ÉTAPE 2 : Les opacifications pulmonaires - Le Point Vétérinaire n° 309 du 01/10/2010
Le Point Vétérinaire n° 309 du 01/10/2010

En 10 Étapes

Auteur(s) : Sylvain Manville*, Marion Fusellier**

Fonctions :
*Service d’imagerie
médicale CHUV Oniris,
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706 44307 Nantes
**Service d’imagerie
médicale CHUV Oniris,
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706 44307 Nantes

Afin de mettre en évidence les lésions pulmonaires lors d’un examen radiographique, il convient d’abord de bien connaître les caractéristiques des images thoraciques normales.

Pour interpréter un cliché radiographique du thorax, les différentes structures telles que la trachée, le cœur, le médiastin, l’espace pleural, les structures osseuses et les poumons doivent être étudiées de manière systématisée. La grande majorité des lésions pulmonaires apparaît comme des augmentations de densité appelées “opacifications”. Cependant, avant de commencer l’analyse de l’image des poumons, il convient d’en connaître l’aspect normal et les modifications possibles.

Cet article a pour objectif d’exposer la démarche à suivre pour interpréter les différentes opacifications pulmonaires.

LOCALISER UNE AUGMENTATION DE DENSITÉ

La lecture d’un cliché thoracique ne consiste pas seulement à observer l’image des poumons, mais à étudier tous les éléments du thorax. Le terme de “radiographie pulmonaire” ne convient pas. Mieux vaut parler de radiographie thoracique.

Lors d’une augmentation de densité du thorax, différents composants peuvent être en cause : espace pleural, médiastin, structures extrathoraciques ou poumons. Avant de s’orienter vers une opacification pulmonaire, il est nécessaire d’éliminer les autres atteintes thoraciques et de localiser le trouble aux aires des poumons.

Une opacification pulmonaire est située sur l’aire de projection des poumons à la fois sur une vue de face et une vue de profil, d’où la nécessité de réaliser ces deux incidences orthogonales.

En revanche, une atteinte de l’espace pleural entraîne une modification de densité en périphérie des poumons, la présence de scissures interlobaires et un décollement des lobes pulmonaires. Une lésion médiastinale provoque une modification de densité dans le plan sagittal et un élargissement du médiastin visible sur l’incidence de face. L’atteinte d’une structure extrathoracique n’est pas superposée aux poumons sur une des deux vues.

Il est possible de localiser la lésion dans les différents lobes pulmonaires (photos 1 et 2). Le poumon gauche est constitué d’un lobe caudal et d’un lobe cranial séparé en deux parties, l’une caudale et l’une craniale. L’extrémité la plus craniale peut s’étendre à droite dans la coupole pleurale. Le poumon droit est constitué de quatre lobes : le lobe caudal, le lobe moyen, qui peut se glisser sous le cœur et le décoller de la paroi thoracique, le lobe cranial et le lobe accessoire.

CONNAÎTRE L’IMAGE NORMALE

Une fois l’atteinte pulmonaire établie, il convient d’identifier le type d’opacification pulmonaire.

Une opacification pulmonaire correspond à l’augmentation de densité d’un élément anatomique des poumons. Connaître l’anatomie radiographique normale de ces organes permet d’identifier ces différentes zones.

Le poumon est formé :

– de vaisseaux : les artères et les veines pulmonaires qui transportent le sang afin d’en réaliser l’hématose et les artères bronchiques, non visibles à la radiographie, qui irriguent les poumons à partir de l’aorte ;

– de bronches qui conduisent l’air jusqu’aux alvéoles ;

– d’alvéoles où se déroulent les échanges gazeux avec les capillaires sanguins ;

– d’un interstitium qui est le tissu conjonctif de soutien.

L’ensemble de ces éléments donne son aspect radiographique au poumon (figure 1).

Les artères et les veines pulmonaires apparaissent comme des trajets de densité liquidienne lorsqu’elles sont perpendiculaires aux rayons X ou comme de petits ronds liquidiens lorsqu’elles sont dans l’axe. La taille des vaisseaux diminue en s’éloignant du hile. Sur le plan proximal, une artère est toujours associée à une veine et elles encadrent une bronche pour former une triade : artère, bronche, veine. Les artères sont latéro-dorsales et les veines ventro-médiales. Ces trois structures tubulaires présentent un diamètre équivalent au même niveau de leur parcours. Sur une vue dorso-ventrale, le diamètre des vaisseaux des lobes caudaux ne doit pas dépasser la largeur de la neuvième côte à leur intersection et, sur une vue de profil, celui des artères et des veines pulmonaires des lobes craniaux ne doit pas excéder la plus petite largeur de la quatrième côte.

Les bronches contiennent de l’air et possèdent des parois très fines, qui ne sont en général pas directement visualisables. Elles peuvent être identifiées par le trajet aérique qu’elles empruntent entre les vaisseaux pulmonaires qui les encadrent et sont visibles par contraste avec les vaisseaux de densité liquidienne. Les bronches principales et leurs premières divisions possèdent, quant à elles, des parois épaisses qui sont visibles à proximité de la bifurcation trachéo-bronchique comme de fines lignes ou des cercles de densité liquidienne.

Les alvéoles emplies d’air, aux parois très fines, sont radiotransparentes et ne sont pas distinctes les unes des autres.

L’interstitium est très fin, donc peu dense, non précisément observable, mais à l’origine de la trame particulière du parenchyme pulmonaire à la radiographie.

IDENTIFIER LE TYPE D’OPACIFICATION

Les opacifications pulmonaires sont des augmentations de densité dues à l’accumulation de liquide, de cellules ou de substance amorphe dans un des quatre constituants des poumons.

À partir de ces composants, il est possible de différencier quatre types d’opacification pulmonaire : vasculaire, bronchique, alvéolaire et interstitielle.

Cette classification selon les compartiments anatomiques est incorrecte car les atteintes pulmonaires sont souvent responsables de plusieurs types d’opacification concomitants. Cependant, elle est logique, didactique et facile à appliquer pour lire correctement un cliché thoracique. La plupart des auteurs l’utilisent sous les expressions d’“opacifications” de “patterns”, ou de “syndromes pulmonaires”.

Cet article développe ces différentes opacifications pulmonaires, puis une cinquième forme : l’opacification nodulaire.

1. Opacification vasculaire

L’opacification vasculaire correspond à l’augmentation en taille et/ou en nombre des vaisseaux pulmonaires, qui peuvent apparaître plus tortueux (figure 2). Selon les cas, elle touche les artères ou les veines, ou les deux en même temps.

Les opacifications vasculaires se remarquent lorsqu’un des deux vaisseaux est plus large que l’autre ou que la bronche qui les accompagne. Quand le diamètre des deux vaisseaux augmente, l’évaluation est plus subjective. Il convient également de repérer si les trajets vasculaires ne sont pas plus longs ou plus tortueux que d’habitude.

Les opacifications vasculaires peuvent être scindées en deux, selon que l’atteinte est artérielle ou veineuse (photo 3).

2. Opacification bronchique

L’opacification bronchique résulte de l’infiltration de la paroi des bronches ou des tissus péribronchiques par du liquide ou des cellules. Elle apparaît comme un épaississement des parois des bronches, qui deviennent visibles dans leurs portions distales. Si les bronches sont perpendiculaires aux rayons X, elles forment des “images en rails”, deux fines lignes, légèrement convergentes, de densité liquidienne entre l’artère et la veine. Si elles se trouvent dans l’axe du faisceau, des “images en anneaux”, des cercles de densité liquidienne apparaissent entre les vaisseaux (figure 3). Ces images sont les mêmes que celles des grosses bronches dans un poumon normal, mais elles sont alors plus éloignées de la bifurcation trachéo-bronchique. Les contours des vaisseaux pulmonaires deviennent plus flous, mais ils restent identifiables et la lumière des bronches est radiotransparente (photo 4).

3. Opacification alvéolaire

Lors d’opacification alvéolaire, la lumière des alvéoles est comblée par du liquide, des cellules ou une substance amorphe, ou bien elle est écrasée (atélectasie), créant des plages de densité liquidienne homogène, aux limites floues, à l’aspect floconneux, plus ou moins confluentes et qui masquent les vaisseaux qui les traversent (figure 4). Ce type d’opacification s’accompagne de bronchogramme ou d’alvéologrammes, qui correspondent à la visualisation de la forme radiotransparente respectivement d’une bronche ou d’alvéoles contenant de l’air au sein d’une plage liquidienne (photo 5). Le bronchogramme est caractéristique de l’opacification alvéolaire, mais il peut être absent lorsque la bronche aussi est comblée lors de consolidation pulmonaire (photo 6).

4. Opacification interstitielle

L’opacification interstitielle se définit par une augmentation de la densité pulmonaire localisée ou diffuse, non organisée, composée d’opacités linéaires qui s’entrecroisent, créant une trame grise plus prononcée, sans bronchogramme, ce qui rend difficile l’identification des vaisseaux, sans pour autant les masquer totalement (figure 5). Ce type d’opacification est difficile à caractériser, et le diagnostic est souvent obtenu par exclusion des autres formes.

5. Opacification nodulaire

Il existe une cinquième sorte d’opacification pulmonaire qui n’entre pas dans la classification selon les structures anatomiques : l’opacification nodulaire. Il s’agit d’une atteinte de type interstitiel ou alvéolaire, de forme relativement arrondie (figure 6). Elle correspond à la présence de nodules pulmonaires d’au moins 4 mm de diamètre. Il convient de ne pas les confondre avec des vaisseaux dans l’axe des rayons X, et de s’assurer qu’ils se situent dans le champ pulmonaire périphérique et éloignés des vaisseaux (photo 7).

SYNTHÈSE DESCRIPTIVE

Une fois les opacifications pulmonaires identifiées, une synthèse doit être effectuée pour obtenir une description complète de l’atteinte pulmonaire et orienter le diagnostic, à partir de la signification des différents types d’opacification.

Lorsque plusieurs formes coexistent, le type prédominant doit être déterminé.

1. Opacification vasculaire

L’opacification vasculaire veineuse, augmentation du diamètre des seules veines pulmonaires, est la plus fréquente. Elle est principalement due à une congestion veineuse à la suite d’une insuffisance cardiaque gauche.

L’opacification vasculaire artérielle est le plus souvent liée à une dirofilariose, ou une angiostrongylose, s’accompagnant d’opacifications bronchiques et interstitielles à alvéolaires diffuses, d’une cardiomégalie droite et d’une dilatation du tronc pulmonaire. L’autre principale origine de la dilatation des artères pulmonaires est l’hypertension artérielle pulmonaire à la suite d’une maladie pulmonaire grave et chronique.

L’opacification vasculaire concomitante des artères et des veines provient des communications cardiaques gauches-droites et des cardiopathies gauches qui ont décompensé.

2. Opacification bronchique

La principale cause d’opacification bronchique est la bronchite chronique. De plus, il convient de rechercher une bronchiectasie, une dilatation des bronches due à une destruction de leur trame cartilagineuse, un signe d’obstruction lors de bronchite et d’asthme.

Les bronchites aiguës n’entraînent pas d’épaississement visible des parois des bronches.

3. Opacification alvéolaire

Les cinq grandes causes d’opacification alvéolaire se retiennent grâce à un moyen mnémotechnique : pour interpréter une radiographie thoracique, « il faut avoir l’œil ». Le mot à retenir, c’est donc OPHTA (“ophtalmo”). Cela permet de retrouver :

– O : les œdèmes pulmonaires, cardiogéniques ou non ;

– P : les pneumonies et les bronchopneumonies ;

– H : les hémorragies traumatiques ou consécutives à des troubles de coagulation ;

– T : les tumeurs primitives ou, beaucoup plus rarement, métastatiques ;

– A : les atélectasies et les collapsus pulmonaires.

L’étendue et la distribution des opacifications alvéolaires dépendent de leur origine.

Les œdèmes cardiogéniques se situent en région péri-hilaire et dans les lobes pulmonaires caudaux, surtout en partie dorsale et de manière symétrique chez le chien. Ils s’accompagnent d’une opacification vasculaire car la congestion veineuse précède l’œdème pulmonaire.

Les pneumonies se localisent de manière asymétrique, en touchant surtout un lobe pulmonaire. C’est le cas des bronchopneumonies par fausse déglutition, qui mêlent les opacifications alvéolaire et bronchique localisées ventralement et cranialement, très fréquemment au lobe moyen droit, et des bronchopneumonies infectieuses qui se situent dans les portions ventrales et périphériques des poumons.

Les hémorragies et les tumeurs ne présentent pas de localisation préférentielle.

L’atélectasie atteint généralement un lobe entier dont le volume est diminué, pouvant entraîner un déplacement ipsilatéral du médiastin.

4. Opacification interstitielle

Les causes d’opacification interstitielle sont les mêmes que celles des opacifications alvéolaires. L’atteinte du tissu conjonctif de soutien correspond souvent à l’atteinte initiale du poumon, avant que les lésions ne s’étendent aux alvéoles. À ces hypothèses s’ajoute la fibrose pulmonaire, d’origine sénile ou non.

5. Opacification nodulaire

La nature des nodules interstitiels pulmonaires est variable. Il peut s’agir de métastases pulmonaires, cas le plus fréquent, mais aussi d’abcès, d’hématomes, de kystes remplis de liquide et de granulomes, sans pouvoir différencier radiographiquement ces cinq lésions. Les nodules alvéolaires correspondent à la distribution particulière d’une densification alvéolaire. Leurs causes sont les mêmes que celles des opacifications alvéolaires.

Conclusion

L’évaluation d’une lésion pulmonaire à la lecture d’un cliché thoracique requiert une démarche rigoureuse : identifier l’existence d’une atteinte pulmonaire, préciser les types d’opacification pulmonaire présents et en faire la synthèse descriptive.

La classification des opacifications pulmonaires selon la structure anatomique touchée est incomplète, mais claire, facile à mettre en œuvre et rigoureuse dans l’identification des lésions. Cela permet d’orienter le diagnostic selon l’aspect, la localisation et la distribution des atteintes.

Il convient de confronter les hypothèses diagnostiques ainsi obtenues avec les symptômes et l’évolution clinique de l’animal car une opacification peut correspondre à différentes affections.

Points forts

→ Les lésions pulmonaires doivent être distinguées des lésions pleurales et médiastinales.

→ Il existe quatre types d’opacification pulmonaires : vasculaire, bronchique, interstitiel et alvéolaire.

→ Les opacifications nodulaires peuvent être interstitielles ou alvéolaires.

→ Les opacifications vasculaires sont souvent accompagnées de modifications cardiaques qui permettent d’orienter le diagnostic.

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