Maladies néonatales : les pratiques vaccinales en élevages bovins passées au crible - La Semaine Vétérinaire n° 2082 du 06/06/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2082 du 06/06/2025

Prévention

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Michaella Igoho-Moradel

Une étude qualitative menée en février 2025 apporte un éclairage sur les pratiques de prévention en élevage bovin. À partir des réponses de plus de 300 éleveurs, l’enquête met en évidence la fréquence des maladies néonatales, une utilisation encore massive d’antibiotiques, mais aussi un intérêt croissant pour la vaccination, à condition d’un accompagnement vétérinaire structuré.

Maladies respiratoires, diarrhées néonatales, cryptosporidiose… Une enquête menée entre le 13 février et le 4 mars 2025 auprès de 309 éleveurs bovins dans diverses régions de France dresse un état des lieux des pratiques de prévention et des usages antibiotiques en élevage*. Elle s’intéresse aux habitudes et aux connaissances en matière de vaccination contre les agents respiratoires et les agents responsables des diarrhées du jeune veau. Si la vaccination est bien présente, elle reste encore souvent tardive ou mal ciblée et une méconnaissance persiste autour de certaines maladies. Conduite par ADquation pour le compte de MSD santé animale et présentée lors du congrès des groupements techniques vétérinaires (GTV), qui s’est tenu du 14 au 16 mai 2025 à Nantes (Loire-Atlantique), cette étude met en lumière les leviers mobilisables par les vétérinaires de terrain.

Des épisodes respiratoires fréquents

Deux tiers des éleveurs bovins déclarent faire face à des problèmes respiratoires au moins une fois par an dans leur cheptel et, dans les élevages laitiers, un veau sur quatre de moins de 3 semaines est concerné par la diarrhée. « Les épisodes respiratoires sont largement sous-estimés car une grande partie des lésions échographiques ne sont pas associées à des signes cliniques visibles », rappelle Claude Morry, directrice de l’étude chez ADquation. La vaccination est pratiquée par 42 % des éleveurs laitiers et 75 % des éleveurs allaitants. Un tiers utilise uniquement des vaccins injectables, un tiers privilégie l’intranasal et un tiers combine les deux. Toutefois, seulement 16 % vaccinent dans les deux premières semaines de vie, alors que c’est à cet âge que l’immunisation est la plus pertinente pour prévenir les infections précoces.

Confusion sur les vaccins intranasaux

Si 61 % des éleveurs ont connaissance de l’existence de vaccins intranasaux contre le coronavirus respiratoire, 70 % d’entre eux pensent à tort que tous les vaccins de cette voie d’administration sont efficaces contre ce virus. En réalité, seul Bovilis Nasalgen-C couvre cette valence spécifique. À noter que la vaccination intranasale des veaux est généralement pratiquée à partir de 16 jours alors que par voie injectable elle commence en moyenne à 7 semaines. De plus, deux tiers des éleveurs se disent intéressés par la possibilité d’administrer deux vaccins intranasaux dès la naissance, une option rendue possible par la gamme Bovilis Intranasal (Bovilis Nasalgen-C et Bovilis INtranasal RSP Live). Sur le versant digestif, la moitié des élevages laitiers déclarent que 20 % ou plus de leurs veaux de moins de 3 semaines sont touchés par la diarrhée. La cryptosporidiose est identifiée comme un facteur majeur : 58 % des élevages laitiers et 37 % des allaitants y ont été confrontés récemment. Parmi les solutions mises en œuvre, l’étude révèle que 64 % des éleveurs utilisent de la paromomycine. Dans un quart des cas, plus de 50 % des veaux reçoivent cet antibiotique. « La paromomycine est massivement utilisée de façon prophylactique, malgré les recommandations réglementaires, souligne Clara Bourel, vétérinaire technique BU ruminant chez MSD santé animale. Il s’agit d’un point d’achoppement en matière d’antibiorésistance. »

Antibiorésistance, une marge de progrès

Pourtant, 76 % des éleveurs se disent informés des risques liés à l’usage systématique d’antibiotiques oraux, mais seuls 25 % considèrent cela comme problématique. Ce paradoxe entre conscience du risque et inertie dans les pratiques révèle un enjeu fort de communication. Interrogés sur l’intérêt d’un vaccin contre la cryptosporidiose, 66 % des éleveurs se disent prêts à l’adopter si leur vétérinaire le recommande. Le vaccin Bovilis Cryptium, lancé en juin 2024, suscite un intérêt marqué, y compris dans les exploitations non encore touchées par la cryptosporidiose. Il offre une protection contre la cryptosporidiose (C. parvum) par le biais du colostrum et peut être administré en même temps que Bovilis Rotavec Corona, vaccin contre les diarrhées, cette fois dues à Escherichia coli, au rotavirus et au coronavirus. « Ce résultat démontre que le levier vétérinaire est essentiel pour faire évoluer les pratiques », conclut Claude Morry.

Méthodologie

L’étude a utilisé une méthodologie mixte, combinant des entretiens par web et par téléphone. Elle visait à recueillir des informations auprès des éleveurs gérant au moins 60 vaches laitières ou 60 vaches allaitantes. L’échantillon est représentatif des bases de données nationales du ministère de l’Agriculture. Les résultats ont été redressés et extrapolés sur la base du recensement général agricole (RGA) 2020 et représentent 78 200 éleveurs de bovins.

  • * Étude ADquation – Rapport d’étude - 25E100. Du 13 février au 4 mars 2025, 309 interviews ont été réalisées auprès d’éleveurs de bovins ayant au moins 60 vaches laitières ou 60 vaches allaitantes.