Hyperaldostéronisme primaire et fonctionnel chez le chien et le chat - Ma revue n° 018 du 01/01/2018 - Le Point Vétérinaire.fr
Ma revue n° 018 du 01/01/2018

HYPERALDOSTÉRONISME CANIN ET FÉLIN

Moderniser l’endocrinologie clinique

Auteur(s) : Rodolfo Oliveira Leal

Fonctions : CIISA - Center for Interdisciplinary
Research in Animal Health
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Lisbonne
Av. Universidade Técnica
1300-171 Lisboa
Portugal
rleal@fmv.ulisboa.pt

L’hyperaldostéronisme peut être primaire (dû à une sécrétion autonome d’aldostérone par les glandes surrénales) ou secondaire à une activation du système rénine-angiotensine-aldostérone. Il a des répercussions importantes sur l’état général du chien ou du chat.

L’aldostérone est une hormone vitale, car essentielle à l’équilibre hydrique et ionique de l’organisme. Appartenant au système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA), son excès peut être néfaste et avoir des répercussions cliniques et organiques sévères. L’hyperaldostéronisme peut être primaire (tumeur surrénalienne) ou, beaucoup plus fréquemment, secondaire.

Cette dérégulation hormonale fonctionnelle (hyperaldo­stéronisme secondaire, c’est-à-dire sans lésion de la glande surrénale) est cependant sous-diagnostiquée, malgré les effets profondément néfastes d’une hyper­activation chronique du SRAA et le recours fréquent à des traitements agissant sur ce système.

Il est essentiel de comprendre la physiologie du SRAA pour clarifier la dichotomie entre hyperaldostéronisme primaire et secondaire. Connaître les médicaments agissant sur le SRAA est indispensable car ils sont souvent utilisés en s’affranchissant de l’évaluation préalable du SRAA et de son suivi [6, 23]. Physiologie du système rénine-angiotensine-aldostérone

Le SRAA est constitué d’une cascade d’interactions hormonales et enzymatiques qui ont un rôle prépondérant dans le contrôle de la résistance vasculaire périphérique et la réabsorption rénale du sodium et de l’eau [1, 23].

La rénine est une enzyme produite sous forme d’une proenzyme (la prorénine) au niveau des cellules juxtaglomérulaires de la macula densa, en réponse à une hypovolémie, lors d’hypotension et/ou d’hypoperfusion rénale et à une stimulation du système sympathique (figure 1). Sa production est inhibée par l’action de l’angiotensine II sur les cellules juxtaglomérulaires [1, 23].

La rénine induit la conversion d’angiotensinogène hépatique en angiotensine I, qui est à son tour convertie en angiotensine II par l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA), dans les cellules endothéliales [1].

L’angiotensine II agit sur au moins deux récepteurs : celui de type 1 (AT1) et celui de type 2 (AT2). La liaison au récepteur AT1 entraîne une vasoconstriction, une augmentation de la résistance vasculaire, une réabsorption directe de sodium au niveau du tube proximal, une stimulation de la sécrétion d’aldostérone par la glande surrénale, mais également des effets pro-inflammatoires, profibrotiques et pro-oxydants [23]. La liaison au récepteur AT2, en revanche, est moins bien documentée, mais une réaction opposée est fortement suspectée (notamment la vasodilatation et les actions anti-inflammatoire et anti-fibrotique) [7, 8, 23]. L’aldostérone favorise la réabsorption de sodium et l’excrétion de potassium et de protons dans l’urine (tube contourné distal) ou les selles (côlon), en activant la pompe Na-K-ATPase. Elle agit également sur les tubes contournés proximaux et collecteurs, en favorisant la réabsorption de sodium et de chlore, entraînant une réabsorption d’eau et une augmentation de la volémie. Elle a également un puissant rôle remodelant par son action profibrotique, en faisant du vieillissement un déterminant majeur, comme cela est bien décrit en médecine humaine. La synthèse et la sécrétion de l’aldostérone par la glande surrénale sont régulées par de nombreux facteurs dont les principaux stimulateurs sont l’angiotensine II (et plus largement le SRAA), l’ACTH ainsi que l’hyperkaliémie et l’hyponatrémie. Parmi les facteurs inhibiteurs, l’héparine, les androgènes et le peptide natriurétique auriculaire (ANF) sont les principaux.

HYPERALDO­STÉRONISME PRIMAIRE

Un excès de production d’aldostérone peut être primaire ou secondaire (fonctionnel). Dans tous les cas, un hyperaldostéronisme induit une rétention de sodium, une augmentation de la volémie et de la pression artérielle. Par ses rôles profibrotique, pro-inflammatoire et pro-oxydant, il peut aussi être considéré comme un facteur favorisant le vieillissement.

1. Définition

L’hyperaldostéronisme primaire est une maladie rare bien connue chez l’homme (syndrome de Conn), décrite chez le chat (depuis 1983) et plus rarement rapportée chez le chien [2]. L’hyperaldostéronisme primaire se définit par une hypersécrétion autonome d’aldostérone par la zone glomérulée de la corticosurrénale (aldostéronome), majoritairement liée à la présence d’une tumeur unilatérale (adénome ou adénocarcinome) [19].

Le nombre de cas rapportés chez le chat est en constante augmentation. La cause la plus fréquente est une tumeur maligne des glandes surrénales (adénocarcinome), moins fréquemment des adénomes (19 versus 11 cas décrits, respectivement) ou des hyperplasies nodulaires (décrite chez 13 chats) [5, 12, 17]. Aucune prédisposition raciale ou sexuelle n’a été mise en évidence, et l’âge moyen au diagnostic est d’environ 12 à 13 ans [5, 12]. Concernant le chien, il s’agit d’une maladie de l’adulte plutôt âgé.

2. Signes cliniques et biologiques

Les signes cliniques et biologiques les plus fréquents sont une faiblesse généralisée progressive associée à une hypokaliémie souvent sévère (K+< 3 mmol/l) appelée polymyopathie hypokaliémique (photo 1) [6, 12]. Chez le chat, en particulier, une ventroflexion cervicale, une faiblesse des membres postérieurs avec plantigradie, une difficulté à sauter, une ataxie allant parfois jusqu’au coma peuvent être observées. Certains animaux présentent aussi parfois une rigidité des membres, une dysphagie, un collapsus, une atrophie musculaire, un souffle cardiaque, des troubles du rythme cardiaque et une fragilité cutanée [5, 12]. Néanmoins, d’autres causes d’hypokaliémie doivent être exclues, plus encore chez le chat malade, chez lequel une hypokaliémie est très fréquente, sans pour autant être associée à un hyperaldostéronisme (notamment lors d’une affection rénale) (encadré 1).

Une hypertension est souvent présente. Chez le chat, elle est associée, dans la majorité des cas, à des signes cliniques oculaires (cécité aiguë, hyphéma, décollement et/ou œdème de la rétine) et à une polyuro-polydipsie (PUPD) rapportée dans 20 % des cas [6, 12].

L’appétit est variable : 20 % des chats présentent une dysorexie et 10 % sont polyphagiques.

Bien que la rétention de sodium soit présente chez les chats atteints, l’expansion hydrique associée entraîne une natrémie dans les valeurs de référence.

Les phosphates et le magnésium peuvent être diminués et la créatinine-kinase augmentée [20].

3. Imagerie abdominale

Chez le chat, lors de suspicion d’hyperaldostéronisme ou en présence d’une hypertension, une échographie abdominale révèle parfois une masse surrénalienne unilatérale (1 à 5 cm de diamètre), associée à une atrophie de la glande controlatérale. Les tumeurs surrénaliennes malignes peuvent s’étendre vers la veine cave et induire des thrombi, et/ou métastaser, dans la plupart des cas aux niveaux hépatique et/ou rétropéritonéal [12].

Le recours au scanner ou à l’imagerie par résonance magnétique permet d’identifier des masses surrénaliennes. Cependant, en raison du manque de disponibilité et du coût élevé de ces examens, l’échographie est toujours effectuée en première intention.

Chez l’homme, une étude a révélé que près de 40 % des examens réalisés par scanner et résonance magnétique n’identifiaient pas l’origine de l’excès d’aldostérone [15].

Ainsi, l’absence de masse surrénalienne à l’imagerie médicale n’exclut pas la présence d’un aldostéronome.

En médecine humaine, d’autres techniques d’imagerie, comme la tomographie d’émission positron (TEP) ou d’émission de photon (SPECT) se révèlent prometteuses [12].

4. Tests hormonaux

Chez le chien comme chez le chat, lorsqu’un hyperaldostéronisme est suspecté, il convient de le confirmer par des tests hormonaux.

Mesure de l’aldostéronémie

La visualisation d’une masse surrénalienne à l’imagerie médicale en présence de signes cliniques et biologiques évocateurs peut renforcer le diagnostic d’hyperaldostéronisme. Cependant, il est nécessaire de s’assurer que cette masse est fonctionnelle et sécrétante. En effet, l’un des principaux diagnostics différentiels, au niveau aussi bien clinique que biologique, est un phéochromocytome (tumeur de la médullosurrénale, sécrétant des catécholamines), rare chez le chat.

Le dosage de l’aldostérone peut s’effectuer dans la plupart des laboratoires vétérinaires spécialisés. Même si la plupart des études publiées chez le chat montrent des valeurs basales d’aldostérone systématiquement élevées chez les chats atteints d’hyperaldostéronisme, la mise en évidence d’un hyperaldostéronisme peut être difficile par une seule mesure de l’aldostéronémie sanguine basale, en raison de la sécrétion pulsatile d’aldostérone. Dans ces cas et bien que controversé, un test de stimulation à l’ACTH peut être réalisé [2, 4, 5, 12, 17].

Ratio aldostérone/créatinine urinaires

Bien qu’il ne soit pas accessible, le calcul du ratio aldo­stérone/créatinine urinaires (RACU) peut également être utile lors de suspicion d’hyperaldostéronisme (encadré 2).

Réalisation du test de freinage à la fludrocortisone

Le test de freinage à la fludrocortisone consiste à administrer de la fludrocortisone (0,05 mg/kg per os [PO] toutes les 12 heures pendant 4 jours consécutifs) et à réaliser un dosage du ratio aldostérone/créatinine urinaires à J0 et à J4. Le diagnostic d’hyperaldostéronisme est exclu si le ratio à J4 est freiné à plus de 50 % par rapport à la valeur de base (J0). Étant donné les difficultés déjà mentionnées pour la quantification de ce ratio urinaire, le fait de prélever de l’urine à domicile et d’administrer de la fludrocortisone deux fois par jour peut constituer un frein et compromettre le succès du test. De plus, le coût de ce dernier est élevé. L’utilisation de protocoles alternatifs sur 3 jours avec un dosage d’aldostérone sérique a récemment été décrite, mais d’autres d’études sont nécessaires pour étayer et développer ce test [3, 6, 18].

Ratio aldostérone et rénine sériques

Idéalement, les concentrations sériques d’aldostérone et de rénine devraient être évaluées ensemble, comme cela se pratique en médecine humaine pour le diagnostic de l’hyperaldostéronisme et le diagnostic différentiel entre hyperaldostéronisme primaire et fonctionnel. Lors d’hyperaldostéronisme primaire, la concentration d’aldostérone est élevée et celle de rénine diminuée (ratio élevé), tandis que dans l’hyperaldostéronisme secondaire, les deux paramètres sont souvent augmentés. Chez le chat, certaines études décrivent qu’en présence d’une tumeur surrénalienne, ce ratio est plus élevé que dans le cas d’hyperplasie bilatérale des surrénales avec hyperaldostéronisme secondaire.

Bien que ces dosages soient considérés comme le test de référence, la nécessité d’un volume sanguin conséquent et d’une congélation instantanée ainsi que la variation des valeurs de la rénine entre laboratoires sont autant de points faibles qui limitent son utilisation au quotidien [5, 12].

Actuellement et en pratique, malgré la recherche constante de nouveaux tests de diagnostic, la suspicion d’un hyperaldostéronisme primaire doit être explorée en priorité par des examens d’imagerie abdominale et un dosage de l’aldostérone sérique.

5. Traitement

Chez les chats comme chez les chiens atteints d’hyper­aldostéronisme primaire dû à un aldostérone, le traitement de choix est la surrénalectomie(1). Cependant, avant cette intervention, il est essentiel de réaliser un bilan d’extension (envahissement vasculaire ou méta­stase locorégionales et à distance). Cette intervention est risquée : la gestion préopératoire de l’hypokaliémie par la supplémentation orale (de 2 à 4 mmol/5 kg matin et soir) ou parentérale est indispensable. La surveillance post­opératoire doit être étroite (principalement pour prévenir les déséquilibres ioniques et contrôler la normalisation de la pression artérielle). Selon l’évolution de l’ionogramme, une supplémentation en sodium dans la nourriture peut être envisagée. L’administration de minéralocorticoïdes (fludrocortisone ou désoxypivalate de corticostérone) peut aussi être considérée afin d’éviter un hypoaldostéronisme postopératoire [5, 12, 17].

Pour les animaux qui présentent une masse surrénalienne non opérable et des métastases, ou pour les propriétaires ne souhaitant pas d’intervention chirurgicale, la gestion doit être médicale. En ce qui concerne le contrôle de l’hypokaliémie, la supplémentation orale avec du potassium, ainsi que la mise en place d’un traitement à base de spironolactone (antagoniste de l’aldostérone par compétition sur ses récepteurs ; dose de 2 à 4 mg/kg PO toutes les 12 ou 24 heures) sont recommandées [6]. Un traitement à base d’amlodipine (0,625 à 1,25 mg/chat PO toutes les 24 heures) est aussi préconisé pour la gestion de l’hypertension [6, 12].

6. Pronostic

Les chats qui ont subi une surrénalectomie et correctement supporté la période postopératoire bénéficient d’un bon pronostic à moyen et long terme. Concernant les animaux stabilisés uniquement avec le traitement médical, le pronostic est plus réservé [12, 17].

Pour les chiens atteints d’une masse surrénalienne, il a été montré que le pronostic dépend de la nature de la lésion. En cas d’adénome et après résection, le pronostic est satisfaisant. En revanche, s’il s’agit d’un adénocarcinome, le pronostic est plus réservé(2)[6, 22].

HYPERALDO­STÉRONISME SECONDAIRE

1. Définition

L’appellation d’hyperaldostéronisme secondaire regroupe l’ensemble des nombreuses maladies qui activent le SRAA soit par réduction du volume sanguin effectif (maladie cardiaque, par exemple), soit par hypersécrétion de rénine (maladie rénale chronique, par exemple), soit via une stimulation directe du SRAA par des tissus extrarénaux (tissu adipeux, par exemple).

Le diagnostic différentiel entre un hyperaldostéronisme primaire et secondaire nécessite un examen clinique approfondi, associé à de l’imagerie médicale (échographie abdominale en première intention) et un bilan biologique complet afin de rechercher toutes les causes potentielles d’hypertension : ionogramme complet, mesure de la thyroxinémie (recherche d’une hyperthyroïdie chez le chat), glycémie et fructosamine, urémie, créatininémie, calcémie et phosphatémie.

2. Maladies s’accompagnant d’un hyperaldostéronisme secondaire

Les maladies qui induisent une réduction du volume sanguin effectif stimulent fortement l’activation du SRAA. Les hypoprotéinémies (secondaires à une affection hépatique, un syndrome néphrotique ou des entéropathies exsudatives) et l’insuffisance cardiaque sont des causes fréquentes d’hyperaldostéronisme secondaire [20].

Insuffisance cardiaque

Le rapport entre insuffisance cardiaque et activation du SRAA est bien décrit : la réduction du volume d’éjection systolique ainsi que l’activation du système nerveux sympathique induisent une hypoperfusion rénale effective, une réduction de la résorption de sodium et une stimulation ß-adrénergique. Ces facteurs déclenchent une hypersécrétion de rénine. Ces animaux présentent donc une élévation concomitante de rénine et d’aldostérone [9, 10].

Maladie rénale chronique

Lors de maladie rénale chronique, la présence d’une vasculopathie (au sein des néphrons) et d’une ischémie au niveau microvasculaire entraînent une hypersécrétion de rénine et, par conséquent, un hyperaldostéronisme secondaire [8].

Par ailleurs, l’hyperaldostéronisme primaire peut déclencher une maladie rénale chronique. Des études ont montré qu’un excès d’aldostérone pouvait induire des lésions rénales progressives, ainsi que des lésions ­organiques ­multiples compte tenu de l’action remodelante, profibrosante et pro-inflammatoire de l’aldostérone et de l’angiotensine [8, 12]. Des recherches sont en cours pour bien comprendre le lien entre hypertension et cette ­dichotomie d’hyperaldostéronisme et maladie rénale chronique (encadré 3) [14].

Obésité

L’obésité peut aussi déclencher un hyperaldostéronisme secondaire lorsque le tissu adipeux devient une source importante d’angiotensinogène, voire d’angiotensine II (photo 2). Des études chez l’homme, chez les rongeurs et le chien ont prouvé l’activation du SRAA par le tissu adipeux, entraînant une vasoconstriction et une synthèse d’aldostérone. Bien que plusieurs études soient nécessaires pour mieux comprendre ce phénomène, cette activation pourrait avoir des répercussions aux niveaux cardiovasculaire et rénal, contribuant aux comorbidités observées lors d’obésité [11, 21].

3. Intérêt du diagnostic d’un?hyperaldostéronisme secondaire

Quelle que soit l’origine de l’hyperaldostéronisme (primaire ou secondaire), l’aldostéronémie est augmentée. Certaines études rapportent l’intérêt de la mesure du ratio aldostérone/rénine sériques. La mesure de la rénine est actuellement difficilement disponible en médecine vétérinaire, en raison de conditions préanalytiques particulières et de la labilité de cette hormone.

Bien que de nombreuses maladies induisent potentiellement un hyperaldostéronisme secondaire, cette dérégulation hormonale est actuellement fortement sous-diagnostiquée. Pourtant, en raison des effets profondément néfastes d’une hyperactivation chronique du SRAA (effet pro-inflammatoire, profibrosant et remodelant tissulaire; cela qui en fait un agent du vieillissement bien identifié), la mesure de l’aldostéronémie (de préférence avant et après stimulation à l’ACTH, dans ce contexte) peut être considérée lors de suspicion de maladies cardiaques, rénales et/ou hépatiques. En théorie, cette mesure devrait être réalisée dès qu’un médicament agissant sur le SRAA est utilisé afin d’avoir une approche thérapeutique la plus raisonnée possible.

4. Traitement

Actuellement, les médicaments le plus souvent utilisés sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), les bloqueurs des récepteurs de type 1 à l’angiotensine II (sartans tels que telmisartan, losartan, irbésartan) et les antagonistes des récepteurs à l’aldostérone (spironolactone) (figure 2) [13].

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine

Les IECA sont souvent utilisés lors de cardiopathies. Parmi leurs effets thérapeutiques, ils inhibent le SRAA et, par conséquent, la rétention hydrique, car ils ont un effet vasodilatateur [9, 13]. Pour les maladies rénales chroniques, leur utilisation est surtout recommandée lors de protéinurie, qui peut être le témoin d’une hypertension. En réduisant la résistance de l’artériole afférente, ils constituent le remède antiprotéinurique de première intention. Bien que certaines études décrivent des effets néphroprotecteurs des IECA, leur utilisation ne semble pas prolonger la durée de vie des animaux atteints d’une maladie rénale chronique. C’est la raison pour laquelle leur utilisation préventive est actuellement non documentée [16].

Antagonistes spécifiques des récepteurs de type 1 à l’angiotensine II

Les antagonistes des récepteurs de type 1 à l’angiotensine II (AT1) sont de plus en plus utilisés. La fixation de l’angiotensine II sur le re cepteur AT1 est responsable, au niveau du rein et d’autres organes, d’effets délétères tels que la vasoconstriction, la re?tention hydrosode?e, le remaniement tissulaire et l’effet profibrosant. À l’inverse, lorsqu’elle se fixe sur les re cepteurs AT2, cela entraîne une vasodilatation, une natriure se et une inhibition de la croissance cellulaire inappropriée. Le telmisartan ayant une sélectivité envers les récepteurs AT1, il permet de favoriser la fixation de l’angiotensine II sur les récepteurs AT2 et de promouvoir les effets bénéfiques de cette dernière sur l’organisme, en particulier sur le rein.

En 2014, le telmisartan a bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché (Semintra® solution orale 4 mg/ml) dont l’indication est la diminution de la protéinurie associée à l’insuffisance rénale chronique chez le chat [8, 12]. En mars 2018, l’European Medicine Agency a autorisé l’extension de l’indication au traitement de l’hypertension artérielle systémique chez le chat (Semintra® solution orale 10 mg/ml).

Antagonistes des récepteurs à l’aldostérone

Les antagonistes des récepteurs à l’aldostérone inhibent le SRAA et bloquent ainsi directement les effets néfastes à long terme d’un excès d’aldostérone. La spironolactone est un antagoniste compétitif de l’aldostérone sur ses récepteurs (récepteurs aux minéralocorticoïdes [MR]) présents notamment dans le rein, le cœur et les vaisseaux sanguins.

Au niveau rénal, la spironolactone inhibe la rétention de sodium induite par l’aldostérone, conduisant ainsi à une augmentation de l’excrétion du sodium et de l’eau, et à une augmentation de la rétention du potassium.

Sur les systèmes cardiovasculaire et rénal, cette molécule prévient les effets néfastes profibrosants et remodelants de l’aldostérone.

Son utilisation pourrait n’être bénéfique qu’en cas d’hyperaldostéronémie, c’est la raison pour laquelle il est intéressant de mesurer cette hormone avant et après son utilisation pour un traitement raisonné. Bien que l’aldostéronémie soit rarement mesurée, y compris lors des cas réfractaires à certains traitements (c’est-à-dire protéinurie et/ou hypertension artérielle ne répondant pas aux IECA et aux antagonistes des récepteurs de type 1 à l’angiotensine II), elle peut constituer un argument de plus pour l’utilisation de la spironolactone seule ou en association [12].

Conclusion

L’hyperaldostéronisme primaire doit être considéré lors d’une hypertension artérielle et/ou d’une hypokaliémie, surtout chez les chats âgés. De nombreuses maladies pouvant être à l’origine d’une activation du SRAA, il est essentiel de compléter le diagnostic par des examens d’imagerie et des tests hormonaux, notamment par la mesure de l’aldostéronémie.

Certaines maladies peuvent activer le SRAA, induisant un hyperaldostéronisme secondaire. L’utilisation thérapeutique raisonnée de certaines molécules peut bloquer cette activation, améliorant les effets néfastes et chroniques d’un excès d’aldostérone.

  • (1) Voir l’article « Chirurgie des tumeurs du pancréas et des surrénales » de M. Porato, dans ce numéro.

  • (2) Voir l’article « Tumeurs endocriniennes de l’abdomen et néoplasies endocrines multiples » de D. Sayag, dans ce numéro.

Références

  • 1. Barrett K, Barman S, Boitano S, Brooks H. Regulation of extracellular fluid composition & volume. Ganongs Rev. Med. Physiol. Mc Graw Hill Education. 2016:695-708.
  • 3. Djajadiningrat-Laanen?SC, Galac?S, Boevé MH et coll. Evaluation of the oral fludrocortisone suppression test for diagnosing primary hyperaldosteronism in cats. J. Vet. Intern. Med. 2013;27 (6):1493-1499.
  • 4. Djajadiningrat-Laanen SC, Galac?S, Cammelbeeck SE et?coll. Urinary aldosterone to creatinine ratio in cats before and after suppression with salt or fludrocortisone acetate. J. Vet. Intern. Med. 2008;22 (6):1283-1288.
  • 5. Djajadiningrat-Laanen SC, Galac S, Kooistra H. Primary hyperaldosteronism: expanding the diagnostic net. J. Feline Med. Surg. 2011;13 (9):641-650.
  • 6. Ettinger SJ, Côté E, Feldman EC et coll. Non-cortisol-secreting adrenocortical tumors and incidentalomas. Textbook of Veterinary Internal Medicine. 8th ed. 2017;vol 2:1819-1825.
  • 14. Jepson RE, Syme HM, Elliott J. Plasma renin activity and aldosterone concentrations in hypertensive cats with and without azotemia and in response to treatment with amlodipine besylate. J. Vet. Intern. Med. 2014;28 (1):144-153.
  • 15. Kempers MJE, Lenders JWM, Van Outheusden L et coll. Systematic review: diagnostic procedures to differentiate unilateral from bilateral adrenal abnormality in primary aldosteronism. Ann. Intern. Med. 2009;151 (5):329-337.
  • 16. King JN, Font A, Rousselot JF et coll. Effects of benazepril on survival of dogs with chronic kidney disease: a multicenter, randomized, blinded, placebo-controlled clinical trial. J. Vet. Intern. Med. 2017;31 (4):1113-1122.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ 1
Causes fréquentes d’hypokaliémie chez le chat

Les causes les plus fréquentes d’hypokaliémie féline sont : - l’hyperaldostéronisme ;

- la maladie rénale chronique ;

- le diabète acido-cétosique (soit la maladie elle-même, soit le traitement avec fluidothérapie, insulinothérapie et bicarbonate, qui peuvent prédisposer à l’hypokaliémie) ;

- les maladies digestives (aiguës) : vomissements, diarrhée, dysorexie.

ENCADRÉ 2
Ratio aldostérone/créatinine urinaires

Le test du ratio aldostérone/créatinine urinaires (RACU) se fonde sur la théorie que la créatinine urinaire serait le témoin de la filtration glomérulaire et permettrait ainsi d’évaluer l’intensité de l’excrétion, donc de production de l’aldostérone. Chez les animaux malades, la créatinine est cependant un mauvais témoin de filtration glomérulaire pour diverses raisons : une polyuro-polydipsie (PUPD), souvent présente lors d’hyperaldostéronisme, entraîne une très forte dilution de l’urine, donc une valeur faible de créatinine urinaire. L’ensemble provoque mathématiquement une forte augmentation du RACU. De plus, l’aldostérone étant transportée en partie par la cortisol-binding globulin, petite protéine qui est anormalement excrétée lors de PUPD, l’excrétion d’aldostérone augmente d’autant plus, même en présence d’une production d’aldostérone normale ou légèrement augmentée. En pratique, toute atteinte rénale ou toute modification des protéines transporteuses (atteinte hépatique ou inflammatoire, en particulier) peut entraîner une augmentation du RACU, malgré une production surrénalienne normale. Le RACU est donc très facilement faussement positif (certains auteurs le qualifient de très bonne sensibilité car il est positif à la moindre augmentation), mais il est très peu spécifique, c’est-à-dire capable de détecter les vrais hyperaldostéronismes [4, 20].

Points forts

→ La suspicion d’hyperaldostéronisme primaire doit être explorée par des examens d’imagerie abdominale et un dosage de l’aldostéronémie.

→ Un hyperaldostéronisme secondaire peut s’observer dans de nombreuses maladies (hépatique, rénale, cardiaque, et lors d’obésité). Sa mise en évidence précoce permet de gérer au mieux les effets néfastes d’une hyperactivation chronique du système rénine-angiotensine-aldostérone sur l’organisme.

→ En pratique, la différence entre hyperaldostéronisme primaire et secondaire peut être délicate et nécessite de corroborer l’ensemble des données épidémiologiques, cliniques et biologiques.

ENCADRÉ 3
Azotémie, hypertension et hyperaldostéronisme

Jusqu’à présent, il était décrit que lors d’un hyperaldostéronisme primaire, l’aldostéronémie était élevée et l’activité de la rénine était diminuée. Cependant, une étude a montré que chez les chats âgés et sans hyperaldostéronisme primaire précédemment décrit, l’aldostéronémie est plus élevée chez les chats hypertendus et azotémiques que chez les chats non hypertendus (avec ou sans azotémie). De plus, la rénine est plus basse chez les hypertendus (avec ou sans azotémie) que chez les non-hypertendus et les individus non azotémiques. Ces données suggèrent que certains chats atteints d’une maladie rénale chronique et d’une hypertension présentent une rénine basse associée à une augmentation de l’aldostéronémie. Cela soulève la question de savoir si ces chats pourraient secréter de manière autonome de l’aldostérone par les surrénales [14].

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