PREMIÈRE CONSULTATION DU LAPIN DE COMPAGNIE : LES POINTS ESSENTIELS - Ma revue n° 020 du 01/01/2020 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 020 du 01/01/2020

LES FONDAMENTAUX

Généralités, connaissances et gestes de base

Auteur(s) : Pierre Ronot

Fonctions : Chef du service NAC
CHV Languedocia
395, rue Maurice Béjart
Parc 2000
34080 Montpellier

En pratique, un protocole de médecine préventive adapté est à mettre en œuvre dès la première consultation du lapin de compagnie, tout en fournissant des conseils individualisés au propriétaire.

La première consultation du lapin de compagnie est une étape décisive dans son parcours de soins. Savoir répondre aux questions les plus fréquentes des propriétaires permet de tisser une relation de confiance avec le praticien. C’est le point de départ pour conseiller et établir un programme de soins préventifs appropriés et individualisés. Cet article aborde ainsi le plan vaccinal, la médecine préventive, les bénéfices de la stérilisation, ainsi que les conditions d’entretien et l’enrichissement du milieu.

EXAMEN CLINIQUE

Le vétérinaire peut suivre un calendrier de médecine préventive afin de respecter chaque étape de la première année du lapin de compagnie (tableau 1).

VACCINATION

Tous les lapins doivent être vaccinés, même ceux qui vivent en intérieur et n’ont aucun contact avec des congénères ni aucun accès à l’extérieur (tableau 2) [1, 2, 4-6].

1. Myxomatose

La myxomatose (leporipoxvirus) est présente partout en France, avec des poches de virulence plus actives localement. Elle se transmet aux lapins d’intérieur par des insectes piqueurs (moustiques, acariens et puces). Actuellement, plusieurs vaccins contre la maladie sont encore disponibles, mais leur utilisation sur un plan individuel ne présente qu’un intérêt limité (tableau 3). Le praticien doit toutefois les connaître pour :

– être capable d’expliquer le choix de son protocole vaccinal dans cette espèce ;

– compléter ou assurer le suivi du protocole vaccinal d’un éleveur ;

– pouvoir argumenter sur les informations erronées ou suspicieuses présentées sur Internet aux nouveaux propriétaires concernant le bien-fondé d’une vaccination ou de l’usage préférentiel d’un vaccin.

2. Maladie hémorragique virale

La maladie hémorragique virale (VHD) est due à un calicivirus très virulent, contagieux et résistant (plus de cinq mois en milieu sec, dans le foin notamment) [1, 2]. Il peut également être présent dans les végétaux frais contaminés (les laver avant leur distribution est conseillé) et les aliments concentrés (il résiste à la chaleur lors du processus d’extrusion), ou être vectorisé par des mouches, des chiens ou des chaussures contaminés [1, 2]. La maladie hémorragique virale est la première cause de mortalité des lapins de garenne et des lapins d’élevage non vaccinés [1, 6]. Il existe deux souches circulantes de VHD qui ne possèdent pas d’immunité vaccinale croisée : la forme classique (ou VHD1) et la forme variante (ou VHD2) apparue en 2010, désormais isolée dans plus de 98 % des cas, chez les lapins sauvages comme d’élevage [1, 4, 6].

En pratique, le vétérinaire doit donc vacciner le lapin de compagnie contre trois virus : celui de la myxomatose, et ceux de la maladie hémorragique virale (ou rabbit hemorrhagic disease RHDV1 et RHDV2).

L’arrivée récente sur le marché de Nobivac ® Myxo-RHD Plus permet une simplification du protocole vaccinal, avec une injection annuelle pour la primovaccination du lapin de compagnie et une vaccination unique dès l’âge de 5 semaines. Le résumé des caractéristiques du produit (RCP) conseille toutefois de vacciner à 7 semaines pour bénéficier d’une protection de douze mois (tableau 4).

Il est important de noter que pour la plupart des lapins de compagnie suivis, le passage de Nobivac® Myxo-RHD à Nobivac ® Myxo-RHD Plus n’est pas suffisant pour compléter la protection vaccinale contre le VHD2. En effet, chez ces lapins déjà immunisés contre la myxomatose, l’interférence des anticorps en présence du nouveau vaccin ne leur permet pas d’exprimer les antigènes de capside du VHD2 de manière suffisante pour conférer une immunité vis-à-vis de ce dernier. Malgré l’absence de données de compatibilité vaccinale publiées à ce jour, un lapin uniquement vacciné avec Nobivac® Myxo-RHD doit être vacciné au moins une fois contre le VHD2 (avec Filavac® VHD K C+V ou Eravac®), avant d’être immunisé tous les ans avec Nobivac® Myxo-RHD Plus, pour bénéficier d’une réelle protection contre le VHD2. Il est recommandé de choisir deux sites d’injection différents ou d’espacer les deux vaccinations de quelques semaines.

PRÉVENTION DES PARASITES

Un examen coproscopique est conseillé à l’adoption pour s’assurer du statut parasitaire de l’animal. Par la suite, c’est le mode de vie du lapin de compagnie qui déterminera la nécessité d’un traitement (sortie en jardin avec possibilité de brouter, contact avec des carnivores domestiques, etc.). Il peut être l’hôte intermédiaire de nombreux cestodes et est infesté par les puces du chien et du chat. Dans ces deux cas, la prévention passe par le traitement régulier des carnivores domestiques présents dans l’environnement du lapin. Une puce spécifique (Spilopsyllus cuniculi) et d’autres ectoparasites, en particulier Cheyletiella parasitivorax, peuvent également le parasiter.

Lors de la détection d’ectoparasites chez le lapin, il convient d’investiguer les raisons d’un toilettage insuffisant (affection dentaire, obésité), surtout si l’animal n’est pas en contact avec d’autres espèces. Contre l’ensemble de ces parasites, plusieurs molécules sont utilisables en traitement de routine chez le lapin de compagnie (tableau 5).

Concernant Encephalitozoon cuniculi, une analyse sérologique est recommandée chez tout animal nouvellement adopté dont le statut n’est pas connu et des mesures préventives doivent être mises en place(1).

CONDITIONS D’ENTRETIEN ET ENRICHISSEMENT

Les conditions de détention ont une incidence sur la santé de l’animal (ennui, obésité, pododermatite). La première consultation est le moment idéal pour s’attacher au bien-être futur des animaux nouvellement acquis et pour conseiller sur les conditions d’entretien les plus adaptées (figure).

L’alimentation du lapin de compagnie est un élément capital(2). Le vétérinaire doit vérifier la pyramide alimentaire, insister sur la diversification (végétaux frais) et l’importance d’effectuer des transitions progressives chez de jeunes individus.

Les lapins sont des animaux sociaux. Si la coexistence d’individus de sexe opposé et stérilisés augmente les chances de réussite, le praticien doit pouvoir répondre aux principales interrogations des propriétaires au sujet de la cohabitation des lapins entre eux et avec d’autres espèces (tableau 6).

PRÉVENTION EN PATHOLOGIE DE LA REPRODUCTION

Il convient de vérifier le sexe de l’animal dès la première consultation, et ne pas se fier uniquement au comportement du lapin, car les chevauchements sont courants chez les femelles également (photos 1a et 1b).

La stérilisation est recommandée pour tous les lapins qui ne sont pas destinés à l’élevage : elle permet le contrôle de la reproduction et des maladies vénériennes (tréponématose), et limite les comportements indésirables vis-à-vis des propriétaires ou d’autres animaux (marquage urinaire, agressivité). Elle permet aussi une cohabitation plus paisible. Chez la femelle, la stérilisation prévient le développement des maladies génitales(3). Elle peut être envisagée dès l’âge de 4 mois, parfois plus tôt pour les espèces extranaines. Une ovariohystérectomie est alors systématiquement pratiquée : l’utérus est plus petit, les ligaments suspenseurs moins chargés en graisse facilitent l’intervention et limitent le temps opératoire. Chez les mâles, des spermatozoïdes viables peuvent persister pendant quatre à six semaines après la castration dans les cordons spermatiques, il convient donc d’en tenir compte avant de les mettre en présence de femelles non stérilisées [9].

SUIVI

Enfin, le vétérinaire doit recommander aux propriétaires une pesée précise bimensuelle afin de détecter rapidement une perte de poids et de s’assurer du bon état de santé de leur compagnon. Il doit également attirer leur attention sur les spécificités comportementales du lapin, notamment sur les signes cliniques qui doivent mener à une consultation rapide : anorexie, changement radical de comportement, prostration, absence de crottes, salivation, etc.

  • (1) Voir l’article « Encéphalitozoonose chez le lapin de compagnie » dans ce numéro.

  • (2) Voir l’article « Alimentation du lapin de compagnie : recommandations pratiques pour les propriétaires » dans ce numéro.

  • (3) Voir l’article « Principales atteintes de l’appareil

Références

  • 1. Boucher S, Le Gall-Reculé G, Le Minor O. Questions d’actualités sur la VHD à virus variant RHDV2. Journée nationale Itavi sur l’élevage du lapin de chair, Pacé, France. 2016:51-56.
  • 2. Boucher S, Rubeaux D, Le Gall-Reculé G et coll. Cartographie des cas de VHD à RHDV2 (virus variant 2010) à partir des virus isolés depuis 2010 de lapins domestiques en France métropolitaine, sur l’île de La Réunion et en Espagne à l’aide d’une technique de RT-PCR temps réel. Journées de la recherche, Le Mans, France. 2015:25-28.
  • 3. Fisher P, Graham J. Rabbits. In: Carpenter JW’s Exotic animal formulary. 5th edition. St Louis, Elsevier. 2018:500-502.
  • 4. Harcourt-Brown FM, Harcourt-Brown N, Joudou LM. RHDV2 epidemic in UK pet rabbits. Part 2: PCR results and correlation with vaccination status. J. Small Anim. Pract. 2020;61 (8):487-493.
  • 5. Larrat S, Cojean O. La vaccination du lapin de compagnie. Dépêche Vét. 2020;179:19-22.
  • 6. Le Gall-Reculé G, Lavazza A, Marchandeau S et coll. Emergence of a new lagovirus related to rabbit haemorrhagic disease virus. Vet. Res. 2013;44 (1):81.
  • 7. Suter C, Muller-Doblies UU, Hatt JM et coll. Prevention and treatment of Encephalitozoon cuniculi infection in rabbits with fenbendazole. Vet. Rec. 2001;148:478-480.
  • 8. Tschudin A, Clauss M, Codron D et coll. Preference of rabbits for drinking from opendishes versus nipple drinkers. Vet. Rec. 2011;168:190.
  • 9. Varga M. The rabbit-friendly practice. In: BSAVA Manual of rabbit medicine. 2014:59-70.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

La première consultation doit jeter les bases du parcours de soins. S’appuyer sur la connaissance des dominantes pathologiques et du répertoire comportemental du lapin permet au vétérinaire d’individualiser les conseils à prodiguer en matière de prévention, d’optimiser les conditions d’entretien et d’initier une relation de confiance gagnant-gagnant avec les propriétaires de cet animal.

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