Un cas de lipidose hépatique chez une chatte - Le Point Vétérinaire n° 300 du 01/11/2009
Le Point Vétérinaire n° 300 du 01/11/2009

Médecine interne féline

Pratique

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Jean-Charles Vanier*, Isabelle Goy-Thollot**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire 153, avenue de la Résistance 26500 Bourg-Lès-Valence
**Unité SIAMU ENV de Lyon 1, avenue Bourgelat 69280 Marcy-L’Étoile

La lipidose hépatique féline est une maladie multifactorielle fréquente dont le traitement repose sur la réalimentation progressive et la gestion des carences nutritionnelles dont le chat est atteint.

Une chatte stérilisée européenne de 4 ans est présentée en consultation pour un ictère d’apparition brutale.

Cas clinique

1. Commémoratifs et anamnèse

La chatte n’est ni vaccinée ni vermifugée. Elle vit exclusivement en appartement et est nourrie avec un aliment industriel sec. Un antécédent de cystite est rapporté par les propriétaires un an auparavant. La marge anale est souillée et la chatte est dans l’impossibilité de faire sa toilette en raison de son excès pondéral (6,8 kg).

Depuis 3 semaines, lors d’un changement d’alimentation, elle est devenue dysorexique puis anorexique. Elle est de plus en plus abattue et présente de la diarrhée et des vomissements depuis 48 heures. Une polydipsie est également rapportée par les propriétaires. La dégradation de l’état général et l’apparition d’un ictère ont motivé la consultation.

2. Examen clinique

Lors de l’examen clinique, la chatte est abattue. Les muqueuses montrent un ictère franc (jaune citron). La palpation abdominale est souple et non douloureuse. Le pelage est sale et terne, et un squamosis important est observé.

3. Hypothèses diagnostiques

Le tableau clinique est celui d’un jeune chat adulte obèse avec un ictère franc associé à une anorexie, un abattement et des épisodes de diarrhée/vomissements. Les principales hypothèses diagnostiques sont les suivantes :

– un ictère préhépatique, lié à une hémobartonellose, une infection par le virus de l’immunodéficience féline (FIV) ou par celui de la leucose féline (FeLV) ;

– un ictère hépatique ou posthépatique secondaire à une lipidose, au complexe cholangiohépatite.

4. Examens complémentaires

Analyses sanguines

Un hémogramme est réalisé. Aucune anémie ni aucune leucocytose ne sont notées. Ces résultats sont peu en faveur d’une hémobartonellose ou d’une autre cause préinfectieuse (FIV/FeLV, hémorragie). De plus, le test FIV/FeLV (Snap Combo®) se révèle négatif.

Le bilan biochimique sanguin montre une augmentation des marqueurs de choléstase hépatique (phosphatases alcalines [PAL] 308 UI/l, valeurs usuelles : 0 à 150 UI/l), ainsi qu’une glycémie basse (0,9 g/l, valeur usuelle : 1 g/l). L’origine hépatique est donc à privilégier. Les autres paramètres biochimiques sont dans les valeurs usuelles.

Hormis l’hypokaliémie (inférieure à 2 mmol/l [valeurs usuelles : 3,7 à 5,8 mmol/l]), probablement secondaire à l’anorexie et aux troubles digestifs, le ionogramme est dans les normes.

Un bilan de l’hémostase est réalisé (TQ [temps de Quick], TCA [temps de céphaline activée], TT [temps de thrombine], fibrinogène) afin d’explorer la synthèse des facteurs de coagulation. Seul le dosage du fibrinogène est anormalement bas (0,93 g/l [valeur usuelle : 1,89 g/l]), ce qui est compatible avec une atteinte hépatique.

Examen urinaire

Un examen urinaire (urine obtenue par miction naturelle) indique une bilirubinurie (1 + à la bandelette) et une hématurie (1 + à la bandelette), ce qui est en faveur d’une hémolyse, sans pour autant exclure les autres causes d’ictère.

Examen échographique abdominal

À l’examen échographique abdominal, une hyperéchogénicité marquée diffuse du foie sans hépatomégalie est notée (photo 1). Aucune anomalie de la vésicule biliaire ni des voies biliaires n’est mise en évidence. Ces images sont compatibles avec une lipidose ou, moins probablement, avec une cholangio-hépatite, une surcharge autre (stéroïdo-induite, stéatosique, secondaire à l’obésité ou à un diabète sucré).

Cytoponctions hépatiques échoguidées

Pour la réalisation de cytoponctions hépatiques échoguidées, la chatte est tranquillisée avec du butorphanol (Dolorex®, 0,2 mg/kg par voie intraveineuse) et de la médétomidine (Domitor®, 3 µg/kg par voie intraveineuse).

L’examen cytologique montre de nombreux hépatocytes au cytoplasme criblé de vacuoles de type lipidique avec une absence d’infiltration inter-hépatocytaire par un contingent inflammatoire. La conclusion de cet examen est une lipidose très sévère.

5. Traitement et prise en charge

La chatte est hospitalisée. Une sonde naso-œsophagienne est mise en place. La réalimentation s’effectue avec un aliment liquide à haute valeur énergétique, riche en protéines (Fortol®, répartition calorique : 32 % calories protéiques, 48 % calories lipidiques, 20 % calories glucidiques) à raison de 16 ml associés à 4 ml d’eau (pour administrer de l’eau et pour rincer la sonde) toutes les 4 heures.

Après 2 jours, le chat reçoit 31 ml de Fortol® toutes les 4 heures. 2 jours plus tard, la quantité d’aliment est de 47 ml toutes les 4 heures.

Un traitement qui associe un antibiotique (amoxicilline-acide clavulanique, Augmentin®(1), 12,5 mg/kg par voie intraveineuse 2 fois par jour), de l’acide ursodésoxycholique pour son effet cholérétique (Ursolvan®(1), 15 mg/kg 1 fois par jour per os), du métoclopramide (Primpérid®, en perfusion, 1 mg/kg/j) et de la vitamine K1 (Vitamine K1 TVM®, 1 mg/kg/j, par voie intraveineuse lente) est instauré. Une fluidothérapie (via 2 pompes à perfusion) d’entretien complémentée en potassium (NaCl 0,9 % à 2 ml/kg/h associé à 50 mEq/l de K+) et de correction (NaCl 0,9 % à 10 ml/kg/h) est également associée. Dans l’attente des résultats de la cytologie hépatique et dans l’hypothèse d’une atteinte inflammatoire, un traitement de prednisolone à la dose 0,25 mg/kg/j per os avait été mis en place durant 3 jours. Ce traitement n’est pas continué après l’établissement du diagnostic.

6. Suivi

Au cours de l’hospitalisation

Cinq jours après l’hospitalisation, la chatte présente une hyperthermie à 40 °C et une phlébite. Un contrôle de la numération et de la formule sanguines montre une leucocytose neutrophilique (22 600/mm3, valeurs usuelles : 5 500 à 19 000/mm3). Un cliché radiographique thoracique ne révèle aucune anomalie. L’analyse des gaz sanguins veineux met en évidence une alcalose respiratoire compensée par une acidose métabolique. Cette alcalose est induite par la polypnée (hypocapnie, hypoxémie) liée à l’infection et à la douleur de la phlébite. Le retrait du cathéter et les soins du membre entraînent la disparition de l’hyperthermie et de la leucocytose. L’état clinique reste ensuite stable. Devant l’absence de prise de nourriture spontanée et la gêne occasionnée par la sonde naso-œsophagienne, une sonde d’œsophagostomie est mise en place (photo 2). Pour cela, la chatte est anesthésiée avec un mélange de diazépam (Valium®(1), 0,5 mg/kg) et de kétamine (Imalgène®, 6 mg/kg) administré par voie intraveineuse. Elle est nourrie par la sonde à raison de 40 g toutes les 4 heures avec un aliment spécialisé de convalescence, Feline Nutritional Recovery Formula®. Un suivi biochimique permet d’objectiver un retour dans les normes des paramètres hépatiques. Un examen échographique abdominal de contrôle est réalisé au huitième jour d’hospitalisation. Il montre une régression des lésions hépatiques (diminution de l’échogénicité). La chatte est alors moins abattue et normotherme. Elle est rendue à ses propriétaires avec un traitement d’Ursolvan®(1) (15 mg/kg per os une fois par jour) et une alimentation à base de Feline Nutritional Recovery Formula®, 60 g, 4 fois par jour.

Première visite de contrôle

Un contrôle est réalisé 10 jours après la sortie d’hospitalisation. Le site d’insertion de la sonde est propre. La chatte est plus vive, son état s’améliore mais elle ne mange toujours pas spontanément. Le pansement est refait.

Deuxième visite de contrôle

La chatte est revue 7 jours plus tard. Son état s’est encore amélioré et elle mange maintenant spontanément. La plaie de la sonde d’œsophagostomie est propre. Un nouveau bandage est réalisé.

Troisième visite de contrôle

Après 15 jours, la sonde d’œsophagostomie est retirée (photo 3). L’état général est bon et l’appétit est normal. Des conseils diététiques sont donnés aux propriétaires afin de faire maigrir la chatte très progressivement (aliment “light”, susciter les jeux et l’exercice, supprimer les gourmandises).

Discussion

1. Épidémiologie

La lipidose hépatique féline (LHF) est une maladie de surcharge hépatique. Elle représente environ 50 % des maladies hépatiques félines [2, 4]. Elle atteint préférentiellement les chats obèses de plus de 2 ans qui vivent à l’intérieur [1]. Aucune prédilection raciale n’est rapportée.

2. Étiologie

La lipidose hépatique peut survenir de manière isolée (LHF primitive ou idiopathique, 5 % des cas) ou être secondaire à une autre maladie (95 % des cas) telle que la pancréatite, le diabète, les maladies digestives, l’insuffisance rénale chronique, la péritonite infectieuse féline (PIF), le complexe cholangio-hépatite, etc. [3, 4, 6].

De multiples facteurs peuvent être responsables de lipidose hépatique idiopathique (encadré). Dans le foie, les acides gras non estérifiés (AGNE) sont soit oxydés dans les mitochondries pour fournir de l’énergie, soit convertis en phospholipides et en cholestérol, soit réestérifiés en triglycérides libérés dans le sang sous forme de VLDL (very low density lipoprotein, lipoprotéines de faible poids moléculaire) [3, 4, 6].

Toutes les conditions qui augmentent la quantité de lipides parvenant au foie (repas riche en graisse, période de jeûne, etc.) interfèrent avec la production et la sécrétion des VLDL ou qui diminuent l’oxydation lipidique mitochondriale, contribuent à l’accumulation de lipides dans le foie [3, 4, 6]. Lors d’une période d’anorexie, comme dans le cas décrit, la lipolyse des réserves de graisses périphériques libère de grandes quantités d’AGNE qui atteignent le foie. Rapidement, la capacité d’oxydation mitochondriale est saturée, ce qui n’est pas le cas de l’estérification, entraînant une accumulation hépatique de triglycérides [3, 4].

3. Tableau clinique

Les signes cliniques rapportés dans la LHF sont similaires à ceux rencontrés dans ce cas : un abattement, une inappétence durant de quelques jours à quelques semaines, des signes digestifs comme des vomissements intermittents (95 % des cas), de la diarrhée ou de la constipation et un ictère franc qui atteint d’abord le palais mou puis la sclère, les muqueuses et la peau (70 % des cas) [6]. Les chats présentent souvent un excès pondéral important. Parfois, le stress joue un rôle déclenchant important (changement d’environnement ou d’aliment, arrivée d’un nouveau congénère) [1]. D’autres signes peuvent être présents. Une perte de poids de 25 % est parfois rapportée (fonte musculaire) [3]. Une hépatomégalie non douloureuse est souvent rencontrée ainsi qu’une ventroflexion du cou (hypokaliémie), un ptyalisme marqué (nausée, encéphalopathie hépatique) et une faiblesse généralisée (déséquilibre électrolytique, carence en thiamine) [3].

Il est conseillé de rechercher les signes d’une cause sous-jacente : maladies digestives inflammatoires, pancréatite, complexe cholangiohépatique (CCH), diabète sucré, etc.

4. Examens complémentaires

Numération et formule sanguines

Bien que peu spécifiques dans le cas présenté, la numération et la formule sanguines peuvent orienter la démarche diagnostique vers une LHF. En effet, une poïkilocytose ainsi que des corps de Heinz (non spécifiques de LHF) sont fréquemment rapportés [3]. Une anémie (non régénérative) est présente dans 22 % des cas, et serait secondaire à une phlébite (cathéter), à une hémolyse (hypophosphatémie) ou encore à des saignements lors de la pose d’une sonde d’œsophagostomie [3]. Dans le cas décrit, une leucocytose est observée lors d’un épisode d’hyperthermie. Elle a disparu après traitement de la phlébite (retrait du cathéter et soins locaux), ce qui soutient l’hypothèse de la responsabilité du cathéter.

Examen biochimique sanguin

Les anomalies biochimiques rapportées sont les mêmes que celles observées dans ce cas, à savoir une cholestase dans 70 à 80 % des cas [3]. Dans le cas présenté, le taux de phosphatases alcalines (PAL) n’est que de 300 UI/l, des augmentations supérieures à 10 fois la norme ont cependant été rapportées [4]. Les transaminases sont souvent dans les normes à discrètement augmentées (trois à cinq fois la norme). En général, les γ-glutamyltransférases (γGT) sont dans les normes ou discrètement augmentées lors de LHF, en l’absence de pancréatite ou de cholangiohépatite [2, 3].

La bilirubinémie totale n’a pas été dosée car, même si dans la majorité des cas (95 %) elle est élevée (trois à cinq fois la norme), l’absence d’hyperbilirubinémie ne permet pas d’exclure un diagnostic de LHF. Toutefois, son dosage aurait été utile pour le suivi de l’animal [3, 4]. De plus, l’augmentation des PAL précède l’hyperbilirubinémie. Aucune valeur diagnostique ne peut être donnée à l’étude des fractions conjuguées/non conjuguées de la bilirubine [3]. En revanche, une bilirubinurie est présente dans ce cas et doit toujours être considérée comme anormale chez le chat. Elle précède d’ailleurs l’hyperbilirubinémie [4].

Les acides biliaires préprandiaux sont, en général, élevés. Cependant, la présence d’hyperbilirubinémie rend inutile leur dosage car cette dernière renseigne déjà sur la faible fonction hépatique [5].

Bien que non retrouvées ici, d’autres anomalies biochimiques peuvent être présentes comme une hypoalbuminémie ou une urémie basse (malnutrition protéique) [3]. Certains chats, comme celui-ci, présentent une hypoglycémie ou une glycémie basse. Il aurait été intéressant de mesurer la créatinine kinase (CK) puisqu’elle est parfois augmentée (cathéter, sonde d’œsophagostomie, état catabolique, décubitus prolongé, rhabdomyolyse, suivi de la qualité de la nutrition) [3].

Aucun déséquilibre électrolytique n’est rencontré chez ce chat alors que sont rapportées une hypokaliémie, une hypophosphatémie et une hypomagnésémie dans respectivement 30, 17 et 28 % des cas de LHF [3].

Examen urinaire

L’examen du culot urinaire n’a pas révélé d’anomalie bien que parfois une phase lipidique soit observée après la centrifugation.

Exploration de l’hémostase

45 % des chats atteints de LHF développent des troubles de l’hémostase [4]. L’anomalie la plus fréquente est l’augmentation du temps de prothrombine (TP) qui évoque une déficience en vitamine K (anorexie, malabsorption) [2]. L’absence de signes cliniques de saignement (hématome, pétéchies, etc.) ne permet pas d’exclure d’une coagulopathie.

Autres examens sanguins

Le dépistage des antigènes du virus de l’immunodéficience féline (FIV) et des anticorps de la leucose féline peut être utile pour le diagnostic et le pronostic. Il a été réalisé dans le cas décrit.

De plus, chez un vieux chat dont les enzymes hépatiques sont modérément augmentées, un dosage des hormones thyroïdiennes T4 et de la thyréostimuline (TSH) peut permettre d’exclure une hyperthyroïdie [6]. La sérologie du virus de la péritonite infectieuse féline est peu utilisée car peu spécifique et peu sensible [6]. Ces sérologies sont réalisées pour savoir si la LHF est associée à l’une de ces maladies (rôle étiologique).

Examen échographique et cytoponction

L’examen échographique abdominal montre dans la majorité des cas un foie hyperéchogène et de taille normale, comme dans le cas décrit. Ces images ne sont pas pathognomoniques puisqu’elles sont aussi observées lors de fibrose, de lymphome ou encore de CCH [4]. Parfois, une hépatomégalie diffuse est présente. Une évaluation attentive des autres structures abdominales peut permettre de mettre en évidence une maladie sous-jacente, notamment lors de pancréatite (ascite, péritonite localisée) ou d’obstruction biliaire [2, 3, 4]. Il convient d’être vigilant car l’hyperéchogénicité hépatique peut masquer des images de cholangite ou de cholangiohépatite. Lors de LHF idiopathique, aucune autre structure que le parenchyme hépatique n’est atteinte.

Le diagnostic définitif repose sur l’analyse histologique d’une biopsie hépatique. Celle-ci peut être obtenue par laparotomie, par voie percutanée à l’aveugle ou échoguidée ou sous laparoscopie. Toutefois, les chats atteints d’une sévère LHF sont des animaux à risques anesthésique et chirurgical très important. Il est alors conseillé de réaliser des cytoponctions échoguidées à l’aiguille (20-22 G) afin de confirmer la vacuolisation diffuse des hépatocytes caractéristique de ce syndrome. Un traitement à la vitamine K1 doit être instauré avant toute cytoponction [2]. Une sédation et une anesthésie locale suffisent le plus souvent.

La biopsie hépatique est à réserver aux chats qui ne répondent pas au traitement de LHF après 10jours ou dans l’objectif de confirmer une atteinte hépatobiliaire sous-jacente suspectée [3].

5. Traitement

Correction des troubles électrolytiques et des carences possibles

La prise en charge vise à corriger la déshydratation et les désordres électrolytiques, en particulier l’hypokaliémie et l’hypophosphatémie (tableaux 1 et 2). Seule la réhydratation complémentée en potassium a été nécessaire dans ce cas. Dans un premier temps, le chlorure de sodium isotonique (NaCl 0,9 %) est préféré au Ringer lactate (les lactates sont mal métabolisés par le foie), au mélange NaCl/glucose et au soluté de glucose 5 %, qui ne sont pas des solutés de réhydratation [3]. Un suivi de la natrémie est toutefois conseillé (tableau 3).

Une hypomagnésémie peut parfois survenir, et être responsable de faiblesse et de dépression. Une supplémentation en magnésium est recommandée (dosage sérique journalier conseillé) [3].

La vitamine K1 est administrée dès la moindre suspicion de coagulopathie ou de façon systématique avant toute cytoponction/biopsie hépatique, comme dans ce cas [2].

L’anorexie conduit souvent à une carence en vitamine B1 (thiamine) qui provoque de la faiblesse, une ventroflexion cervicale, une dilatation pupillaire, une dépression et une aggravation de l’anorexie [2, 4].

Une carence en vitamine B12 peut également survenir, ce qui aggrave l’anorexie et la dépression [2]. Une complémentation en vitamine B12 aurait donc pu être envisagée (dosage sérique mensuel afin de contrôler la poursuite ou non du traitement) [4].

Des études récentes montrent qu’il est utile de complémenter l’aliment en S-adénosylméthionine (SAMe), en vitamine E, en L-carnitine (oxydation des acides gras) et en taurine (conjugaison des acides biliaires) [4]. Ces trois derniers nutriments sont déjà présents dans le Feline Nutritional Recovery Formula®.

Les stimulants de l’appétit (cyproheptadine, diazépam, clonazépam, oxazépam) sont proscrits car ils provoquent une nécrose hépatique [2].

L’acide ursodésoxycholique, très utilisé en médecine humaine, diminuerait les concentrations toxiques de certains acides biliaires ainsi que l’inflammation hépatique associée [6]. Son efficacité chez le chat n’est pas prouvée, et il n’est donc pas systématiquement conseillé [6]. Dans le cas décrit, il a été choisi de l’ajouter au traitement.

Réalimentation

La réalimentation par sonde naso-œsophagienne ou sonde d’œsophagostomie est l’étape la plus importante du traitement [1]. La démarche conseil-lée est celle utilisée chez ce chat, à savoir un apport nutritionnel au moyen d’une sonde naso-œsophagienne pendant les 3 à 7 premiers jours afin de stabiliser l’animal [8]. Quelques jours de perfusion et d’alimentation sous cette forme améliorent l’état clinique du chat et suffisent parfois à une reprise de la réalimentation spontanée. L’avantage de cette sonde est qu’elle est simple d’utilisation (pose sans anesthésie générale) et peu onéreuse [7, 8]. Cependant, le faible diamètre (5-8F) implique que les aliments soient liquides et administrés en continu (perfuseur), ou en bolus (3 ou 4 repas par jour de 30 à 50 ml les 24 premières heures puis augmentation jusqu’à 100 ml au cinquième jour) [4]. Le Feline Nutritional Recovery Formula® (aliment riche en protéines) peut être proposé, mélangé à de l’eau.

Pour un support nutritionnel prolongé ou lorsque, comme dans ce cas, le chat ne tolère plus la sonde naso-œsophagienne, une sonde d’œsophagostomie peut être posée. Cela implique que l’animal soit stabilisé car une anesthésie générale est nécessaire. Une tranquillisation avec du butorphanol (Dolorex®, 0,05 mg/kg, par voie intraveineuse) associée à une induction au masque (isoflurane) est à préférer au mélange diazépam-kétamine, car ces dernières molécules nécessitent un métabolisme hépatique [3].

Un aliment riche en protéines et restreint en glucides est conseillé, excepté en cas de signes d’encéphalopathie hépatique [4, 6]. Les besoins énergétiques, dans le cas décrit, ont été calculés à partir de la formule suivante : 70 x PV0,73 kcal, PV = poids vif en kg (tableau 4) [2, 7, 8]. Il est recommandé de diviser la ration en six portions égales (inférieures à 5 ml/kg/repas) au moins au début. Environ un quart de la ration est administré le premier jour, puis la moitié le deuxième. La quantité est augmentée au cours des jours suivants jusqu’à la dose complète [4]. Cette réalimentation progressive prévient les complications digestives (surcharge volumique de l’estomac, régurgitations, vomissements, douleur abdominale, diarrhée) et métaboliques (hyperglycémie, hypophosphatémie) [8].

Les vomissements, lorsqu’ils surviennent, peuvent être minimisés en réchauffant l’aliment et par une administration lente. Du métoclopramide (Primpérid®, 0,3 mg/kg 3 fois par jour dans la sonde) est alors ajouté au traitement pour son action de vidange gastrique. Aucun vomissement n’a été observé chez ce chat. S’ils apparaissent malgré la mise en place du traitement, d’autres hypothèses doivent être envisagées : un déséquilibre électrolytique, des complications de la sonde (douleur, etc.), une maladie sous-jacente (pancréatite). 15 à 30 minutes d’exercice par jour (susciter les jeux, les déplacements) favoriseraient la motilité intestinale et sont donc recommandés [3]. Afin de prévenir l’aversion, l’aliment ne doit pas être proposé oralement dans la première semaine qui suit la pose de la sonde.

Suivi

Des visites de contrôle sont nécessaires. Dans le cas décrit, la première a eu lieu au bout de 7 jours. Les paramètres biologiques du chat étaient revenus dans les normes au moment de son retour chez ses propriétaires. Dans le cas contraire, des contrôles hématologique et biochimique (ionogramme inclus) sont conseillés lors de cette visite (risque d’hypophosphatémie et d’anémie hémolytique à la réalimentation). Le bilan biologique redevient normal, comme dans ce cas, en 1 à 2 semaines [4]. L’état clinique s’améliore lorsque les enzymes hépatiques se normalisent.

La lipidose hépatique féline est une maladie relativement fréquente. Dans la majorité des cas, une cause sous-jacente peut être identifiée et traitée. Lorsque aucune autre maladie n’est mise en évidence et qu’un stress est suspecté comme élément déclencheur de l’anorexie, la LHF est dite idiopathique. La pathogénie est multifactorielle et l’existence d’une variation interindividuelle dans son développement est possible. Le point essentiel du traitement réside dans une réalimentation adaptée en tenant compte des différentes carences dont le chat est atteint. Après la prise en charge médicale, 2 à 4 semaines sont souvent nécessaires pour que l’animal recommence à manger spontanément [4]. Le taux de survie avec un traitement nutritionnel adapté est d’environ 60 % [5, 6]. Plus la détection de la maladie et le traitement sont précoces, plus le taux de survie est élevé [5]. Une fois le chat guéri, le risque de récidive de LHF est faible.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1 – Bunch SE. Hepatobiliary diseases in the cat. In: Nelson W, Couto C. Small animal internal medicine. 3nd ed. Mosby, St Louis, Missouri. 2003:506-512.
  • 2 – Cadoré JL. La stéatose hépatique. In: Arpaillange C, Buffington T, Cadoré JL et coll. Recommandations pratiques cliniques en médecine féline. Éd. Point Vétérinaire, Rueil-Malmaison. 2007:219-221.
  • 3 – Center SA. Feline Hepatic lipidosis. Vet. Clin. Small Anim. 2005;35(1):225-269.
  • 4 – De Novo RC. Maladies hépatiques félines. Prat. Med. Chir. Anim. Compend. 2006;41(n° spécial):273-280.
  • 5 – Dimski DS. Feline hepatic lipidosis. Séminaire Vet. Med. Surg. Small Anim. 1997;12(1):28-33.
  • 6 – Dimski DS, Taboada J. Feline idiopathic hepatic Lipidosis. Vet. Clin. Small Anim. 1995;25(2):357-371.
  • 7 – Goy-Thollot I. Alimentation des chats en soins intensifs. In: Goy-Thollot I, Elliot DA. Encyclopédie de nutrition clinique féline. Éd. Aniwa SAS pour Royal Canin. 2008:426-447.
  • 8 – Karol AM. Nutritional Support for the injured or diseased cat and dog. In : Karol AM. Veterinary Emergency Critical Care Manual . 2nd ed. Lifelearn, Suffolk. 2006:499-506.

Encadré : Facteurs étiologiques de la lipidose hépatique

Des études récentes montrent que la lipidose hépatique féline (LHF) est avant tout le résultat d’une mobilisation excessive des graisses périphériques associée à une carence protéique qui compromet la formation des lipoprotéines et la sécrétion des triglycérides sous la forme de VLDL [4]. De plus, la restriction protéique réduit également les capacités anti-oxydantes du foie et aboutit à la production de radicaux libres qui entraînent des lésions des organelles (mitochondries, réticulum endosplasmique, appareil de Golgi, pero-xysomes, etc.) hépatiques.

Une carence en carnitine est aussi suspectée comme facteur prédisposant de la LHF [3]. En effet, la carnitine intervient dans le transport des acides gras au travers des membranes mitochondriales, lieu d’oxydation des graisses. Les besoins en carnitine lors de LHF sont plus importants car le chat ne peut compenser par une synthèse endogène accrue [3]. Une carence en taurine, responsable du bon fonctionnement des organelles hépatiques, pourrait également jouer un rôle dans la pathogénie de la LHF. En effet, les chats nourris avec une alimentation carencée en taurine ont une concentration sérique et hépatique en acide gras non estérifié (AGNE) plus élevée lors de lipolyse périphérique [3, 4]. D’autres carences en acides aminés sont également impliquées (arginine et méthionine) [3].

POINTS FORTS

• La lipidose hépatique féline (LHF) représente environ 50 % des maladies hépatiques félines.

• Une choléstase est présente dans 70 à 80 % des cas.

• 45 % des chats atteints de LHF développent des troubles de l’hémostase. Un traitement à la vitamine K1 doit être instauré avant toute cytoponction.

• Le diagnostic définitif repose sur l’analyse histologique d’une biopsie hépatique.

• La réalimentation par sonde naso-œsophagienne ou d’œsophagostomie est l’étape la plus importante du traitement.

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