Traitement des douleurs viscérales - Le Point Vétérinaire n° 310 du 01/11/2010
Le Point Vétérinaire n° 310 du 01/11/2010

ANALGÉSIE CANINE ET FÉLINE

Dossier

Auteur(s) : Thierry Poitte

Fonctions : Clinique vétérinaire
La Croix Michaud
17630 La Flotte
thierrypoitte@gmail.com

Une fois évaluée, la douleur viscérale doit être traitée car, sous sa forme aiguë, elle provoque des phénomènes hyperalgiques et, chronique, elle peut induire des troubles comportementaux.

La douleur abdominale doit être considérée comme à la fois un symptôme désagréable pour l’animal (à combattre par un traitement symptomatique) et l’expression d’un phénomène pathologique sous-jacent (à utiliser pour justifier le traitement étiologique).

Cet article traite uniquement de la prise en charge symptomatique de la douleur.

1 Douleurs viscérales aiguës

Morphiniques et coanalgésiques

→ Les médecins ont longtemps considéré que la prescription d’analgésiques et notamment de morphiniques faisait obstacle au diagnostic lors de syndrome abdominal aigu chez l’homme. De nombreuses études ont montré que non seulement il n’en était rien, mais que l’utilisation des morphiniques permettait un examen plus objectif et que le diagnostic étiologique de la douleur n’était pas retardé [14]. En outre, plus le traitement antalgique est précoce, plus il est efficace (tableau 1) [1].

Chez l’animal, il a été montré que les agonistes des récepteurs opioïdes κ (butorphanol) sont plus efficaces dans le soulagement des douleurs viscérales que les agonistes des autres récepteurs opioïdes µ et δ (morphine, buprénorphine) [4, 13]. Cependant, la présence d’un effet plafond et leur courte durée d’action rendent leur intérêt limité ; il convient de restreindre leur utilisation aux douleurs modérées.

Une étude a mis en évidence l’intérêt d’une dose de 0,4 mg/kg par voie intraveineuse de butorphanol pour contrôler rapidement (entre 15 et 30 minutes) une douleur viscérale provoquée expérimentalement [6]. Ces bons résultats semblent se retrouver lors de chirurgie de convenance, mais, compte tenu de la faible durée d’action analgésique du butorphanol (30 à 50 minutes), il est probable que l’effet sédatif prolongé vienne altérer la détection des signes de douleur [7].

Les morphiniques doivent être utilisés lors d’entérites sévères accompagnées d’un syndrome abdominal aigu. La buprénorphine est à préférer pour sa longue durée d’action (20 à 30 µg/kg par voie intramusculaire ou intraveineuse toutes les 6 à 8 heures) et la péthidine pour son action spasmolytique sur l’intestin (1 à 4 mg/kg par voie intramusculaire toutes les 3 heures) [3].

Les douleurs des pancréatites aiguës, réputées parmi les plus intenses, sont traitées en urgence par des bolus de fentanyl (2 à 4 µg/kg, durée d’action de 20 minutes) ou de morphine (titrée à effet : 0,1 mg/kg toutes les 15 minutes jusqu’à obtention d’un effet satisfaisant), suivis d’une perfusion continue à débit constant (CRI, pour constant rate infusion) de fentanyl à la dose de 1 à 3 µg/kg/h ou de morphine à 0,1 à 0,2 mg/kg/h.

Les CRI procurent une analgésie stable grâce à une concentration plasmatique constante, préviennent les accès paroxystiques et permettent d’associer des coanalgésiques pour optimiser la prise en charge multimodale de la douleur.

→ Les coanalgésiques sont des médicaments dont l’indication première n’est pas nécessairement l’analgésie, mais qui peuvent être utilisés à des fins antalgiques en association avec d’autres molécules dans certaines circonstances douloureuses, notamment lors de douleurs sévères (encadré).

Prenons pour exemple une perfusion de 2 ml/kg/h (besoins hydriques d’entretien). Selon le poids de l’animal et la durée de CRI souhaitée, une poche de 100, 250, 500 ou 1 000 ml est employée (tableau 2).

De la morphine ou du fentanyl sont administrés. Selon le type de douleur, le coanalgésique suivant est prescrit : de la kétamine en prévention des hyperalgésies, de la lidocaïne lors de douleurs intenses ou de la médétomidine contre les douleurs viscérales ou rebelles, peu utilisée en pratique car elle présente des effets sédatifs importants associés (tableau 3).

Selon les besoins d’hydratation de l’animal, d’autres fluides sont administrés séparément.

Le recours à une pompe à perfusion ou à un pousse-seringue est recommandé.

Si l’animal est déshydraté et que ses besoins sont de 5 ml/kg/h, il convient de diviser par 2,5 les volumes d’analgésiques et de retirer de la poche le volume du mélange (tableau 4).

La durée d’utilisation des poches est alors modifiée (tableau 5).

Chez l’homme, les morphiniques sont décrits comme pouvant majorer un iléus (souvent préexistant lors de pancréatite) et augmenter la pression dans les voies biliaires par action sur le tonus du sphincter d’Oddi, ce qui rend leur prescription parfois controversée. Cela n’a pas été rapporté chez les carnivores domestiques, à notre connaissance.

Des différences anatomiques (l’abouchement des voies biliaires et pancréatiques partiellement indépendant chez le chien) et le rapport bénéfices/risques largement favorable plaident pour leur utilisation dans la maîtrise de ces douleurs invalidantes.

→ Cette prise en charge optimale doit aussi être mise en œuvre dans le cadre des douleurs cancéreuses.

Ces dernières sont des douleurs dues à un excès de nociception (somatique ou viscérale) par le développement tissulaire de la tumeur, mais aussi potentiellement des douleurs neuropathiques à la suite de lésions de désafférentation par compression ou invasion nerveuse de la maladie cancéreuse.

Après les métastases osseuses, la douleur viscérale est la deuxième cause de douleur cancéreuse.

Les viscères creux peuvent faire l’objet de rétrécissement ou d’obstruction (œsophage, estomac, intestin, voies biliaires, côlon, rectum, etc.) par la tumeur primitive, sa récidive ou une métastase.

Des effets de masse intraparenchymateux (foie, pancréas, reins, etc.) atteignent les viscères pleins et engendrent d’importantes douleurs par sollicitation des nocicepteurs de leurs capsules.

Enfin, les ulcérations des adénocarcinomes et les nécroses de tissus environnants par un mécanisme enzymatique et une libération de substances algogènes (pancréas) complètent ce tableau algique.

La douleur cancéreuse est caractérisée par une souffrance de fond stable dans la durée et persistante dans le temps. Des pics algiques imprévisibles peuvent occasionner des accès paroxystiques particulièrement violents, donc redevables des techniques d’analgésie par CRI.

Antispasmodiques

Les antispasmodiques sont efficaces pour lever les spasmes intestinaux et lutter contre les douleurs abdominales, mais il existe un risque important d’atonie digestive à moyen terme, donc d’accumulation de gaz et de distension, sources à terme de douleurs.

Les neurotropes anticholinergiques (bromure de prifinium : Prifinial®, 1 mg/kg par voie sous-cutanée une ou deux fois par jour ; ou hyocine et noramidopyrine : Estocelan®, 0,5 à 1 mg/kg par voie intramusculaire ou intraveineuse une fois par jour) agissent sur la transmission nerveuse et sont à l’origine d’effets secondaires (iléus, mydriase, tachycardie, etc.) si leur utilisation est prolongée.

Il convient de leur préférer les musculotropes et les inhibiteurs des phosphodiestérases qui agissent sur les fibres musculaires (phloroglucinol : Spasmoglucinol®, 2 mg/kg par voie orale ou intramusculaire ; ou tiémonium : Viscéralgine®(1), 1 mg/kg par voie orale, intramusculaire ou intraveineuse lente).

Antisécrétoires et pansements digestifs

En neutralisant l’acidité gastrique, en inhibant l’activité peptidique et en formant à la surface de la muqueuse une pellicule protectrice, les antisécrétoires et pansements digestifs limitent l’inflammation et l’action de stimuli chimiques indispensables à l’installation de la douleur viscérale.

Dans le cadre des douleurs viscérales aiguës, les formes injectables des inhibiteurs des récepteurs H2 à l’histamine sont à privilégier (ranitidine : Azantac®(1), 2 mg/kg par voie intraveineuse chez le chien et le chat).

Les inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole : Mopral®(1), 0,7 mg/kg par voie orale une fois par jour) agissent après distribution dans l’organisme. Les protecteurs de la muqueuse digestive (sucralfate : Ulcar®(1), 0,5 à 1 g par voie orale deux ou trois fois par jour chez le chien, 0,25 g par voie orale deux ou trois fois par jour chez le chat) recouvrent les ulcérations par une action topique. Ils peuvent être administrés le cas échéant par l’intermédiaire d’une sonde naso-œsophagienne ou œsophagienne.

Antagonistes des récepteurs NK1

La substance P, neuropeptide de la famille des tachykinines, est un neurotransmetteur impliqué dans la régulation des troubles de l’humeur, de l’anxiété, des nausées et de la douleur. Elle est libérée au niveau périphérique par le réflexe d’axone et participe à l’installation de l’hyperalgésie secondaire, étendant la douleur aux tissus environnants. Elle se fixe sur des récepteurs spécifiques NK1 et peut être considérée comme une cible thérapeutique idéale antidouleur.

Les antagonistes sélectifs des récepteurs NK1 de la substance P ont un effet antiémétique. L’aprépitant a été la première molécule de la famille des pitants à être commercialisée dans la prévention des nausées et des vomissements provoqués par une chimiothérapie émétisante. Des études expérimentales chez l’animal ont démontré une action analgésique. Le maropitant (Cerenia®, 1 mg/kg par voie sous-cutanée) participe à la prise en charge de la douleur viscérale en supprimant l’inconfort des états nauséeux et des vomissements répétés. Par son mode d’action, il est vraisemblable qu’il agisse aussi directement sur les voies de la nociception. Des études cliniques sont en cours pour vérifier cette hypothèse.

2 Douleurs viscérales chroniques

Morphiniques

Les morphiniques sont largement utilisés en phase postopératoire de la chirurgie digestive. Leurs effets secondaires, notamment ceux liés à la détérioration du transit, contre-indiquent leur prescription en pathologie digestive chronique. Cependant, une présentation récente dénommée Targinact®(1) associe, sans faire diminuer l’efficacité analgésique, l’oxycodone (opioïde fort agoniste µ, δ et κ ) à la naloxone (antagoniste opioïde qui neutralise la constipation induite par les opioïdes en se fixant préférentiellement sur les récepteurs périphériques du tube digestif). Une autre solution consiste à recourir à un morphinique faible comme le tramadol, qui présente moins d’effets indésirables digestifs.

Corticoïdes

Les corticoïdes constituent le traitement de référence des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI). Les connaissances étiopathogéniques des MICI ont permis de relier l’hypersensibilité aux antigènes à l’hypersensibilité aux stimuli mécaniques et chimiques, cause majeure de douleurs viscérales.

Les propriétés anti-inflammatoires des corticoïdes leur confèrent une action certaine sur la douleur, sans pour autant qu’ils soient considérés comme des antalgiques purs.

Musculotropes et spasmogènes

Des perturbations de la motricité intestinale sont également associées à des modifications de la sensibilité viscérale dans le syndrome de l’intestin irritable (SII).

Le stress induit par l’environnement immédiat du chien ou du chat (cohabitation interespèces, mauvaise position hiérarchique, etc.) et certains troubles du comportement (anxiété de séparation, dépression d’involution, dépression des arthrosiques chroniques insuffisamment traités, etc.) sont des éléments déterminants dans l’apparition du SII.

Le traitement antalgique fait appel aux spasmolytiques musculotropes (tiémonium : Spasmodol®, 4 mg/kg/j en deux prises ; mébévérine : Duspatalin®(1), 0,6 mg/kg par voie orale toutes les 8 heures ; fénovérine : Spasmopriv®(1)). Le lopéramide est un spasmogène à activités antisécrétoire et stimulante des contractions segmentaires. Il permettrait de normaliser la sensibilité viscérale par l’intermédiaire des nerfs périphériques. Dénué d’effet sédatif (pas de passage de la barrière hémato-méningée), il est à utiliser sur de courtes périodes pour éviter les proliférations bactériennes (0,1 mg/kg par voie orale trois ou quatre fois par jour).

Antagonistes des récepteurs sérotoninergiques 5HT

La sérotonine (5HT), un des neurotransmetteurs principaux du système nerveux, est impliquée à tous les niveaux des voies de transmission et de contrôle de la douleur. À la périphérie, au niveau de la lésion tissulaire initiale, elle est libérée par les plaquettes sanguines et participe à la réaction inflammatoire locale.

L’activation des récepteurs 5HT3 induit des vomissements, augmente l’activité motrice et sécrétoire, et, enfin, accroît la sensibilité des neurones viscéraux afférents (hyperalgie).

L’activation des récepteurs 5HT4 facilite les processus de mémorisation et d’apprentissage, et stimule la sécrétion de sAPP , une protéine soluble possédant des activités neuroprotectrices et neurotrophiques.

Les antagonistes des récepteurs 5HT3(par exemple, alosétron : Lotronex®(1))sont très utilisés dans le contrôle des vomissements induits par les traitements cytotoxiques (chimiothérapie) ou la radiothérapie. Ils diminuent la perception de la douleur et accroissent la capacité du côlon à s’adapter à la distension luminale [19].

Les agonistes des récepteurs 5HT4 (tegaserod : Zelnorm®(1)) présentent des effets analgésiques comparables avec des effets secondaires moindres.

Antidépresseurs tricycliques

Les antidépresseurs tricycliques inhibent la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline dans les voies modulatrices descendantes, renforçant ainsi les voies inhibitrices descendantes.

Leurs effets secondaires peuvent être assez importants : effets cardiovasculaires (tachycardie, diminution de la conduction, etc.), hypotension orthostatique, effets anticholinergiques (mydriase, bouche sèche, rétention urinaire, constipation), sédation.

Les antidépresseurs tricycliques peuvent être utilisés dans le traitement des douleurs chroniques viscérales des SII car ils ont :

– une action directe sur les voies inhibitrices descendantes ;

– un effet positif sur les crampes et la douleur abdominale ;

– une action anxiolytique et antidépressive prenant en compte la dimension émotionnelle des SII.

Ce sont, par exemple, l’amitriptyline (Laroxyl®(1), 1 à 2 mg/kg une ou deux fois par jour) et la clomipramine (Clomicalm®, 1 à 2 mg/kg deux ou trois fois par jour chez le chien, 0,3 à 0,5 mg chez le chat).

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Les cyclo-oxygénases COX-2 sont très souvent surexprimées dans certains cancers tels les tumeurs colorectales et les adénocarcinomes transitionnels de la vessie. Le piroxicam a montré une efficacité antitumorale sur les carcinomes vésicaux à cellules transitionnelles à la dose de 0,3 mg/kg/j. Récemment, de nouvelles études semblent confirmer l’intérêt du firocoxib (Previcox®, 5 mg/kg/j) dans le traitement des carcinomes vésicaux et prostatiques.

Ces résultats encourageants ne doivent pas faire oublier les précautions d’usage concernant la toxicité digestive ulcérative des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). L’effet bénéfique des AINS sur la composante viscérale des douleurs cancéreuses repose sur :

– une triple action analgésique, anti-inflammatoire et antipyrétique ;

– une réduction du volume tumoral.

Antagonistes des PAR-2

Les PAR (protease-activated receptors) sont des récepteurs activés par des protéases. Ils sont couplés aux protéines G et quatre d’entre eux ont été clonés, jusqu’à présent.

La distribution étendue des PAR sur l’estomac, l’intestin, le côlon et le pancréas suggère qu’ils sont impliqués dans un nombre important de processus physiologiques ou physiopathologiques affectant le tractus digestif. Ainsi, l’activation de PAR-2 sur les neurones sensitifs du pancréas provoque celle des fibres nociceptives terminales de la moelle épinière et le relargage de la substance P [5]. La douleur est l’un des symptômes observés chez les animaux atteints de pancréatite et cela suggère que la transmission de signaux de douleur au système nerveux central peut être déclenchée par l’activation viscérale de PAR-2.

L’hypersensibilité viscérale retrouvée dans les SII est elle aussi à relier à l’activation des PAR-2. Une étude récente a montré une corrélation entre la libération de tryptase et d’histamine par des mastocytes se trouvant près des fibres nerveuses entériques et la sévérité des symptômes de douleur des individus atteints de SII [2]. Sur ce fondement, la tryptase peut être proposée comme l’activateur de PAR-2 dans le développement de la maladie et pourrait servir de cible thérapeutique.

Le potentiel thérapeutique des antagonistes des PAR-2 est une voie de recherche prometteuse, mais dépend de la gravité des effets secondaires provoqués par le blocage des PAR-2 qui ne sont pas situés sur des nocicepteurs.

Probiotiques

Selon la définition du comité d’experts réuni par la Food and Agriculture Organisation (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les probiotiques sont des micro-organismes vivants qui, administrés en quantités adéquates, exercent une action bénéfique sur la santé de l’hôte. Il s’agit de bactéries ou de levures, ajoutées à certains produits alimentaires ou employées dans la fabrication de compléments alimentaires.

Des études menées chez l’homme et l’animal ont montré que certaines souches de probiotiques favorisent la multiplication de bactéries bénéfiques de la microflore intestinale (lactobacilles, eubactéries, bifidobactéries, entérocoques) et inhibent la prolifération d’autres bactéries potentiellement nuisibles : entérobactéries, clostridies, staphylocoques, Veillonella, Proteus spp., Pseudomonas aeruginosa.

Dans un modèle expérimental d’inflammation colique, l’administration de différents probiotiques a démontré des propriétés immunomodulatrices et anti-inflammatoires restaurant la balance des cytokines vers un statut anti-inflammatoire. Par conséquent, les probiotiques peuvent, en théorie, inverser plusieurs des processus impliqués dans l’initiation et la perturbation de l’hypersensibilité viscérale par une interaction avec le système immunitaire. L’équipe de Pierre Desreumaux, de l’unité Inserm 795 (Lille), a montré que l’administration quotidienne orale d’une souche de Lactobacillus acidophilus à des rats induisait, dans les cellules épithéliales coliques, l’expression des récepteurs opioïdes µ et cannabinoïdes CB2. La diminution du seuil de douleur dans le côlon s’est révélée équivalente à celle procurée par la morphine, antalgique majeur administré par voie sous-cutanée à la dose de 1 mg/kg.

L’effet antidouleur, dépendant de la dose de probiotiques administrée, survient au bout d’une dizaine de jours de traitement et se maintient tant que le probiotique est ingéré [11].

Des travaux ont mis en évidence qu’un traitement oral par Lactobacillus farciminis réduisait la sévérité d’une colite expérimentale chez le rat, ainsi que l’hyperalgésie viscérale associée à l’inflammation colique par une implication du NO délivré par cette souche [9].

Enfin, d’autres études ont montré l’intérêt de certaines souches de probiotiques dans la réduction des scores de douleur abdominale et de ballonnement des SII.

L’action analgésique apparaît après une administration de 14 jours et repose sur une action sur les récepteurs PPAR (peroxisome proliferator activated receptor) présents dans le cytoplasme des cellules épithéliales du tube digestif : la stimulation de récepteurs nucléaires PPAR-α freine la production de certaines cytokines pro-inflammatoires [8, 10].

Très récemment (mai 2010) et grâce à des modèles expérimentaux (hypersensibilité colique provoquée par des lavements de butyrate), une équipe de chercheurs a évalué l’efficacité de Sacharomyces cerevisiæ sur la perception de la douleur viscérale (évaluation par distension colorectale) [11]. L’amélioration obtenue après 15 jours d’administration orale a été comparable à celle procurée par une injection de morphine (1 mg/kg) ou par le fénofibrate (300 mg/kg/j), agoniste des récepteurs PPAR-α. L’analgésie viscérale de Sacharomyces cerevisiæ serait associée à l’activation de ces récepteurs PPAR-α, dont l’implication dans la régulation des douleurs viscérales est mal connue. Sachant qu’il existe plusieurs centaines de probiotiques différents, et que tous n’ont pas la même capacité à induire une réponse antidouleur, une meilleure connaissance de leur rôle et la mise en place d’essais cliniques devraient permettre de sélectionner de manière ciblée ces micro-organismes, en vue de leur utilisation optimale sur la douleur.

Conclusion

Physiopathologie et approche thérapeutique sont deux domaines de l’analgésie viscérale encore imparfaitement connus et maîtrisés.

D’évaluation difficile, les douleurs viscérales sont source d’hyperalgésies cutanée, musculaire et viscérale vraie. Dans un contexte aigu, elles peuvent gêner le diagnostic et occasionner de fortes complications. Chez l’homme, lorsqu’elles deviennent chroniques, elles sont à l’origine de graves répercussions émotionnelles et psychologiques. Il est probable qu’elles induisent aussi des troubles comportementaux (anxiété, dépression ou encore agressions) chez les animaux de compagnie.

La prise en charge de ces douleurs complexes n’en est que plus justifiée.

(1) Médicament humain.

Références

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  • 3. Dobromylskyj P, Flecknell PA, Lascelles BD, Pascoe PJ, Taylor P, Watermann-Pearson A. Management of postoperative and other acute pain. In: Flecknell PA, Watermann-Pearson A, eds. Pain Management in Animals. WB Saunders. 2000: 81-145.
  • 4. Friese N, Chevalier E, Angel F, Pascaud X, Junien JL, Dahl SG et coll. Reversal by kappa-agonists of peritoneal irritation induced ileus and visceral pain in rats. Life Sci. 1997; 60: 625-634.
  • 5. Hoogerwerf WA, Zou L, Shenoy M, Sun D, Micci MA, Lee-Hellmich H et coll. The proteinase-activated receptor 2 is involved in nociception. J. Neurosci. 2001; 21: 9036-9042.
  • 6. Houghton KJ, Rech RH, Sawer DC, Durham RA, Adams T, Langham MA, Striler EL. Dose-response of intravenous butorphanol to increase visceral nociceptive threshold in dogs. Proc. Soc. Exp. Biol. Med. 1991; 197(3): 290-296.
  • 7. Inoue T, Ko JC, Mandsager RE, Payton ME, Galloway DS, Lange DN. Efficacy and safety of preoperative etodolac and butorphanol administration in dogs undergoing ovariohysterectomy. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2006; 42(3): 178-188.
  • 8. Khan NA. Inflammation et immunité: implications dans l’obésité et le diabète de type 2. Lipides et inflammations. OCL. 2006; 5(13): 343-351.
  • 9. Lamine F, Fioramonti J, Bueno L, Nepveu F, Cauquil E, Lobysheva I, Eutamene H, Theodorou V. Nitric oxide released by Lactobacillus farciminis improves TNBS induced colitis in rats. Scand. J. Gastroenterol. 2004; 39: 37-45.
  • 10. Penner R, Fedorak RN, Madsen KL. Probiotics and nutraceuticals: non-medicinal treatments of gastrointestinal diseases. Curr. Opin. Pharmacol. 2005; 5: 596-603.
  • 11. Rousseaux C et coll. Les probiotiques: un nouveau traitement pour les douleurs intestinales Nat. Med. 2007; 13: 35-37.
  • 12. Rousseaux C, Bouguen G, Dubuquoy C, Dubuquoy L, Vandekerckove P, Desreumaux P. Sacharomyces cerevisiae: Decreases intestinal pain through PPAR alpha activation in the gut; Presented at Digestive Disease Week May 1-5, 2010, Ernest N. Moriel Convention Center, New Orleans, LA.
  • 13. Sengupta JN, Su X, Gebhart GF. Kappa, but not mu or delta, opioids attenuate responses to distention of afferent fibers innervating the rat colon. Gastroenterology. 1996; 111: 968-980.
  • 14. Zoltie N, Cust MP. Analgesia in the acute abdomen. Ann. R. Coll. Surg. Engl. 1986; 68: 209-210.

ENCADRÉ
Coanalgésiques des morphiniques

→ La kétamine administrée à des doses subanesthésiques en perfusion continue intraveineuse (0,2 à 0,6 mg/kg/h) possède une action analgésique liée à son activité antagoniste des récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate). Le NMDA est un analogue de l’acide aminé excitateur glutamate (principal système excitateur des mammifères), au niveau des interneurones de la corne postérieure de la moelle épinière. La kétamine est utilisée avec profit pour lutter contre le développement d’une hyperalgésie (cutanée et viscéro-viscérale) accompagnant les douleurs viscérales.

→ La lidocaïne (perfusion continue intraveineuse de 2 à 3 mg/kg/h) possède une action analgésique par voie systémique.

→ La médétomidine (perfusion continue intraveineuse de 1 à 2 µg/kg/h) est employée chez les animaux stables sur le plan hémodynamique et contribue à la prise en charge des douleurs viscérales par ses actions analgésiques à très faibles doses, et ses effets sédatifs et anxiolytiques. Ils modulent la libération de la substance P, du CGRP (calcitonin gene related peptide) et d’autres neurotransmetteurs. Les agonistes des récepteurs α2-adrénergiques ont montré ainsi une efficacité certaine sur les douleurs viscérales, particulièrement en présence d’une hypersensibilisation.

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