Filières avicoles
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Par Corentin Bourgeois
En mars 2025, le 2e Symposium Salmonelles du laboratoire Elanco a été l’occasion de faire le bilan sur la situation 2024 des élevages avicoles français vis-à-vis du portage de salmonelles majeures. Les premiers enseignements du déploiement des vaccins vivants il y a deux ans ont été dévoilés.
Les salmonelles sont un enjeu sanitaire fort pour les filières avicoles. En France, toutes sources confondues, elles représentent la première cause de toxi-infection d’origine collective (voir encadré). Pour contrôler l’origine aviaire, les élevages ont accès, depuis 2023 à des vaccins vivants, qui viennent s’ajouter aux versions inactivées déjà disponibles sur le marché jusqu’à présent. Quel bilan deux ans plus tard ? Des éléments de réponse ont été présentés lors d’un séminaire organisé par le laboratoire Elanco, qui commercialise un des deux vaccins vivants disponibles sur le marché français*, les 19 et 20 mars 2025 à Vannes (Morbihan).
Les objectifs européens ne sont pas atteints
Premier constat : en 2024, la pression de salmonelles réglementées a été globalement forte, a présenté Isabelle Tapie, référente salmonelle élevage volailles de la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), notamment pour les poules pondeuses, de l’ordre de 120 cas par an. Concernant la filière œuf de consommation spécifiquement, la prévalence est tendanciellement en hausse depuis 2019, estimée à environ 2,6 % en 2024 (les données consolidées ne sont pas encore totalement disponibles à ce jour), ce qui dépasse les objectifs européens d’une prévalence en poule pondeuse inférieure à 2 %. Toutes productions confondues, deux régions se distinguent. Aura présente une prévalence forte notamment concernant Salmonella Enteritidis (SE). Les Pays de la Loire dévoilent une prévalence de S. Typhimurium (ST) en hausse, à l’inverse d’une tendance nationale depuis 2020 à la diminution du nombre de cas associés à ce sérotype.
Il est cependant important de regarder dans le détail des filières : dans le cas de la région Pays de la Loire, la situation semble en nette amélioration en filière ponte, ce qui vient d’autant plus souligner la forte pression en poulet de chair. Des éléments manquent pour tirer de premières conclusions quant à l’intérêt des vaccins vivants pour lutter contre le portage de salmonelles en élevage. Il n’est pas possible, à ce jour, de donner région par région le taux de vaccination avec un vaccin vivant ni de dissocier les cas en élevage concernant des lots non vaccinés de ceux concernant des lots vaccinés.
Des exemples positifs du terrain
Sur le terrain, les vétérinaires utilisent depuis deux ans les vaccins vivants. Premier exemple : Dominique Balloy, praticien avicole en Vendée, a fait part de son expérience en élevage de poulettes futures pondeuses d'une organisation de production dans les Pays de la Loire qui recourrait précédemment aux vaccins inactivés. Bien qu’elle les utilise encore parfois dans certains cas, l'organisation a fait le choix d’aller vers les vaccins vivants pour la quasi-totalité de ses lots de poulettes. Leur administration se fait via l’eau de boisson, ce qui ne nécessite pas l’attrapage des animaux un à un pour une injection vaccinale. Pour s’assurer des bonnes pratiques de vaccination des éleveurs, l’ensemble des poussinières de l’organisation ont été accompagnées pour la mise en place de la première administration. Le bilan est positif : il n'y a eu à déplorer aucun cas de salmonelle sur un lot vacciné. Pour Dominique Balloy, ces résultats vont aussi de pair avec une bonne biosécurité. Il est également possible de s’interroger sur l’impact favorable de la féminisation des salariés du secteur poules pondeuses, qui est plus marquée que dans d’autres filières.
Autre exemple présenté : celui d'élevages du secteur de reproduction chair suivis par le praticien Armel Bonneté, en Ille-et-Vilaine. Dans cette filière, les cas de salmonelle étaient déjà rares et particulièrement dans ce groupement du fait d’un très haut niveau de biosécurité et d’un recours à la thermisation des aliments. Ce dispositif permet de s’affranchir des contaminations éventuelles des matières premières alimentaires. Malgré tout, l’organisation de production a souhaité recourir aux vaccins vivants afin d’avoir une corde supplémentaire à son arc pour plus de sérénité et une sécurité économique (compte tenu de l’impact financier notable d’une contamination d’un lot). Ici aussi, aucun lot n’ayant bénéficié d’un vaccin vivant n’a été contaminé. La question d’une réduction des contaminations en salmonelle non réglementée a également été posée.
La stratégie anglaise, un modèle à suivre ?
Comment faire mieux ? L’exemple anglais, présenté par Graham Atkinson, consultant indépendant anglais en aviculture, est évocateur. À la fin de l’année 1988, la secrétaire d’État à la santé Edwina Currie révèle dans les médias que de nombreux cas de salmonellose humaine sont liés à une contamination des œufs. Cette crise conduira à l’abattage de 4 millions de poules et la destruction de 400 millions d’œufs. Il faudra alors 25 ans de travail à la filière anglaise pour regagner la confiance des consommateurs outre-Manche et retrouver ainsi un niveau de consommation d’œufs identique à celui pré-1988. Pour ce faire, la filière, structurée via le British Egg Industry Council fondé en 1986, met en place en 1998 le Lion’s code. Ce guide de bonnes pratiques a été édité dans sa 8e version en 2023. Le document s’adjoint d’un système de certification — le lion passport — qui atteste la conformité des poules, des œufs ou bien encore de l’aliment. Toute la supply chain est concernée par ce grand plan visant la protection du consommateur au moyen de grandes idées phares : l’hygiène, la lutte contre les rongeurs et la vaccination.
C’est ainsi que l’immunisation contre la salmonelle via des vaccins vivants est devenue obligatoire dans le cadre de la certification. L’accréditation se fait par un système d’audits indépendants pour évaluer la conformité de chaque acteur de la filière prétendant au lion passport. En ce qui concerne la situation actuelle, la prévalence annuelle est sous le seuil de 1 % pour l’ensemble des sérotypes de salmonelle, pour une prévalence en salmonelles réglementées de l’ordre de 0,07 %. Un seul lot de poulettes a été positif en SE/ST au Royaume-Uni entre 2010 et 2025. Le cas anglais est clairement cité comme un modèle idéal.
Un enjeu de santé publique
Les salmonelles (à l’exception des sérotypes avipathogènes Pullorum et Gallinarum) ne sont pas pathogènes pour les volailles. Elles sont présentes de façon occasionnelle dans leur tube digestif, dont elles ne sont pas des hôtes habituels. Séverine Fontaine, consultante pour la filière agroalimentaire et forte de 20 ans en tant que directrice qualité dans la grande distribution, l’a rappelé : les salmonelles sont un enjeu de santé publique, représentant la première cause en France de toxi-infection alimentaire collective. En 2022, plus de 16 000 personnes ont été concernées par ce type de toxi-infection. Dans quatre cas sur 10, lorsque l’agent responsable était identifié, il s’agissait d’une salmonelle. La moitié de ces cas de salmonellose seraient imputables à des œufs ou des préparations contenant des ovoproduits. En 2023, la grande distribution a dû procéder à 230 rappels, la volaille étant le produit le plus concerné.