Hernie périnéale bilatérale traitée par transposition de l’obturateur interne et autogreffe de fascia lata - Le Point Vétérinaire expert canin n° 315 du 01/05/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 315 du 01/05/2011

CHIRURGIE PÉRINÉALE

Cas clinique

Auteur(s) : Hadrien Ballet*, Mickaël Rabillard**

Fonctions :
*Service de chirurgie
CHUV de Nantes-Oniris
Atlanpôle, La Chantrerie
44307 Nantes
**Service de chirurgie
CHUV de Nantes-Oniris
Atlanpôle, La Chantrerie
44307 Nantes

La correction efficace de hernies périnéales chroniques avec des lésions associées repose sur une technique d’appoint spécifique.

Les petits chiens mâles entiers âgés atteints de constipation chronique présentent régulièrement des hernies périnéales qui finissent par être bilatérales. C’est le cas d’un bichon de 10 ans qui doit subir une intervention chirurgicale correctrice dont il convient de définir le protocole.

CAS CLINIQUE

1. Anamnèse

Un bichon mâle âgé de 10 ans pesant 4 kg est apporté en consultation de chirurgie pour une masse en région périnéale gauche. Cette masse, présente de façon intermittente depuis deux ans, est associée à une alternance d’épisodes de diarrhée et de constipation, sans vomissement, ni dysurie. Aucun autre antécédent médical n’est rapporté. L’animal, régulièrement vacciné et vermifugé, est castré depuis un an.

2. Examen général

L’animal est en bon état général. L’examen clinique révèle la présence d’une masse molle, fluctuante et volumineuse (5 cm de diamètre) en région périnéale gauche. Le reste de l’examen ne met aucune autre anomalie en évidence.

Une palpation transrectale révèle une hernie franche du diaphragme pelvien à gauche et une laxité à droite. Le rectum est dilaté et dévié à gauche. Les glandes anales sont normales.

3. Examens complémentaires

Un examen échographique abdominal permet de visualiser une vessie en position physiologique, une prostate de taille et d’aspect échographique normaux, et un côlon légèrement volumineux et rempli de fèces.

Un examen échographique périnéal met une masse anéchogène en évidence, avec du tissu échogène peu défini.

4. Bilan clinique

Un diagnostic de hernie périnéale gauche, compliquée d’une déviation et d’une dilatation rectale, est établi.

5. Traitement

Première procédure chirurgicale : temps abdominal et pexies

Le bilan sanguin préopératoire ne révèle aucune anomalie. L’animal est prémédiqué à l’aide de médétomidine à 5 µg/kg (Domitor®), de morphine à 0,1 mg/kg (Morphine Cooper®) et de diazépam à 0,25 mg/kg (Valium Roche®). L’induction est réalisée avec du propofol à 4 mg/kg (Rapinovet®) et l’anesthésie est entretenue à l’isoflurane 1,5 % (Forene®).

Un antibiotique, de la céphalosporine à 30 mg/kg (Rilexine®), ainsi qu’un anti-inflammatoire, du méloxicam à 4 mg/kg (Métacam®), sont administrés par voie intraveineuse en phase préopératoire. Une analgésie épidurale est effectuée en L7-S1 avec un mélange de morphine à 0,1 mg/kg (Morphine Cooper®) et de bupivacaïne à 1 mg/kg (Marcaine® 0,5 %).

Une cœliotomie parapénienne exploratrice permet de réaliser un bilan lésionnel relativement complet où l’ensemble des organes de la cavité abdominale sont inspectés. La vessie et la prostate sont en position physiologique et ne présentent aucune lésion. Le côlon occupe la majeure partie du côté gauche de l’abdomen et est fortement dilaté par des fèces de consistance ferme.

Le second temps consiste à pexier les différents organes se herniant le plus souvent (côlon, vessie, prostate). L’animal ayant été castré, les canaux déférents sont recherchés au niveau de l’anneau inguinal profond et amenés cranialement. Une colopexie incisionnelle est réalisée à la paroi abdominale gauche. Une traction craniale du côlon est d’abord réalisée pour effacer l’inflexion rectale. La paroi séromusculaire du côlon est incisée, sur sa face antimésentérique, dans le sens de la longueur. Juste en regard, la paroi abdominale gauche (péritoine et muscle transverse) est incisée dans son tiers moyen. La pexie est réalisée par un surjet simple entre ces deux plaies avec un fil monofilament résorbable (polydiaxonone 3/0, PDS®) : la berge dorsale de la plaie abdominale est suturée à la berge dorsale de la plaie colique, de même pour les deux berges ventrales. Les canaux sont ensuite tunnellisés dans le tiers ventral de la paroi abdominale : deux incisions perpendiculaires aux fibres du muscle transverse de l’abdomen sont pratiquées. Enfin, les canaux sont suturés à la paroi abdominale et sur eux-mêmes avec une légère traction craniale (PDS® 3/0). Une cystopexie est réalisée du côté droit de la paroi abdominale, à l’aide de points simples (PDS® 3/0).

La cavité abdominale est rincée avec une solution de NaCl 0,9 % tiédie (20 ml/kg), puis refermée de façon classique (Monosyn® 2/0). La masse périnéale gauche a disparu, ne laissant place qu’à un excès de peau. Le toucher rectal confirme le positionnement linéaire du rectum, ainsi qu’une meilleure tension de sa paroi.

Gestion entre les deux procédures chirurgicales

Quatre jours d’hospitalisation séparent les deux interventions. Dès le lendemain, le chien présente un bon état général avec une simple persistance du ténesme. Un traitement médical est instauré, avec une alimentation à faibles résidus et du lactulose administré matin et soir.

Une légère masse fluctuante, molle et réductible en région périnéale droite, est remarquée le troisième jour d’hospitalisation. Le toucher rectal confirme la présence d’une hernie périnéale droite sans lésion rectale palpable, susceptible notamment d’évoquer une rupture de pexie.

Seconde procédure chirurgicale : temps périnéal et herniorraphie

Le protocole anesthésique utilisé est le même que lors de la première intervention. La hernie du côté droit étant petite et récente, la transposition de l’obturateur est jugée suffisante pour réaliser la herniorraphie. En revanche, à gauche, la lésion est chronique et le déficit périnéal palpé est important : il pourrait s’accompagner d’une atteinte majeure des muscles de la fosse ischiorectale. De toutes façons, le déficit à combler par les lésions chroniques des muscles du diaphragme finirait par dépasser les capacités résiduelles du muscle obturateur interne. Il est donc décidé d’utiliser une greffe libre de fascia lata du postérieur gauche pour suppléer la transposition du muscle obturateur. Les régions périnéales droite et gauche, ainsi que le membre pelvien gauche sont préparés en même temps afin de permettre un basculement de l’animal au cours de l’intervention (c’est, selon nous, le protocole le plus confortable et rapide, avec le chien en bout de table). Une suture en bourse de l’anus est mise en place.

→ Prélèvement du fascia lata. Dans un premier temps, le chien est placé en décubitus latéral droit (photo 1). Un abord cranio-latéral du fémur gauche est réalisé. Après incision cutanée et dissection du tissu sous-cutané, le fascia lata est visualisé et dégagé sur l’ensemble de sa longueur. Il peut être représenté comme un triangle à base proximale et à sommet distal (figure 1). Les repères des incisions sont identifiés : proximalement, le muscle tenseur du fascia lata, cranialement, le muscle sartorius, caudalement, le muscle biceps fémoral. Le fascia lata est incisé sur ses deux feuillets, superficiel et profond, jusqu’au tiers distal du fémur. Des marges de 0,5 cm sont laissées cranialement et caudalement (photo 2). Le fascia lata est refermé par un surjet simple, avec un fil monofilament résorbable (polidiaxonone 3/0, PDS®), permettant de mieux répartir les tensions. Il est important de veiller à ne pas provoquer de hernie musculaire lors cette fermeture.

La greffe de fascia lata est placée entre des compresses humidifiées avec du NaCl à 0,9 % pour prévenir sa dessiccation jusqu’à son utilisation (photo 3).

→ Abord de la hernie périnéale. L’animal est placé en décubitus ventral, les membres postérieurs dans le vide. La peau est incisée sur 10 cm de la base de la queue, dorsalement, jusqu’en regard de la tubérosité ischiatique, ventralement. Le tissu sous-cutané est disséqué jusqu’à visualisation de la cavité ischiorectale. Cette fosse contient un sac herniaire constitué du tissu adipeux péritonéal, avec de nombreuses adhérences aux tissus graisseux du cul-de-sac rétro-pelvien, ainsi qu’aux tissus sous-cutanés. Le faisceau vasculo-nerveux honteux qui passe dorso-médialement au muscle obturateur doit être repéré. Généralement, le battement bien visible de l’artère rend cette localisation facile.

Les différents muscles présents au niveau de la fosse ischiorectale et ceux normalement constitutifs du diaphragme pelvien sont identifiés : les muscles sphincter anal externe, obturateur interne, releveur de l’anus et coccygien (ex-latéral) (photo 4) (figure 2). La hernie se situe entre le muscle sphincter anal externe et le muscle releveur de l’anus. Ce dernier est fortement endommagé, seule persiste sa partie craniale.

Le ligament sacrotubéral peut également être visualisé, si un renforcement supplémentaire est à prévoir (en l’incorporant dans la herniorraphie, avec le coccygien).

→ Transposition du muscle obturateur interne. Au niveau de chaque hernie, le muscle obturateur interne (MOI) est atrophié (beaucoup plus à gauche qu’à droite). Une élévation périostée de ce muscle est effectuée le long de son attache dorso-caudale au bord ischiatique, notamment latéralement et médialement. Il est important de conserver un maximum de périoste durant cette phase, cette structure étant un gage de solidité. C’est parfois très délicat, aussi le dépériostage du MOI peut être complété par la ténotomie de son tendon. Ce tendon s’insère sur la fosse trocantérienne, et sa section permet alors d’obtenir un lambeau musculaire plus long et évite que, pendant la déambulation, les mouvements du fémur ne provoquent une traction sur ce muscle, donc sur le site d’herniorraphie (attention au nerf sciatique). Cet obturateur est ensuite fixé latéralement au muscle coccygien et caudalement au muscle sphincter anal externe, à l’aide de points simples avec un fil monofilament résorbable (PDS®4/0). Un point est également placé entre l’obturateur et la partie restante du muscle releveur de l’anus. À droite, la transposition du muscle obturateur interne est suffisante pour assurer la herniorraphie. À gauche, le muscle obturateur est fortement affaibli et la herniorraphie ne peut être complétée avec cette technique.

→ Implantation de la greffe de fascia lata. Le fascia lata est implanté en cinq étapes par des points simples à l’aide d’un monofilament résorbable (PDS® 3/0).

– Étape 1. La base du triangle de la greffe (partie proximale) est attachée par quatre points simples au périoste du bord caudo-dorsal de l’ischium (photo 5).

– Étape 2. Le coin ventro-latéral de la base du triangle est fixé à la tubérosité ischiatique, le coin ventro-médial, au muscle ischio-urétral.

– Étape 3. Le bord cranial de la greffe est attaché au sphincter anal externe par quatre points simples.

– Étape 4. Quatre points sont mis en place dans le muscle coccygien afin que le fascia lata soit en tension (photo 6).

– Étape 5. Un dernier point est placé à travers la partie dorsale des muscles obturateur et releveur de l’anus. Ne pas trop serrer les sutures pour éviter toute nécrose ou lachâge des sutures, donc perte de tension du greffon.

→ Fermeture. Le tissu sous-cutané et la peau sont refermés de façon classique à l’aide d’un monofilament, respectivement, résorbable (poliglecaprone 25, 2/0, Monocryl®) et irrésorbable (polyamide 3/0, Ethylon®). Aucun drain n’est mis en place.

Soins postopératoires et suivi

En phase postopératoire, la douleur fait l’objet d’un suivi toutes les 4 heures et l’analgésie est gérée à la demande avec de la morphine (0,1 mg/kg, Morphine Cooper®). Des soins de la plaie sont réalisés de façon biquotidienne à l’aide de chlorhexidine diluée à 10 %.

Des antibiotiques (céphalosporine, 30 mg/kg/j, Thérios®) et des anti-inflammatoires (méloxicam, 4 mg/kg/j, Metacam®) sont administrés par voie orale respectivement durant 10 et 4 jours. Une préparation de paraffine (Laxatone®) est donnée durant 4 jours pour prévenir la constipation et le ténesme.

Dès le lendemain, le chien fait des selles sans aucun signe de douleur. La continence urinaire n’est pas modifiée. L’animal est rendu à ses propriétaires après 2 jours d’hospitalisation de plus. Aucune complication (ténesme, constipation, infection, récidive) n’est observée lors des suivis à 10 jours, 1 mois et 2 mois postopératoires.

DISCUSSION

1. Lésions

Le diaphragme pelvien qui sépare la cavité pelvienne de la fosse ischiorectale est normalement constitué des muscles coccygien et releveur de l’anus. La fosse ischiorectale est également délimitée médialement, par les muscles releveur de l’anus et sphincter anal externe, latéralement par les muscles coccygien, fessier superficiel et le ligament sacro-tubéreux, ventralement par l’ischium et dorsalement par les vertèbres caudales [1].

Le passage d’organes pelviens et/ou abdominaux dans la fosse ischiorectale à travers une brèche du diaphragme pelvien constitue une hernie périnéale. Dans le cas clinique, le rectum et la graisse rétropéritonéale font protrusion à travers le muscle releveur de l’anus. Ce dernier est le plus fréquemment atrophié [1].

2. Étiopathogénie

Le chien présenté dans ce cas est âgé, de petite race et castré uniquement depuis 12 mois. Ce profil illustre parfaitement les facteurs épidémiologiques classiquement retrouvés pour cette affection, mais aussi les interrogations persistantes sur sa pathogénie.

La hernie périnéale est une maladie principalement du chien mâle non castré et âgé de plus de 7 ans [1]. Certaines races sont prédisposées, dont le bichon ne fait pas partie [1, 2, 3]. L’étiopathogénie de cette affection reste à ce jour non élucidée.

La première cause mise en avant lors de hernie périnéale est un affaiblissement des muscles du diaphragme pelvien. Les divers mécanismes potentiellement responsables de cette fonte sont une atrophie musculaire neurogénique, sénile, physiologique chez les chiens à queue courte, une myopathie ou encore un déséquilibre hormonal [1, 6]. L’affection touchant presque exclusivement les mâles, de nombreuses hypothèses relatives aux variations des concentrations hormonales ont été suggérées. Néanmoins, aucune différence n’a jamais été révélée entre les concentrations d’androgènes (surtout la testostérone) et d’œstradiol chez des chiens atteints ou non d’une hernie périnéale [1, 6].

Une affection prostatique a été évoquée comme facteur favorisant ou contribuant à la survenue d’une telle hernie [1, 5]. En effet, le signalement des animaux présentant une hernie périnéale est similaire à celui de ceux atteints d’une hypertrophie prostatique. Cette maladie, typique du mâle non castré âgé, est responsable de ténesme et de constipation pouvant mener mécaniquement à un affaiblissement du diaphragme pelvien [5]. Par ailleurs, la prostate produit de la relaxine, hormone incriminée dans la pathogénie de la hernie périnéale. Une étude montre la présence d’une concentration significativement plus haute des récepteurs à relaxine dans les muscles du diaphragme pelvien des animaux atteints qui gardent un taux d’hormone normal [6]. Dans notre cas, le chien ne présente aucune hypertrophie prostatique susceptible d’être corrélée à une hypersécrétion et les récepteurs n’ont pas été évalués. Mais une hypertrophie bénigne, ayant rétrocédé avec l’ancienneté de la castration, a pu participer mécaniquement à l’affaiblissement irréversible du diaphragme périnéal.

3. Signes cliniques

Classiquement, la plupart des animaux atteints de hernie périnéale présentent une constipation, un ténesme, une dyschezie (douleur lors de défécation) associés à un gonflement ventro-latéral à l’anus, sans réelle dégradation de l’état général. Lors d’atteinte bilatérale, ce gonflement peut devenir ventral et l’anus avoir tendance à être projeté caudalement. Les signes urinaires sont présents soit lors d’atteinte intrinsèque des organes concernés (prostate, vessie, etc.) ou lorsque ces derniers sont passés dans la hernie (de la dysurie à l’anurie). Dans le cas d’une rétroflexion (engagement) vésicale avec anurie, la correction de la hernie est une urgence chirurgicale.

4. Diagnostic

Le diagnostic consiste autant à confirmer la présence d’une hernie périnéale qu’à déterminer son contenu et à évaluer les lésions associées. Dans notre cas, une palpation rectale et un examen échographique se sont révélés suffisants pour établir le diagnostic. La hernie semble être plus fréquemment constituée de la paroi rectale, de graisse pelvienne et rétro-péritonéale et d’un fluide inflammatoire séreux à séro-hémorragique [9]. Le toucher rectal est primordial car ce geste simple permet le diagnostic et une évaluation (au moins partielle) des lésions associées. L’échographie périnéale et abdominale apparaît comme l’examen complémentaire de choix pour évaluer le contenu de la hernie, vérifier la position abdominale de la vessie et évaluer la prostate. La radiographie apporte essentiellement des renseignements sur la position de la vessie. Le transit baryté permet d’évaluer certaines lésions rectales. Néanmoins, en cas de constipation, il convient d’attendre le lendemain pour que le produit de contraste atteigne le côlon et le rectum [1]. Des informations peuvent être obtenues de façon plus rapide par un lavement baryté. Il doit être réalisé au moins 12 heures avant l’intervention chirurgicale pour obtenir ensuite la vacuité rectale. Le risque de lésions traumatiques existe, notamment si la paroi a souffert chroniquement.

L’ensemble des examens suivants permet de préciser l’atteinte des différents organes :

– concernant le côlon et le rectum : une déviation, un saccule, une dilatation ou un diverticule rectal doivent être recherchés. Les efforts constants de défécation peuvent provoquer des lésions par étirement du nerf rectal caudal, menant à une incontinence fécale [1, , 3, 4] ;

– la prostate doit être évaluée par toucher rectal et/ou par échographie afin de détecter une hypertrophie bénigne, une prostatite, un kyste ou un abcès prostatiques et paraprostatiques, voire une néoplasie [1, 5] ;

– la vessie peut être présente dans la hernie en cas de rétroflexion. Le monitorage urinaire est alors une priorité de la prise en charge [1, 3] ;

– un éventuel étirement des structures vasculo-nerveuses vésicales est investigué, il peut provoquer une nécrose pariétale ou une incontinence [1].

5. Traitement

Planification opératoire

Une diète préalable de 24 heures doit être respectée. Lors de forte constipation, un lavement est effectué 12 heures avant l’intervention chirurgicale. La non-obstruction du bas appareil urinaire est vérifiée, par un simple sondage vésical dans un premier temps. Si ce dernier n’est pas réalisable, une cystocentèse échoguidée est requise. L’anurie due à une rétroflexion vésicale constitue une indication d’urgence chirurgicale. Le cas échéant, la correction d’une hyperkaliémie associée est indispensable.

Les animaux atteints de façon unilatérale, sans lésion digestive majeure ni lésion génito-urinaire associées, peuvent être traités par un unique temps périnéal [1, 9]. Lors de hernies périnéales bilatérales et/ou compliquées de lésions associées, un protocole opératoire en deux étapes (un temps abdominal suivi d’un temps périnéal) est à privilégier car il améliore le pronostic [3].

Bénéfices du temps abdominal

La colopexie permet de restaurer la forme linéaire du rectum et de réduire le diamètre rectal. L’accumulation de fèces et la tension excessive sur le diaphragme pelvien qu’elle provoque sont ainsi évitées [1, 3, 4]. Une traction craniale du côlon est souvent nécessaire afin d’atteindre ces objectifs. Sa force doit être parfaitement maîtrisée et dépend de chaque situation, l’objectif étant de retrouver autant que possible l’anatomie originelle (un assistant peut pratiquer un toucher rectal pendant la manœuvre). Sinon, le risque de récidive est plus important [1, 3, 4, 5]. Le ténesme et la pression du rectum peuvent provoquer une rupture de la herniorraphie et le passage d’organes abdominaux et/ou pelviens dans la hernie [4].

La déférentopexie stabilise le col vésical et la prostate, et améliore la fixation colique à travers le fascia coloprostatique. Mais elle n’empêche pas la rétroflexion vésicale [3, 4, 5]. Une anurie, la plupart du temps transitoire, lors de traction craniale trop importante représente une des complications de cette technique. La cystopexie doit être réalisée lorsque la vessie est herniée.

Dans le cas clinique ici relaté, seul le côlon présentait une atteinte. La colopexie a cependant été associée à une déférentopexie et à une cystopexie. Le premier intérêt de ces pexies, malgré l’absence de lésions spécifiques, est de prévenir un passage herniaire en cas de récidive. Toute cause de ténesme (complication postopératoire, hypertrophie prostatique, etc.) peut provoquer une rupture des ligaments supportant la vessie et le côlon, et entraîner une rétroflexion vésicale et/ou prostatique et un prolapsus rectal [4]. Le temps abdominal, même en l’absence de lésions associées, prévient ainsi des complications lors de récidives de la hernie [4]. Cela permet de libérer l’espace périnéal des viscères et de la graisse rétro-péritonéale. Les différents muscles du diaphragme pelvien et le faisceau vasculo-nerveux honteux sont plus facilement visualisés [3]. La herniorraphie est plus aisée et plus rapide à réaliser. Les risques de contamination et de lésions iatrogènes sont diminués [3].

Même si le temps périnéal peut être effectué immédiatement après le temps abdominal, espacer les deux interventions de plusieurs jours, comme dans le cas présenté, potentialise l’effet du temps abdominal dans la zone herniée. L’inflammation est réduite, la visualisation de la zone opératoire améliorée et l’intervention chirurgicale d’autant facilitée [1, 3].

Choix de la technique chirurgicale

Une grande variété de techniques chirurgicales permet de réaliser une herniorraphie. Dans notre cas, pour le traitement de la hernie périnéale la plus récente, une transposition du muscle obturateur interne a été utilisée. Idéalement, la procédure choisie doit allier une réalisation simple, une résistance suffisante pour prévenir les rechutes et un minimum de complications. Une herniorraphie par simple apposition des muscles du diaphragme pelvien induit souvent une tension excessive, d’autant plus dommageable que ces muscles présentent très fréquemment une atrophie marquée. Les risques de récidives (entre 10 et 45 %) et de complications (entre 6 et 61 %) étant importants, cette technique n’est pas recommandée [1, 2, 8]. La transposition du muscle obturateur interne est la méthode à utiliser en première intention [1, 3]. Les taux de récidives et de complications sont très variables selon les études, et dépendent, notamment, des procédures utilisées et des lésions associées. Les récidives peuvent être régulières (jusqu’à 35 %) et les complications sont fréquentes (jusqu’à 50 %) [1, 2]. Lors d’atrophie musculaire marquée et/ou d’une brèche importante dans le diaphragme pelvien, des techniques chirurgicales renforçant ou substituant le muscle obturateur sont à privilégier.

Intérêts de la greffe de fascia lata

Pour la gestion de la hernie la plus ancienne, une autre méthode que celle de la transposition du muscle obturateur interne est choisie en phase préopératoire. En effet, cette hernie est chronique et large, avec un contenu très volumineux, et la probabilité de défaillance du MOI est donc grande. L’intervention chirurgicale a confirmé son importance et le degré avancé d’amyotrophie. La herniorraphie ne peut pas être verrouillée par la simple transposition du muscle obturateur interne. Nous avons choisi la greffe de fascia lata comme technique adjuvante par anticipation car elle nous paraît suffisamment simple et rapide dans ce cas (il existe d’autres procédés, comme la transposition du fessier superficiel que nous employons plutôt si l’importance de la défaillance du MOI est découverte pendant l’intervention).

La greffe de fascia lata peut être utilisée en lieu et place de l’obturateur ou en renfort de celui-ci, lorsqu’il est trop faible ou trop petit pour combler une hernie très large. La superficie du fascia lata est proportionnelle à la taille de l’animal et permet de réparer des déficits importants même chez les grands chiens [2]. Son prélèvement sur la face latérale de la cuisse est facile à réaliser et relativement peu invasif (ce n’est pas du muscle) [2]. Le fait qu’il s’agit d’une autogreffe favorise sa bonne intégration aux tissus environnants, et minimise les risques d’infection, de rejets immunologiques ou bien de réactions de type corps étranger rencontrées avec les implants synthétiques [2, 7]. Ces implants synthétiques, ainsi que les implants naturels (sous-muqueuse de porc) sont utilisés de la même façon pour suppléer/remplacer le muscle obturateur [7, 8]. Les lambeaux musculaires permettent également de renforcer la transposition d’un muscle obturateur grêle (tableau) [1].

Soins postopératoires et complications

L’infection demeure une complication fréquente, due, le plus souvent, à une contamination fécale [1, 2, 3]. Des déhiscences de plaies peuvent être la conséquence de trop fortes tensions ou bien d’infections. Une restriction d’activité est imposée jusqu’au retrait des points et des soins locaux réguliers sont préférés à des pansements laissés à demeure plusieurs jours. Une lésion iatrogène du nerf honteux peut provoquer une incontinence fécale postopératoire (aggravant parfois considérablement une éventuelle incontinence préexistante, liée à l’étirement du nerf rectal) [1, 3]. Le nerf sciatique peut également être endommagé lors d’une dissection trop latérale du tendon obturateur ou par un enchâssement dans les sutures de la herniorraphie. Une bonne connaissance de l’anatomie régionale et une dissection minutieuse permettent d’éviter ces lésions nerveuses.

Un ténesme postopératoire (même temporaire) peut provoquer une tension excessive sur la reconstruction du diaphragme pelvien, favoriser la hernie des organes abdominaux non pexiés ou s’accompagner d’un prolapsus rectal. Les mesures préopératoires visant à faciliter le transit peuvent être prolongées, au moins jusqu’au retrait des points (utilisation de laxatifs [Laxatone®], analgésiques, anti-inflammatoires).

Les éventuelles récidives semblent dues davantage à une continuation de la détérioration des tissus périnéaux concernés qu’à une déficience chirurgicale. La pexie préventive des organes qui peuvent se hernier diminue le risque de rechute. Dans le cas décrit, le choix d’un traitement chirurgical en deux étapes et l’utilisation d’un renfort de fascia lata ont été motivés par la volonté de réduire les risques élevés de récidives et de complications propres à cette atteinte. La greffe de fascia lata peut également entraîner des complications particulières dont la plus fréquente est une boiterie de faible grade du membre postérieur. Généralement, celle-ci se résout dans les quelques jours postopératoires. La fermeture du fascia lata peut être difficile lorsqu’une large surface a été prélevée [2]. Le respect du protocole opératoire et le soin apporté aux marges de prélèvement sont cruciaux pour éviter cette complication. De plus, ce site chirurgical supplémentaire est exposé aux complications classiques d’une plaie (notamment une déhiscence et une surinfection).

Conclusion

Lors de hernies périnéales associées à des complications rectales et/ou génito-urinaires, un traitement chirurgical en deux étapes est indiqué. La technique standard de réparation du diaphragme pelvien est la transposition du muscle obturateur interne.

Néanmoins, lors de déficience du muscle obturateur interne ou bien de récidives de la hernie périnéale, il convient de recourir en première intention à une solution alternative, l’autogreffe de fascia lata, donnant, jusqu’à présent, de bons résultats dans cette indication (et dans d’autres comme une rupture du ligament croisé, une réparation de capsule articulaire). C’est une technique prometteuse, mais les taux de récidives et de complications doivent encore faire l’objet d’études complémentaires, afin de mieux recenser ses avantages et de préciser ses indications.

Références

  • 1. Bellenger CR, Canfield RB. Perineal hernia. In: Slatter DH, ed. Textbook of Small Animal Surgery. 2nd ed. WB Saunders Co, Philadelphia. 1993:471-482.
  • 2. Bongartz A, Carofiglio F, Balligand M et coll. Use of autogenous fascia lata for perineal herniorrhaphy in dogs. Vet. Surg. 2005;34:405-413.
  • 3. Brissot HN, Dupré GP, Bouvy BM. Use of laparotomy in a staged for approach for resolution of bilateral or complicated perineal hernia in 41 dogs. Vet. Surg. 2004;33:412-421.
  • 4. Gilley RS, Caywood DD, Lulich JP et coll. Treatment with a combined cystopexy-colopexy for dysuria and rectal prolape after bilateral perineal herniorrhaphy in a dog. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2003;222:1717-1721.
  • 5. Head LL, Francis DA. Mineralized paraprostatic cys as a potential contributing factor in the development of perineal hernias in a dog. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002;221(4):533-535.
  • 6. Merchav R, Feuermann Y, Shamay A et coll. Expression of relaxin receptor LRG7, canine relaxin, and relaxin-like factor in he pelvic diaphragm musculature of dogs with and without perineal hernia. Vet. Surg. 2005;34:476-481.
  • 7. Stoll MR, Cook JL, Pope ER et coll. The use of porcine small intestinal submucosa as a biomaterial for perineal herniorraphy in the dog. Vet. Surg. 2002;31:379-390.
  • 8. Szabo S, Wilkens B, Radasch RM. Use of polypropylene mesh in addition to internal obturator transposition: A review of 59 cases (2000-2004). J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2007;43:136-142.
  • 9. Tobias KM. Perineal hernia. In : Manual of Small Animal Soft Tissue Surgery. 1st ed. WB Saunders Co, Philadelphia. 2010:339-346.

Points forts

→ La hernie périnéale est essentiellement une maladie du chien mâle, âgé et non castré

→ La physiopathologie exacte de la hernie périnéale reste, à ce jour, non élucidée.

→ La correction de hernies périnéales (uni- ou bilatérales) compliquées requiert deux temps : abdominal puis périnéal.

→ Le temps abdominal traite les lésions associées et facilite la seconde phase.

→ Le temps périnéal classique réduit la hernie par reconstruction du diaphragme pelvien à l’aide de la transposition du muscle obturateur interne.

→ Lorsque l’obturateur interne est atrophié ou distendu, l’autogreffe de fascia lata est une technique alternative ou supplétive.

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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