Shunts porto-systémiques : comment évaluer la réussite du traitement chirurgical ? - Le Point Vétérinaire expert canin n° 313 du 01/03/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 313 du 01/03/2011

CHIRURGIE HÉPATIQUE

Analyse d’article

Auteur(s) : Jean-Guillaume Grand

Fonctions : Clinique vétérinaire de la Plage
1, avenue Georges-Pompidou
13008 Marseille

Un shunt porto-systémique (SPS) se définit comme une communication vasculaire anormale (congénitale ou acquise) entre la circulation porte (ou un de ses constituants) et la circulation systémique. Différentes méthodes d’occlusion chirurgicale des shunts ont été rapportées : ligature complète ou partielle, fermeture progressive (anneau d’améroïde, bande de cellophane) et occlusion intravasculaire. Quelle que soit la technique chirurgicale employée, la problématique reste l’évaluation de la réussite du traitement à court et moyen termes.

SUIVI CLINIQUE, TEST DES ACIDES BILIAIRES, IMAGERIE MÉDICALE : QU’EN PENSER ?

Le suivi des animaux opérés pour un SPS congénital pose la délicate question de la fermeture ou non du shunt au cours du suivi. Une première approche de suspicion repose sur l’évaluation clinique de l’animal malade. Une atténuation, voire une disparition des signes cliniques (digestifs, neurologiques, urinaires), un gain de poids et de taille chez des animaux en croissance sont des éléments orientant vers une fermeture du shunt.

Si cette approche s’intéresse à l’essentiel (l’évolution clinique de l’animal), elle souffre néanmoins d’un manque d’éléments scientifiques, à l’heure de la médecine fondée sur les biens prouvés (evidence based medicine).

Une deuxième approche s’appuie sur les données biochimiques. Est-il possible de se fier aux paramètres biochimiques intégrés dans un “bilan foie” (protéines totales, albumine, ASAT [aspartate amino-transférase], ALAT [alanine amino-transférase] et PAL [phosphatase alcaline]) pour suspecter un SPS ? La lecture des résultats de cette étude montre, tout d’abord, que les valeurs de ces paramètres ne diffèrent pas entre des chiens sains et des chiens présentant un SPS. Cela confirme ainsi la faible sensibilité de chacun de ces paramètres pris isolément dans le diagnostic d’une hépatopathie secondaire à un SPS. De plus, les médianes avant et après traitement n’apparaissent pas significativement différentes, suggérant ainsi que ces paramètres ne peuvent être utilisés comme des marqueurs de la fermeture d’un shunt. Le test des acides biliaires, couramment employé comme méthode de suivi des shunts en phase postopératoire, présente l’inconvénient de ne pas toujours se normaliser, comme indiqué dans le présent essai, malgré une évolution clinique favorable. Une fluctuation des valeurs sanguines est également rapportée au cours du suivi. Cela peut être expliqué par un shunt résiduel ou une hypoplasie portale veineuse hépatique.

La troisième approche utilise différentes méthodes d’imagerie médicale : l’échographie abdominale, la résonance magnétique nucléaire, l’angioscanner [2, 4]. L’utilisation des deux dernières techniques est limitée par la nécessité d’une nouvelle anesthésie (souvent déclinée par les propriétaires lors d’une évolution clinique favorable). De plus, il convient de garder à l’esprit qu’une fermeture complète du shunt est rarement observée, même en présence de signes cliniques en faveur d’une évolution favorable. La mesure du volume hépatique par tomodensitométrie avant et après le traitement chirurgical vient d’être décrite comme un nouvel outil pour assister le clinicien dans la réponse à cette problématique [4]. Une augmentation significative du volume du foie est en effet rapportée en phase postopératoire, comparativement aux valeurs préopératoires. Cette étude souffre néanmoins de l’absence de validation histopathologique (régénération du parenchyme du foie ou accumulation de sang à la suite d’une augmentation de sa perfusion ?).

L’ACIDE HYALURONIQUE, UN NOUVEAU MARQUEUR À DISPOSITION

L’acide hyaluronique (AH) circulant est sécrété par les fibroblastes de différents tissus. De grandes quantités d’AH sont détectées chez l’homme dans le liquide synovial, le cordon ombilical et l’humeur vitrée de l’œil. Dans le foie, l’AH est sécrété principalement par les hépatocytes et 90 % sont rapidement éliminés du sang par les cellules endothéliales des sinusoïdes hépatiques [3]. Chez l’homme, des taux élevés d’AH sont identifiés lors de fibrose hépatique ou de cirrhose en raison d’une diminution de synthèse de l’AH et d’une réduction de l’élimination hépatique [5]. Des mécanismes physiopathologiques similaires pourraient expliquer les données obtenues dans la présente étude. Cependant, aucune des biopsies hépatiques disponibles ne révèle la présence d’une fibrose hépatique, suggérant ainsi que la chute des taux observée après l’occlusion chirurgicale du shunt est probablement liée à une augmentation de la circulation intrahépatique portale et de la fonction du foie.

UN MARQUEUR ADAPTABLE À TOUS LES MODÈLES DE SHUNTS

L’absence de chute du taux d’AH pour trois cas de la présente étude suggère que la mesure des taux sériques d’AH ne peut être utilisée lors de certaines affections hépatiques acquises (hépatite chronique, shunts porto-systémiques) ou congénitale (hypoplasie veineuse portale primaire) avec une fibrose concomitante. Lors de shunt acquis, la congestion veineuse portale diminue aussi l’élimination de l’AH par les cellules endothéliales des sinusoïdes hépatiques.

Conclusion

La mesure du taux sérique d’AH apparaît comme un nouvel outil intéressant dans le suivi postopératoire des SPS pour apprécier leur fermeture. Si ce paramètre présente une bonne sensibilité, sa spécificité reste néanmoins médiocre, les valeurs sériques étant influencées par la présence de nombreuses affections : fibrose hépatique, congestion veineuse portale sous-jacente (hypertension portale), arthrite rhumatoïde ou ostéoarthrose [1]. L’interprétation de valeurs élevées persistantes en phase post-opératoire doit amener le clinicien à exclure l’ensemble de ces maladies, sources de faux positifs.

Références

  • 1. Arican M, Carter SD, May C et coll. Hyaluronan in canine arthropathies. J. Comp. Pathol. 1994;111:185-195.
  • 2. Bruehschwein A, Foltin I, Flatz K et coll. Contrast-enhanced magnetic resonance angiography for diagnosis of portosystemic shunts in 10 dogs. Vet. Radiol. Ultrasound. 2010;51(2):116-121.
  • 3. Fraser JR, Alcorn D, Laurent TC, Robinson AD et coll. Uptake of circulating hyaluronic acid by the rat liver. Cellular localization in situ. Cell. Tissue Res.1985;242:505-510.
  • 4. Kummeling A, Vrakking DJ, Rothuizen J et coll. Hepatic volume measurements in dogs with extrahepatic congenital portosystemic shunts before and after surgical attenuation. J. Vet. Intern. Med. 2010;24(1):114-119.
  • 5. Oberti F, Valsesia E, Pilette C et coll. Noninvasive diagnosis of hepatic fibrosis or cirrhosis. Gastroenterology.1997;113:1609-1616.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

Comparer les taux d’acide hyaluronique (AH) entre des chiens présentant un shunt porto-systémique (SPS) et des chiens sains, et évaluer les changements après une occlusion chirurgicale du shunt.

MATÉRIEL ET METHODE

Vingt-neuf chiens présentant un SPS sont inclus dans cette étude rétrospective. Pour chacun, le diagnostic de SPS est réalisé sur la base des commémoratifs, des signes cliniques et d’un test des acides biliaires, et confirmé par un angioscanner (injection intraveineuse de 2 ml de iohexol en deux phases distinctes : artérielle puis portale). Seuls des SPS congénitaux sont inclus dans cette étude. Un prélèvement de sang veineux est réalisé chez les 29 chiens avant l’intervention, puis dans 17 et 7 cas, respectivement à 2 et 4 semaines postopératoires. Les taux d’AH sont comparés à ceux de 10 beagle adultes sains (groupe contrôle). Les prélèvements sont systématiquement effectués chez des chiens à jeun.

RÉSULTATS

• Le taux d’AH chez les chiens présentant un SPS congénital est significativement plus élevé que celui des chiens sains.

• Le taux d’AH est significativement plus élevé en phase préopératoire, comparé aux valeurs postopératoires. Une normalisation des taux d’AH (en rapport avec celui des chiens sains pris comme référentiel) est observée à 2 semaines postopératoires chez 14 des 17 chiens évalués (82 %). Aucune différence significative n’est observée entre les valeurs à 2 et 4 semaines postopératoires.

• La mesure des taux d’acides biliaires réalisée en parallèle est significativement plus élevée en phase préopératoire, comparativement à 2 et 4 semaines postopératoires, sans obtenir de normalisation des valeurs médianes.

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