Environnement
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Par Jeanne Platz
Nombreux sont les vétérinaires rentrés à l’école vétérinaire en rêvant devant la série télévisée Daktari. Si la plupart soigne aujourd’hui des animaux domestiques au quotidien, des dispositifs et outils existent pour s’impliquer en faveur de la faune sauvage, notamment Vigie Vet Faune, née d’un partenariat entre la SNGTV et l’Office français de la biodiversité.
Participer à la surveillance des maladies de la faune sauvage terrestre vertébrée et mener l’enquête en cas de mort suspecte, c’est ce que propose Vigie Vet Faune aux vétérinaires praticiens. Ce dispositif résulte d’un partenariat de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) avec l’Office français de la biodiversité (OFB) dans le cadre de Sagir (Savoir pour agir), son réseau de surveillance évènementielle des maladies de la faune sauvage non captive.
Se former à ces soins spécifiques
« C’est un partenariat gagnant-gagnant », explique Sophie Le Drean - Quénec’hdu (N 93), présidente de la commission environnement-faune sauvage de la SNGTV, lors d’une session consacrée au sujet lors des Journées nationales des GTV (JNGTV) qui se sont déroulées du 14 au 16 mai 2025, à Nantes (Loire-Atlantique). Intégrer le réseau « est une première étape pour un vétérinaire qui a envie de se former », précise-t-elle. Et, pour l’OFB, il s’agit d’une opportunité de bénéficier des compétences spécifiques des praticiens (comme la radiologie). Un vétérinaire serait nécessaire par département. « Il manque du monde en Nouvelle-Aquitaine et dans le Grand Est », glisse Sophie Le Drean - Quénec’hdu*.
Les actes vétérinaires sont pris en charge par l’OFB tandis que l’animation du réseau est gérée par la SNGTV et déléguée au GTV Bretagne. Les financements attribués au réseau ont été reconduits pour deux ans, le dispositif semble ainsi vouloir se pérenniser. Sophie Le Drean - Quénec’hdu souhaite que l’implication des praticiens soit reconnue de façon plus importante, au-delà de leur participation à Sagir, au travers notamment de sollicitations pour des missions de soin à la faune sauvage, voire un « mandat sanitaire faune sauvage ». Ce dernier permettrait au vétérinaire, par exemple, de participer à la gestion de certaines maladies au-delà des espèces soumises à un Plan national d’action (PNA).
De l’enquête épidémiologique…
« Quand on reçoit un animal sauvage, il y a bien sûr un objectif de soin, mais il peut également y avoir un objectif épidémiologique à cette prise en charge », indique Sylvain Larrat (N 08), vétérinaire praticien NAC et faune sauvage à Pluvigner (Morbihan). Dans ce contexte, tout commence par le repérage d’une carcasse et son signalement à l’OFB. Le réseau Sagir décide si elle doit être collectée et autopsiée par le laboratoire départemental. Il peut faire intervenir un vétérinaire Vigie Vet Faune pour réaliser des examens avant autopsie qui ne seraient pas disponibles en laboratoire (radiographies, par exemple). Les résultats sont ensuite enregistrés dans Epifaune, la base de données sanitaires pour la faune sauvage. Concrètement, le praticien contribue à l’enquête sur la cause de la mort de l’animal. Son savoir-faire et ses compétences cliniques sont donc déterminants.
« Dans le cadre du réseau Vigie Vet Faune, on peut être sollicité pour réaliser une radiographie avant autopsie, notamment en cas de suspicion de tir, car il est très difficile de retrouver les plombs dans une carcasse en l’autopsiant », illustre Sylvain Larrat. En effet, l’objectif de ces enquêtes peut également être d’ordre juridique. Le praticien morbihannais a ainsi été sollicité afin de s’assurer de l’absence de projectile d’arme à feu chez un loup trouvé mort dans le nord du département. Résultat ? En l’absence d’éléments métalliques visibles, la cause de la mort a été considérée comme accidentelle (collision).
... Au soin individuel
Un particulier vous amène un hérisson présentant des lésions cutanées au comptoir. Que faire ? « Un grand classique », selon Sylvain Larrat, qui détaille ce cas pratique individuel. Tout d’abord, il est important de prendre quelques précautions : une très bonne hygiène des mains et le port des gants sont indispensables dans ce cadre (des gants de jardinage lavés ensuite à 60 °C par exemple), cette espèce ayant été identifiée comme porteuse de staphylocoques dorés présentant une résistance naturelle aux bêtalactamines. Ensuite, un écouvillon de la surface de la plaie ou des sécrétions est réalisé, pour mise en culture bactérienne et réalisation d’un antibiogramme. Pour la prise en charge des analyses, il est parfois possible de s’adosser à un centre de soin. Le vétérinaire pourra ainsi facturer les frais associés aux soins (mais pas son temps) et réaliser à la fin de l’année un abandon de frais : 60 % de cet abandon peut être déduit de l’impôt sur les sociétés de l’établissement de soin vétérinaire.
« On ne s’improvise pas vétérinaire faune sauvage sans formation »
Olivier Lambert, directeur du Centre vétérinaire de la faune sauvage et des écosystèmes (CVFSE) d’Oniris
Quel rôle peut jouer le vétérinaire praticien dans le soin individuel de la faune sauvage non captive ?
Contrairement à ce que l’on entend souvent, le vétérinaire est parfaitement autorisé à accueillir des animaux sauvages en détresse. Il a pour rôle de poser un premier diagnostic, d’établir un pronostic sur les chances de survie de l’animal et d’administrer les premiers soins si nécessaire pour le stabiliser, avant son transfert en centre de soin car il n’a pas le droit de le conserver. Si les souffrances de l’animal sont trop importantes ou si ses chances d’un retour à la nature sont nulles, le vétérinaire doit l’euthanasier. L’adossement à l’un des 102 centres français de soin est un élément clé pour obtenir des conseils de prise en charge, pour bénéficier d’une éventuelle défiscalisation des frais vétérinaires et pour permettre les soins au long cours de l’animal. La plupart des centres comme le CVFSE travaillent avec un réseau de bénévoles pour rapatrier les animaux déposés en établissement vétérinaire.
Quelles erreurs sont à éviter lors de la prise en charge d’un animal ?
On ne s’improvise pas vétérinaire faune sauvage sans formation de base. Cela comprend bien sûr des connaissances sur la biologie, l’écologie et le soin aux animaux sauvages, mais également sur la contention, les conditions d’hospitalisation et le nourrissage spécifiques à chaque espèce. Le risque est de commettre des erreurs ou d’aggraver les blessures. Il existe des formations pour cela (voir encadré).
Pourquoi est-il important que les vétérinaires se forment ?
L’activité des centres de soin explose et le nombre d’animaux accueillis augmente chaque année. L’expansion de l’urbanisation amène les particuliers à côtoyer plus régulièrement la faune sauvage et les activités anthropiques ont un lourd impact. Mais le grand public est également plus sensibilisé aux secours des animaux en détresse : tout ce qui est capturable est attrapé, parfois à tort ! De nombreux centres de soin sont à présent dotés de médiateurs qui répondent au téléphone pour guider les particuliers sur la conduite à tenir. Le vétérinaire a donc tout intérêt à se former car lui aussi est de plus en plus sollicité pour la prise en charge de la faune sauvage en détresse.
Je souhaite agir en faveur des animaux sauvages : les pistes à explorer
- Contacter le réseau Vigie Vet Faune : e-mail, gtv.bretagne@orange.fr">gtv.bretagne@orange.fr
- Lire le Guide de soins faune sauvage édité par l’Ordre des vétérinaires : bit.ly/3ZMQ4id
- S’inscrire à la formation continue « Traumatologie aviaire » (prochaine session en février 2026) ou au diplôme interécoles (DIE) Santé de la faune sauvage libre (inscription avant le 30 juin 2025 sur bit.ly/45HTs1H) portés par Oniris ou contacter le centre de soin proche de votre clinique et définir avec lui les modalités de collaboration.
- Connaître les espèces de sa région faisant l’objet d’un plan national d’action : biodiversite.gouv.fr/projet-pna