L’azotémie induite par une hypothyroïdie iatrogène diminue la survie - Le Point Vétérinaire expert canin n° 310 du 01/11/2010
Le Point Vétérinaire expert canin n° 310 du 01/11/2010

ENDOCRINOLOGIE FÉLINE

Analyse d’articles

Auteur(s) : Mathieu Faucher

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

L’hyperthyroïdie féline est l’endocrinopathie la plus fréquemment diagnostiquée chez le chat âgé. Elle est associée à une augmentation du débit de filtration glomérulaire (DFG) qui peut masquer une maladie rénale chronique (MRC) concomitante. Une baisse du DFG accompagne systématiquement le traitement de l’hyperthyroïdie (HT) et la restauration de l’euthyroïdie (eT) [1]. Si une MRC est présente, elle peut alors devenir clinique et aboutir au développement d’une azotémie. La question est de savoir si une hypothyroïdie (hT) iatrogène c’est-à-dire une surcorrection de l’HT peut constituer un risque accru de développer une azotémie et avoir un impact sur la survie.

DOSAGE ET SUIVI DE LA TSH

La TSH est dosée en utilisant un kit destiné au dosage de la TSH canine et déjà évalué chez le chat [9].

L’intervalle de référence utilisé dans cette étude (inférieur à 0,03 à 0,15 ng/ml) provient d’une étude précédente sur 90 chats gériatriques à fonction thyroïdienne normale [10].

Lors d’HT, la sécrétion de TSH est inhibée : sa valeur est inférieure à la limite de quantification (0,03 ng/ml) chez tous les chats testés dans une étude [9]. La première partie de cette étude a pour objectif de déterminer la durée de cette inhibition après le traitement de l’HT à l’I131. Les 10 chats diagnostiqués hT ont une TSH augmentée (supérieure à 0,15 ng/ml) entre 3 et 6 mois après le traitement. Dans la seconde étude, les contrôles effectués au moins 6 mois après le début du traitement ont donc lieu suffisamment tard pour détecter une augmentation de la TSH.

DIAGNOSTIC DE L’HYPOTHYROÏDIE

Le diagnostic de l’hT repose ici sur la détection d’une T4 basse et d’une TSH augmentée. Cette approche a probablement été choisie en raison de la nature rétrospective de cette étude. Chez le chien, ces anomalies sont spécifiques d’une hT mais manquent de sensibilité : 20 à 40 % des chiens hT ont une TSH dans l’intervalle des valeurs usuelles [4]. Cette approche n’a pas encore été étudiée de manière extensive chez le chat, mais si un manque de sensibilité existe également dans cette espèce, cela aurait pu conduire à une sous-estimation du nombre d’hT dans cette étude.

Dans une autre étude, le diagnostic d’hT chez le chat a été établi après détection d’une T4 basse et d’une absence de stimulation par la TSH recombinante humaine [8]. Cette approche a déjà été validée chez le chien hT et a été utilisée chez le chat après traitement à l’I131 et non pas traité par des antithyroïdiens [2, 8].

EFFET DE L’HYPOTHYROÏDIE SUR LA FONCTION RÉNALE

Chez le chien, l’hT est associée à un DFG abaissé [5]. Chez le chat, le traitement de l’HT s’accompagne d’une diminution du DFG qui peut conduire au développement d’une azotémie si une MRC sous-jacente est présente [1].

Dans cette étude, les chats azotémiques sont significativement plus nombreux dans le groupe hT que dans le groupe eT, et la créatininémie des chats hT est significativement plus élevée que celle des chats eT. Cela peut signifier que la baisse du DFG est plus prononcée chez les chats hT, rendant plus probable le développement d’une azotémie dans ce groupe.

La fonction rénale est ici estimée par la créatininémie. Chez le chien, il est montré que la production endogène de créatinine est diminuée de 33 % lors d’hT [7]. Si cela est vrai également chez le chat, le nombre de chats à fonction rénale réduite dans le groupe hT a pu être sous-estimé.

Après restauration de l’eT chez des chiens hT, le DFG ne revenait pas à la normale dans la plupart des cas dans une étude [5]. Les auteurs citent plusieurs études issues de la médecine humaine suggérant que l’hT pourrait être responsable d’une altération de la fonction rénale de manière définitive [3, 6]. Cela reste à explorer chez le chat.

SURVIE

Les auteurs rappellent que lors du traitement de l’HT, la baisse du DFG est responsable du développement d’une azotémie chez 17 à 49 % des chats. Leur survie n’est pas différente de celle des chats ne développant pas d’azotémie, ce qui est confirmé dans cette étude chez les chats eT [11]. En revanche, les chats hT et azotémiques survivent moins longtemps que les chats hT non azotémiques, ce qui suggère que l’hT peut contribuer à la mortalité des chats azotémiques par des effets sur le rein ou d’autres organes.

Conclusion

En conclusion l’hT iatrogène favorise la survenue d’une azotémie chez le chat, et les chats hT et azotémiques ont une survie réduite comparé aux hT non azotémiques. Il paraît donc souhaitable dans ces cas de restaurer l’eT, même si les effets sur la fonction rénale après une période d’hT restent à étudier.

Références

  • 1. Adams WH, Daniel GB, Legendre AM et coll. Changes in renal function in cats following treatment of hyperthyroidism using 131I. Vet. Radiol. Ultrasound. 1997;38:231-238.
  • 2. Daminet S, Fifle L, Paradis M et coll. Use of recombinant human thyroid-stimulating hormone for thyrotropin stimulation test in healthy, hypothyroid and euthyroid sick dogs. Can. Vet. J. 2007;48:1273-1279.
  • 3. Elgadi A, Verbovszki P, Marcus C et coll. Long-term effects of primary hypothyroidism on renal function in children. J. Pediatr. 2008;152:860-864.
  • 4. Feldman EC, Nelson RW. Canine and Feline Endocrinology and Reproduction. 3rd Ed. Elsevier Science, Saint Louis. 2004:118.
  • 5. Gommeren K, van Hoek I, Lefebvre HP et coll. Effect of thyroxine supplementation in glomerular filtration rate in hypothyroid dogs. J. Vet. Intern. Med. 2009;23:844-849.
  • 6. Karanikas G, Schutz M, Szabo M et coll. Isotopic renal function studies in severe hypothyroidism and after thyroid hormone replacement therapy. Am. J. Nephrol. 2004;24:41-45.
  • 7. Panciera DL, Lefebvre HP. Effect of experimental hypothyroidism on glomerular filtration rate and plasma creatinine concentration in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2009;23:1045-1050.
  • 8. Van Hoek I, Meyer E, Duchateau L et coll. Retinol-binding protein in serum and urine of hyperthyroid cats before and after treatment with radioiodine. J. Vet. Intern. Med. 2009;23:1031-1037.
  • 9. Wakeling J, Moore K, Elliott J et coll. Diagnosis of hyperthyroidism in cats with mild chronic kidney disease. J. Small Anim. Pract. 2008;49:287-294.
  • 10. Wakeling J. The aetiopathogenesis of feline hyperthyroidism. Vet. Clin. Sci. Royal Veterinary College. PhD Thesis. 2008.
  • 11. Wakeling J, Rob C, Elliott J et coll. Survival of hyperthyroid cats is not affected by posttreatment azotaemia. J. Vet. Intern. Med. 2006;20:1523 (abstract).

RÉSUMÉ

MÉTHODE

La première étude a pour objectif de déterminer le temps nécessaire à la reprise de la sécrétion de TSH (Thyroid stimulating hormone) après restauration de l’euthyroïdie (eT) chez des chats hyperthyroïdiens (HT) : la TSH est mesurée chez des chats HT 1, 3 et/ou 6 mois après traitement à l’I131.

La seconde étude consiste à suivre de manière rétrospective le statut thyroïdien et rénal de chats HT en cours de traitement. Les données cliniques et biologiques au diagnostic et au suivi (au moins 6 mois après le début du traitement) sont collectées. Les chats inclus doivent présenter au moment du suivi une thyroxinémie (T4) inférieure à 40 nmol/l et avoir une valeur simultanée de la TSH disponible. Une T4 basse et une TSH haute caractérisent les chats hypothyroïdiens (hT). Une T4 normale ou basse et une TSH normale caractérisent les eT. Les chats à T4 normale et TSH haute sont exclus.

RÉSULTATS

Première étude. Douze chats HT sont suivis dont 10 sont diagnostiqués hT 3 à 6 mois après le traitement : la TSH est augmentée chez 4 sur 7 d’entre eux à 1 mois, 7 sur 8 à 3 mois et 6 sur 6 à 6 mois. Les deux chats eT ont une TSH normale 3 mois après le traitement.

Seconde étude. Sur 75 chats inclus, 37 % sont classés hT et 63 % eT. Les chats azotémiques sont significativement plus nombreux dans le groupe hT (57 %) que dans le groupe eT (30 %). À 6 mois après traitement, les chats hT présentent de manière incontestable une créatininémie supérieure et une fréquence cardiaque, des phosphatases alcalines et un hématocrite inférieurs aux chats eT. Il n’existe pas de différence de survie entre les chats hT et eT, ni entre les chats eT azotémiques et eT non azotémiques. Cependant les chats hT azotémiques survivent significativement moins longtemps que les chats hT non azotémiques.

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