie ou de dyspnée. L’œsophage est également distendu lors d’anesthésie. Les modifications focales de taille (dont les sténoses) sont rarement visibles sans préparation et nécessitent le plus souvent l’utilisation de produit de contraste. La forme de l’œsophage peut être modifiée lors de jabot, de masse pariétale ou intraluminale ou de corps étranger. Ces déformations ne sont pas toujours évidentes à visualiser, en particulier en l’absence de contenu aérique ou d’accumulation d’ingesta.

Estomac

La taille de l’estomac est très variable selon les animaux et l’état de réplétion. Elle est donc difficile à évaluer et un examen à jeun est préférable. Une augmentation de la taille de l’estomac est surtout visible au niveau du fundus, première portion à se dilater.

Un contenu aérique, liquidien ou de nourriture avec un estomac de taille normale est possible lors d’aérophagie, de repas récent ou encore en cas de gastrite.

Un estomac de forme normale mais de taille augmentée et dilaté par du gaz est visible lors d’intubation dans l’œsophage. En cas de dilatation chronique, il convient de rechercher une obstruction liée à un corps étranger ou à un syndrome de rétention gastrique (dû à une anomalie du pylore, par exemple).

L’estomac apparaît distendu et de forme modifiée lors de syndrome de dilatation-torsion (SDTE) chez les chiens de races de grande taille (compartimentalisation) et d’ingestion excessive d’air ou de nourriture chez un chien ayant subi une gastropexie (forme en gant de boxe).

Intestin grêle

Normalement, l’intestin se présente sous l’aspect d’images tubulaires ou arrondies. Sans recours au transit baryté, les modifications de forme et de contours sont difficiles à objectiver. Une augmentation de taille est visible à la radiographie. Une dilatation importante (supérieure à 1,5 à 2 hauteurs d’une vertèbre lombaire) correspond à un iléus plus ou moins sévère, focal ou généralisé, selon les cas. Les anses peuvent apparaître irrégulières en cas de corps étranger linéaire ou d’adhérences, avec des bulles de gaz “en gouttes d’eau”. Lors d’iléus sévère, les anses dilatées sont parfois entassées et parallèles les unes aux autres. Il convient d’évaluer l’abdomen chez un animal à jeun, la présence d’aliments en transit pouvant mimer toutes ces images anormales.

Côlon

Une augmentation généralisée de la taille du côlon (plus de deux fois la longueur de L7) correspond à un mégacôlon. Lors de dilatation focale, il convient de rechercher un corps étranger, une impaction fécale, une masse (pariétale ou non) ou une sténose cicatricielle. Un rétrécissement focal peut être repéré sur un cliché sans préparation grâce au contenu colique qui l’entoure. Il convient de veiller à ne pas confondre cette image avec une contraction normale, en répétant les clichés. Un diverticule colique peut aussi être visible, avec un contenu aérique ou hétérogène (selles), faisant protrusion à partir de la paroi.

2. Anomalies de position

Œsophage

La position de l’œsophage peut être modifiée en cas de masses cervicales, intrathoraciques ou pariétales, ou encore lors de hernie hiatale. Ces modifications sont cependant délicates à objectiver sans transit œsophagien.

Estomac

Un déplacement cranial de l’axe de l’estomac est possible lors de microhépatie, de hernie diaphragmatique ou péritonéo-péricardique, d’intussusception gastro-œsophagienne ou de hernie hiatale (photo 6). Une distorsion caudale est visible lors de masse du côlon transverse, pancréatique, mésentérique, ou d’une autre lésion abdominale (y compris en cas de gestation).

Enfin, l’estomac peut être déplacé :

– caudalement et dorsalement lors d’hépatomégalie ou de distension thoracique (photo 7) ;

– vers la droite en cas de splénomégalie ou de masse hépatique gauche ;

– vers la gauche lors de masse ou d’augmentation de taille du corps, du lobe droit du pancréas, ou d’un lobe droit hépatique.

Intestin grêle

En cas de hernie diaphragmatique ou péritonéo-péricardique, les anses peuvent être visibles dans la cavité thoracique ou déplacées cranialement. Elles sont aussi plus craniales lors de vacuité gastrique (chez des chiens à thorax profond), de micro-hépatie, de distension vésicale, de dilatation utérine et de rupture des muscles costaux. À l’inverse, elles sont déplacées caudalement en cas d’hépatomégalie, de distension gastrique, de vacuité vésicale, de hernie inguinale ou périnéale, de rupture des muscles abdominaux.

Leur localisation est également parfois fixe de façon anormale lors d’adhérences, ce qui demeure cependant difficile à objectiver.

Enfin, elles peuvent être déplacées en périphérie de l’abdomen en présence d’une masse (mésentérique, splénique).

Côlon

Organe assez mobile, le côlon est souvent déplacé en présence d’une masse extrinsèque ou lors d’augmentation de taille d’un organe adjacent (tableau 2). En cas de hernie périnéale, le côlon distal et le rectum peuvent être déportés caudalement et reconnaissables par la présence de selles ou d’air.

3. Anomalies de densité

Œsophage

L’opacité peut être diminuée par un contenu aérique, en petite quantité (qui représente l’image normale) ou en grande quantité lors d’anesthésie, de méga-œsophage ou de jabot œsophagien.

Une densité liquidienne peut être visible chez un individu normal, ou en cas d’ingestion importante de liquides ou de nourriture (méga-œsophage), de masse œsophagienne ou de corps étranger non minéralisé. Enfin, une densité augmentée est possible lors de corps étranger radio-opaque, de minéralisation d’une masse tumorale ou d’ingestion de certaines substances radio-opaques (baryte par exemple).

Estomac

Des éléments de densité minérale sont visibles lors d’ingestion de corps étrangers, de baryte ou de médicaments comme le kaolin, et en cas de minéralisation de la paroi gastrique. La présence d’un contenu hétérogène (aliments) est normale juste après un repas, mais est synonyme de rétention gastrique si elle persiste plus de 12 heures. La visualisation de corps étrangers de densité tissulaire est parfois possible, tout comme celle de tumeurs pariétales de grande taille, notamment lorsque les contours sont soulignés par de l’air. Enfin, un contenu aérique est constaté lors d’aérophagie ou de dilatation gastrique (SDTE ou volvulus).

Intestin grêle

Un contenu aérique, sans dilatation ni modification de forme, est normal, en particulier dans le duodénum descendant. Il s’agit aussi d’une constatation fréquente lors d’entérite, d’obstruction incomplète ou chez un animal débilité ou en décubitus. Un contenu aérique associé à une modification de forme ou de contours est visible lors de corps étranger, linéaire ou non, d’intussusception ou d’adhérences.

Les anomalies le plus souvent rencontrées correspondent à une augmentation de densité, consécutive à l’ingestion d’une nourriture radio-opaque, d’un corps étranger opaque, ou à un signe du gravier (encadré). Une minéralisation pariétale (secondaire à une tumeur ou à un abcès) peut aussi être observée. Une diminution d’opacité est plus rare. Lorsqu’elle semble fixe, il convient de répéter les clichés et d’envisager un corps étranger radiotransparent, à confirmer par une étude avec du produit de contraste ou une échographie. Enfin, une opacité liquidienne est fréquemment constatée en association avec une dilatation lors d’occlusion, de gastro-entérite sévère, de néoplasie diffuse (lymphome) ou de maladie infiltrative de l’intestin grêle [1, 5].

Côlon

L’opacité du côlon est variable. Un contenu aérique est fréquent lors de défécation récente et de colite. Une opacité liquidienne soulignée par de l’air est parfois visible lors de néoplasie, de polype ou d’intussusception iléocolique (difficile à objectiver sans d’autres examens). Des selles seront présentes chez des animaux normaux ou constipés. Des corps étrangers sont parfois retrouvés, le plus souvent sans conséquences [2, 4].

Conclusion

La radiographie du tube digestif sans préparation est un examen facile à réaliser et qui permet d’établir le diagnostic de nombreuses affections (méga-œsophage, SDTE, volvulus, iléus, corps étranger radio-opaque). Cependant, des clichés de bonne qualité sont requis et, dans certains cas équivoques, d’autres examens doivent être effectués. Ainsi, l’administration de produit de contraste ou le plus souvent une échographie, ou encore un examen endoscopique, notamment lors de maladies pariétales inflammatoires (et ulcératives) ou tumorales, sont complémentaires.

Références

  • 1. Burk R, Feeney D. Small animal radiology and ultrasound : A Diagnostic atlas and text. 3rd ed. Saunders Elsevier, St. Louis, MO. 2002: 784p.
  • 2. Dennis R. et A. Handbook of small animal radiology and ultrasound : Techniques and differential diagnoses. 2nd ed. Saunders Elsevier, St. Louis, MO. 2010; 382p.
  • 3. Farrow CS. Veterinary diagnostic imaging. The dog and cat. 1st ed. Mosby, St. Louis, MO. 2003: 800p.
  • 4. Maï W. Guide pratique de radiographie canine et féline. Ed. Med’com. 2003: 350p.
  • 5. Thrall DE. Textbook of veterinary diagnostic radiology. 5th ed. Saunders Elsevier, St. Louis, MO. 2007: 848p.

Points forts

→ Des radiographies sans préparation sont suffisantes pour diagnostiquer un certain nombre d’affections digestives comme l’iléus mécanique, l’iléus paralytique et le syndrome dilatation-torsion de l’estomac.

→ Lors de syndrome dilatation-torsion, l’estomac apparaît dilaté par de l’air et compartimenté.

→ L’iléus mécanique est à évoquer lors de dilatation segmentaire de l’intestin et doit suggérer la présence d’un corps étranger digestif, d’une intussusception ou d’une tumeur.

ENCADRÉ
Signe du gravier

Le signe du gravier correspond à une accumulation d’ingesta devenus radio-opaques et granuleux en raison de leur dessiccation, en amont d’une subobstruction chronique généralement liée à une tumeur pariétale ou, moins fréquemment, à un corps étranger chronique.

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