Les pancréatites chez le chien : actualités diagnostiques et thérapeutiques - Le Point Vétérinaire n° 295 du 01/05/2009
Le Point Vétérinaire n° 295 du 01/05/2009

Médecine interne canine

Infos

FOCUS

Auteur(s) : Fabienne Wyssmann

Fonctions : D’après la conférence tenue par Patrick Lecoindre (dipl. ECVIM (CA)), à l’ENV d’Alfort le 2 avril 2009.

Les pancréatites sont sous-diagnostiquées en raison de leur expression clinique fruste et d’une insuffisance, notamment une mauvaise sensibilité, des moyens diagnostiques.

Le pancréas est le siège de la synthèse de nombreuses enzymes nécessaires à la digestion. Celles-ci sont stockées chacune sous une forme inactive (pro-enzyme) dans les cellules pancréatiques acineuses. Les pro-enzymes sont activées dans la lumière du tube digestif par d’autres enzymes pancréatiques, appelées protéases.

Pathogénie et épidémiologie

Lorsque le pancréas souffre d’une perfusion insuffisante, des vacuoles se forment au sein des cellules acineuses. Les pro-enzymes et les protéases entrent en contact au sein de ces vacuoles et une activation des pro-enzymes s’opère in situ.

Certaines races semblent prédisposées : cocker, caniche, schnauzer nain (en raison de l’hyperlipémie familiale), labrador, cavalier king charles, colley, boxer. Il n’existe pas de prédisposition de sexe. En revanche, les individus stérilisés sont plus représentés.

Des facteurs favorisants sont connus :

– des médicaments tels que le bromure de potassium, la L-asparaginase, l’azathioprine, les tétracyclines, les sulfamides, les organophosphorés et la clomipramine ;

– des affections telles qu’une hypercalcémie néoplasique, une endocrinopathie hyperlipémiante (diabète, hypothyroïdie), des troubles ou des traitement hypovolémiants (maladie d’addisson, anesthésie générale, etc.), une obésité et l’hyperlipémie familiale du schnauzer nain ;

– une alimentation trop riche.

Classification clinique

Trois formes de pancréatite sont identifiées chez le chien : suraiguë, aiguë et chronique.

La forme suraiguë est définie par une activation locale des pro-enzymes et une libération intra-abdominale et sanguine d’enzymes pancréatiques et de médiateurs de l’inflammation. Elle entraîne une réaction inflammatoire locale (péritonite chimique) et systémique qui peut aboutir à un syndrome de dysfonctionnement organique multiple (MODF).

La forme aiguë correspond à la forme suraiguë sans la composante systémique : l’inflammation du pancréas évolue vers un œdème puis une nécrose. Ces lésions pancréatiques sont responsables d’une péritonite chimique (qui peut devenir septique).

La forme chronique est caractérisée par la présence dans le pancréas d’un infiltrat de cellules inflammatoires qui évolue vers des lésions irréversibles de fibrose qui peuvent entraîner une insuffisance pancréatique exocrine (IPE) ou endocrine (diabète).

Tableau clinique

Les signes cliniques d’une pancréatite sont peu spécifiques. Lors de syndrome digestif, caractérisé par un abattement, une anorexie, une hyperthermie, des vomissements, une diarrhée et/ou une douleur abdominale, une pancréatite doit être suspectée. Le diagnostic différentiel comporte différentes hypothèses diagnostiques : gastroentéropathie, maladie endocrinienne, hépatopathie, atteinte rénale et pancréatite. Ces affections peuvent évoluer de façon concomitante et être indépendantes les unes des autres.

Moyens diagnostiques

Bilan hématobiochimique

La réalisation d’une numération et d’une formule sanguines ainsi que d’un bilan biochimique complet (urée, créatinine, glucose, transaminases, phosphatases alcalines, calcium, protéines totales, bilirubine totale, cholestérol, triglycérides, amylase, lipases, lactates) et d’un ionogramme permet d’orienter le diagnostic et de déterminer une atteinte multisystémique. Le dosage de l’amylase et des lipases est peu spécifique. Des valeurs normales n’excluent pas une pancréatite. Lorsque le taux d’une des deux enzymes est supérieur à trois fois la norme, une pancréatite est fortement suspectée mais doit être confirmée.

Imagerie médicale

• La radiographie ne présente pas d’intérêt pour diagnostiquer une pancréatite (sensibilité de 24 %). Elle permet toutefois d’explorer certaines hypothèses du diagnostic différentiel.

• L’échographie a une sensibilité plus forte que la radiographie (68 %), mais est dépendante du manipulateur et du matériel. En revanche, sa spécificité est élevée. Cet examen se révèle indispensable pour explorer les autres affections suspectées.

Tests biologiques

• Le dosage de la TLI (trypsin-like immunoreactivity) ne présente aucun intérêt pour le diagnostic de la pancréatite. Il n’est intéressant que dans le cadre de la recherche d’une IPE associée à l’évolution d’une pancréatite chronique.

• Le dosage de la cPL (lipase pancréatique canine) est le test de choix pour confirmer une hypothèse de pancréatite, car il est plus sensible et plus spécifique que les méthodes classiques de dosage enzymatique. Seule la lipase originaire du pancréas est dosée. Plusieurs techniques sont possibles : par radio-immuno-essai (test cPLI) ou par méthode Elisa (tests Spec cPL® et SNAP cPL®). Le test cPLI correspond au “gold standard”, mais est disponible seulement aux États-Unis. Toutefois, le Spec cPL® possède une corrélation excellente (95 %) avec le cPLI. Le SNAP cPL® est la version semi-quantitative du Spec cPL® qui se réalise en clientèle. Le SNAP cPL® permet donc le dépistage d’une pancréatite et le Spec cPL® sa confirmation (figure).

Histopathologie

L’examen histopathologique est très fiable pour diagnostiquer une pancréatite, mais il est invasif (biopsies sous laparotomie ou laparoscopie).

Traitement

Le traitement doit être agressif, surtout si un MODF est présent.

Une fluidothérapie adaptée (fonction de la biochimie et du ionogramme) est requise pour restaurer la perfusion pancréatique, la volémie, les équilibres électrolytique et acido-basique.

Il convient de contrôler les vomissements à l’aide de métoclopramide en perfusion (2 mg/kg/j), ou de maropitant et de ranitide par voie injectable, puis de sucralfate per os.

La prise en charge de la douleur est indispensable. De la morphine (0,1 mg/kg par voie sous-cutanée ou intraveineuse), du butorphanol (0,2 à 0,4 mg/kg/6 heures par voie sous-cutanée) ou des patchs de fentanyl peuvent être administrés. Un protocole, appelé MLK, est plébiscité par le conférencier. Il se prépare avec de la kétamine 30 mg, de la morphine 12 mg et de la lidocaïne 7,5 mg dans un volume de 100 ml de NaCl. Le mélange est administré par voie intraveineuse selon un débit de 0,2 ml/kg/h.

L’antibiothérapie n’est pas systématique. Elle est réalisée pour contrôler des complications septiques locales ou systémiques. L’association de métronidazole à la dose de 20 mg/kg/j et de marbofloxacine à la dose de 2 mg/kg/j est conseillée.

Contrairement à ce qui était préconisé auparavant, une alimentation entérale précoce (dans les 24 heures) à l’aide d’une sonde d’œsophagostomie, de gastrostomie ou de jéjunostomie (si les vomissements ne sont pas contrôlés) est indiquée afin de prévenir un iléus secondaire et de compenser les pertes énergétiques liées à la pancréatite. Le Fortol® ou le W/D® mixé sont des aliments adéquats.

Une intervention chirurgicale est indiquée lorsqu’une péritonite chimique et/ou septique est diagnostiquée, que des phlegmons pancréatiques sont présents et qu’une obstruction des voies biliaires est suspectée (ictère cholestatique) ou observée.

Suivi de traitement

Il convient de réévaluer l’état de l’animal tous les 2 à 3 jours à l’aide d’un bilan hématobiochimique et d’un examen échographique abdominal. La réalisation d’une cinétique du taux de cPL avec le test Spec cPL® permet de suivre l’évolution de la pancréatite. Son intérêt pronostique n’est pas encore établi. En revanche, un score d’activité de la maladie, comme l’index de gravité clinique proposé par Ruaux en 1998, est informatif. Cet index est fondé sur cinq critères : une leucocytose supérieure à 24 x 109/l, une créatininémie supérieure à 30 mg/l, un dosage des alanine aminotransférases ou des phosphatases alcalines trois fois supérieur à la normale, une glycémie supérieure à 2,2 g/l et les bicarbonates supérieurs à 26 mmol/l. Il est calculé en fonction de la positivité des cinq critères. Si ces derniers sont tous positifs, alors le taux de mortalité est de 100 %.

Une pancréatite doit être recherchée précocement lors de tout syndrome digestif aigu ou chronique afin de la traiter rapidement et de prévenir les complications qui peuvent survenir (MODF, péritonite septique, obstruction des voies biliaires extrahépatiques, IPE, diabète).

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