Craignez-vous que votre charge de travail ne fragilise la sécurité des soins ? - La Semaine Vétérinaire n° 2082 du 06/06/2025
La Semaine Vétérinaire n° 2082 du 06/06/2025

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud

Généralement passionnés par leur métier, parfois « dopés » par l’adrénaline du soin en urgence, les vétérinaires assument souvent des charges de travail journalières conséquentes. Mais est-ce sans jamais d’effets secondaires, Docteur ?

Corinne Bisbarre (L 85)

Responsable de la commission sociale du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires

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Relation client et sécurité sont en jeu

La charge de travail et la peur de l’erreur médicale sont des facteurs majeurs de stress dans notre profession. La cadence au travail est-elle corrélée à un possible abaissement de la qualité des soins ? Sincèrement, je ne le crois pas. Cependant, pour s’en assurer, il faudrait savoir si les assurances en responsabilité civile professionnelle disposent de statistiques montrant que les erreurs médicales reconnues surviennent plutôt à la fin d’une journée particulièrement chargée ou après une nuit de garde. En tant que praticienne en canine, quand ma journée est chargée, je me concentre beaucoup pour ne pas faire d’erreur, mais aussi pour gagner en efficacité. Ce sont des journées fatigantes, mais on ressort satisfait de notre travail. Je pense que les vétérinaires assurent leur mission de soin avec professionnalisme, même en cas de « coup de feu ». En revanche, quand la cadence est dense, c’est la relation client qui peut en pâtir ou c’est le praticien qui se met en danger en négligeant certaines précautions afin de gagner du temps…

Anne-Claire Idoux (T 18)

Membre du conseil d’administration de Vétos-Entraide

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Les animaux détectent notre fatigue

Le surmenage est une réalité que vit forcément plus ou moins chaque praticien, même si tous n’en sont pas conscients ! Personnellement, passionnée par mon métier, je sais que j’ai parfois du mal à reconnaître où sont mes limites… Or en pratique équine, ça ne loupe pas : le contact avec de jeunes chevaux en particulier peut devenir dangereux si l’on est fatigué, pas assez réveillé ou trop stressé. Ils le sentent directement ! Une surcharge de travail peut donc nous faire oublier d’être suffisamment à l’écoute de l’animal. Cela entraîne potentiellement un danger pour la sécurité du praticien lui-même, mais pas vraiment, je pense, d’erreurs médicales. En revanche, il est certain que la relation client peut s’en trouver parfois dégradée… Pour bien soigner autrui, il faut aller bien soi-même. D’où l’importance de faire attention à son sommeil, à son alimentation et à sa condition physique (en se ménageant suffisamment de temps de repos). Notre association enregistre justement des podcasts pour trouver ensemble des solutions sur ce genre de questions.

Camille Gassmann (L 11)

Praticienne en canine à Firminy (Loire)

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Un défi pour la qualité des soins

Tous les êtres humains peuvent souffrir d’une surcharge de travail. Donc oui, naturellement, s’il nous arrive de travailler jusqu’à 23 h à la clinique, il est probable que nos capacités cognitives du lendemain en soient partiellement affectées… Le fait d’avoir travaillé en urgence auparavant m’aide à m’organiser pour trouver des solutions. Et en raison de plusieurs arrêts de travail simultanés survenus antérieurement dans notre structure, l’équipe y a également réfléchi. Donc chaque samedi, je donne plusieurs rendez-vous dès 10 h… et je me débrouille pour faire plusieurs consultations en même temps ! Je ne prends pas uniquement en compte l’ordre d’arrivée des clients, je « priorise » aussi les cas en fonction de leur urgence, comme les médecins le font déjà depuis longtemps dans les hôpitaux. Si besoin est, les assistantes vétérinaires expliquent ce fonctionnement aux clients. Je parviens ainsi à moins ressentir de pression quant à ma charge de travail tout en assurant, je pense, une bonne qualité des soins.