Examen clinique
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Sarah André Conférencier Marc Baudoux (A 89), praticien en équine pure à Saint-Julien-de-la-Liègue (Eure). Article rédigé d’après une conférence intitulée « Pour le véto, la consultation ostéo avant ou après l’examen ortho ? », donnée le 3 avril 2025 lors de la 24e Journée européenne de l’association vétérinaire équine française (AVEF) à Roissy.
L’ostéopathie est une médecine globale et manuelle — à la fois dans le diagnostic et dans le traitement — qui s’intéresse à la perte de mobilité tissulaire, ou dysfonction ostéopathique. Cette discipline possède de multiples indications en médecine équine. « On en rencontre pratiquement partout : depuis la raideur jusqu’aux troubles splanchniques, par exemple les douleurs de l’estomac, y compris les troubles comportementaux », souligne Marc Baudoux.
« L’idée, c’est de vous partager que vous pouvez intégrer l’ostéopathie dans votre diagnostic clinique classique, introduit le conférencier. À l’issue de l’anamnèse et du motif de consultation, le diagnostic orthopédique traditionnel oriente le praticien vers l’identification de troubles allopathiques stricts agrémentés ou non de troubles fonctionnels. L’ostéopathie se focalise sur ces derniers, notamment dans les pathologies locomotrices. »
Mais avant de savoir comment intégrer cette pratique dans une consultation, il est intéressant de se questionner sur « pourquoi le faire. » En ostéopathie, le diagnostic est uniquement clinique car l’imagerie ne permet pas d’identifier une dysfonction ostéopathique. Cette dernière peut être primaire — mais rare — ou secondaire — 95 % des cas —, c’est-à-dire à la suite d’une compensation du cheval par un processus adaptatif faisant intervenir nociception et proprioception.
Agir au niveau des trigger points
Cliniquement, une dysfonction ostéopathique secondaire peut se manifester au moyen de deux phénomènes : une rigidité locale et/ou des trigger points (ou points hyperalgiques). L’objectif est de diminuer l’intensité de la douleur au niveau de ces derniers. « Vous pouvez intervenir en direct au cours de la visite pour déjà changer la donne en fonction des trigger points. Améliorer le trigger renforce la mobilité globale de l’animal », assure le vétérinaire équin.
Le praticien peut ainsi agir au niveau de certains trigger points d’intérêt. Le premier se situe à la vertèbre cervicale C2 et est représentatif de douleurs à la tête. Le deuxième présenté par le conférencier est celui situé à la salière. Dans ce cas-ci, « la douleur est, selon moi, pathognomonique d’une souffrance sur l’articulation temporomandibulaire, déclare Marc Baudoux. Avec un peu d’habitude, vous constaterez qu’à la palpation il y a un aspect “cartonneux” au fond de la salière alors qu’en général les chevaux adorent être chatouillés à cet endroit. » Il est nécessaire de toujours tenir le licol en manipulant cette zone, précise également le conférencier, pour éviter de se prendre un coup s’il y a une douleur au niveau de la salière. Ce comportement diffère de la plupart des autres réponses que peuvent engendrer les trigger points. Les chevaux ont le plus souvent une réaction d’échappement.
Le dernier trigger point d’intérêt est celui de l’estomac situé à la pointe du coude à droite, mais Marc Baudoux précise qu’il doit être néanmoins testé à gauche. Une douleur à ce niveau signifie des troubles de l’estomac, pouvant se manifester par des signes comportementaux et des signes locomoteurs. « La chose intéressante c’est que le trigger point de l’estomac à la pointe du coude à droite va vous permettre de voir l’efficacité de votre traitement, explique le conférencier. C’est-à-dire que le trigger diminue avec la baisse de douleur de l’estomac. Il y a peu de points qui permettent d’évaluer l’efficacité d’un traitement médical. » Marc Baudoux souligne que la résolution des trigger points peut s’opérer au moyen d’un traitement local, mais il est parfois nécessaire de manipuler un autre endroit du corps pour supprimer la douleur.
Tester la mobilité
Plusieurs zones d’intérêt sont à considérer pour mobiliser un cheval. Par exemple, il est possible de tester la mobilité de la mâchoire. Pour ce faire, « on va créer un mouvement latéral, indique le conférencier. Cela donne un côté prospectif dans l’examen clinique. » Ce test de mobilité est à différencier de celle des articulations temporomandibulaires (ATM) car une asymétrie entraîne des tensions au niveau de la vertèbre C2 et non pas au niveau des ATM. Les troubles de la mâchoire et des ATM peuvent se manifester par des signes comportementaux, comme de la douleur au niveau des oreilles, mais aussi par des difficultés dans l’équitation pour les cavaliers.
Le praticien peut donc décrire au propriétaire du cheval les douleurs pouvant être associées à sa manière de le monter. Marc Baudoux a donné l’exemple du ligament nucal, zone sujette à plusieurs lésions : « Quand le cavalier cherche à fermer son cheval en le mettant en place, il tire fatalement sur le ligament nucal, créant des douleurs au niveau des oreilles et de la tête, illustre-t-il. Parfois, certains troubles peuvent être associés à des troubles comportementaux si les chevaux ne se laissent pas facilement manipuler mais il s’agit bien de douleur. »
Comment mobiliser un cheval au cours d’un examen clinique ?
Mobiliser un cheval peut se faire de plusieurs manières. Le praticien peut, par exemple, faire des mobilisations rythmiques en effectuant des mouvements de flexion et d’extension. Il est possible de tester la flexion lombosacrée voire thoracolombaire. Il est aussi envisageable de se placer derrière le cheval en exerçant une tension sur la queue pour observer le mouvement dans le plan frontal et ainsi regarder le report de charge antéropostérieur. De cette manière, le vétérinaire peut évaluer la possibilité du rachis de bouger dans toutes les directions pour voir comment le cheval réagit et s’il se met dans une position antalgique à la suite d’un de ces mouvements. Ces mobilisations permettent de détendre le cheval et de voir quels types de tensions s’y trouvent. Le praticien ne demande pas de contraction musculaire puisqu’il teste le système ligamentaire. « Il y a toujours deux façons d’envisager les choses : il y a le visuel et le ressenti. Est-ce que ça va bien au cours de la mobilisation ou est-ce qu’il y a un axe sur lequel ça ne fonctionne pas », indique Marc Baudoux. Enfin, en plus de tester la mobilité rachidienne, le praticien peut observer si le cheval est capable de charger, ou non, son poids sur chaque membre. Est-ce que le boulet descend ?
« Le fonctionnel rétrocède au traitement presque immédiatement en mobilisant. Sinon, c’est du lésionnel, et là on remet sa casquette de vétérinaire allopathe, insiste le conférencier en conclusion. Chaque praticien a son déroulé propre dans la consultation. Le diagnostic clinique permet de mettre facilement en évidence les zones de perte de mobilité et les triggers rencontrés. L’expérience du praticien lui permet d’ordonner les interventions dans le temps et l’espace en tempérant les troubles lésionnels de leurs adaptations fonctionnelles. »