Drainage percutané échoguidé d’abcès prostatiques - Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009
Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009

Médecine interne canine

Pratique

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Julie Pradel*, Franck Durieux**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
Service de médecine interne
Parc d’activités Mermoz
Avenue de la Forêt
33320 Eysines
**Clinique vétérinaire
Service d’imagerie médicale
Parc d’activités Mermoz
Avenue de la Forêt
33320 Eysines

Lors d’abcès prostatiques, le drainage percutané sous guidage échographique constitue une solution alternative au traitement chirurgical, plus invasif.

Les affections prostatiques concernent environ 80 % des chiens mâles âgés de plus de 10 ans. Parmi elles, les abcès sont assez fréquemment rencontrés [2]. Leur traitement est le plus souvent chirurgical et fait appel à différentes techniques de drainage qui, même si elles obtiennent de bons résultats à long terme, sont relativement invasives et s’accompagnent parfois de complications post-opératoires notables. Une solution alternative au traitement chirurgical consiste à réaliser un drainage percutané échoguidé.

Cas clinique

1. Commémoratifs et anamnèse

Un chien croisé lhassa-apso mâle, castré et âgé de 12 ans est référé pour une dyschézie chronique qui évolue depuis 3 ans. Le chien a présenté une hématurie 3 ans auparavant, associée à des douleurs lors des mictions et des défécations. Un syndrome prostatique a été suspecté et le chien a été castré. L’hématurie s’est résolue et le chien a recouvré un état général normal. Par la suite, quelques épisodes d’incontinence urinaire ont été observés et traités par l’administration de phénylpropanolamine (à la dose de 1,5 mg/kg/j par voie orale). Six mois plus tôt des douleurs sont réapparues lors des défécations. Une injection d’acétate de delmadinone et un traitement antibiotique de 3 semaines à base de marbofloxacine à la dose de 2 mg/kg/j ont permis de contrôler les signes cliniques.

Depuis 2 semaines, le chien présente à nouveau une dyschézie associée à une dysurie et des douleurs abdominales. Les selles émises sont plates, de consistance molle et de couleur grisâtre à jaunâtre. Une injection intramusculaire de dexaméthazone à la dose de 0,15 mg/kg a été administrée 15 jours auparavant, et un traitement antibiotique à base de marbofloxacine à la dose de 2 mg/kg/j par voie orale a été instauré et est toujours en cours.

2. Examen clinique

Le chien présente un abattement modéré. Sa température rectale est de 38,5 °C. L’auscultation cardiaque se révèle difficile en raison d’une polypnée marquée. L’auscultation pulmonaire met en évidence une forte augmentation des bruits respiratoires. La palpation abdominale ne montre pas d’anomalie. Le toucher rectal déclenche en revanche une douleur vive et, en région prostatique, une masse ventrale, ferme et irrégulière, comprimant le rectum, est palpée.

3. Hypothèses diagnostiques

L’ensemble des signes cliniques est fortement évocateur d’un syndrome prostatique. Le diagnostic différentiel regroupe les prostatites aiguë et chronique, les kystes (prostatiques et paraprostatiques), les abcès et les tumeurs. Un processus néoplasique des tractus urinaire et digestif ne peut cependant être exclu.

4. Examens complémentaires

• Un examen échographique de l’abdomen est réalisé en première intention. La prostate est de taille augmentée et contient deux volumineuses accumulations liquidiennes d’aspect hétérogène, la cavité droite étant plus importante que la gauche (photo 1). Le contenu des cavités est hypoéchogène et floconneux. Leur contour est irrégulier. Plusieurs foyers hyperéchogènes de minéralisation sont visibles au sein de la prostate. Le parenchyme prostatique est difficilement identifiable. La taille des nœuds lymphatiques iliaques médiaux est légèrement augmentée. L’examen des autres organes abdominaux ne montre pas d’anomalie.

Ces éléments sont en faveur d’une prostatite chronique accompagnée d’abcès. Cependant, une tumeur prostatique sous-jacente, bien que rare, ne peut être exclue. Un examen cytobactériologique du contenu des cavités et l’analyse histopathologique d’une biopsie prostatique sont donc recommandés. Un drainage échoguidé des cavités est envisagé. Un deuxième temps chirurgical avec omentalisation des cavités et biopsie prostatique est proposé, mais refusé par les propriétaires. Une ponction-aspiration du parenchyme prostatique et d’un nœud lymphatique iliaque médial est alors décidée.

• Un bilan préanesthésique incluant des clichés radiographiques du thorax (face et profil) et des examens sanguins est réalisé. Les structures cardio-pulmonaires sont dans les limites de la normale. Aucune métastase radiographiquement visible n’est observée. La biochimie sanguine révèle seulement une légère augmentation de l’activité des phosphatases alcalines, probablement secondaire à l’administration d’anti-inflammatoires stéroïdiens (tableau 1).

5. Réalisation du drainage percutané échoguidé

Protocole anesthésique

La prémédication est réalisée à l’aide d’acépromazine (Vétranquil®) à la dose de 0,05 mg/kg par voie intramusculaire, et l’induction avec du thiopental (Nesdonal®) à celle de 10 mg/kg. L’anesthésie est entretenue avec un mélange d’oxygène et d’isoflurane à l’aide d’un circuit semi-fermé. Une perfusion de lactate de Ringer est mise en place avec un débit de 10 ml/kg/h. Une antibioprophylaxie est instaurée avec de la marbofloxacine à la dose de 2 mg/kg par voie intraveineuse.

Matériel nécessaire

La ponction percutanée est réalisée à l’aide d’une aiguille reliée à un prolongateur et à un robinet trois voies pour permettre une plus grande amplitude de mouvements. Les liquides sont récoltés à l’aide d’une seringue de 10 ml branchée sur le robinet à trois voies. Le rinçage des cavités s’effectue à l’aide d’une seconde seringue. Un compromis existe quant au calibre de l’aiguille. En effet, une aiguille fine limite les lacérations et les fuites après la ponction, mais peut être inadaptée au drainage d’un matériel purulent compact. Dans ce cas, une aiguille de calibre 20 G est choisie.

Une sonde échographique de fréquence élevée est préférée car la prostate est un organe relativement superficiel. Dans ce cas, une sonde de 10 MHz microconvexe est utilisée, la forme du faisceau ultrasonore facilitant la cytoponction à main levée. Celle-ci est désinfectée préalablement à la procédure.

Procédure

• Le chien est placé en décubitus dorsal. L’ensemble de l’abdomen et des régions inguinales est tondu et désinfecté de manière chirurgicale. L’opérateur, muni de gants stériles, repère la prostate par un abord prépubien. Le marqueur de la sonde est dirigé cranialement et l’aiguille est introduite à environ 5 mm cranialement à la sonde, avec une direction caudo-ventrale (photo 2). Le trajet de l’aiguille est suivi échographiquement jusqu’à pénétration dans la cavité droite. Le drainage complet est alors effectué par un aide et permet de récolter 15 ml d’un liquide purulent. La cavité est ensuite rincée plusieurs fois avec du chlorure de sodium (NaCl) 0,9 % stérile jusqu’à l’obtention d’un liquide clair, cela sans retirer l’aiguille (photo 3). L’aspiration est maintenue au retrait de l’aiguille pour prévenir toute fuite de liquide dans l’abdomen et une péritonite secondaire. La procédure est répétée pour la seconde cavité et 10 ml d’un liquide purulent sont drainés. Un examen cytobactériologique et un antibiogramme sont demandés au laboratoire. Après la procédure, la taille et la forme de la prostate sont dans les limites de la normale (photo 4).

• Des cytoponctions échoguidées du parenchyme prostatique et du nœud lymphatique iliaque médial droit sont réalisées.

6. Résultats

Examens cytologiques

Des examens cytologiques sont effectués à la clinique après étalement sur lame et coloration rapide (Diff Quick®). L’analyse du liquide ponctionné confirme la nature purulente et septique du prélèvement. De très nombreuses coques en chaînette sont visualisées et les polynucléaires neutrophiles (PNN), dont certains sont dégénérés, constituent l’essentiel des cellules inflammatoires présentes (photo 5). L’examen cytologique du ganglion met en évidence une population majoritaire de petits lymphocytes. De nombreux PNN sont présents, associés à des coques en chaînette identiques à celles identifiées dans le pus prostatique. Aucune cellule d’aspect tumoral n’est visualisée (photo 6). La cytoponction prostatique n’est pas interprétable (forte contamination sanguine).

Examen cytobactériologique du liquide ponctionné

L’analyse cytologique du laboratoire révèle la présence de coques à Gram+ associées à des leucocytes, de rares cellules épithéliales et de quelques hématies. Il s’agit d’une culture pure de streptocoques G sensibles notamment à la marbofloxacine (tableau 2).

7. Diagnostic et traitement

L’ensemble des examens permet de conclure à des abcès prostatiques infectés avec une adénite bactérienne satellite. Bien que peu probable, l’hypothèse tumorale sous-jacente ne peut être exclue. Le chien est rendu à ses propriétaires dès le lendemain du drainage. L’antibiothérapie (marbofloxacine, 2 mg/kg/j par voie orale) est poursuivie pour une période minimale de 6 semaines. Un contrôle échographique est recommandé 2 semaines après le drainage pour suivre l’évolution des cavités et des nœuds lymphatiques iliaques.

8. Suivi

À 3 semaines postponction

• L’état général du chien s’est très nettement amélioré à la suite des ponctions. Une semaine avant la visite, l’animal a présenté une rechute avec des difficultés locomotrices au niveau du train postérieur. Une leucocyturie est mise en évidence. De la céfalexine (22 mg/kg, 2 fois par jour, par voie orale) est ajoutée au traitement antibiotique en cours.

• Le toucher rectal révèle une prostate “sous pression” et asymétrique, le lobe droit étant plus développé. À l’échographie, deux cavités prostatiques anéchogènes sont à nouveau visibles, la plus volumineuse se situant dans le lobe droit (diamètre supérieur à 2,5 cm) (photo 7). Les contours prostatiques sont bien visibles et le parenchyme est beaucoup plus homogène, avec quelques foyers de minéralisation. Une discrète adénomégalie iliaque est toujours présente. Un drainage échoguidé est réalisé selon le même mode opératoire, et un liquide jaune opalescent dans la cavité gauche et jaune citrin à droite est retiré. Après vidange, la taille et la forme de la prostate sont dans les limites de la normale (photo 8). L’analyse cytobactériologique des liquides montre de rares leucocytes. Les cultures restent stériles. L’antibiothérapie est cependant maintenue jusqu’au prochain contrôle dans un mois.

Deuxième contrôle échographique

L’état général du chien est bon et les propriétaires ne rapportent aucun signe clinique. À l’examen échographique pratiqué 4 semaines après la seconde ponction, la prostate est symétrique et non déformée. Ses contours sont nets et son parenchyme homogène. Deux cavités anéchogènes sont visibles. La plus volumineuse se situe dans le lobe gauche et mesure moins de 2 cm (photo 9). Aucune adénomégalie n’est notée. Devant l’absence de signes cliniques et la taille des cavités, supposées kystiques, aucune ponction n’est réalisée. Le traitement antibiotique est interrompu. Un contrôle mensuel (par toucher rectal et échographie) est recommandé.

Suivi à long terme

6 mois plus tard, le suivi est réalisé par conversation téléphonique avec le vétérinaire référent et les propriétaires. L’animal présente un bon état général et aucune récidive n’est rapportée.

Discussion

1. Choix des examens complémentaires

• Une analyse d’urines (bandelette, densité, examen du culot) est utile pour détecter une infection urinaire concomitante, fréquemment observée [2].

• Un bilan sanguin (hématologie et biochimie) est recommandé afin de détecter les complications que sont le choc septique ou l’insuffisance rénale, et d’adapter la thérapeutique.

• L’échographie abdominale est l’examen complémentaire de choix pour établir le diagnostic des affections de la prostate. Elle permet d’évaluer la taille, la forme et la structure de la glande, les structures environnantes, comme les ganglions de la région pelvienne, et des organes plus distants, comme le foie, qui peuvent être impliqués dans certaines affections prostatiques (notamment les tumeurs) [12]. Cet examen manque toutefois de spécificité et ne permet pas d’établir un diagnostic sur la base des seules images observées. Ainsi, si certaines modifications se retrouvent assez régulièrement dans les cas d’abcès prostatiques (tableau 3), seul un examen cytobactériologique du contenu est décisif. L’échographie présente cependant l’avantage de faciliter les prélèvements nécessaires : cytoponctions, biopsies prostatiques (peu recommandées lors d’abcès) [5]. De plus, si le chien est entier, l’échographie abdominale doit toujours être menée de front avec une échographie testiculaire.

• La radiographie abdominale permet le plus souvent d’évaluer la taille de la glande et les conséquences d’une prostatomégalie (basculement dans l’abdomen, compression du côlon). Ce n’est donc pas un examen diagnostique des affections prostatiques. En revanche, les complications de ces atteintes peuvent être visualisées : calcifications du parenchyme, lymphadénopathie sous-lombaire, discospondylite secondaire à des emboles infectieux ou métastases osseuses locorégionales lors d’atteinte tumorale [4, 5]. Cette procédure peut donc être envisagée en complément, en fonction des hypothèses diagnostiques. Les radiographies thoraciques sont, quant à elles, recommandées lors de suspicion de processus néoplasique (recherche de métastases pulmonaires) et font partie du bilan préanesthésique de l’animal âgé.

2. Signes cliniques

Les signes cliniques classiquement observés lors d’abcès prostatiques sont une léthargie, une dysurie et une dyschézie. Une hyperthermie est parfois présente, sans être systématique. La douleur au toucher rectal est de règle, mais est également présente lors de prostatite aiguë ou de tumeur. Elle est très rarement observée lors de kyste simple [2, 4, 5]. En cas de rupture d’un abcès, une douleur abdominale sévère est notée (syndrome abdominal aigu).

3. Étiologie

Les abcès sont des complications des prostatites chroniques. Ils se développent secondairement à une atteinte sous-jacente de la prostate (hyperplasie bénigne, kyste, métaplasie squameuse, tumeur) ou à une infection urinaire [5]. La bactérie le plus souvent isolée est E. coli, mais d’autres agents pathogènes peuvent être impliqués, comme Pseudomonas, Proteus, des staphylocoques, des streptocoques et, moins fréquemment, Klebsiella ou Enterobacter [2, 5, 6].

4. Traitement

Traitement chirurgical

• Le traitement des abcès prostatiques est classiquement chirurgical et différentes techniques de drainage sont décrites [2, 5, 6, 7, 11]. Les méthodes de marsupialisation et de drainage externe sont aujourd’hui abandonnées car elles requièrent des soins postopératoires lourds et onéreux. L’omen-talisation prostatique semble être une méthode de choix, préférée par de nombreux chirurgiens. L’hospitalisation est courte (sortie possible dès 48 heures après l’intervention chirurgicale) et les récidives à long terme sont rares [2, 6, 11]. Elle entraîne peu de complications, mais un risque d’incontinence urinaire permanente existe qui doit être exposé aux propriétaires. Lors de chirurgie prostatique, la réalisation de biopsies est facilitée et une prostatectomie partielle est mise en œuvre en cas de suspicion de processus tumoral.

• La castration fait partie du traitement chirurgical de toutes les maladies prostatiques, à l’exception des tumeurs qui ne semblent pas hormono-dépendantes [5]. Lors d’abcès, il s’agit d’une mesure adjuvante qui peut être différée de 3 semaines par rapport au traitement spécifique [2]. Dans le cas décrit, la castration a été effectuée 3 ans auparavant.

Drainage percutané échoguidé

• Un drainage échoguidé est parfois réalisé avant le traitement chirurgical de volumineux abcès prostatiques pour limiter les risques de contamination abdominale peropératoire, mais également pour soulager rapidement un animal débilité et lui permettre de recouvrer une miction et une défécation normales dans l’attente de l’intervention. Il peut aussi être une solution alternative à l’acte chirurgical chez des chiens pour lesquels l’anesthésie générale n’est pas recommandée puisqu’il peut être réalisé chez un animal vigile ou seulement prémédiqué [1, 2, 3, 9, 11].

• Cette technique peu invasive permet une amélioration immédiate de l’état clinique de l’animal et est peu coûteuse, comparativement aux procédures chirurgicales. Les complications sont rares et dépendent de l’expérience de l’opérateur. Elles incluent une contamination abdominale et des lacérations accidentelles de structures vasculaires adjacentes [2]. Le principal inconvénient est une récidive d’accumulations liquidiennes, infectées ou non, pouvant entraîner une résurgence des signes cliniques et nécessiter une ou plusieurs nouvelles ponctions. Les propriétaires doivent être avertis de cette éventualité dès le début. Dans le cas présenté, deux ponctions ont été nécessaires. Deux cavités étaient encore visibles au dernier contrôle, mais, d’après notre expérience, lors de lésions kystiques dont le diamètre est inférieur à 2 cm sans signes cliniques, un drainage n’est pas justifié. Un contrôle échographique mensuel est en revanche recommandé pour suivre la taille du kyste et ses conséquences sur le parenchyme prostatique.

• Quatre études décrivent l’utilisation du drainage échoguidé dans le traitement d’abcès prostatiques, en association avec une antibiothérapie ciblée [1, 2, 3, 8, 10]. Dans un essai incluant 8 chiens atteints d’abcès, jusqu’à quatre drainages ont été requis, avec une moyenne de deux procédures. Aucun chien n’a présenté de récidive sur un suivi moyen de 36 mois. Aucune corrélation ne semble exister entre la taille de la collection et le nombre de drainages nécessaire. La taille de la collection ne paraît pas non plus être un facteur limitant. En effet, dans cette étude, une cavité contenant 180 ml de pus a été traitée avec succès. En revanche, lorsque la ponction ne draine pas complètement les cavités ou que les lésions ne diminuent pas suffisamment de taille après chaque procédure, un traitement chirurgical est recommandé. Celui-ci reste la seule option en cas de péritonite.

Choix de l’antibiotique

Lors d’abcès prostatique, une antibiothérapie ciblée doit être mise en place de manière énergique et prolongée (2 mois au minimum). Le choix de l’antibiotique dépend du résultat de l’antibiogramme, mais aussi de ses caractéristiques chimiques [5]. Il doit être actif en milieu purulent, diffuser dans la prostate en dehors du contexte inflammatoire et être de préférence bactéricide. Seuls les quinolones et l’association triméthoprime-sulfamides possèdent l’ensemble de ses spécificités (tableau 4). Des antibiogrammes de contrôle sont conseillés en cours de traitement pour surveiller l’apparition d’une antibiorésistance.

5. Intérêts des injections intralésionnelles lors de drainage prostatique ?

• Parmi les quatre études référencées, deux procédures se distinguent par des injections intralésionnelles postdrainage de différents produits (tableau 5). Dans le premier essai, il s’agit d’un mélange d’alcool et de sulfate de gentamicine 3 % [3]. Dans ce travail, un taux de récidives plus faible est observé et deux drainages au maximum sont nécessaires dans seulement 4 cas sur 45. Il est cependant difficile de déterminer si ces résultats sont significatifs. En effet, la durée du suivi est moindre : les contrôles sont effectués sur 6 mois alors que le suivi est en moyenne de 36 mois dans une autre étude. Une récidive pourrait ainsi ne pas avoir été détectée. Dans l’hypothèse où cette procédure diminue le taux de récidives, il est également difficile d’établir que cela est dû à l’effet antibiotique de la gentamicine - connue pourtant pour être peu active en milieu purulent - ou à l’activité antiseptique et irritatif de l’alcool. Cependant, de tels résultats sont encourageants et un travail comparatif en double aveugle mériterait d’être réalisé.

• Une autre étude récente décrit l’injection intralésionnelle isovolumique d’huile d’arbre à thé (Melaleuca alternifolia) [8]. Il s’agit d’une huile essentielle, contenant des terpènes, utilisée comme topique pour ses propriétés antimicrobiennes, notamment en dermatologie et en gynécologie humaines. 6 cas d’abcès prostatiques traités par cette procédure sont décrits. Dans 4 cas, la procédure a dû être répétée après 3 semaines. Les auteurs constatent une régression des abcès et une diminution marquée de la taille des cavités, concluant à l’efficacité de cette injection. Cependant, les résultats ne sont pas significativement différents de ceux obtenus lors de drainage simple. De plus, là encore, le suivi des cas n’est pas connu. Enfin, l’innocuité de cette huile essentielle n’est pas prouvée dans cette indication et son utilisation n’est donc pas recommandée. Des effets secondaires importants ont été décrits lors d’application topique : dermatite de contact, voire dépression, incoordination et trémulations musculaires en cas de surdosage [13].

• D’autres auteurs font état de l’injection intra-lésionnelle d’une quinolone, d’un volume équivalent au maximum à un quart de celui de départ [10]. En moyenne, quatre procédures sont nécessaires pour traiter définitivement les cavités prostatiques.

• Différents protocoles sont donc décrits pour les injections in situ. Cependant, il existe un risque non négligeable de fuite abdominale secondaire à celles-ci. Quelles substances utiliser sans risquer de provoquer une péritonite chimique secondaire ? À quelle concentration et dans quel volume ? Devant l’absence d’études cliniques sur l’intérêt et les complications éventuelles des injections intralésionnelles, il semble raisonnable de se limiter au rinçage à l’aide de liquide physiologique stérile qui présente des résultats relativement similaires.

Le drainage percutané échoguidé est une technique prometteuse pour le traitement des abcès et des kystes prostatiques. Certes, plusieurs ponctions sont souvent nécessaires, mais il s’agit d’une procédure peu invasive, d’où son intérêt chez des animaux âgés et débilités.

L’effet des injections intralésionnelles d’antiseptiques et/ou d’antibiotiques sur le taux de récidives doit encore être précisé.

Références

  • 1 - Barr FJ, Holt PE. Percutaneous aspiration of fluid-filled prostatic foci under ultrasound guidance (abstract). Vet. Radiol.1994;35:233.
  • 2 - Boland LE, Hardy RJ, Gregory SP et coll. Ultrasound-guided percutaneous drainage as the primary treatment for prostatic abscesses and cysts in dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2003;39(2):151-159.
  • 3 - Bussadori C, Bigliardi E, D’Agnolo G et coll. The percutaneous drainage of prostatic abscesses in the dog. Radiol. Med. (Torino). 1999;98(5):391-394.
  • 4 - Cot S, Fontbonne A. Les affections prostatiques non-inflammatoires. Point Vét. 2001;n°spéc.“Urologie et néphrologie des carnivores domestiques”:116-121.
  • 5 - Cot S, Fontbonne A. Prostatites et abcès prostatiques. Point Vét. 2001;n°spéc.“Urologie et néphrologie des carnivores domestiques”:122-125.
  • 6 - Dupuy-Dauby L, Dupré G, Bouvy B. Traitement chirurgical de 48 cas d’affections prostatiques chez le chien : étude rétrospective. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp.1996;31:515-524.
  • 7 - Hedlund CS. Surgery of the male reproductive tract. In : Small Animal Surgery. 2nd ed. Ed. Mosby, St Louis, Missouri. 2002;648-658.
  • 8 - Kawakami E, Washizu M, Hirano T et coll. Treatment of prostatic abscesses by aspiration of the purulent matter and injection of tea tree oil into the cavities in dogs. J. Vet. Med. Sci. 2006;68(11):1215-1217.
  • 9 - Lévy X. Actualités dans le traitement des cavités prostatiques. Point Vét. 2008;39(n°spéc.):107-110.
  • 10 - Lévy X, Prigent S, Gomes E et coll. Treatment of prostatic abscesses: value of one-step transabdominal ultrasound guided needle aspiration and in situ injection of marbofloxacin. In: Proceedings EVSSAR Symposium, Estoril. 2007;101.
  • 11 - Macheboeuf A. Kystes paraprostatiques chez un chien. Point Vét. 2007;273:74-78.
  • 12 - Maï W. Échographie de la prostate chez le chien et chez le chat. Point Vét. 2002;224:70-74.
  • 13 - Villar D, Knight MJ, Hansen SR, Buck WB. Toxicity of melaleuca oil and related essential oils applied topically on dogs and cats. Vet. Hum. Toxicol. 1994;36(2):139-142.

POINTS FORTS

• L’échographie abdominale est l’examen complémentaire de choix pour le diagnostic des affections prostatiques.

• Les signes échographiques n’étant pas spécifiques, le diagnostic définitif requiert l’analyse cytologique ou histologique de prélèvements (cytoponctions ou biopsies échoguidées).

• Le traitement des abcès prostatiques par drainage percutané échoguidé peut constituer pour des cas sélectionnés une solution alternative à la chirurgie.

• Les récidives sont assez fréquentes et plusieurs drainages sont souvent nécessaires à la guérison.

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