L’ataxie cérébelleuse de l’american staffordshire terrier - Le Point Vétérinaire n° 292 du 01/01/2009
Le Point Vétérinaire n° 292 du 01/01/2009

GÉNÉTIQUE CANINE

Infos

FOCUS

Auteur(s) : Marie Abitbol

Fonctions : Unité pédagogique de génétique médicale et moléculaire
ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

La commercialisation du test génétique de l’ataxie cérébelleuse de l’american staffordshire terrier permet de lutter efficacement contre cette maladie héréditaire incurable.

L’ataxie cérébelleuse de l’american staffordshire terrier est une maladie héréditaire dégénérative du cervelet qui touche également les american pit bull terriers et les chiens de type pitbull. Chez l’american staffordshire terrier, la maladie a été caractérisée au début des années 2000, en France, à l’ENV d’Alfort par Stéphane Blot, et, aux États-Unis, par Natasha Olby de l’université de Caroline du Nord. La maladie est également appelée “abiotrophie cérébelleuse” ou “atrophie corticale cérébelleuse”.

Diagnostic

Signes cliniques

Les chiens atteints présentent initialement une ataxie discrète qui se manifeste surtout lors de changements de direction (angle d’une rue, d’un couloir), de la montée ou de la descente des escaliers, ou pendant la nage (risque de noyade). Aux yeux du propriétaire, l’animal peut paraître simplement maladroit. Cette maladresse évolue vers une ataxie permanente de plus en plus marquée. Le chien présente alors une astasie (trouble de l’équilibre au repos) et une hypermétrie, marquée sur les membres antérieurs. La montée des escaliers devient difficile, voire impossible. Certains individus portent la tête discrètement inclinée alternativement d’un côté et de l’autre. Un nystagmus qui peut être déclenché lors d’hyperextension cervicale ou en faisant rouler le chien sur le dos est fréquemment observé, accompagné parfois de tremblements intentionnels de tout le corps. En fin d’évolution de la maladie, la stabilité du regard est perdue, le chien devient incapable de se mouvoir et de se nourrir seul. Aucune modification comportementale, mis à part une certaine indifférence à l’environnement, n’est notée.

Examens clinique et complémentaires

Pour établir le diagnostic, en particulier dans la phase clinique initiale, il convient de réaliser une évaluation à distance de la locomotion, notamment lors du franchissement d’obstacles, et un examen nerveux complet. L’origine cérébelleuse est suspectée dès que l’ataxie est symétrique et qu’aucun déficit de la proprioception consciente n’existe. Le nystagmus et les épisodes de tête penchée sont communs aux ataxies vestibulaires et à certaines formes cérébelleuses. Le début insidieux et l’aggravation progressive orientent vers une maladie dégénérative. Mais d’autres causes d’ataxie cérébelleuse peuvent produire un tableau clinique similaire ; il s’agit notamment des cérébellites et des tumeurs du cervelet. Le diagnostic d’abiotrophie cérébelleuse est établi lorsque les autres affections du cervelet sont écartées par l’imagerie cérébrale (imagerie par résonance magnétique ou IRM) et la ponction du liquide cérébro-spinal (absence de composante inflammatoire). L’âge du chien et sa race sont également des éléments déterminants.

L’observation de sillons cérébelleux élargis à l’IRM (seul examen complémentaire diagnostique du vivant de l’animal) permet d’étayer le diagnostic.

À ce jour, il n’existe aucun traitement curatif ni palliatif.

Mode de transmission

• L’ataxie cérébelleuse héréditaire touche les american staffordshire terriers âgés de 18mois à 9 ans. Il s’agit donc d’une maladie de l’adulte. La majorité des chiens déclare l’affection entre trois et cinq ans (80 % des cas recensés à l’ENV d’Alfort entre 2002 et 2007). La durée d’évolution de la maladie est variable : de six mois à plus de six ans.

• Il s’agit d’une maladie héréditaire à transmission autosomique récessive.

Dans ce mode de transmission, les mâles et les femelles sont atteints dans les mêmes proportions et le gène en cause est porté par un autosome. Un individu malade possède deux copies (allèles) mutées du gène impliqué (il est dit homozygote muté ou homozygote malade), l’une transmise par son père, l’autre par sa mère. Les deux parents, s’ils sont indemnes de la maladie, sont alors dits porteurs sains ou hétérozygotes.

Il existe par conséquent des porteurs sains de l’ataxie cérébelleuse. Ces chiens sont impossibles à identifier sans le recours à un test de dépistage génétique. Ce type d’examen ne peut voir le jour que lorsque le gène et la mutation responsables de la maladie sont identifiés. Les individus indemnes de la maladie et qui ne la transmettent pas sont dits homozygotes sains ou homozygotes normaux.

Recherche du gène en cause

Des recherches menées à l’UMR955 INRA-ENVA de génétique moléculaire et cellulaire (Laurent Tiret et Marie Abitbol) et par le laboratoire de neurobiologie à l’ENV d’Alfort (Stéphane Blot), en collaboration avec l’UMR6061 CNRS-université Rennes-1 de génétique et développement (Catherine André) et le laboratoire Antagene (www. antagene.com), ont mis en évidence une mutation portée par les american staffordshire terriers atteints d’ataxie cérébelleuse. Cette découverte a nécessité la constitution d’une importante cohorte d’american staffordshire terriers ataxiques et d’american staffordshire terriers témoins sains, obtenue grâce au large recrutement de cas permis par la consultation de neurologie de l’ENV d’Alfort et grâce aux cliniciens référents.

Cette découverte a été brevetée au niveau international par l’ENV d’Alfort et l’Institut national de recherche agronomique. Le laboratoire Antagene, partenaire des recherches, dispose d’une licence exclusive pour la commercialisation du test génétique en Europe et dans le monde.

Dépistage et conseil génétique

Intérêt du test

Le test génétique est fiable, facile à mettre en œuvre (à partir d’un simple frottis buccal) et réalisable dès que l’animal est identifié (puce ou tatouage).

Il est valable à vie. Le dépistage précoce de cette maladie neurodégénérative incurable permet :

- d’identifier les chiens atteints avant l’apparition des premiers signes cliniques ;

- d’exclure cette affection lors d’un diagnostic différentiel d’ataxie, avant d’envisager des examens complémentaires contraignants ou coûteux ;

- de dépister les chiens porteurs et de sélectionner les reproducteurs ;

- d’adapter les croisements.

Ce travail de prévention est indispensable pour contenir la propagation de l’allèle muté responsable de la maladie dans la race, éviter de faire naître des chiens atteints et pour éradiquer peu à peu cette affection héréditaire. Lors de la phase de validation du test génétique, la proportion d’american staffordshire terriers français porteurs de la mutation responsable de l’ataxie a été estimée à 30 %.

Interprétation du test

L’ataxie cérébelleuse est une maladie autosomique récessive, c’est-à-dire que la présence de deux allèles mutés du gène est nécessaire à son apparition. Le test génétique détermine le statut du chien (tableau).

Ainsi, un chien porteur sain (hétérozygote) transmet l’allèle muté à, statistiquement, 50 % de sa descendance, et un chien homozygote muté, à 100 % de sa descendance. La proportion de chiens d’une portée atteints d’ataxie cérébelleuse et celle d’individus porteurs sains dépendent donc du statut génétique des parents.

• L’accouplement de deux chiens homozygotes normaux (+/+) pour l’ataxie produit 100 % d’animaux homozygotes normaux pour l’ataxie, qui ne développent pas l’ataxie cérébelleuse héréditaire de l’american staffordshire terrier.

• L’accouplement d’un chien homozygote normal (+/+) et d’un chien hétérozygote porteur sain (+/-) pour l’ataxie produit 50 % de chiens homozygotes normaux et 50 % de chiens hétérozygotes porteurs sains. Aucun ne développe l’ataxie cérébelleuse héréditaire de l’american staffordshire terrier. Cependant, ce type de croisement continue de propager l’allèle muté du gène car les chiens porteurs sains peuvent à leur tour le transmettre à leur descendance.

• L’accouplement de deux chiens hétérozygotes porteurs sains (+/-) pour l’ataxie produit 25 % d’individus homozygotes normaux et 50 % de porteurs sains hétérozygotes, qui ne développeront pas l’ataxie cérébelleuse héréditaire de l’american staffordshire terrier, et 25 % d’animaux homozygotes mutés (-/-) qui en sont atteints à l’âge adulte.

• L’accouplement d’un chien homozygote normal (+/+) et d’un chien atteint homozygote muté (-/-) pour l’ataxie produit 100 % de chiots porteurs sains hétérozygotes. Aucun ne développe l’ataxie cérébelleuse héréditaire de l’american staffordshire terrier. Cependant, ce type de croisement continue de propager l’allèle muté du gène car les chiens porteurs sains peuvent à leur tour le transmettre à leur descendance.

• L’accouplement d’un chien atteint homozygote muté (-/-) et d’un autre hétérozygote porteur sain (+/-) pour l’ataxie produit 50 % de chiens hétérozygotes porteurs sains, qui ne développent pas l’ataxie cérébelleuse héréditaire de l’american staffordshire terrier et 50 % de chiens homozygotes mutés qui en sont atteints à l’âge adulte.

• L’accouplement de deux chiens atteints homozygotes mutés (-/-) produit 100 % de chiens homozygotes mutés qui développent la maladie à l’âge adulte.

En résumé, il est déconseillé de mettre à la reproduction un chien (mâle ou femelle) qui est atteint, c’est-à-dire homozygote muté (-/-) pour l’ataxie cérébelleuse, même s’il n’a pas encore déclaré les signes de la maladie. En revanche, un chien porteur sain hétérozygote (+/-) peut se reproduire, mais, dans ce cas, un partenaire homozygote normal (+/+) doit lui être choisi impérativement. De plus, tous les chiots issus de cet accouplement doivent être testés génétiquement car 50 % d’entre eux sont porteurs sains hétérozygotes et transmettront, à leur tour, l’allèle muté du gène de l’ataxie à leur descendance.

En raison de la forte proportion d’american staffordshire terriers français porteurs de l’allèle muté, il convient de tester génétiquement ceux d’entre eux devant être mis à la reproduction et de ne pas écarter des accouplements tous les chiens hétérozygotes porteurs sains. L’élimination de l’allèle muté responsable de l’ataxie cérébelleuse doit s’effectuer très progressivement, de façon à ne pas détériorer la variabilité et le potentiel génétiques de la race.

Remerciements à Stéphane Blot et à Jean-Laurent Thibaud (neurologie, ENV d’Alfort) pour leurs relectures attentives, et aux partenaires de l’étude (scanner-centre de radiothérapie, ENV d’Alfort, Antagene et l’UMR6061 CNRS/Rennes-1 de génétique et développement). Le travail de recherche a été financé par le programme européen Eurotrans-Bio Biomarks.

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