Enjeux de la période de socialisation chez le jeune - Ma revue n° 019 du 01/01/2019 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 019 du 01/01/2019

COMPORTEMENT

Spécificités de l’animal pédiatrique

Auteur(s) : Muriel Marion

Fonctions : DIE vétérinaire
comportementaliste
Cabinet médico-chirurgical Montolivet
234, rue Charles Kaddouz
13012 Marseille

Les conseils du vétérinaire traitant de l’animal sont précieux avant l’adoption, lors des premières visites et au cours du suivi médical de la première année.

La période de socialisation chez le chiot, ou “sociabilisation” chez le chaton, est une période sensible au cours de laquelle le jeune fait des acquisitions primordiales pour son futur comportement (encadré 1). Chez le chat, elle se déroule normalement avant l’adoption et chez le chien, les deux tiers ont lieu avant l’adoption, quand cette dernière intervient à 8 semaines. Des dysfonctionnements ou des insuffisances durant cette période sont susceptibles d’avoir des conséquences importantes, à l’âge adulte, sur le comportement quotidien de l’animal.

MOMENTS CLÉS DE LA PÉRIODE DE SOCIALISATION/SOCIABILISATION

Chez le chiot, la période de socialisation se déroule de la 3e à la 16e semaine de vie environ. Chez le chaton, le terme de “sociabilisation” est préféré, car cette espèce est non sociale, ce qui ne signifie pas non sociable. Cette période a lieu de la 2e à la 7e, voire 9e semaine de vie. Il s’agit d’une phase clé pour le comportement futur de l’individu. Elle débute avec l’attachement du jeune à la mère et s’achève avec l’engagement du processus de détachement. Des acquis majeurs marquent cette période.

1. Acquisition de la morsure inhibée et des autocontrôles

À partir de 4 semaines, les dents affleurent à la surface de la gencive et sont bien présentes dès la 5e semaine. La mère apprend alors à ses petits à contrôler la force mise dans le serrage de la mâchoire au moment où ils attrapent les tétines. En cas de manque de contrôle, elle interrompt le jeune, lui permettant ainsi d’apprendre à contrôler sa mâchoire. Elle fait de même lors des jeux, et corrige si un petit est brutal avec elle ou un membre de sa fratrie. Le jeune apprend, par essais/erreurs successifs, à mesurer la force mise dans ses mouvements et à arrêter un comportement avant une excitation incontrôlable.

2. Niveau d’homéostasie sensorielle

Le niveau d’homéostasie sensorielle est le niveau de référence en termes de stimulations sensorielles. Au cours des premières semaines de développement, le chiot ou le chaton est confronté à diverses stimulations des sens, olfactives, auditives, tactiles, visuelles (bruits de téléphone, d’aspirateur, cris d’enfants, toucher de l’herbe, odeur, toucher et vue d’êtres humains, etc.). Elles lui permettent de construire une base de données qui sera utilisée par la suite lors de l’exposition à de nouveaux stimuli. Soit le jeune animal pourra rapprocher la nouvelle stimulation d’une autre déjà connue, et il continuera alors à enrichir sa base de données. Soit la nouvelle stimulation ne ressemblera à rien de connu et elle est susceptible d’engendrer de la peur, avec fuite ou agression. Plus le niveau de base acquis est important, plus le jeune animal sera adaptable à de nouvelles expériences. Ses chances de devenir un adulte adapté à son contexte de vie et adaptable à d’éventuels changements seront optimisées. Plus le niveau de base est pauvre, plus il lui sera difficile de l’enrichir [5, 6].

L’exposition à de nombreux stimuli, lors de la période de socialisation ou de sociabilisation, n’est profitable que si elle se fait dans de bonnes conditions. Une exposition de qualité doit être progressive, avec la possibilité de s’y soustraire et de se rassurer. La présence d’un adulte, support d’un attachement réconfortant, est donc indispensable (encadré 2).

3. Socialisation primaire

La reconnaissance des espèces “amies” se déroule durant la période de socialisation. C’est la socialisation interspécifique. Il est important que l’animal rencontre les espèces avec lesquelles il est destiné à vivre durant cette période. Les contacts doivent être nombreux, variés et favorables. Chez le chiot, lors d’une adoption à 8 semaines, cette socialisation peut être enrichie et complétée jusqu’à l’âge de 12 à 16 semaines. Chez le chaton, la période de sociabilisation est terminée, ou presque, à l’âge légal de l’adoption (photo 1). C’est également durant cette phase qu’a lieu l’apprentissage des codes de communication de l’espèce, notamment au cours des séquences de jeu. Le jeune, par le phénomène d’empreinte, apprend à reconnaître son espèce, ses partenaires privilégiés d’attachement, de jeu et d’attirance sexuelle. Il doit également apprendre la communication sociale de l’espèce par l’intermédiaire de son groupe, les gestes de soumission, d’accueil, d’apaisement, d’appels au jeu et les signaux qui établissent et maintiennent le contact.

CONSÉQUENCES DE LA PÉRIODE CLÉ

1. Syndrome hypersensibilité-hyperactivité

Si le jeune n’a pas pu apprendre correctement la morsure inhibée, il éprouve des difficultés à ne pas blesser lors des prises en bouche. Il est également compliqué pour lui de contrôler et de stopper un comportement quand celui-ci devient hypertrophié. Le chiot ou le chaton risque alors de développer un syndrome hypersensibilité-hyperactivité (HS-HA) [5-7]. Ce syndrome, dont l’expression clinique est variable, peut considérablement compromettre une vie harmonieuse pour l’animal et ses adoptants. Non diagnostiqué et non traité, il est à l’origine de beaucoup d’abandons, de maltraitance et de déceptions. Les animaux atteints sont destructeurs, agités, difficiles à éduquer et se mettent en danger (fractures consécutives à des prises de risque, bagarres violentes avec des congénères, intoxications et occlusion par corps étranger, etc.). En consultation, les plaintes des propriétaires envers leur animal sont en général multiples : destructions, agitation, difficultés d’apprentissage, ingestion de corps étrangers, mordillements, agressivité, aboiements, satyriasis, tournis, etc. (encadré 3). Une fois adulte, l’arrivée à la clinique d’un tel chien ne passe pas inaperçue et, durant la consultation, souvent, il ne se couche pas (ou alors après un temps très long), explore de façon désordonnée et peut se révéler difficile à examiner. Il existe aussi des formes moins caricaturales, probablement plus fréquentes, qui se traduisent par des déficits partiels des autocontrôles.

La détection et la prévention de ce syndrome est possible chez le chiot. Lors de la première consultation (rappel vaccinal ou visite d’achat), il est attendu d’un chiot ou d’un chaton de plus de 8 semaines qu’il ait acquis le contrôle de sa morsure. En cas de déficit des autocontrôles, il est important de vérifier si l’animal présente d’autres symptômes du syndrome HS-HA. Un retard complet ou partiel de cette acquisition doit conduire à alerter les propriétaires. L’exploration orale est encore normale à cet âge, mais l’animal ne doit plus blesser ou faire des marques lors de ses prises en gueule.

2. Syndrome de privation sensorielle

Si le jeune a reçu peu de stimulations au cours de son développement, tout ce qui est nouveau peut devenir inquiétant [5, 6]. Vivre dans un milieu très différent de son contexte de développement est alors compliqué. Le tableau clinique est dominé par les réactions de peur. Cette dernière peut se traduire par une inhibition, une réaction de panique ou d’évitement, des manifestations neurovégétatives et/ou de l’agressivité. Les stimuli susceptibles de déclencher les réactions de peur peuvent être peu nombreux et identifiables (stade I), ou au contraire très nombreux et difficiles à identifier (stade II). En consultation, les chiens sont cachés derrière leur maître, inhibés, explorent très peu la pièce, parfois avec des postures caractéristiques, se laissent difficilement approcher. Si le principal motif de consultation est la peur, cela peut aussi être une incapacité à sortir dans la rue, de l’agressivité vis-à-vis de l’homme ou de certaines catégories de personnes, une malpropreté.

3. Comorbidités

Une séparation trop précoce de la mère ou d’un adulte éducateur est susceptible d’entraîner la conjonction des deux syndromes précédemment décrits. En raison de cette absence, le jeune n’a pu ni acquérir un bon niveau d’autocontrôles, ni constituer une base de données sensorielles dans de bonnes conditions. L’évolution spontanée des troubles du développement est rarement favorable. Un certain nombre de ces animaux développent un hyper­attachement secondaire à un ou plusieurs membres du foyer. Dans un premier temps, ce lien fort paraît apaiser l’animal. Le chien ou le chat compense ainsi ses difficultés adaptatives en se référant ou en se rassurant auprès d’eux pour savoir quelle attitude adopter. Cependant, si l’attachement aux propriétaires n’est pas problématique, il le devient si la relation verse dans l’excès (notamment lors d’absence de ces derniers).

CONSEILS POUR LES PROPRIÉTAIRES

1. Choix du lieu, de l’âge d’adoption et de la race pour un chiot

Observer le lieu d’adoption

La visite du lieu de naissance d’un chaton ou d’un chiot renseigne les futurs adoptants sur le niveau de stimulations auquel le jeune est exposé (encadré 4). Ils peuvent ainsi évaluer les différences avec leur cadre de vie. Pour des raisons d’hygiène spécifique, la nurserie n’est souvent pas accessible aux visiteurs. En revanche, passées les premières semaines, les futurs adoptants doivent pouvoir se faire une idée du contexte de développement et les arguments pseudo-sanitaires deviennent irrecevables. C’est également le moment de vérifier si les jeunes sont au contact d’adultes ou isolés, par exemple, dans des parcs à chiots.

L’existence de parcs d’éveil, dans lesquels les chiots ou les chatons peuvent jouer en présence de leur mère, tout en testant de nouvelles expériences sensorielles tactiles, sonores, olfactives et visuelles, apparaît intéressante (photo 2).

Poser des questions

Demander à voir la mère permet également de se faire une idée du niveau d’homéostasie sensorielle et de socialisation, ou sociabilisation, de cette dernière. Vient-elle facilement au contact ? Sursaute-t-elle au moindre bruit ? Paraît-elle effrayée par la présence d’étrangers, par le bruit de leur voiture, ou les cris de leurs enfants ? Quel est l’emploi du temps des jeunes, comment sont organisées les journées ? Combien de temps de contact avec les adultes, avec quelles stimulations ?

Âge d’acquisition

Si 8 semaines est l’âge légal en deçà duquel l’adoption est interdite, il n’existe aucune limite supérieure. Adopter au-delà de 8 semaines peut permettre de renforcer le rôle éducatif de la mère, à condition que les chiots soient vraiment à son contact et qu’elle soit compétente. Une adoption tardive ne présente pas d’inconvénient, surtout si le lieu de développement est très similaire aux futures conditions de vie. En revanche, si le différentiel est important (campagne/zone urbaine), il est important d’adopter le chiot le plus précocement possible. Le délai de 8 semaines doit être respecté et les semaines de socialisation restantes sont à mettre à profit pour enrichir le milieu de développement du jeune, avec des sorties et des rencontres multiples et fréquentes dans de bonnes conditions.

Race

Auparavant, il était d’usage d’inclure dans les standards de race des traits comportementaux. Toutefois, les futurs adoptants doivent être informés de l’absence de relation entre l’appartenance à une race et l’expression de certains comportements. En particulier, il n’existe pas de gène à l’origine de comportements agressifs. Mieux vaut se concentrer sur d’autres critères pour sélectionner son futur compagnon et choisir le lieu d’acquisition.

L’attrait pour une morphologie spécifique doit prendre en compte d’autres critères, les traits comportementaux n’étant pas discriminants dans ce choix. Il est plus pertinent de s’intéresser à sélectionner une longueur de poils en accord avec le climat et le temps disponible pour son toilettage, une taille et un poids adulte conformes au budget disponible pour l’entretien annuel (coût de l’alimentation et des médicaments pour les soins et la prophylaxie).

2. L’accueil

Il est important de préparer l’accueil d’un jeune animal afin de réunir les conditions favorables à l’établissement d’un lien de qualité entre lui et son nouveau groupe ou milieu de vie (photo 3). Ce lien est l’assurance, pour lui, de pouvoir s’apaiser en cas de crainte ou de conflit et ainsi de poursuivre les explorations et parfaire les apprentissages. Il est important de laisser le chiot ou le chaton s’habituer progressivement à son nouveau groupe et milieu de vie, avant de lui présenter de nombreux êtres vivants et des situations très variées. Dans un premier temps, l’accent est mis sur le confort et l’apaisement. L’exposition à de nouveaux stimuli et les mesures éducatives au sens large (exposition, habituation, apprentissages) peuvent être réalisées deux à trois jours plus tard.

Cela est également vrai pour la visite d’achat chez le futur vétérinaire traitant. Dans les heures qui suivent l’adoption, l’animal est souvent dans un état de sidération émotionnelle qui, s’il rend l’examen clinique facile, ne permet pas une évaluation complète du comportement. Là encore, si le jeune va bien, il est souhaitable d’attendre deux ou trois jours avant de le présenter en consultation.

3. Premières semaines

Il est important, au cours de la première visite chez un vétérinaire, de pouvoir vérifier le niveau de contrôle et de tolérance du jeune. Il s’agit de trouver le juste équilibre entre des stimulations pour tester son niveau d’autocontrôle, son seuil d’homéostasie sensorielle et de ne pas créer une excitation trop importante ou une exposition sensibilisante.

En cas de non-acquisition de la morsure inhibée

Lorsque la morsure inhibée n’est pas acquise, les propriétaires (les enfants en particulier) se plaignent que l’animal fait mal au cours du jeu, même s’ils l’excusent au prétexte qu’il « fait ses dents » ou « n’a pas encore appris à rentrer ses griffes ». Les marques sur leurs mains et leurs avant-bras doivent inviter le praticien à délivrer des conseils.

Les propriétaires peuvent compléter ou pallier le déficit si la carence est partielle. Il est utile de leur conseiller de rompre tout comportement débordant. Il s’agit de stimuler par le jeu, puis de faire une sommation (un « non » ou un « aïe ») si le chiot ou le chaton fait mal, et d’en mesurer l’effet. Si cette sommation est suivie d’un arrêt, le féliciter ; si elle est sans effet, il convient de rompre le contact et de se détourner de lui. La démonstration lors de la consultation permet de vérifier la faisabilité des conseils délivrés. La réalisation par les propriétaires après la démonstration confirme la bonne compréhension de ce qui a été expliqué et montré. Si les propriétaires possèdent déjà un autre adulte de la même espèce, équilibré au niveau de son comportement, en bonne forme et pas trop âgé pour ne pas être devenu intolérant, ils peuvent les laisser en contact et ne pas intervenir quand ce dernier semble corriger le jeune. Il convient alors de juste surveiller à distance qu’il le fait sans blesser. Les propriétaires doivent être prévenus que les hurlements du chiot ou du chaton sont sans lien avec une intensité de douleur, mais uniquement une bonne compréhension de la sanction.

Lors de comportement débordant, ils peuvent, en plus de rompre le contact, reproduire les comportements de contrôle de la mère. Cela se révèle souvent difficile car les contraintes physiques sont mal vécues, même lorsqu’elles sont faites sans violence, en raison des cris du chiot ou du chaton. Le risque est qu’ils les exécutent de façon partielle et se retrouvent alors à agiter doigts et mains devant l’animal, ce qui a pour effet de l’inciter à jouer et ne reproduit pas le côté “contrôle”. Il est nécessaire de montrer comment contrôler le chiot ou le chaton à l’aide d’une contention douce et ferme, jusqu’à ce qu’il se calme, puis de le relâcher doucement et lui permettre de reprendre le contact. Il ne s’agit ni d’une sanction, ni d’une punition pour le dissuader de recommencer, mais d’un apprentissage d’autocontrôle. C’est ce que font les chiennes et les chattes.

Le vétérinaire fait une démonstration du comportement à adopter et demande si les propriétaires se sentent capables de reproduire ce qui a été montré. Il peut amorcer un jeu et vérifier si l’animal bascule rapidement dans l’excitation et blesse au cours des contacts. Il est important d’expliquer qu’il s’agit de parfaire ou d’entretenir les autocontrôles du jeune, et non d’une punition physique. Ces dernières (fessée, tape, coup de laisse, badine, journal, collier électrique, etc.) doivent être évoquées afin de les déconseiller : elles peuvent être douloureuses et sont le plus souvent anxiogènes, car produites a posteriori. Pour expliquer à un jeune animal que tel ou tel comportement est non désiré, il convient de pouvoir produire de façon simultanée un comportement non favorable pour lui, qui ait du sens dans le répertoire comportemental canin ou félin, par exemple une mise à l’écart le temps d’un retour au calme.

Cas des jeunes animaux timides ou peureux

Pour les chiots, les sorties précoces sont à recommander, quel que soit l’avancement du programme vaccinal.

Les nouveaux vaccins sont plus performants et une protection est mise en place rapidement après la première injection [1]. La recommandation ancienne de ne pas sortir les chiots dont le protocole de primovaccination n’est pas terminé est liée au risque de survenue d’une parvovirose. La contamination peut se faire via des souillures transportées sur des supports inertes et notamment les chaussures ; or, rares sont les propriétaires qui mettent en place un pédiluve [2]. Actuellement, la balance bénéfice/risque est en faveur d’une d’exposition précoce aux stimuli du milieu extérieur, car le risque d’affection comportementale est supérieur à celui de maladie infectieuse (sauf en cas d’épidémie avérée). Réaliser des sorties précoces constitue une recommandation nouvelle pour certains propriétaires ou éleveurs. Il est donc utile de bien justifier ces conseils. Certains propriétaires peuvent être tentés de faire un compromis, en sortant le chiot, mais sans le poser au sol, en le gardant dans les bras. Ce choix permet une exposition aux bruits, mais la situation est très fermée (l’animal ne peut s’y soustraire, il est coincé dans les bras de son propriétaire et ne peut pas fuir) et empêche une exploration olfactive du monde. La prise dans les bras ne permet pas non plus des échanges corrects avec les congénères rencontrés.

Les sorties sont également l’occasion de rencontres. Elles permettent d’entretenir la socialisation à l’espèce humaine et de l’enrichir d’individus différents de ceux rencontrés dans le cadre familier, par exemple les jeunes enfants dans une famille encore sans enfant.

Pour les chatons, la peur qu’ils se perdent dans le jardin conduit parfois les propriétaires à organiser des sorties en laisse. Cela permet une habituation à la laisse, mais peut gêner la réalisation des marquages faciaux du chat qui lui permettent de retrouver sa route. De plus, certains chats peuvent être inhibés dans leur exploration quand ils sont dans l’incapacité de fuir. Un chaton peut sortir dès son adoption, les premières semaines sous surveillance, puis librement. En général, ses capacités motrices l’empêchent, au début, de s’aventurer loin. L’exposition à une circulation intense (bord de route) peut néanmoins être un facteur limitant qui incite à la prudence.

4. L’éducation

Que l’animal soit peureux, agité ou dans la norme, la première consultation est l’occasion d’établir les bases éducatives, consistant à savoir « quand et comment récompenser et punir ». Le fait de conseiller les sorties précoces conduit, par exemple, à conseiller l’apprentissage de la propreté en extérieur dès l’adoption. C’est l’occasion d’expliquer que les punitions différées sont anxiogènes et génératrices d’incompréhension de la part de l’animal. Au moment où l’animal fait ses besoins à un endroit inapproprié ou s’apprête à le faire, il suffit de le soulever pour interrompre la séquence (éventuellement accompagné d’un « non ») et de le conduire à l’endroit où il est souhaitable qu’il élimine. Il suffit alors d’attendre que le jeune qui a été interrompu reprenne sa séquence d’élimination, pour pouvoir chaudement le féliciter lorsqu’elle est achevée.

Les récompenses font l’objet de beaucoup d’idées reçues. La bonne récompense est celle qui fait vraiment plaisir à l’animal et qui intervient juste à la fin de la séquence comportementale que l’on souhaite renforcer. Elle peut être attribuée/donnée sous forme de caresse, de félicitation, d’un jeu ou d’une friandise(1).

Les écoles de chiots peuvent accompagner les propriétaires. Cependant, il convient d’être vigilant face aux chiots très inhibés, pour lesquels cette immersion est parfois un peu violente. Les chiots peu contrôlés peuvent, quant à eux, devenir les “cancres” qui apprennent mal et gênent les autres. La présence d’adultes régulateurs dans les écoles de chiots est une aide très précieuse, en particulier pour fixer et finir l’apprentissage des autocontrôles et des règles de communication canine.

5. Quand orienter vers une consultation comportementale ?

L’expérience des propriétaires est inégale. Si le vétérinaire a un doute sur le développement optimal du jeune animal ou la bonne compréhension des conseils délivrés, il est souvent souhaitable de programmer une visite dédiée aux questions relatives au comportement. Ces consultations peuvent s’inscrire dans un plan de prévention “chiot”. Elles permettent les dépistages précoces et des conseils personnalisés, afin de débuter l’éducation sur de bonnes bases, de parler de renforcement positif, de respect des émotions du chiot, de pouvoir initier et inciter à la pratique du medical training. Il est important d’oser parler des sanctions afin de disqualifier les punitions physiques et de pouvoir expliquer aux propriétaires comment orienter le comportement de leur jeune animal.

Conclusion

Durant la période de socialisation, le développement comportemental n’est pas terminé et, par la suite, la puberté constituera également un tournant décisif du comportement futur. Plusieurs maladies comportementales prennent leurs racines dans cette période. Parmi elles, le syndrome HS-HA et le syndrome de privation sensorielle sont deux entités fréquemment rencontrées chez le chiot et le chaton. Reconnaître ces troubles le plus tôt possible est toujours un atout considérable. Le dépistage constitue une prévention des comportements indésirables [3, 4]. Les prises en charge bénéficient d’un bien meilleur pronostic lorsqu’elles sont (très) précoces. Le vétérinaire entre tôt dans la vie d’un chiot ou d’un chaton et les conseils professionnels qu’il délivre avant l’achat ou lors des premières consultations peuvent tout changer [8].

  • (1) Voir l’article « Alimentation des chiots âgés de 2 à 6 mois » de M. Diez dans ce numéro.

Références

  • 1. Day MJ, Horzinek MC, Schultz RD. WSAVA Guidelines for the vaccination of dogs and cats. J. Small Anim. Pract. 2016;57.
  • 2. Delsarte JB. Actualités thérapeutiques et propositions de facteurs pronostiques pour la parvovirose canine ; synthèse bibliographique et étude rétrospective de 33 cas du service de soins intensifs de l’ENV de Lyon (Siamu). Thèse vét. Lyon. 2009:22-58.
  • 3. Gazzano A, Mariti C, Alvares S et coll. The prevention of undesirable behavior in dogs: effectiveness of veterinary behaviorists’ advice given to puppy owners. J. Vet. Behav. 2008;3:125-133.
  • 4. Gazzano A, Mariti C, Alvares S et coll. The prevention of undesirable behavior in cats: effectiveness of veterinary behaviorists’ advice given to puppy owners. J. Vet. Behav. 2015;10:535-542.
  • 5. Pageat P. Pathologie du comportement du chien. Éd. Point Vét. 1998.
  • 6. Béata C, Muller G, Arpaillange-Vivier C et coll. Pathologie comportementale du chat. Éd. AFVAC. 2016.
  • 7. Masson S, Gaultier E. Retrospective study on hypersensitivity-hyperactivity syndrome in dogs: long-term outcome of high dose fluoxetine treatment and proposal of a clinical score. Dog Behav. 2018;4 (2):15-35.
  • 8. Scarlett JM, Salman MD, New JG et coll. The role of veterinary practitioners in reducing dog and cat relinquishments and euthanasias. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002;220 (3):306-311.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1 : Socialisation ou sociabilisation ?

Le terme “socialisation” s’emploie pour parler des comportements sociaux à l’échelle d’une espèce, tandis que “socialisation” concerne les comportements sociaux à l’échelle de l’individu. Lors de la socialisation, le chien apprend les règles sociales de l’espèce canine. Il n’existe pas de règles sociales dans l’espèce féline, essentiellement territoriale, mais des individus peuvent montrer beaucoup d’appétence et de facultés pour les comportements sociaux, il nous paraît donc plus approprié de parler de période de sociabilisation pour le chaton.

ENCADRÉ 2 : Un lien privilégié

Lors de situations d’alerte (véritable ou supposée), le jeune recherche la proximité de son être d’attachement. En cas d’attachement sécure, l’être d’attachement constitue pour le jeune une base de sécurité lui permettant d’explorer et de venir s’apaiser lors de situations d’alarme. Si l’être d’attachement répond de façon rapide et cohérente aux besoins exprimés par le jeune, ce type d’attachement est favorable à la poursuite de l’exploration.

ENCADRÉ 3 : Des troubles comportementaux félins sous-diagnostiqués

Les troubles du comportement des chatons passent plus inaperçus que ceux des chiots. Comme chez le chat l’ensemble de la période de sociabilisation se déroule avant l’âge légal d’adoption, le délai pour intervenir est plus réduit. Par ailleurs, la demande en conseils de la part des propriétaires est moins présente, en raison du mode de vie du chat (pas d’obligation de le sortir dans la rue pour des promenades hygiéniques) et de l’image d’animal indépendant qui rend plus acceptables les refus de contact.

ENCADRÉ 4 : Cas du chaton orphelin

Chez le chaton, tout se passe très rapidement en matière de développement. Au plan clinique, les troubles comportementaux en lien avec le développement n’ont pas les mêmes répercussions sur la relation avec l’homme que les troubles du développement du chien. Leur caractère de gravité est cependant indéniable.

Les troubles du développement sont relativement intriqués chez le chat et peuvent associer un déficit des autocontrôles avec une mauvaise sociabilisation, des phobies complexes et un défaut d’autonomisation.

Les adoptions précoces sont déconseillées, et ne doivent jamais avoir lieu avant 5 semaines, mais plutôt vers 8 semaines si l’environnement est optimal. Lors d’adoption précoce forcée (chatte absente), il est conseillé :

– de nourrir au biberon plusieurs chatons ensemble plutôt qu’un seul ;

– de pratiquer le détachement peu après le sevrage en pratiquant des moments d’indifférence et en ne répondant pas systématiquement à toutes les sollicitations de l’animal ;

– d’offrir la possibilité de côtoyer un chat adulte (même un mâle castré) ;

– de laisser les chats interagir librement ;

– de favoriser l’attachement à plusieurs personnes, afin d’éviter l’apparition d’une autonomopathie (affection qui atteint plus ou moins sévèrement la capacité d’autonomie de l’animal). Ce défaut d’autonomie apparaît chez des chatons orphelins adoptés très tôt, pour lesquels un détachement actif n’a pas suffisamment ou pas du tout été mis en œuvre par les propriétaires. Ce chaton, recueilli quelques jours après la naissance et nourri au biberon, ne subit pas ce détachement et reste très dépendant de son nourrisseur.

Le lien d’attachement primaire persiste. Le chat, même âgé, ne devient ni autonome ni adulte. Des troubles anxieux apparaissent en l’absence de son maître. Comme son développement passe uniquement par la présence humaine, ce chaton établit souvent de mauvaises relations intraspécifiques. Il est dépendant de la présence de l’être d’attachement, dont la disparition est mal supportée. Par ailleurs, il est incapable de structurer correctement son territoire, ce qui génère également de l’anxiété.

Il existe en outre des risques de carence, en particulier au niveau des d’acides gras, avec des conséquences graves sur la croissance neuronale rapide du chaton, l’apport assuré par les laits maternisés n’étant pas optimal dans tous les cas.

Points forts

→ Pour être optimal, le développement d’un chien ou d’un chat doit se dérouler durant les huit premières semaines de vie au contact d’un adulte éducateur, le plus souvent la mère, en bonne santé physique et comportementale, ou d’un individu adulte équilibré de la même espèce. Ce développement doit avoir lieu dans un milieu alternant des périodes de calme et de stimulation.

→ Le jeune doit pouvoir s’apaiser auprès d’un autre être vivant, après son adoption, pour pouvoir reprendre et compléter son développement comportemental. Cet apaisement se fait essentiellement par la création d’un lien d’attachement privilégié avec une ou plusieurs personnes, ou un chien adulte pour le chiot, et par la structuration de son lieu de vie pour le chaton, sans pour autant sous-estimer la composante sociale.

→ Le dépistage et la prise en charge précoces des éventuels troubles comportementaux liés au développement conditionnent l’intégration harmonieuse de l’animal dans son milieu social, ainsi que son bien-être.

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