Un cas d’hyphéma bilatéral associé à un lymphome malin - Le Point Vétérinaire expert canin n° 315 du 01/05/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 315 du 01/05/2011

CANCÉROLOGIE CANINE

Cas clinique

Auteur(s) : Michel Fantinato*, Stéphanie Margaillan**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Dromel
425, boulevard Romain-Rolland
13009 Marseille
**Clinique vétérinaire Dromel
425, boulevard Romain-Rolland
13009 Marseille

L’œil est parfois la fenêtre ouverte sur une maladie sous-jacente. Un hyphéma peut être l’unique signe d’appel d’un lymphome malin.

Un épagneul breton de 11 ans entier et pesant 20 kg est présenté en consultation pour un comportement anormal (désorientation, heurts dans divers obstacles) apparu brutalement au cours de la balade et des jeux habituels du soir, et associé à l’apparition d’un “voile rougeâtre” dans les deux yeux.

CAS CLINIQUE

1. Commémoratifs

Le chien est correctement vacciné, vermifugé et traité contre les ectoparasites. Ses antécédents médicaux ne font état d’aucune maladie. Il vit dans un pavillon avec jardin, et effectue régulièrement des allers-retours entre Marseille et Annecy. Son alimentation est de type industrielle sèche pour senior.

2. Examen clinique

L’examen à distance, réalisé dans la salle d’attente, révèle une démarche hésitante et une incapacité à éviter les obstacles.

L’examen clinique général ne montre aucune anomalie autre que la modification de couleur des yeux : les muqueuses sont rosées (temps de recoloration capillaire inférieur à 2 s), l’auscultation cardiorespiratoire et la palpation abdominale sont normales (absence de modifications palpables du foie et de la rate, notamment) et la température rectale est de 38,8 °C. Les propriétaires ne rapportent aucune dégradation récente de l’état général.

3. Examen ophtalmologique

L’examen ophtalmologique met en évidence un hyphéma bilatéral, avec mydriase et absence de réflexe de clignement à la menace (photo 1). Les réflexes photomoteurs (RPM) directs et indirects sont négatifs. Depuis plusieurs années, le chien présente une cataracte bilatérale sans incidence décelable sur ses activités (promenades sans laisse, jeux, etc.). Ce trouble rend impossible l’examen correct du fond d’œil. Néanmoins, l’existence d’une mydriase, en l’absence de RPM directs et indirects, oriente vers une atteinte vitréenne et/ou rétinienne (vitrite, hémorragie vitréenne, décollement ou hémorragie rétiniens). Aucune trace de traumatisme n’est visible sur les globes oculaires ou en région péri-oculaire.

4. Hypothèses diagnostiques

Les origines possibles d’un hyphéma aigu bilatéral sont nombreuses et leur exploration requiert du temps et de la méthode (tableau 1).

5. Examens complémentaires

L’origine traumatique est d’emblée écartée en raison de l’absence de blessure et de la surveillance continue des propriétaires. Les premiers examens complémentaires, réalisés en urgence, permettent d’explorer les hyphémas liés aux troubles de l’hémostase primaire et secondaire (numération et formule sanguines, temps de coagulation), ceux d’origine infectieuse (dans notre cas, sérologies leishmaniose et ehrlichiose), et, enfin, ceux qui résultent d’une hypertension artérielle systémique. Les résultats sont les suivants :

– les numération et formule sanguines mettent en évidence une leucopénie (lymphopénie) associée à une thrombopénie. Ces résultats sont notamment compatibles avec un trouble de l’hémostase primaire, une atteinte par l’ehrlichiose ou la leishmaniose. Ils permettent d’exclure un syndrome d’hyperviscosité lié à une polyglobulie (tableau 2, première colonne) ;

– la biochimie sanguine ne montre aucune anomalie. Ce résultat permet d’exclure une insuffisance rénale chronique et un syndrome d’hyperviscosité dû à une hyperprotéinémie ;

– le temps de coagulation sur tube sec est de 4 minutes (normes : 4 à 10 minutes). La première étape de l’exploration de l’hémostase secondaire peut être considérée comme normale ;

– les temps de coagulation sont : temps de Quick, 9 secondes (normes : 7 à 9 secondes) et temps de céphaline-kaolin, 15 secondes (normes : 18 à 30 secondes). L’hémostase secondaire est donc normale ;

– la mesure de la pression artérielle systolique (méthode Doppler) est de 120 mmHg (hypertension au-delà de 160 mmHg). La pression artérielle est normale ;

– les sérologies leishmaniose et ehrlichiose sont en cours (laboratoire spécialisé).

À l’issue des premiers examens complémentaires, les hypothèses suivantes peuvent être écartées : trouble de l’hémostase secondaire, insuffisance rénale chronique (IRC), syndrome d’hyperviscosité et hypertension artérielle. Les diagnostics d’ehrlichiose et de leishmaniose ne peuvent être confirmés ou infirmés tant que les résultats sérologiques ne sont pas connus (l’absence d’une hyperprotéinémie ne permet pas d’exclure ces hypothèses de manière certaine). Il convient également d’envisager la possibilité d’un trouble de l’hémostase primaire par thrombopénie ou thrombopathie.

6. Traitement initial

Dans l’attente des résultats sérologiques, le chien reçoit un traitement à base de méthylprednisolone (Dermipred®), à la dose de 1 mg/kg par jour en deux prises, associée à de la doxycycline (Ronaxan®), à la dose de 5 mg/kg/j en une prise, pendant 7 jours. L’utilisation des corticoïdes est motivée par la possibilité d’une thrombopénie d’origine immunitaire, en l’absence d’IRC, celui de la doxycycline par la possibilité d’une ehrlichiose.

7. Évolution

Dès le surlendemain, une nette amélioration de la vue de l’animal et un aspect beaucoup moins rouge des chambres antérieures sont constatés par les propriétaires. L’état général du chien reste bon. Les résultats des examens sérologiques sont négatifs.

Au terme des 7 jours de traitement, un contrôle est effectué. Depuis la veille, l’état du chien s’est dégradé : récidive de la cécité, apparition d’une anorexie et d’une fatigue. Lors de l’examen clinique, la palpation abdominale révèle une rate de taille très augmentée, avec un inconfort et une douleur à la pression. La taille du foie est normale. Ni vomissement ni diarrhée ne sont rapportés. Les muqueuses sont toujours rosées et l’auscultation cardiorespiratoire est normale. Aucune adénomégalie superficielle n’est notée.

L’examen ophtalmologique met en évidence une organisation des hyphémas en hématomes bien délimités dans les chambres antérieures (photos 2 et 3). Les réflexes de clignement à la menace et photomoteurs sont toujours absents.

Les numération et formule sanguines de contrôle révèlent une anémie normocytaire normochrome modérée concomitante à une hausse du taux de globules blancs et des plaquettes (tableau 2, deuxième colonne). Aucun lien précis n’est établi actuellement entre l’anémie et une maladie particulière. La hausse du taux de plaquettes peut être le résultat du traitement corticoïde et liée à l’organisation des hyphémas.

Un examen échographique abdominal est proposé pour rechercher un lien éventuel entre la dégradation récente de l’état général du chien et la splénomégalie.

8. Examen échographique

Le foie est de taille normale, mais présente quelques foyers hypoéchogènes à contours irréguliers, dont un de taille plus importante (photo 4). La rate est de taille augmentée et son parenchyme apparaît hétérogène (présence d’un piqueté hyperéchogène) (photo 5). Aucune déformation capsulaire n’est notée. Une adénomégalie mésentérique importante est visualisée à proximité de la veine porte et de la veine cave caudale (photo 6). Une adénomégalie sacro-iliaque moins marquée est également observée. Enfin, une lésion prostatique hétérogène mesurant environ 3,5 x 2,5 cm et touchant le lobe gauche est visualisée (photo 7).

À ce stade de l’examen échographique, l’hypothèse retenue est celle d’une infiltration tumorale splénique, hépatique et lymphatique mésentérique. L’hypothèse d’une tumeur prostatique est également retenue. Des ponctions échoguidées à l’aiguille fine de la rate, des nœuds lymphatiques et de la masse prostatique sont réalisées pour une analyse cytologique. L’accessibilité délicate de la lésion hépatique empêche sa ponction. Les prélèvements sont étalés sur lame et envoyés à un laboratoire d’anatomopathologie vétérinaire.

9. Analyse cytologique

La morphologie cellulaire des ponctions splénique et lymphatique est compatible avec un lymphome B de haut grade de type centroblastique polymorphe (photos 8 et 9).

Les étalements de ponctions prostatiques mettent en évidence des cellules épithéliales provenant d’un territoire d’hyperplasie glandulaire. L’aspect du matériel ponctionné ne permet pas d’orienter le diagnostic vers une tumeur.

10. Suivi

Le diagnostic de lymphome étant établi, une polychimiothérapie selon le protocole de Cotter modifié est proposée aux propriétaires. En raison de l’âge du chien et de la dégradation rapide de son état général, elle est refusée. Un traitement à base de méthylprednisolone (Dermipred®), à la dose de 1 mg/kg/j en deux prises, est alors réinstauré. Dix jours plus tard, soit 21 jours après l’apparition de l’hyphéma bilatéral, le chien est euthanasié. Il refusait de s’alimenter depuis 48 heures, et de boire et de se lever depuis le matin.

Une autopsie est refusée par les propriétaires.

DISCUSSION

1. Approche diagnostique de l’hyphéma

La principale difficulté dans ce type de cas tient au caractère localisé des symptômes initiaux (cécité brutale associée à un hyphéma bilatéral), qui met le clinicien face à un tableau étiologique riche et complexe. En pratique courante, il semble aisé d’écarter une origine traumatique (absence de traces d’ecchymoses, d’hématomes, de fractures de l’orbite, de perforation du globe oculaire, etc.) et de réaliser les examens permettant de tester certaines hypothèses diagnostiques :

– des numération et formule sanguines, à la recherche d’une thrombocytopénie (ehrlichiose ou processus tumoral, par exemple) ou d’une polyglobulie (syndrome d’hyperviscosité sanguine) ;

– un test de coagulation sur tube sec ou un bilan de coagulation pour explorer des coagulopathies (intoxications aux anticoagulants, coagulation intravasculaire disséminée, maladie immunitaire, etc.) ;

– un bilan biochimique à la recherche d’une hyperprotéinémie (syndrome d’hyperviscosité, maladies infectieuses comme l’ehrlichiose ou la leishmaniose), d’une crise urémique ;

– une mesure de la pression artérielle pour diagnostiquer une éventuelle hypertension artérielle systémique.

Dans le cas rapporté, l’atteinte d’emblée bilatérale nous oriente davantage vers une maladie systémique. Malgré l’absence de signes généraux ou d’hyperprotéinémie, il convient de rechercher dès le début une ehrlichiose ou une leishmaniose car ces deux maladies sont endémiques du lieu de vie de l’animal (Bouches-du-Rhône) et fréquemment associées à une atteinte oculaire. Par exemple, dans une étude menée sur 102 chiens atteints d’uvéite uni- ou bilatérale, l’origine infectieuse est le plus souvent associée à Ehrlichia canis (38 % des cas) [9]. Un autre essai, réalisé en Espagne en 2005 sur 46 chiens atteints d’ehrlichiose, montre que 37 % d’entre eux manifestent des signes oculaires, qui sont toujours bilatéraux. Parmi ces derniers, 29 % présentent un hyphéma ou des hémorragies rétiniennes. Cette étude montre également que 64 % des chiens avec une atteinte oculaire ne présentent aucun signe systémique [8]. La démarche diagnostique doit donc être attentive et rigoureuse.

Comme le montre le cas décrit, le diagnostic différentiel d’un hyphéma bilatéral inclut également les processus tumoraux. Lors de tumeur intra-oculaire primitive, l’atteinte est le plus souvent unilatérale, et il en va de même pour l’hyphéma observé. Un hyphéma bilatéral oriente donc le diagnostic vers une tumeur intra-oculaire secondaire (métastatique) [5].

2. Lymphome intra-oculaire

Le lymphome est la tumeur oculaire secondaire la plus fréquente. L’atteinte de l’œil s’effectue par voie hématogène (l’uvée étant le site le plus fréquemment touché) et, dans la majorité des cas, l’envahissement est bilatéral. L’œil peut aussi être la cible de métastases dans le cas de mélanomes malins, d’adénocarcinomes pancréatiques ou mammaires, ou encore d’hémangiosarcomes [1, 4].

Une étude menée en 1994 par Krohne et coll. sur 94 chiens atteints de lymphome multicentrique montre la présence de lésions oculaires chez 37 % d’entre eux [7]. Par ordre décroissant de fréquence, les signes observés sont une uvéite antérieure (49 %), des hémorragies rétiniennes (23 %), une panuvéite (14 %) et une uvéite postérieure (9 %). Des lésions du segment postérieur expliquent certainement la cécité décrite dans notre cas, lors de l’apparition de l’hyphéma. Un examen échographique oculaire aurait pu être proposé pour en déterminer l’origine (hémorragie ou décollement rétinien). Il n’a pas été réalisé faute d’expérience suffisante de notre part et en raison du refus des propriétaires d’accepter un référé.

Une autre étude plus récente recense les causes d’uvéite chez le chien [9]. Elle révèle, dans 25 % des cas, une origine tumorale (derrière les uvéites idiopathiques et infectieuses) et, au sein de ce groupe, pointe le lymphome comme étant la tumeur la plus fréquemment incriminée (68 %), devant le mélanome uvéal, et les métastases d’hémangiosarcome et de sarcome. Les symptômes oculaires associés sont l’effet Tyndall, l’œdème cornéen, les précipités kératiques et l’hyphéma.

Lors de lymphome, les hémorragies intra-oculaires résultent de différents mécanismes. Notamment, le lymphome oculaire et les tumeurs touchant l’uvée antérieure d’une manière générale sont très vascularisés (sécrétion de nombreux facteurs de croissance vasculaires, comme le TGFß [transforming growth factorsΒ]). Mais ces vaisseaux sanguins sont plus fragiles, donc plus susceptibles d’être à l’origine de phénomènes hémorragiques. L’infiltration de l’œil par les lymphocytes tumoraux est également responsable de lésions de thrombose, de vascularite et d’hypoxie. Les thrombocytopénies, les thrombocytopathies ou les anémies paranéoplasiques jouent elles aussi un rôle dans la genèse des lésions hémorragiques intra-oculaires [5, 7].

L’intérêt de notre cas clinique tient dans la présentation initiale du chien pour les seuls motifs de cécité brutale et d’hyphéma bilatéral, sans signes d’atteinte systémique. Dans la majorité des cas, la présence de symptômes oculaires lors de lymphome signe le stade avancé de la maladie (associé à des signes généraux). Dans l’étude de Krohne et coll., 78 % des chiens qui présentent des lésions oculaires se trouvent en phase de leucémie. Dans un autre essai, l’ensemble des chiens dont l’uvéite est associée à un lymphome présente des signes d’atteinte générale : adénopathie régionale ou généralisée, troubles digestifs, hépato- ou splénomégalie [9].

D’une manière générale, la présence de signes oculaires lors de lymphome est corrélée à une durée de survie plus courte. Par exemple, l’espérance de vie des chiens avec un lymphome intra-oculaire n’atteint que 60 à 70 % de celle des chiens sans atteinte oculaire et traités par un protocole incluant du cyclophosphamide, de la vincristine et de la prednisolone [7].

Une forme particulière de lymphome existe également. Il s’agit du lymphome intravasculaire (ou angio-endothéliomatose maligne) caractérisé par une prolifération des lymphocytes tumoraux dans la lumière et la paroi des vaisseaux sanguins, en l’absence d’une tumeur primaire extravasculaire ou d’une leucémie [3]. La majorité des animaux atteints sont présentés en consultation pour des signes neurologiques (le lymphome intravasculaire ayant une prédilection pour les tissus du système nerveux central) et l’issue de la maladie est fatale en quelques semaines. Néanmoins, des formes cliniques sont décrites où les animaux atteints ne présentent, en début d’évolution, que des symptômes oculaires, sans signes neurologiques ni atteinte de l’état général. À l’image du cas clinique ici rapporté, une chienne de 7 ans présentée pour une cécité brutale, un hyphéma et un décollement rétinien bilatéral, sans autres symptômes, est également décrite. Le diagnostic de lymphome intravasculaire ne sera effectué que 2 mois après l’apparition des premiers signes.

3. “Syndrome mascarade” : un piège pour le praticien

Notre cas clinique montre que le diagnostic d’un lymphome chez un animal présenté à la consultation pour des signes oculaires peut constituer un piège pour le praticien. Tout d’abord, parce que la présence d’une tumeur intra-oculaire est parfois masquée par des phénomènes inflammatoires (uvéite) ou hémorragiques (hyphéma) ou encore par une complication de glaucome. Les tumeurs intra-oculaires (primitives ou secondaires) doivent donc faire partie du diagnostic différentiel d’une hémorragie intra-oculaire spontanée. Ensuite, parce que, comme dans notre cas, et à l’inverse de ce qui est rapporté le plus souvent dans la littérature, l’anamnèse et l’examen clinique réalisé par le praticien peuvent ne révéler aucune atteinte générale antérieure ou concomitante aux signes oculaires. L’absence d’adénomégalie superficielle, classique lors de lymphome, ne nous a pas orientés, au départ, sur le diagnostic correct. Les lymphomes dont l’infiltration est limitée au foie ou à la rate, sans adénomégalie périphérique, sont en effet relativement rares et, pour la majorité d’entre eux, très agressifs (stade IV dans la classification des lymphomes) (tableau 3). Un type particulier de lymphome splénique, appelé « marginal zone lymphoma », se comportant comme une forme indolente de bas grade et offrant un bon pronostic après une splénectomie précoce et une monochimiothérapie adjuvante en phase postopératoire (doxorubicine) est décrit également [11].

Une expression empruntée à la médecine humaine pourrait être appliquée à de telles manifestations cliniques : le “syndrome mascarade” (“masquerade syndrome”) [6]. Elle est utilisée pour décrire des maladies cancéreuses se manifestant par des réactions inflammatoires péri- ou intra-oculaires (uvéite, iritis, vitrite). Chez l’homme, la cause la plus fréquente est le lymphome intra-oculaire primaire. Mais, dans ce groupe d’affections tumorales, des cas de lymphome systémique (et de leucémie aiguë) touchant l’œil par voie hématogène sont aussi retrouvés. Ces signes inflammatoires oculaires sont en quelque sorte « l’arbre qui cache la forêt » et constituent de vrais défis diagnostiques. Tout l’enjeu réside dans la rapidité avec laquelle le diagnostic exact est établi et le traitement adapté mis en place. Dans le cas rapporté, un examen échographique de l’abdomen aurait sans doute présenté un intérêt dès le départ (aspect de la rate, du foie et des nœuds lymphatiques abdominaux), mais ne nous a pas semblé indispensable car la palpation abdominale n’évoquait aucune anomalie de ces organes, avec un état général non altéré.

Une ponction d’humeur aqueuse aurait pu être effectuée afin de rechercher précocement des lymphocytes tumoraux. Mais, au moment où cet acte aurait dû intervenir dans la démarche diagnostique, l’échographie abdominale était déjà réalisée et l’hypothèse d’un processus tumoral abdominal largement privilégiée. C’est pourtant un examen simple avec peu de risques pour l’animal (rares lésions hémorragiques et/ou infectieuses) [2]. Son principal écueil vient de son manque de sensibilité. Plusieurs prélèvements sont parfois nécessaires pour déceler la présence de cellules tumorales [10]. En l’absence d’un examen nécropsique, la présence de cellules lymphomateuses dans l’humeur aqueuse aurait constitué la seule véritable preuve de lymphome oculaire secondaire.

Conclusion

Tumeur oculaire secondaire la plus fréquente chez le chien, le lymphome peut constituer un défi clinique pour le praticien. Même si cette hypothèse doit être envisagée face à toute hémorragie intra-oculaire spontanée, notre cas permet de rappeler que les symptômes généraux ne sont pas toujours présents en début d’évolution, ce qui peut retarder le diagnostic. L’examen cytologique réalisé sur une ponction d’humeur aqueuse s’avère alors un outil de choix dans le diagnostic précoce de cette affection. Dans la majorité des cas, la présence de signes oculaires chez un chien atteint de lymphome assombrit le pronostic en raison d’une réponse thérapeutique aux protocoles habituels de chimiothérapie décevante.

Références

  • 1. Bonagura JD, Twedt DC. Kirk’s current veterinary therapy. 14th ed. Saunders Elsevier. 2009:1156-1157.
  • 2. Cave T, Billson M. What is your diagnosis? Ocular lymphoma. J. Small Anim. Pract. 2003;44(12):523, 553-4.
  • 3. Cullen CL, Caswell JL, Grahn BH. Intravascular lymphoma presenting as bilateral panophthalmitis and retinal detachment in a dog. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2000;36(4):337-342.
  • 4. Gelatt KN. Veterinary ophthalmology. 4th ed. Blackwell Publishing. 2007;2:841-846.
  • 5. Komaromy AM, Brooks DE, Kallberg ME, Andrew SE, Ramsey DT, Ramsey CC. Hyphema, part I : pathophysiologic considerations, et : Hyphema part II : diagnosis and treatment. 1999. http://www.scribd.com/doc/23751989/Hyphema-Part-i http://www.scribd.com/doc/23752018/HYPHEMA-part-II-Diagnosis-and-Treatment
  • 6. Korfel A, Eckhard T, Bechrakis NE, Krause L. Masquerade syndrome. Dtsch Arztebl. 2007;104(8):A490-A495.
  • 7. Krohne SG, Henderson NM, Richardson RC, Vestre WA. Prevalence of ocular involvement in dogs with multicentric lymphoma: prospective evaluation of 94 cases. Vet. Comp. Ophthalmol. 1994;4:127-135.
  • 8. Leiva M, Naranjo C, Pena MT. Ocular signs of canine monocytic ehrlichiosis: a retrospective study in dogs from Barcelona, Spain. Vet. Ophthalmol. 2005;8(6):387-393.
  • 9. Massa KL, Gilger BC, Miller TL, Davidson MG. Causes of uveites in dogs: 102 cases (1989-2000). Vet. Ophthalmol. 2002;5(2):93-98.
  • 10. Olin DD. Examination of the aqueous humor as a diagnostic aid in anterior uveites. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1977;171:557-559.
  • 11. Stefanello D, Valenti P, Zini E et coll. Splenic marginal zone lymphoma in 5 dogs (2001-2008). J. Vet. Intern. Med. 2011;25:90-93.

Points forts

→ Un hyphéma a des causes multiples et très souvent extra-oculaires.

→ L’hyphéma peut être l’unique expression d’un lymphome malin d’origine interne.

→ Une exploration rigoureuse des causes de l’hyphéma, avec des examens complémentaires bien choisis, permet d’aboutir au bon diagnostic.

→ Le lymphome est la tumeur oculaire secondaire la plus fréquente chez le chien.

→ Lors de lymphome, la présence de signes oculaires indique un stade avancé.

→ Le “syndrome mascarade” désigne des maladies cancéreuses se manifestant par des réactions inflammatoires péri- ou intra-oculaires.

REMERCIEMENTS

aux docteurs Caroline Laprie et Julie Duboy (Laboratoire Vet-Histo à Marseille) pour le prêt des images.

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