Biopsies hépatiques : les objectifs - Le Point Vétérinaire expert canin n° 314 du 01/04/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 314 du 01/04/2011

CHIRURGIE HÉPATIQUE

Analyse d’article

Auteur(s) : Jean-Guillaume Grand

Fonctions : Clinique vétérinaire de la Plage
1, avenue Georges-Pompidou
13008 Marseille

La réalisation de biopsies hépatiques fait partie intégrante de la gestion des affections hépatobiliaires. Elles sont indiquées en présence d’une fonction hépatique anormale, d’anomalies biochimiques enzymatiques, d’une modification de la taille du foie à l’examen échographique, pour confirmer une suspicion de néoplasme ou établir un bilan d’extension.

OBTENIR DES ÉCHANTILLONS REPRÉSENTATIFS

Lors de la réalisation de biopsies, le volume de l’échantillon prélevé est fonction de l’instrument utilisé. Les biopsies à l’aiguille fine, les biopsies punchs et celles par laparoscopie sont restreintes à la quantité de tissu que la taille et le design de l’instrument permettent de prélever. Cela est reflété par les résultats présentés. Les échantillons pour lesquels le volume de tissu est contrôlé (ligature/fracture, scalpel harmonique) sont de plus grandes tailles (nombre de lobules et de triades hépatiques significativement supérieurs). Les biopsies à l’aiguille fine fournissent, en revanche, des prélèvements de faibles tailles, parfois non représentatifs de la maladie hépatobiliaire sous-jacente. Dans cet essai, 17 % des prélèvements réalisés au Tru-Cut® ne sont pas interprétables en raison d’un nombre d’espaces portes insuffisant. Six à huit espaces portes sont en effet nécessaires pour une interprétation histologique adéquate. Dans un autre essai sur 98 chiens et 26 chats, les prélèvements réalisés à l’aiguille de 18 G n’étaient pas en accord dans 48 % des cas avec le diagnostic histologique ultérieur fondé sur des biopsies chirurgicales [3]. Ce risque est néanmoins diminué lors de maladie hépatobiliaire diffuse. Si des méthodes alternatives sont disponibles, le recours à des biopsies chirurgicales ou par laparoscopie semble donc davantage indiqué (photo).

MINIMISER LE RISQUE HÉMORRAGIQUE

Une des complications relatives aux biopsies hépatiques est l’hémorragie qui, bien que rare, peut être fatale. Celle-ci est un élément majeur à prendre en compte dans la démarche diagnostique d’individus atteints d’une insuffisance hépatique pouvant provoquer des coagulopathies concomitantes. La réalisation d’une numération et d’une formule sanguines et des temps de coagulation est requise avant des biopsies hépatiques. Le temps de prothrombine (ou temps de Quick) et le taux de plaquettes préopératoires sont reconnus comme des éléments prédictifs du risque hémorragique [2].

Le volume des saignements apparaît significativement supérieur pour les biopsies périphériques au Tru-Cut®, les biopsies punchs et celles par laparoscopie. Dans ce dernier cas, l’importance des saignements a pu être minimisée par l’augmentation de la pression intra-abdominale (distension au CO2) nécessaire à la réalisation de la procédure. Les biopsies obtenues au scalpel harmonique et par ligature/fracture permettent de contrôler une hémorragie immédiate en présence ou non d’une coagulopathie, alors que, pour les autres méthodes, l’arrêt des saignements dépend de la qualité de l’hémostase naturelle. Dans cette étude, une augmentation du temps de thromboplastine partielle activée (APTT) est observée pour l’ensemble des 12 chiens, allant de 12,6 à 15,6 secondes (APTT normal entre 9 et 12 secondes). L’APTT évalue spécifiquement la voie intrinsèque de la coagulation. Dans le cas des biopsies au Tru-Cut®, des biopsies punchs et des biopsies par laparoscopie, convient-il pour autant d’imputer l’importance des saignements à un défaut potentiel d’hémostase ?

Bien que l’APTT soit significativement modifié pour certains chiens (valeur supérieure à 20 % par rapport aux normes usuelles), un effet potentiel sur les résultats reste peu probable car, d’une part, chaque animal est son propre contrôle et, d’autre part, les animaux dont l’APTT est prolongé ne saignent pas différemment des individus dont l’APTT se situe dans les valeurs usuelles. Ces résultats amènent également à constater que des temps de coagulation anormaux n’entraînent pas nécessairement des saignements cliniques. Cependant, si une coagulopathie est présente, le scalpel harmonique et la technique de “guillotine” apparaissent comme des méthodes plus sûres pour contrôler une hémorragie, a fortiori lors de prélèvement en région centrale. Pour des biopsies centrales, les saignements sont entre trois (scalpel harmonique) et dix (ligature/fracture) fois plus importants, par rapport aux biopsies périphériques. Les vaisseaux hépatiques ont en effet un calibre plus important en région centrale qu’à la périphérie du lobe hépatique. Le scalpel harmonique permet une préhension, une section et une coagulation (artères et veines atteignant jusqu’à 5 mm de diamètre) simultanées des tissus [6].

MINIMISER LES DOMMAGES COLLATÉRAUX

Les dommages collatéraux sur les échantillons prélevés surviennent avec toutes les techniques. Ils sont plus fréquents avec le scalpel harmonique, mais ils n’interfèrent pas avec l’interprétation histologique. Ces dommages collatéraux surviennent sur 1,3 mm en moyenne (jusqu’à 2,25 mm). À titre de comparaison, les dommages thermiques collatéraux sont de 0,9 mm pour les lasers à CO2, de 5 à 10 mm pour les monopolaires, de 8 mm pour les bipolaires et de 2 mm pour le LigaSure® [1, 4, 5, 7]. Compte tenu de ces données, l’obtention de prélèvements de grandes tailles (1 x 1 x 1 cm) est nécessaire avec le scalpel harmonique pour une interprétation adéquate des échantillons.

Les résultats de cet essai démontrent que toutes les méthodes évaluées produisent des hémorragies limitées sans conséquence clinique, même en présence de temps de coagulation augmentés. Leur interprétation doit néanmoins se réaliser à la lumière du nombre de triades portes, normalement retranscrites sur le rapport d’histopathologie. La quantité de tissu hépatique apparaît, en effet, insuffisante pour refléter le processus pathologique sous-jacent dans près de 17 % des prélèvements pratiqués à l’aiguille fine.

Références

  • 1. Berger N, Eeg P. Introduction to clinical application of laser energy in veterinary medical and surgical services. Vet. Laser. Surg. 2006; 10: 139-182.
  • 2. Bigge LA, Brown DJ, Penninck DG. Correlation between coagulation profile findings and bleeding complications after ultrasound-guided biopsies. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001; 37: 228-233.
  • 3. Cole TL, Center SA, Flood SN et coll. Diagnostic comparison of needle and wedge biopsy specimens of the liver in dogs and cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002; 220: 1483-1490.
  • 4. Hruby GW, Marruffo FC, Durak E et coll. Evaluation of surgical energy devices for vessel sealing and peripheral energy spread in a porcine model. J. Urol. 2007; 178: 2689-2693.
  • 5. Kennedy JS, Stranahan PL, Taylor KD et coll. High-burst-strength, feedback-controlled bipolar vessel sealing. Surg. Endosc. 1998; 12: 876-878.
  • 6. Royals SR, Ellison GW, Adin CA et coll. Use of an ultrasonically activated scalpel for splenectomy in 10 dogs with naturally occurring splenic disease. Vet. Surg. 2005; 34: 174-178.
  • 7. Shamiyeh A, Schrenk P, Tulipan L et coll. A new bipolar feedback-controlled sealing system for closure of the cystic duct and artery. Surg. Endosc. 2002; 16: 812-813.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

Comparer le volume des saignements, la taille des échantillons (nombre de lobules hépatiques et de triades portes) et les dommages collatéraux entre cinq méthodes de biopsie hépatique : biopsie punch, biopsie à l’aiguille fine (Tru-Cut®), biopsie par ligature/fracture, biopsie par laparoscopie et biopsie au scalpel harmonique (Harmonic System®).

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Douze chiens adultes sont inclus dans cette étude expérimentale. Des biopsies sont obtenues à la périphérie et au centre du lobe latéral gauche pour chaque chien en utilisant cinq méthodes de prélèvement. L’hémorragie est quantifiée et comparée entre les différents techniques et sites de biopsie. Les échantillons sont ensuite évalués histologiquement pour caractériser les dommages collatéraux, et déterminer le nombre de lobules et de triades portes.

RÉSULTATS

• Quelle que soit la technique employée, les hémorragies sont inférieures à 2 ml. Pour des biopsies périphériques, la ligature/fracture et le scalpel harmonique entraînent significativement moins de saignements que les autres méthodes. Pour des biopsies centrales, les hémorragies sont significativement moindres avec le scalpel harmonique, comparé aux autres procédures.

• Le nombre de lobules hépatiques et de triades portes est significativement plus important pour les échantillons prélevés au scalpel harmonique et par ligature/fracture ; 17 % des échantillons obtenus à l’aiguille fine ne sont pas interprétables.

• Les dommages collatéraux sont significativement plus élevés avec le scalpel harmonique, comparé aux autres méthodes, sans pour autant gêner l’interprétation histologique.

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