Émergences et réémergences en France en 2008 et 2009 détectées au Lerpaz - Le Point Vétérinaire n° 304 du 01/04/2010
Le Point Vétérinaire n° 304 du 01/04/2010

MALADIES INFECTIEUSES ÉMERGENTES

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FOCUS

Auteur(s) : Pascal Boireau*, François Moutou**

Fonctions :
*Afssa, Lerpaz, 23, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort, p.boireau@afssa.fr

Les maladies émergentes ou réémergentes restent d’actualité : plusieurs alertes de charbon, de FCO, de tuberculose bovine et de chlamydiose, ont été confirmées.

Dans les années 1990, les grandes maladies animales ont régressé en Europe grâce à une prophylaxie sanitaire ou médicale efficace, dans un contexte économique favorable. Cependant, la santé animale est revenue sur le devant de la scène avec l’augmentation massive du nombre de cas d’encéphalopathie spongiforme bovine en Europe, puis des épisodes de fièvre aphteuse, la propagation de virus influenza aviaire H5N1 et, plus récemment, l’émergence de la fièvre catarrhale ovine (FCO). Des listes d’agents pathogènes prioritaires, à analyser et à suivre, ont été établies [3]. Les laboratoires de référence impliqués en santé animale ont été mobilisés pour répondre à ces offensives. Le Laboratoire d’études et de recherches en pathologie animale et zoonoses (Lerpaz) est ainsi sollicité pour répondre aux émergences d’épizooties majeures pluri-espèces en France (fièvre aphteuse, FCO, etc.) et de certaines zoonoses (tuberculose, West Nile, brucelloses, parasitoses, etc.). En 2008 et en 2009, une trentaine de fiches alertes liées à une suspicion ou à une confirmation d’une maladie infectieuse animale grave ou à potentiel épizootique et/ou zoonotique ont été rapportées par le Lerpaz (tableau).

Synthèse des fiches alertes du Lerpaz

Les fiches se divisent en deux groupes : les alertes non confirmées répondant à une suspicion et la confirmation de la circulation d’un agent pathogène caractérisé. Chaque année, le laboratoire reçoit 3 ou 4 suspicions cliniques de fièvre aphteuse qui sont infirmées après une analyse épidémiologique, une expertise des signes cliniques et, plus rarement, des analyses de laboratoire. L’absence de circulation du virus West Nile a été confirmée en France métropolitaine et en Guadeloupe de 2007 à 2009.

Un parasite du sanglier, le trématode Alaria alata, est émergent en Europe et particulièrement dans l’est de la France, peut-être en raison d’une augmentation de la pluviométrie localement et d’une surveillance plus efficace des venaisons. Plusieurs dizaines de cas ont été confirmés sur des carcasses de sanglier examinées dans le cadre du contrôle trichine, entraînant leur destruction.

Plusieurs maladies bactériennes d’importance ont été signalées au cours des 18 derniers mois, comme des cas de chlamydiose aviaire (ex-ornithose-psittacose) chez des canards. Une nouvelle espèce de Chlamydophila a même été identifiée chez des volailles avec une contamination possible humaine à l’abattoir. Plusieurs foyers de tuberculose bovine ont été confirmés, dont un nouveau en Corse, découvert à la suite d’une surveillance de la faune sauvage, et une extension marquée des cas en Côte-d’Or. Les sangliers atteints par Mycobacterium bovis ont permis de révéler l’ampleur de la maladie dans des troupeaux de bovins, illustrant l’interdépendance faune sauvage et faune domestique dans la propagation de maladies infectieuses, l’une pouvant jouer le rôle de révélateur pour l’autre. Cela montre également l’importance de la faune sauvage dans la pérennisation ou la réintroduction d’agents pathogènes dès que son contact avec la faune domestique est favorisé et que les maladies correspondantes sont mal maîtrisées dans les élevages. Les alertes “charbon” et “FCO” constituent l’essentiel de celles qui ont été confirmées en 2008 et en 2009.

Extension de la FCO en France et en Europe

La FCO, décrite uniquement en Afrique au cours de la première moitié du siècle précédent, s’est répartie progressivement en Asie et en Amérique, pour atteindre tous les continents en 2000, avec des impacts cliniques contrastés, indiquant une progression constante [1]. Sous-estimée dans sa diffusion, elle est le second exemple récent d’implantation réussie d’une maladie vectorielle dans une nouvelle aire après le West Nile sur le continent américain.

La comparaison des zones géographiques couvertes par la réglementation FCO en Europe pour 2008 et 2009 montre les aires de répartition des différents sérotypes de BTV (blue tongue virus) (figure complémentaire sur www.WK-Vet.fr). La France continentale a été au croisement de la progression de deux sérotypes du virus, une aire mixte BTV 8+1 concernant tout le pays et l’Espagne. Récemment, le BTV8 a touché la Norvège, soulignant combien cette maladie “tropicale” a pu s’adapter à des vecteurs tempérés avec un grand spectre géographique. Le BTV1 a été isolé successivement en Bretagne, puis chez un bovin français en transit en Belgique et, enfin, au Royaume-Uni fin 2008, après l’importation de bovins français. Toutefois, il n’a pas disséminé dans ces deux pays, le front BTV8 semblant atténuer fortement la pénétration du BTV1.

L’origine de l’émergence de la FCO n’est toujours pas connue avec certitude. Devant l’apparition des nouveaux sérotypes 6 et 11 aux Pays-Bas et en Belgique dans des conditions comparables à celles du BTV8, les hypothèses sur l’émergence dans une zone géographique circonscrite sont multiples : importation du vecteur contaminé, d’un animal virémique, contaminant viral présent dans un vaccin atténué, introduction de semences et d’embryons contaminés.

La répartition mondiale de la FCO semble indiquer que deux facteurs sont bénéfiques à son développement : le réchauffement climatique, qui accroîtrait l’aire des vecteurs les plus efficaces ou permettrait leur installation dans de nouvelles zones après introduction, et la mondialisation des transports d’animaux. Toutefois, les mécanismes d’implantation pérenne de cette maladie dans une nouvelle zone sont à éclaircir, notamment la rémanence du virus en période hivernale, élément épidémiologique fondamental.

Le BTV est un virus à génome segmenté, dont la variabilité génétique peut avoir plusieurs origines : la mutation, la recombinaison et les réassortants, qu’il serait intéressant d’analyser.

La seule méthode de lutte actuelle est la vaccination massive, qui s’est révélée efficace pendant l’hiver 2008-2009 pour bloquer l’extension de la maladie. La période de silence clinique actuelle résulte avant tout d’une protection du cheptel, liée à l’immunisation naturelle couplée à une vaccination active de grande ampleur, mais le virus peut continuer à circuler. La rupture de l’immunité peut entraîner des émergences.

Réémergence de plusieurs foyers de charbon

Pour le charbon, 9 alertes, dont 8 confirmées, ont été enregistrées dans de nombreux départements. Elles touchent principalement des bovins (vaches allaitantes). Plusieurs foyers de fièvre charbonneuse sont confirmés chaque année par le Lerpaz, sur une large partie du territoire français. Les cas relevés sont confirmés par l’isolement de Bacillus anthracis, la présence du spectre d’antibiorésistance (pénicillino-sensible) et le typage moléculaire. Des cas cliniques proches du charbon dus à Babesia divergens sont à noter.

Certaines années, des épisodes sont plus sévères par leur allure quasi épizootique et l’atteinte de plusieurs cheptels, signant une véritable réémergence de la maladie, comme cela a été le cas en été 2008 dans le massif jurassien ou en 2009 en Savoie. L’analyse épidémiologique n’a pas mis en évidence une cause unique initiale, mais plusieurs éléments ayant joué un rôle local. Les épisodes de charbon ont pour origine une remontée, pouvant être multifocale, de spores, liée à des conditions hydro-climatiques particulières. Toutefois, les facteurs déterminants, qui permettraient de prédire de futurs épisodes, restent très difficiles à préciser.

Ainsi, les émergences et réémergences en santé animale demeurent d’actualité. La maîtrise de ces maladies infectieuses est l’une des priorités pour le développement des productions animales. Elle impacte le commerce, la lutte contre la pauvreté et l’amélioration de la santé publique [2]. Elle implique la vigilance du vétérinaire sanitaire, premier maillon dans l’identification d’un phénomène pathologique nouveau dont les répercussions locales peuvent être importantes, et relevant d’une investigation spécifique.

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