Quelles sont les dernières avancées en gastro-entérologie ? - La Semaine Vétérinaire n° 2082 du 06/06/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2082 du 06/06/2025

Rôle de la nutrition

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Manon David

Aliments pauvres en graisses, traitement de l’hyperlipémie, entéropathies exsudatives, rôle du microbiote : retour sur les thématiques clés du symposium Purina ProPlan 2025 dédié à la gastro-entérologie vétérinaire.

À l’aube du congrès annuel Eurogut de la Société européenne de gastro-entérologie comparative (ESCG), un panel d’experts réuni par Purina Proplan s’est penché sur les mises à jour en gastro-entérologie vétérinaire et a évoqué des sujets novateurs comme la place de l’intelligence artificielle dans la pratique quotidienne, le 2 avril 2025 à Sienne (Italie).

Place des alimentations restreintes en graisses

La nutrition vétérinaire a récemment vu émerger des alimentations hyperdigestibles restreintes en graisses, ou « low fat ». Elles trouvent leur indication dans la gestion de la pancréatite aiguë et des entéropathies exsudatives (EE) chez le chien1, 2. Chez les carnivores domestiques, il n’existe pas de lien fermement établi entre les lipides et la survenue de pancréatites aiguës. Dans ce contexte, l’objectif de la restriction en graisses est de limiter la stimulation du pancréas et l’activation prématurée de ses enzymes au sein du parenchyme. Le caractère hautement digestible favorise la récupération et le maintien d’un score corporel idéal. Chez le chat, la restriction lipidique ne permet pas un apport en acides gras essentiels suffisant et n’est donc généralement pas recommandée, à l’exception des cas réfractaires ou lors d’hyperlipémie concomitante.

Lors d’EE ou de lymphangiectasie, les régimes à teneur réduite en lipides diminuent le flux lymphatique et la pression dans les canaux chylifères, atténuant ainsi les pertes protéiques. Certains chiens, notamment les Yorkshire terriers, peuvent répondre à la mise en place d’une alimentation restreinte en graisses seule2. L’ajout d’oméga-3, à raison de 125 mg (EPA + DHA) par kg de poids0,75, pourrait présenter un intérêt pour leurs propriétés anti-inflammatoires.

Attention toutefois, le pourcentage de lipides rapporté dans les constituants analytiques est insuffisant pour statuer sur la teneur lipidique de l’aliment. Il convient de le pondérer avec le taux d’humidité et la densité calorique. Ainsi, une alimentation sera considérée comme « low fat » lorsque la quantité de lipides est inférieure à 20 g pour 1000 kcal, ce qui est rarement le cas des aliments dédiés à la perte de poids, par exemple. La réalisation de ration ménagère à base de blanc d’œuf ou de poisson blanc peut permettre d’obtenir une ration « ultra low fat » avec un taux de lipides inférieur à 16 g pour 1000 kcal et être utilisée pour les cas réfractaires.

Gestion de l’hyperlipémie

L’hyperlipémie désigne une concentration sanguine élevée de lipides (triglycérides, cholestérol ou les deux). Une hyperlipidémie à jeun de 12 heures persistante est anormale. Elle est le plus souvent secondaire et observée lors d’endocrinopathie, de pancréatite, de surpoids, d’atteinte des voies biliaires ou encore à la suite de l’administration de certains médicaments comme les glucocorticoïdes. L’hyperlipidémie primaire, plus rare, est retrouvée dans certaines races comme le schnauzer miniature, le beagle ou le Shetland. La prise en charge s’axe prioritairement sur l’alimentation, avec la mise en place d’un régime restreint en graisses3. Une réponse satisfaisante est généralement attendue lors d’hyperlipémie liée à une augmentation de la quantité de chylomicrons, des lipoprotéines transportant essentiellement les lipides exogènes issus de la nourriture. En revanche, lors d’augmentation des lipoprotéines de très faible densité (VLDL), transporteuses des lipides endogènes synthétisés par le foie, la réponse à la prise en charge alimentaire est plus variable. Le test de réfrigération peut permettre d’identifier facilement le type dominant de lipoprotéines. En cas d’échec thérapeutique, un traitement médical avec des fibrates (fénofibrate 10 mg/kg par jour ou bézafibrate 4-10 mg/kg par jour) est utilisé en seconde intention. L’ajout de chitosan ou d’oméga-3 à la ration peut également être envisagé.

État des lieux sur les entéropathies exsudatives

Les EE chez le chien se caractérisent par une fuite de protéines à travers la muqueuse intestinale, entraînant une hypoalbuminémie. Après exclusion des causes extradigestives d’hypoalbuminémie, les principales affections intestinales incriminées comprennent la lymphangiectasie, primaire ou secondaire à une entéropathie inflammatoire chronique (EIC), les ulcérations digestives et les néoplasies (lymphome notamment). Le diagnostic définitif se fait par l’analyse histologique de biopsies digestives chirurgicales ou endoguidées. La réalisation précoce de ces examens est recommandée pour limiter le risque anesthésique dans un contexte de maladie potentiellement progressive et adapter au mieux le traitement.

L’alimentation joue un rôle prépondérant : jusqu’à 80 % des chiens atteints de lymphangiectasie répondent à une ration « ultra low fat » et environ 60% des chiens avec EE ont une amélioration partielle ou totale des signes sous restriction lipidique seule2. Une résolution clinique complète et durable est plus fréquemment observée chez les chiens jeunes avec des maladies peu sévères (score CCECAI ou CIBDAI bas)4 lors de prise en charge alimentaire uniquement. Le choix alimentaire optimal reste incertain, spécifique à chaque animal, et plusieurs essais – trois en moyenne – peuvent être nécessaires.

Chez les chiens présentant d’emblée une atteinte clinique sévère, la mise en place d’un traitement multimodal agressif comprenant l’alimentation et une immunomodulation est recommandée pour limiter la progression de la maladie et le taux de mortalité, qui peut atteindre 50% des cas. La prednisolone à dose anti-inflammatoire (plutôt qu’immunosuppressive) constitue généralement le traitement de première intention. La dose doit être adaptée en fonction du poids du chien, avec des doses moindres — autour de 20 mg/m² 5 — chez les chiens de grand format (plus de 25 kg) qui métabolisent différemment la prednisolone6. En l’absence de réponse après trois semaines de corticothérapie, une diminution de la dose de prednisolone associée à l’ajout d’un immunomodulateur de seconde ligne comme le chlorambucil ou la ciclosporine sont indiqués. Chez les cas réfractaires, une réévaluation histologique et de nouveaux essais alimentaires notamment par le biais de rations ménagères peuvent être envisagés7. L’octréotide, un analogue de la somatostatine qui pourrait permettre de limiter le flux lymphatique et l’absorption des triglycérides, est actuellement à l’étude pour la prise en charge des EE réfractaires. Enfin, la survenue de thrombose est une complication fréquente, justifiant la mise en place d’un traitement prophylactique antithrombotique (rivaroxaban, clopidogrel).

Analyse du microbiote intestinal

Le microbiote intestinal joue un rôle essentiel par ses multiples fonctions : dégradation ou conversion des nutriments en métabolites actifs, modulation du système immunitaire, maintien de l’intégrité de la barrière intestinale et influence sur l’axe intestin-cerveau. Les chiens atteints d’EIC présentent souvent une diminution significative de l’abondance du microbiote intestinal, notamment des bactéries bénéfiques produisant des acides gras à chaînes courtes ou à l’origine de la conversion des acides biliaires primaires8. Récemment, un indice de dysbiose (ID) établi sur la réalisation de PCR (Polymerase Chain Reaction) quantitative sur les selles a été développé. Il permet d’évaluer l’abondance fécale de sept groupes bactériens spécifiques du microbiote intestinal canin et félin. Un ID inférieur à 0 est généralement considéré comme normal. Un ID entre 0 et 2 est en faveur d’un déséquilibre, tandis qu’un ID supérieur à 2 indique une dysbiose significative. Les études préliminaires suggèrent que cet indice pourrait représenter un marqueur diagnostique des EIC et permettre d’orienter le traitement vers l’utilisation de probiotiques ou la transplantation fécale. Un ID très haut pourrait également avoir une valeur pronostique chez le chien, avec un risque plus élevé que l’EIC soit réfractaire aux traitements usuels. Enfin, une dysbiose persistante associée à une diminution marquée de l’abondance de Peptacetobacter hiranonis pourrait permettre de détecter les chiens souffrant de diarrhée par malabsorption des acides biliaires et répondant à l’utilisation de cholestyramine.

  • 1. Cridge H., Parker V. J. et Kathrani A. Nutritional management of pancreatitis and concurrent disease in dogs and cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2024;262(6):834–40.
  • 2. Myers M. et coll. Prospective Evaluation of Low Fat Diet Monotherapy in Dogs with Presumptive Protein-Losing Enteropathy. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2023;59(2):74-84.
  • 3. Xenoulis P. G. et Steiner J. M. Lipid metabolism and hyperlipidemia in dogs. Vet. J. 2010;183(1):12-21.
  • 4. CCECAI, pour canine chronic enteropathy clinical activity index, et CIBDAI, pour canine inflammatory bowel disease activity index. Allenspach K. et coll. (2007). Chronic Enteropathies in Dogs: Evaluation of Risk Factors for Negative Outcome. J. Vet. Intern. Med. / American College of Veterinary Internal Medicine. 21. 700-8. 10.1892/0891-6640(2007)21.
  • 5. Équivalence surface/poids pour le chien : surface corporelle (en m2) = (10,1 x poids (en kg) 2/3 ) / 100
  • 6. Nam A. et coll. Comparison of body surface area-based and weight-based dosing format for oral prednisolone administration in small and large-breed dogs. Pol. J. Vet. Sci. 2017;20(3):611-3.
  • 7. Wennogle S. A., Stockman J. et Webb C. B. Prospective evaluation of a change in dietary therapy in dogs with steroid-resistant protein-losing enteropathy. J. Small An. Prac. 2021;62(9):756- 764.
  • 8 Guard B. C. et coll. Longitudinal assessment of microbial dysbiosis, fecal unconjugated bile acid concentrations, and disease activity in dogs with steroid-responsive chronic inflammatory enteropathy. J. Vet. Intern. Med. 2019;33(3):1295-305.